Magnum Opus :: Royaume-Uni :: Londres
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Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Ven 17 Avr - 19:26
Une fois arrivé à destination, il sortit un bien étrange papier de sa poche – on aurait juré un parchemin ! – et, après avoir vérifié une quelconque information, jeta un regard aux alentours. Puis, après avoir rangé de nouveau le papier, il prit la direction du pub installé à l’entrée des halles et s’installa sur une des tables en terrasse. La serveuse ne tarda pas à arriver et il commanda une pinte qu’il paya grassement, refusant le change ce qui lui attira plus d’un regard de convoitise. Personne ne fit cependant l’erreur de venir lui chercher des noises. C’était comme si l’intensité avec laquelle il fixait l’entrée des halles, semblant attendre la venue de quelqu’un, préfigurait sa dangerosité. Pourtant, si quelconque avait pu lire ses pensées, il aurait découvert un homme bien moins sûr de lui qu’il n’y paraissait.
** Par la barbe du grand Merlin, j’espère que je suis au bon endroit. J’arrive à peine à respirer dans cette tenue – soi-dit en passant comment les moldus peuvent vivre habillés ainsi en permanence me dépasse - je n’apprécierais par conséquent que très moyennement d’avoir dû l’enfiler pour ne pas rencontrer ce fameux marchand. **
Ainsi rouspétait mentalement l’Auror Longbottom, sourd aux chuchotements de ses voisins de tablée. L’héritier avait en effet une mission à remplir et rien d’autre ne comptait pour le moment. Il devait établir le contact avec Ismaël Mérindol, marchand itinérant d’étoffes moldues et sorcières dont le fils étudiait à Poudlard. Selon les sources du Département, Mérindol était le principal intermédiaire d’une communauté de sorcières recluses qui vivaient de la vente de tissus infusés de propriétés magiques spécifiques qu’elles tissaient elles-mêmes. Depuis la protection contre les températures extrêmes jusqu’aux tissus qui s’accommodaient de l’humeur de leur propriétaire, les tisseuses de Whitehill étaient réputés dans le monde sorcier tout autant pour leur talent que leur paranoïa. Enfermées dans les ruines d’une forteresse médiévale au fin fond du Yorkshire, protégées par toutes sortes de maléfices pour se protéger des passants, elles vivaient en complète autarcie ne permettant qu’à une élite choisie de marchands de commercer avec elles. Et parmi ces derniers, seuls deux avaient l’autorisation de pénétrer la forteresse. Un vieil écossais du nom de McConnell que le Département avait considéré comme trop instable mentalement pour être abordé et Mérindol.
Mais pourquoi le Département des Aurors s’intéressait-il soudain à la confection sorcière vous demanderez-vous ? En prévision des débordements qu’il fallait craindre de voir surgir suite aux lois passées par la Chambre à l’égard des diverses créatures magiques et plus particulièrement des vampires. En effet, si l’enregistrement auprès de la Chambre, et le contrôle de la communauté vampirique qui en découlait, relevait des compétences du Siège de la Règlementation Magique, en tant que dirigeant du siège de la Défense, Benedict Longbottom avait décidé de prendre toutes les précautions possibles et d’améliorer l’uniforme des Aurors pour les cas de missions combinées. En effet, si les régulateurs, pour la plupart expérimentés et sans pitié, n’avait pas besoin de protections particulières pour affronter un vampire, il n’en irait probablement pas des Aurors qui pourraient être amené à faire face à des vampires dans un futur proche ou lointain si ces derniers ne se conformaient pas aux lois édictées par la Chambre. Crestian lui-même pouvait attester de la sensation d’impuissance que l’on ressentait face à un vampire sachant user de ses dons, notamment ses sens affinés, son don pour le transplanage et sa force surhumaine. Mettre toutes les chances du côté de la race humaine ne lui paraissait ainsi pas une précaution inutile.
Et c’était pour cela que les capacités des tisseuses de Whitehill apparaissaient désormais si cruciales au Département. Lord Longbottom qui avait entendu vanter les merveilles du travail de ces femmes de la bouche de son épouse espérait par conséquent qu’elles seraient en mesures de créer un tissu capable, si ce n’est de masquer l’odeur de son propriétaire, tout au moins de l’atténuer suffisamment pour qu’il ne soit pas immédiatement repérable par une créature à l’odorat surdéveloppé. Mais pour joindre la communauté, il était nécessaire de passer par l’intermédiaire d’un de ses marchands d’où le choix de rencontrer Ismaël Mérindol.
Le choix de Crestian pour exécuter la mission s’était fait moins sur ses capacités particulières en tant qu’Auror que sur sa personnalité – il était calme et posé et ne risquait par conséquent pas de brusquer Mérindol dont les informations explicitaient que son opinion vis-à-vis des sorciers n’était pas nécessairement positive – et ses connaissances en matière de textiles. Au grand dam de ses fils, Lady Longbottom aimait en effet disserter sur sa garde-robe et Cyriac et Crestian étaient, à l’exception de ses amies, les seules âmes suffisamment charitables – ou masochistes pour reprendre les mots de leur sœur – pour accepter de l’écouter. Au fil des années, les deux frères avaient donc accumulé une quantité impressionnante d’informations qui aurait grandement servi à une future Lady mais bien peu à deux jeunes hommes dans la force de l’âge.
Quoiqu’il en fut, pour cette fois tout au moins, ce savoir allait s’avérer utile. En effet, la tâche de Crestian consistait à établir le contact avec Mérindol et à le convaincre de collaborer avec le Département. Or, de ce qu’il avait appris de l’homme et sa vision des sorciers, cela ne s’avèrerait probablement pas aisé. Ce qui expliquait sa décision de venir habillé en moldu à sa rencontre, malgré l’inconfort profond qu’il ressentait dans ses vêtements bien trop serrés pour son goût. Sans compter que depuis que la magie était interdite dans les lieux publics moldus, la vision d’une robe de sorcier était accueillie avec une froideur qui pouvait bien vite se transformer en fureur dans bien des endroits.
En attendant, il espérait que ses informations étaient à jour et que l’homme était bien en tournée aux halles ce jour-là car c’était le seul endroit où il avait une chance de rencontrer un marchand dont l’épithète itinérant rendait la rencontre des plus malaisées. La chance était néanmoins de son côté car il vit bientôt la silhouette reconnaissable de l’homme sortir des halles et s’empressa de le héler.
-Messire Mérindol ! Messire Mérindol !
Dernière édition par Crestian Longbottom le Ven 30 Oct - 16:53, édité 1 fois
Auror
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Lun 20 Avr - 21:32
En 1678, vingt-quatre ans sont passés depuis que les premiers marchands se sont installés Covent Garden Piazza. Il n’y avait pas, à cette époque, de luxueuses boutiques, de piliers romains, de structure de verres et de fer qui s’élève au-dessus des têtes ; en 1854 l’on ne trouvait que des baraques de bois, et un marchand édenté sortait soudain comme un diable de sa boîte pour vous proposer des fruits encore couverts par la poussière des chemins. En somme, Covent Garden ressemblait plus à un repère de voleurs provisoirement honnêtes mais dont la véritable nature transparaissait derrière chaque expression. Rome ne s’est pas faite en un jour ; et ce nid de gredins grandit comme le fit la ville antique ; les gredins en attirèrent d’autres ; ils achetèrent aux premiers, le monde en attira encore, et bientôt la cohue du peuple se rassemblait chaque jour à Covent Garden Piazza. Et l’on achetait, et l’on vendait, et l’on estimait, marchandait, dérobait, revendait sans cesse entre les cris et la foule.
Bien sûr, ces premiers marchands n’avaient pas demandé une autorisation pour s’installer : elle aurait été refusée. Ils s’imposèrent comme une évidence qu’il fallut bien accepter afin de pouvoir la régir. En mai 1670, le cinquième comte de Bedford l’accepta, à condition que le marché ne déborde pas de la place, et que seul des fruits, des fleurs, des racines et des herbes puissent être vendues. Dès avril 1670, les marchands avaient compris le mot fruits dans le sens large « fruits et légumes » ; en septembre « fruits et légumes » devinrent « soupes, potions, vins » puis « nourritures » ; en février 1671 des poules caquetaient ; en juin il y avait des moutons, quatre mois plus tard de la laine, après huit mois toutes sortes de tissus. Le comte ordonna parfois des restrictions, et elles furent toujours suivies, dans un premier temps. Mais les policiers ne pouvaient surveiller chaque jour le marché, qui coulait sur les bords de la place et débordait dans les rues avoisinantes, envoyant une cohorte de fillettes vendre du muguet aux passants. D’autres préoccupations finissaient par les appeler, ils devaient repartir ; et les poules, les moutons, la laine, le tissu, revenaient à la charge jusqu’au prochain arrêté. En 1677, il n’y avait pas eu d’arrêté ; en janvier 1678, du tissu se vendait donc à Covent Garden.
A huit heures, les vendeurs installaient leurs derniers préparatifs tandis que quelques potentiels clients déambulaient déjà entre les étalages. Plusieurs carrioles remplies de marchandises attendaient, presque déchargée. Certaines appartenaient aux commerçants, mais pour la plupart il s’agissait des chariots de transporteurs, qui négociaient maintenant leur dû. Un vieux gaillard tentait d’obtenir quelques bouteilles en plus de son salaire, un autre marchandait encore pour faire valoir la valeur de ce qu’il proposait. Il montrait les tissus, les faisaient toucher comme preuve de leur qualité, et élevait la voix afin que le prix monte de même. Il ne s’agissait pourtant pas de rares étoffes ; de la toile en coton ou en chanvre, que les mères de famille bientôt inspecteraient avec méthode pour déceler le moindre défaut, avec plus de flair encore que n’en auraient eu des bourgeoises.
Enfin, il reçut quelques piécettes de plus et les vendeurs se répartirent sa marchandise. Il sorti des allées de bois, et se dirigeait d’un bon pas vers sa carriole lorsqu’un homme l’interpella :
« Messire Mérindol ! Messire Mérindol ! »
Le quadragénaire s’arrêta pour examiner celui qui l’appelait, et la surprise qui en découla se peignit sur ses traits par l’abaissement soudain d’un sourcil pendant que l’autre prenait de la hauteur. Même de loin, on ne pouvait douter de la prestance de ce jeune homme, à l’allure athlétique. Il avait trop de mise pour être vendeur de tissu, et trop de politesse pour un armateur. A premier vue, pas un sorcier – sinon Ismaël Mérindol ne serait pas arrêté, il ne se laissait pas héler par ces gens-là ; quoi alors ?
En trois pas il fut auprès de l’inconnu, et après avoir jeté un coup d’œil vers sa carriole pour vérifier qu’elle était toujours dans son champ de vision, il demanda :
« On peut savoir qui vous êtes, monsieur le hobereau ? Et comment est-ce que vous me connaissez ? »
Finalement, la perspective du sorcier ne semblait plus si improbable : il n’y avait qu’eux pour s’informer si bien. Mais maintenant qu’il l’avait abordé, le vieux marchand voulait tout de même savoir de quoi il en retournait. Et puis, la moitié de l’année scolaire venait de passer, sans que ses recettes comblent les espérances de Mérindol. En septembre prochain, il savait qu’il pourrait payer les frais d’inscriptions de son fils en se serrant la ceinture ; mais cela devenait de plus en plus incertain pour le septembre suivant. Il fallait dès maintenant grappiller le moindre argent possible, et ne pas manquer d’opportunités.
La place en face du jeune homme était libre, Mérindol s’y assit donc en fixant son interlocuteur. Ses vêtements étaient du dernier chic, et son charisme devenait plus manifeste de prêt ; mais le vieux marchand tiqua en apercevant la cicatrice qui ornait la tempe gauche du gandin, et qui s’accordait mal avec son apparence mondaine. De par son expérience, Mérindol pouvait juger qu’il s’agissait d’une blessure causé par des griffes, d’ours par exemple. Mais le quadragénaire préféra n’en rien dire pour l’instant, et écouter ce qu’on avait à lui dire.
- Spoiler:
- P.S : Pourrais-tu me dire quelle est ta couleur de parole ? Pour Ismaël, c'est : [color=#000099]. Merci d'avance !
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Sam 25 Avr - 13:17
Le problème néanmoins était de dévoiler son projet sans attirer l’attention indésirable des personnes aux alentours. Alors, faisant usage de ses cours de sortilèges informulés, il mit discrètement la main sur sa baguette qui se trouvait coincée dans sa manche bouffante et lança un sortilège d’assourdissement autour d’eux. Ainsi, si leurs voisins proches tentaient d’écouter leur conversation, la seule chose qu’ils entendraient serait une sorte de brouhaha d’arrière-fond facilement imputable au bruit des halles.
-Mon nom est Crestian Longbottom et je suis un Auror au service de la Chambre des Sorciers. Je suis ici aujourd’hui car le Siège de la Défense contre les Forces du Mal et plus précisément le Département des Aurors ont besoin de vos services. La rumeur veut en effet que vous soyez la personne à voir lorsque l’on désire entrer en contact avec les tisseuses de Whitehill.
S’arrêtant un instant, le temps de formuler correctement la suite de ses paroles, il jeta un coup d’œil discret aux tables environnantes pour s’assurer que son sortilège fonctionnait correctement et que personne ne donnait l’impression de suivre de trop près leur conversation – la dernière chose dont il avait besoin c’était d’être confronté par un fanatique moldu !
-Avant de m’expliquer plus longuement néanmoins, permettez-moi de m’informer sur la justesse des informations que l’on m’a fournies : êtes-vous effectivement lié aux tisseuses de Whitehill ?
Réalisant un peu tard qu’exiger une preuve de bonne foi avant d’en fournir une n’étant peut-être la meilleure des approches pour s’adresser à un homme notoirement connu pour sa méfiance envers les sorciers, il s’empressa de rajouter ;
-Que ce soit ou non le cas, sachez que mes intentions sont dénuées de la moindre animosité et que je ne suis pas venu vous causer le moindre problème. Si vous n’êtes pas l’homme que je pense, je vous laisserai tranquille et m’en retournerai sans scandale. Néanmoins, si vous êtes bien l’homme dont on m’a dressé le portrait, soyez sûr que je ne me serai pas permis de vous déranger si la situation n’était pas urgente et que si vous veniez à accepter notre proposition, vous seriez récompensé en conséquence.
Auror
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Ven 1 Mai - 17:31
Ah, les tisseuses de Whitehill ! Il n’y avait pas un commerçant dans Londres, pas un tailleur, et même pas un tavernier qui ne lui avait demandé des informations quand il avait su que Mérindol les connaissaient. La majorité l’avait longtemps pressé de les mettre en contact avec les tisseuses, moyennant parfois des sommes si fabuleuses que, ayant accepté, Ismaël n’aurait plus eu à se soucier de rien. Enfin, au fil de ses refus, il s’était construit une réputation d’acariâtre qui avait découragé tous les fâcheux. Mais, bien sûr ! Il fallait que d’autres parfois, veuillent tout de même tenter leur chance. Et il s’agissait du gouvernement sorcier, par-dessus le marché !
« Oui, je connais les tisseuses de Whitehill. Mais je n’ai pas l’habitude de les mettre en contact avec qui que ce soit, qu’il vienne de la part d’un quelconque ‘‘siège de la Défense contre les Forces du Mal’’ ou non ; et surtout quand je ne sais même pas ce qu’il leur veut » grogna lentement le quadragénaire.
Cependant, Ismaël n’aurait pas pris sur lui pour se lever, et aurait directement donné son congé si un mot n’avait pas sonné à ses oreilles d’une manière familière. « Auror » ; est-ce que son fils ne lui avait pas mentionné ce nom quelque part ? Et le temps de sa réponse lui permit de se répéter plusieurs fois ce mot intérieurement, afin de le faire remonter des profondeurs de ses souvenirs. Les paroles de Yorick ne revinrent pas en premier ; d’abord s’esquissa le visage de son fils, qui trahissait une grande admiration, puis le débit de sa voix, sans que rien ne soit encore compréhensible. Enfin, des bribes de phrases émergèrent, en entraînant d’autres, jusqu’à ce que toute la structure de la conversation lui reviennent en mémoire.
Son fils lui parlait avec animation de l’un de ses amis, dont le frère aîné débutait des études afin de devenir auror, une profession très dangereuse dont le but consistait à pourchasser tous ceux qui abusaient de la magie, souvent au péril de sa vie.
« Belle intention, avait répondu le père, de la part de sorciers d’essayer de rattraper leurs erreurs ; cela n’empêche qu’il y a toujours des pauvres bougres sans pouvoir qui subissent l’orgueil des sorciers ; et je ne trouve pas que ces ‘‘aurors’’ fassent très bien leur travail.
- Vous parlez comme si les erreurs d’un mauvais sorcier devait être imputées à toute la communauté magique, Père. Mais ne m’aviez-vous pas dit qu’il était impropre de parler de « sorcier » ou de « moldus » parce qu’on faisait alors l’erreur de croire qu’il y avait deux races humaines, et qu’il faudrait mieux les appeler « personnes avec pouvoir » ou « personnes sans pouvoir », afin de mieux comprendre qu’il n’y a qu’une humanité, constituée d’êtres avec différentes aptitudes ?
- Pour que cela fonctionne, certains devraient arrêter d’abuser de leur fameuse « aptitude » ! avait répliqué rageusement le père Mérindol, avant d’envoyer son fils vendre deux rouleaux de velours chez un marchand de tissus.
« C’est pour cette raison que les aurors existent Père. » avait soufflé l’enfant ; et il s’était éclipsé.
D’un point de vue tout à fait utopique, Ismaël aurait aimé en effet qu’il n’existe pas de communauté sorcière, et que ceux qui avaient des pouvoirs soient mélangés avec les autres. Mais pouvait-on décemment dire que c’était le cas lorsqu’ils avaient leur propre gouvernement, leurs propres écoles, leurs propres professions ? Bien sûr, ce n’était cela dont parlait Yorick ; il ne parlait pas de la conjoncture politique ou sociale, mais de la position morale de son père. Sa question avait été un moyen détourné de demander : « êtes-vous intiment convaincu qu’il n’y ait qu’une seule humanité ? » et donc de poser la question « faisons-nous partie de la même race humaine ? ».
Un temps déjà s’était écoulé sans qu’Ismaël ne dise rien. Il ne pouvait rester ainsi immobile plus longtemps.
« Je suppose que vous n’avez rien à faire aujourd’hui, à part me convaincre? Bon, suivez-moi. »
Le marchand se leva et conduisit l’auror jusqu’à sa carriole.
« Je ne suis pas comme vous, moi, j’ai un commerce à tenir. Et je ne compte pas me décider sur votre cas maintenant. Si vous y tenez vraiment, à parler aux femmes de Whitehill, il va falloir vous retroussez les manches. »
Après le Covent Garden, Mérindol se rendit dans les rues marchandes plus huppées, en commençant par les plus vieilles enseignes qui acceptaient de payer un peu plus cher afin de choisir les tissus en premier. Ce fut l’occasion pour Ismaël d’observer un peu son compagnon à la dérobée ; sa posture, la façon dont il marchait, dont il parlait ; autant de fait sur lequel s’imprimait le caractère comme les sigles frappé sur la monnaie, indiquant sa valeur.
Puis vint la boutique d’un vieux camarade qui avait emménagé à Londres récemment, et qui devait encore se faire une clientèle ; le tailleur vit son ami arriver, et comme personne n’était encore dans son échoppe, en sortit pour saluer Mérindol. Celui-ci sauta de la carriole pour le saluer.
« Ne sors pas de ta boutique si tu veux que quelqu’un y entre ! » gronda Ismaël en guise de bonjour ; étant venu il y a peu avec son fils, il cru instant que c’était encore lui qui l’accompagnait et cria par mégarde à Crestian:
« Apporte-moi le rouleau de tulle bleu veux-tu, et la mousseline à motif de roses ; et dépêche-toi ! »
Juste après avoir prononcé ces mots, il se rendit compte de sa méprise, et alla à l’arrière de sa carriole pour prendre ce dont il avait besoin.
« Oubliez ce que j’ai dit, j’étais avec mon fils la semaine dernière et je… »
A sa grande surprise, il vit que Crestian avait reconnu les tissus et les avait déjà saisis.
« Vous vous y connaissez, vous ? » lâcha le quadragénaire avec un haussement de sourcils. Il prit les rouleaux que l’auror lui tendait, puis ajouta :
« Hum, merci. Restez ici. »
Ismaël exécuta rapidement la transaction, et revint songeur à l’avant de la carriole. Il finir les dernières transactions rapidement, puisque Mérindol requit l’aide de l’auror pour transporter des marchandises. A midi, ils mangèrent dans un petit restaurant un peu miteux et l’après-midi s’écoula chez un armateur qui ne parvenait pas à vendre certaines étoffes dans Londres, mais qui ne possédait aucun convoi pour les proposer dans d’autres villes du pays. Même si personne d’autres ne voulait de ces étoffes, l’armateur traita de haut le marchand, commençant par des prix exorbitants parce qu’elles venaient d’inde et avaient des motifs très complexes. Mérindol dû se répéter, exposer clairement des faits ; son interlocuteur s’échauffa un moment, se calma quand il vit qu’il n’arriverait à rien ainsi. A vingt heures, Ismaël et Crestian partirent avec certain tissus, mangèrent dans le même restaurant, avant qu’Ismaël ne conduise la carriole à l’extérieur de Londres.
La ville laissée derrière, avec ses lampadaires et ses rues pavés, seuls restaient la boue et les ombres. Les sabots des chevaux ne claquaient plus contre la pierre, et aucun écho ne répondait ; plus personne pour arpenter le chemin et faire entendre sa voix ; il ne restait que le craquement des essieux que l’attelage tirait péniblement.
Ismaël rangea la charrette sur le bord de la route, tout à côté d’un champ de vigne, puis alluma une lampe à huile qu’il pendit à un crochet, en haut d’une des armatures de bois du corps de la carriole. Enfin, il ouvrit une trappe qui se trouvait sur le plancher de la carriole, qui ouvrait sur une partie basse, et en sortit une bouteille de vin avec deux choppes. Il en proposa à Longbottom, et s’en servit lui-même un verre, avant de le déguster silencieusement.
« Il faut que j’en profite, la bouteille est bientôt vide. marmonna le quadragénaire, un peu pour lui-même. Cela m’aide à finir ma journée. »
Il reprit, après un court silence :
« J’en ai vu des loustics dans ma vie. Des voyageurs comme moi, des citadins, ou des paysans –et des filous bien sûr. Je ne sais pas trop à quoi ressemble la vie d’un auror, mais un marchand itinérant, ça doit choisir de faire confiance à quelqu’un sans le connaître. Si un type vient, vous annonce qu’il a une bonne affaire et vous demande de le suivre, il peut tout aussi bien dire la vérité que vous amener dans un coin écarté pour vous détrousser. Tenez, une fois – je venais de débuter dans le métier – j’ai fait confiance à un inconnu bien habillé, aux belles phrases, le dandy par excellence ; et je me suis retrouvé sans rien à vendre en moins de temps qu’il ne le faut pour le dire. Je ne vous raconte pas dans quelle misère j’ai été, après : sans sous, sans rien… »
Ismaël eu un sourire et commenta :
« Heureusement que je n’avais pas fondé de famille à l’époque… Enfin, tout ça pour vous dire que maintenant, je ne me fait plus avoir aussi facilement, j’ai pris le coup d’œil. Les hypocrites savent bien qu’ils jouent un rôle, et leurs gestes les trahissent sans cesse pour qui sait regarder –je pense que vous voyez ce que je veux dire. Vous m’avez l’air d’un type bien, monsieur l’auror, alors on va estimer que je vous fais confiance. Je parle de vous, et pas du ministère des sorciers contre le Mal, ou je ne sais quoi d’autre. Par conséquent, je veux bien vous amenez, tout seul, sans autre auror ou sorcier, devant les tisseuses de Whitehill, pour que vous tentiez votre chance. Mais je ne promets pas que ça aboutira à quoique ce soit.
Si cela vous convient, nous partirons après-demain. Inutile d’emporter une chouette : vous pouvez abandonner l’idée de transmettre des messages pour le temps du voyage.»
- Invité
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Jeu 7 Mai - 21:50
Ainsi, il suivit donc placidement son aîné jusqu’à sa carriole et s’apprêta à passer la journée à ses côtés. Il avait certes connu mission plus passionnante mais un changement d’air était toujours le bienvenu. Et puis, si cela lui évitait de passer une journée de plus enfermé au Bureau à relire les rapports de ses collègues incapables de rédiger trois phrases dans un anglais correct, il était preneur. C’est qu’il n’avait rien contre être le relecteur officiel du Bureau mais cela devenait vite répétitif de tenter d’inculquer à Jameson les avantages du s à la troisième personne du singulier. Et dire que l’homme avait l’âge d’être son père et qu’il n’avait toujours pas acquis la plus basique des règles de conjugaison ! Se retenant de lever les yeux au ciel, le jeune Auror se reconcentra sur son compagnon. Quelque chose lui disait qu’une journée passée auprès de lui s’avérerait des plus distrayantes.
Et il n’avait pas tort, le voir négocier avec les vendeurs et autres tailleurs était des plus instructifs. De temps à autres, certains des interlocuteurs du commerçant lui jetaient des regards curieux, se demandant certainement ce qu’il faisait là, mais il se contentait d’être une présence silencieuse derrière Mérindol. Jusqu’à ce qu’ils arrivent à la boutique d’une connaissance de l’homme s’il en croyait la confiance avec laquelle les deux conversaient. A tel point que Mérindol sembla oublier un instant à qui il s’adressait car, même lui, n’aurait jamais exigé quoique ce fut d’un homme qu’il ne se connaissait que depuis quelques heures. Une fois la surprise passée, Crestian ne s’en offusqua pas. Au contraire, il trouvait assez drôle que le moldu se soit suffisamment fait à sa présence pour s’adresser à lui ainsi. Sans vraiment réfléchir, il s’approcha donc de la carriole et s’empara des tissus qui lui avaient été demandés. Après tout, pour une fois que les interminables discussions avec sa mère lui servaient à quelque chose !
L’air surpris que lui adressa Mérindol lorsqu’il réalisa ses connaissances rendit d’ailleurs presque justifiables toutes les heures passées à faire semblant de s’intéresser aux propos maternels. Il adressa donc un demi-sourire au quarantenaire et déclara avec malice et une pointe de mystère :
-C’est une longue histoire.
La gêne de l’homme était réellement amusante et il le laissa repartir après des remerciements de circonstance avec un sourire un peu plus prononcé. La suite de la journée se passa sans encombre, Crestian jouant le porte-étoffes sans broncher, ayant eu plus lourd à porter dans la vie. Les coups d’œil indiscrets se firent parfois plus insistants devant l’image incongrue d’un « noble » portant les étoffes d’un roturier mais un simple regard de l’Auror servit à éloigner les curieux. Il avait beau impressionner moins avec la tenue ridicule qu’il portait que dans son uniforme habituel, cela ne changeait rien à sa stature naturelle. Sans compter qu’il avait pu remarquer non sans une certaine fierté que la cicatrice qu’il avait acquise lors de son unique rencontre avec des vampires – rencontre ayant coûté la vie de tous ses collègues et qu’il espérait ne jamais renouveler – faisait toujours son effet. Au moins une bonne chose retirée de cette affreuse histoire. Non pas qu’il rechercha particulièrement la gloire ni l’attention féminine – celle de Passiflore lui suffisait amplement même s’il se refusait à l’avouer à qui que ce soit – mais avoir l’air intimidant était un atout non négligeable dans sa profession.
Ils mangèrent par deux fois dans un bouge sans prétention mais Crestian avait connu pire lorsque Crestia était dans sa période de « cuisine expérimentale » et qu’il s’était retrouvé cobaye contre son gré. Plus jamais il ne serait capable de regarder un chou-fleur sans être parcouru de frissons incontrôlables. Laissant de côté ses traumatismes d’adolescence, il remarqua non sans une certaine joie que Mérindol venait de sortie une bouteille de vin de sa carriole et lui en proposait une pinte. Il accepta sans faire d’histoire et dut reconnaître que le moldu n’avait pas mauvais goût malgré des moyens modestes. Il ne commenta cependant pas, se contentant de le remercier d’un hochement de tête. Il sentait en effet que l’heure de la vérité était arrivée et il ne désirait surtout pas brusquer l’homme en prenant la parole le premier.
Il n’eut d’ailleurs pas à attendre longtemps car Mérindol commença bien vite son récit. Car c’était bien d’un récit qu’il s’agissait. Il en vint même aux confidences et c’est dans un silence respectueux que Crestian écouta le tout, certain désormais d’avoir fait bonne impression et d’avoir au moins une chance avec le moldu. Car, s’il y avait bien une chose qu’il n’était pas, c’était un hypocrite. Il était un menteur bien trop mauvais pour pouvoir se permettre de l’être. Un enfant de quatre ans n’aurait pas cru la moindre de ses excuses. Il finissait toujours par se trahir par un geste nerveux ou tout simplement une histoire sans queue ni tête. A l’inverse de sa jumelle qui était capable de faire croire qu’elle était en réalité un vieil apothicaire transylvanien déguisé à quiconque était suffisamment stupide pour la laisser l’embobiner. L’impassibilité de son visage et la difficulté de bien des gens à croire qu’elle puisse avoir le moindre humour aidant bien entendu grandement. Si seulement ils savaient ! Les farces de Crestia étaient certes rares mais, comme tout ce à quoi elle s’adonnait, elle y mettait tout son cœur à l’ouvrage, les rendant des plus élaborées, ce qui faisait que tout le monde au manoir s’en souvenait longtemps.
A la fin du discours de Mérindol, Crestian prit quelques instants pour réfléchir à comment répondre. Car comme expliqué précédemment, il n’était pas un orateur né, loin de là. Néanmoins, il avait déjà envisagé la possibilité de devoir négocier seul avec les tisseuses, ce qui facilitait son acceptation des conditions du marchand.
-Vos conditions me semblent raisonnables. De toute façon, je doute que mes collègues eussent été capables d’expliquer les besoins spécifiques du Bureau. Je peux donc bien me déplacer seul.
Sans compter que la situation était suffisamment tendue pour ne pas disperser inutilement les ressources là où un seul Auror était amplement suffisant.
-Permettez-moi donc de prendre congé pour la soirée. Rendez-vous dans deux jours à l’entrée nord de la ville.
La forteresse des tisseuses se trouvant dans le Yorkshire autant partir dans la bonne direction.
Le surlendemain
Crestian était appuyé contre un muret à la sortie de Londres. Habillé en uniforme d’Auror, il se sentait enfin revivre. Plus jamais on ne le forcerait à porter de collants, foi de Longbottom ! Les quelques passants lui lançaient des regards allant de la curiosité à la haine non dissimulée en passant par la méfiance mais il les ignorait tous avec la même aisance. Il était un Auror en fonction, il avait tout à fait le droit de se montrer dans le monde moldu dans le cadre de ses fonctions. C’était uniquement s’il usait de sa baguette qu’il pouvait être poursuivi. Et encore, il aurait aimé voir le Magenmot lui coller une amende pour usage de magie devant moldus dans le cadre d’une mission sanctionnée par son père. Quoiqu’il en fut, l’heure qu’il avait convenu avec Mérindol était presque arrivée, il n’aurait donc plus longtemps à attendre le commerçant. Et, une fois celui-ci présent, ils pourraient entamer leur voyage. Car, pour autant qu’il aurait payé cher pour user d’un Portoloin jusqu’aux alentours de la forteresse des tisseuses, tout le problème était bien qu’il n’avait pas la moindre idée d’où dans le Yorkshire elles se terraient. Sans compter qu’il doutait fortement que le quadragénaire eut accepté un quelconque moyen de transport sorcier.
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Mar 12 Mai - 17:01
En ces jours de janvier, le ciel était très pur et les rayons blancs du soleil tombaient sur le givre sans être arrêtés par un seul nuage. Les deux nuits de l’avant-veille avaient été particulièrement froides, et la boue avait séchée en une terre craquelée qui permettait à la carriole de progresser sans difficulté. Différentes nuances d’un même paysage se succédaient donc sans heurt, dans la monotonie propre à l’Angleterre. Les sabots des chevaux frappaient la terre et rythmaient cette avancée.
Le marchand ne dit presque pas un mot de la journée, plongé dans ses pensées. Une secousse le sortait parfois de ses réflexions, et son regard balayait un instant l’espace tandis qu’il remettait en place une mèche qui s’était enfuie de son catogan. Mais il restait la plupart du temps immobile, légèrement voûté, car le poids des années commençait à peser sur lui ; ainsi que le cours de ses rêveries.
Cela ne faisait que deux jours qu’il connaissait Longbottom ; mais déjà, certains associés l’avaient questionné sur cet inconnu, et sur son lien avec Mérindol. A son habitude, ce dernier avait repoussé avec rudesse toutes les questions, et toutes les propositions pour l’amadouer. Maintenant parti de Londres, les fâcheux ne devaient plus l’importuner ; mais Mérindol craignait que certains aient voulu le suivre.
Par prudence, il n’avait indiqué son départ qu’à ses amis de confiance. Néanmoins il ne pouvait se sentir tout à fait rassuré parce que certains de ses associés n’hésitaient jamais à avoir recours aux sorciers. Et avec la magie, il semblait au marchand qu’aucune barrière ne se trouvait plus infranchissable, et aucun secret en sûreté.
Mérindol avait prévu de faire une première halte à Cambridge, parce qu’il s’agissait d’une grande ville et qu’il pourrait y faire affaire ; mais ses craintes lui dictèrent finalement un autre choix, et il bifurqua pour prendre un raccourci qui amenait sur un petit village nommé Hartford. Cette décision ne profitait pas à ses économies, mais il ne pouvait prendre aucun risque, maintenant qu’il avait choisi d’amener quelqu’un aux tisseuses. Il estimait trop ces saintes femmes pour leur porter préjudice de quelque façon que ce soit.
Il y avait peu de personne qu’Ismaël estimait : il respectait le roi mais ne l’estimait pas ; et il n’estimait pas plus les professeurs de son fils, ou les autorités religieuses quelles qu’elles soient. Cependant, il avait une profonde estime pour les tisseuses de Whitehill.
Quand des signes avant-coureurs signalèrent que l’harmonie entre sorciers et non-sorciers s’effritait, quand la marginalisation commença, avec les incitations à la violence, et les premières persécutions ; quand la religion rejeta la magie comme une abomination à craindre et à éviter, quand le catholicisme abandonna ses fidèles avec des pouvoirs et dressa les autres contre eux ; quand, enfin, le monde eut changé et demanda l’instauration d’un nouvel ordre, la plupart des sorciers rejetèrent et la religion, et la paix. La science leur fournit tout d’abord le bouclier et l’épée contre l’idéologie religieuse : les découvertes scientifiques se montraient comme mathématiquement irréfutable, et en profitaient pour pointer les faiblesses du catholicisme. Mais cette science naissante avait mieux encore à offrir : la Théorie des Sang-Purs. Grâce à cette théorie, les persécutés se retournèrent contre leurs persécuteurs ; et le monde sorcier pu se venger avec d’autant plus de violence qu’il possédait, en plus de pouvoirs, une idéologie forte.
Pourtant, tous et toutes n’approuvèrent pas cette barbarie. Certains croyants, bien que sorciers, n’abandonnèrent pas la Foi. Puisque le monde ne voulait plus d’eux, ils décidèrent de disparaître ; et un groupuscule de sœurs sorcières s’établit à Whitehill, en dissimulant leur présence.
Il ne s’agissait alors que d’une poignée de femmes ; mais lorsque leur décision fut connue, d’autres les rejoignirent dans leur réclusion. Ensemble, elles purent construire un système complexe qui les protégea des caprices des sociétés. Des murs invisibles, des passages dissimulées, mais aussi des pièges, que quelques sorciers et moldus tentèrent de franchirent, en vain. Avec assiduité, ces femmes travaillèrent afin de survivre dans ce havre qu’elles avaient bâti, préférant la misère à la brutalité. C’est à ce moment que Mérindol les rencontra.
Le bâtiment dans lequel elles vivaient était en ruine, et leurs vêtements en lambeaux. Penchées sur des plants des légumes, silencieuses, elles les récoltaient. Comme des fourmis, ouvrières patientes et déterminées, sans précipitation ni faiblesses, elles survivaient chaque jour malgré la faim, le froid, l’insalubrité des lieux. Pas de tisseuses alors, et pas de renommé à travers le pays. Elles ne s’accordaient qu’un seul luxe, le foulard noué à leur tête qui les protégeait un peu du froid et leur rappelait au-dessus d’elles la présence de Dieu. Ismaël, à l’époque si méprisant envers les sorciers, était resté bouche bée devant un tableau si saint. Certaines d’entre elles étaient nées sans nom de famille, sans avenir. Mais d’autres avait délibérément abandonné une vie dans le confort, mais au prix de l’impiété et de l’injustice. Ici au contraire, une équité parfaite régnait : peu importe leur passé, ces femmes partageaient le même repas, les mêmes efforts, et la maladie frappaient au hasard parmi ces corps décharnés.
Voilà pourquoi Mérindol se montrait si méfiant, et n’hésita pas à se détourner de Cambridge. Un moindre faux pas eut pu ruiner cette petite communauté qui avait eu tant de mal à perdurer.
La personne la plus à même de mettre en péril cette communauté était désormais Longbottom : une fois qu’il connaîtrait le chemin pour accéder à la forteresse de Whitehill, rien ne l’empêcherait de revenir avec des troupes, mis à part sa parole. Ce péril eut vraiment existé avec n’importe quel autre collaborateur de Mérindol, mais assez étrangement, celui-ci faisait confiance à Longbottom. Il n’aurait pas su le justifier, mis à part par son instinct, qui lui avait fait faire ses meilleurs affaires en lui évitant les pires embûches.
**Et cette affaire ne ferait-elle pas partie des meilleures ?** se demanda le marchand. Maintenant qu’il avait accepté l’offre de l’auror en son âme et conscience, la possibilité d’une grande récompense lui restait dans un coin de la tête.
**Qu’avait-il dit déjà ? ‘‘si vous veniez à accepter notre proposition, vous seriez récompensé en conséquence’’, ou quelque chose comme ça…** L’indication n’était guère précise, mais de mémoire d’homme, le gouvernement s’était toujours montré plus que généreux envers ceux qui l’aidaient. Il suffisait de mettre les deux partis en contact, et le tour serait joué. Dans le meilleur des cas, ce nouveau client engendrerait de nouveaux profits que les femmes de Whitehill sauraient utiliser à bon escient, et le gouvernement aurait tout intérêt à protéger les tisseuses. Par ailleurs, grâce à la récompense Mérindol n’aurait plus à s’inquiéter pour ses économies. Ainsi, Yorick continuerait ses études, lui déjà si travailleur ; il accéderait surement à un poste important, et il serait à l’abri du besoin.
Le soir, les deux voyageurs parvinrent à Hartford, et ils repartirent tôt le lendemain, alors que le soleil ne s’était pas encore levé. Longbottom se trouvait assis à droite de Mérindol, qui dirigeait les chevaux. Le marchand voyait distinctement la cicatrice que s’était faite l’auror, et qui semblait assez récente.
« Vous avez une sacré blessure dites-moi. » fit le marchand, un peu comme ça. En effet, l’entaille, d’une dizaine de centimètre, se dessinait nettement sur la tempe de l’auror, et témoignait d’une ouverture assez profonde.
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Sam 16 Mai - 12:41
En contrepartie, il était capable de déceler bien plus qu’un individu lambda d’un simple coup d’œil, sans avoir besoin d’entendre son interlocuteur parler. Elevé avec peu de mots, il avait appris la valeur des gestes, même les plus anodins, ce qui le rendait particulièrement apte à travailler en groupe. Il savait en effet prendre en compte les actions de tous ses compagnons de manière plus ou moins inconsciente, sans nécessiter que ceux-ci explicitent toujours leurs intentions. En cela, sa relation avec sa jumelle, aussi peu bavarde que lui, était un exemple paradigmatique. Ils avaient en effet été un couple difficile à suivre pour bien des gens, y compris leurs parents. Capables de communiquer des raisonnements complets d’un simple regard, ils avaient su causer plus d’un ennui lorsque leur côté taquin faisait surface. De même, les rares fois où quelqu’un s’était attiré leurs foudres, ils s’étaient révélés impitoyables.
Il avait notamment souvenir de ce jour de fin décembre 1673 alors que Cyriac n’avait encore que quatre ans et que lui et Crestia venaient de célébrer leurs treize ans un peu moins d’un mois auparavant. Toute la famille était venue célébrer la fin d’année au manoir et, alors qu’ils descendaient dîner, ils avaient surpris une de leurs cousines Greengrass, sixième année à Serpentard en train de se moquer de Cyriac qui, à l’époque, était particulièrement petit pour son âge. Ils n’avaient pas même eu besoin de se regarder pour savoir qu’ils allaient faire du séjour de l’adolescente un véritable enfer. Au bout de dix jours, la pauvre fille avait failli finir au bord de la crise de nerfs à la grande incompréhension des adultes présents. Quant à Cyriac, il n’avait gardé aucun souvenir de l’évènement et se demandait toujours au jour d’aujourd’hui pourquoi l’actuelle Lady Flint le complimentait toujours sa stature dès qu’ils se croisaient.
Ainsi, laissant à Mérindol la direction des opérations, Crestian profita de cette journée pour se délasser. Rares étaient les moments de détente lorsqu’il était en mission, il fallait donc savoir profiter de chacun d’entre eux. Bien entendu, ses instincts n’étaient qu’en veille et une partie de son attention était constamment portée sur leurs alentours pour s’assurer que personne ne leur cherchait des noises. Néanmoins, après la première journée de voyage, malgré l’heure matinale à laquelle ils repartirent le lendemain, il se sentit réellement reposé. Il n’avait pas eu l’occasion de réaliser à quel point il était en permanence sous tension depuis l’enveniment de la situation entre sorciers et moldus mais, force était de constater, que si, en une seule journée loin des tracasseries habituelles, il avait l’impression de se sentir plus léger c’était bien qu’il était plus inquiet qu’il n’en était lui-même conscient. Son instinct d’Auror travaillait désormais en permanence. Dès qu’il sortait de chez lui, dès qu’il partait en mission – pour aussi minime qu’elle fut – il était sur ses gardes. Il s’attendait en permanence au pire, craignant de voir une querelle démarrer au premier coin de rue. En d’autres mots, il était en état d’hyper-vigilance constante. Un peu comme il l’avait été quelques six mois auparavant après l’attaque qui avait ravi l’intégralité de son équipe.
-Vous avez une sacré blessure dites-moi.
Comme s’il avait été Legillimens – ce qui était une idée bien absurde – Mérindol choisit l’exact moment où Crestian se laissait aller sur la pente des regrets pour l’interroger sur la cicatrice laissée par les griffes du vampire auquel il avait réchappé uniquement car il était de garde ce jour-là. Par réflexe, il passa sa main sur la peau rugueuse qui, d’après les Guérisseurs à Sainte-Mangouste, ne disparaîtrait jamais. Elle avait bien guéri et il ne risquait plus rien mais il avait trop tardé à venir se faire soigner pour que, même les sortilèges de soin les plus puissants, puissent faire disparaître toute trace de cet épisode traumatisant. La magie spécifique aux vampires s’était infiltrée dans ses tissus épidermiques et il était impossible de l’en détacher sans risquer une blessure encore plus grave. Non pas qu’il le regrettât. Il n’avait fait que son devoir en informant tout d’abord ses supérieurs et en l’occurrence son père de l’échec cuisant de la mission. Sans compter que la cicatrice l’empêchait d’oublier l’évènement. Il garderait ainsi toujours la mémoire de ses camarades tombés au combat et se souviendrait à jamais de cette impuissance paralysante qu’il avait ressentie face à ces êtres surhumains. Ainsi, il ne referait plus les mêmes erreurs.
-A vrai dire, c’est une des raisons pour lesquelles le Département désire établir une relation professionnelle avec les tisseuses. Il y a un peu plus de six mois, j’étais en mission avec d’autres Aurors dont un des vétérans du département. Nous avions pour ordre de surveiller un groupe de vampires au comportement erratique s’en prenant uniquement à des moldus catholiques. Les dernières informations que nous avions récoltées sur eux les plaçaient aux abords de Plymouth. Nous nous y sommes donc rendus mais, alors que nous approchions du lieu où ils étaient censés résider temporairement, ils nous sont tombés dessus sans prévenir. Ce fut un véritable carnage.
Fermant un instant les yeux, il se remémora la scène. Les cris, l’odeur du sang et de la mort et, par-dessus tout, cette frayeur incapacitante qui l’avait figé sur place alors que ses camarades partis avant lui – étant le plus jeune, il était chargé de surveiller leurs arrières – se faisaient tuer devant ses yeux. Le plus terrifiant était que les vampires ne les avaient même pas tués pour leur sang – à l’exception de l’une d’entre eux qui s’était abreuvé au cou de Bigby avant de rejeter son cadavre parterre sans aucune considération – les créatures s’étaient contentés de tuer le plus violemment possible. Sans raison. Sans explication. Par pure rage animale.
-Mes quatre compagnons y passèrent en quelques minutes, sans avoir à peine le temps de sortir leur baguette. Puis, l'une des créatures se rendit compte de ma présence. Jusque-là un arbuste m’avait légèrement caché à leur vision mais l’odorat d’un vampire est nettement plus développé sur la moyenne.
*Et je puais la terreur* rajouta-t-il amèrement en son for intérieur.
-En deux enjambées, il se retrouva devant moi et, alors qu’il s’apprêtait à m’attraper le cou, je réagis enfin et transplanais. C’est-à-dire que je disparaissais magiquement pour un autre endroit. Il réussit néanmoins à me griffer la tempe et la cicatrice que vous voyez aujourd’hui en est le résultat.
Surpris de s’être confié si aisément à un quasi étranger, il décida que l’occasion était trop belle pour ne pas poursuivre son récit et lui expliquer pourquoi il désirait rencontrer les tisseuses.
-Or, avec les changements politiques récents, les vampires comme toutes les autres créatures magiques doivent se faire enregistrer auprès du Département pour que l’on puisse s’assurer qu’elles ne font de mal à personne, ni sorcier ni moldu. Sauf qu’elles ne sont pas toutes d’accord et notamment pas certains vampires. Le Département des Aurors a donc décidé d’anticiper de futures confrontations et d’améliorer notre uniforme en conséquence. Le gouvernement sorcier possède en effet une troupe de sorciers spécialisés dans la gestion de créatures magiques, les Régulateurs, mais il est probable qu’ils ne soient bientôt plus suffisants. Le Département des Aurors veut donc être préparé. Et une des façons de se protéger au mieux des vampires est de limiter leur sens de l’odorat d’où notre volonté de demander aux tisseuses si elles seraient capables de produire du tissu qui cacherait l’odeur de celui ou celle qui le porterait ou du moins la diminuerait fortement.
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Mer 20 Mai - 17:52
Ses paroles trahissaient l’homme de terrain que Crestian était : il raconta son histoire sans détail superflu, concentrant l’essentiel dans une poignée de phrases simples, et n’ajoutant aucun pathos ; presque comme un compte-rendu. Néanmoins l’expression de « carnage » au détour d’une phrase, un froncement de sourcils, ses yeux qui se fermèrent un instant, laissèrent deviner l’horreur d’un tel épisode, et Mérindol sentit ses poils se hérisser sur sa chair. Il savait pourtant que des vampires rodaient, qu’ils représentaient un danger, en particulier pour lui qui voyageait seul ; mais il n’aurait pas imaginé que les vampires choisissent de persécuter à une catégorie de la population.
Ismaël ne répondit d’abord rien au discours de Longbottom, digérant ces informations. Il comprenait mieux désormais pourquoi le gouvernement sorcier avait porté son regard du côté de Whitehill, et se demandait quelle tournure prendrait les événements si les tisseuses refusaient de fabriquer les uniformes.
« Je suis désolé de ce qui ait arrivé à votre équipe. Je ne sais pas si vous étiez autorisez à m’en parler, mais je vous suis reconnaissant de l’avoir fait. Je ne peux pas vous promettre que les femmes de Whitehill accepteront de vous aider, mais j’intercèderai en votre faveur. »
Le marchand avait prononcé ces paroles sur un ton un peu bourru, comme s’il était un peu en colère contre quelque chose, afin de se donner un peu de contenance. Il laissa un temps s’écouler, puis continua :
« Y a-t-il tant de vampires pour que le gouvernement ait du mal à les contenir ? Je savais que leur nombre était inquiétant. Mais je ne pensais pas qu’ils pouvaient vaincre tant de sorciers. Est-ce qu’ils ne craignent pas la lumière du jour, ou le signe de croix ? »
Ils échangèrent encore quelques paroles, mais la discussion s’arrêta jusqu’à ce qu’ils arrivent à Grantham. Le Yorshire se rapprochait ; si le voyage continuait de se dérouler sans encombre, le marchand et l’auror se présenteraient à ses portes dès le lendemain. Puis se dresseraient devant eux la forteresse de Whitehill. Cela faisait maintenant bien onze ans qu’Ismaël connaissait les tisseuses, et tout avait changé depuis sa première venue ; tout comme cela faisait onze ans qu’il n’avait pas amené un inconnu devant elles.
A l’époque, les sorcières avaient pensé à une attaque lorsqu’elles avait vu sortir de la carriole un homme d’une trentaine d’année, et Ismaël s’était retrouvé avec plusieurs baguettes pointées dans sa direction, tandis qu’on lui ordonnait de ne pas bouger ; qu’elle n’avait pas été la surprise des religieuses de découvrir dans le charriot bâchée un enfant de deux ans et une jeune femme d’une vingtaine d’année ! L’enfant était Yorick, évidemment ; mais pour la jeune femme, il ne s’agissait pas de son épouse, déjà morte il y a quelques années de cela. Il s’agissait d’une sorcière, sale, affamée, couverte de blessures mais éperdument accrochée à la vie, sorcière qui aujourd’hui s’appelait sœur Grace.
La nuit était déjà tombée et une pluie battante s’associait à l’ombre pour rendre le paysage d’autant moins discernable. Dans la ville, Dans la ville, ils trouvèrent une petite auberge où trois autres étrangers soupaient déjà ; un quatrième au manteau d'un cuir vert mité vint peu après Ismaël et Crestian. Les deux voyageurs s’installèrent à une table, et quand le dîner leur fut servi, Ismaël commenta :
« Vous faites un métier dangereux. Votre famille ne s’inquiète-elle pas pour vous? Vous avez peut-être une femme et des enfants ; cela ne les effraient-il pas ? »
Lui-même aurait fait tout ce qu’il y avait en son pouvoir pour dissuader Yorick d’être auror s’il avait appris que son fils avait une telle aspiration. Mais il avait préféré ne pas parler de cette crainte, parce qu’il aurait alors avoué que son fils était un sorcier né de parents sans-pouvoir, un « Sang-de-Bourbe ».
- Invité
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Dim 24 Mai - 12:37
En l’occurrence néanmoins, il ne craignait pas d’avoir pris une mauvaise décision. On lui avait clairement fait comprendre qu’à l’exception de la violence, il était autorisé à faire preuve de tout type d’incitation pour obtenir l’aide du quadragénaire. Or, si jouer la carte du pathos lui faisait horreur, cela ne signifiait pas qu’il ne pouvait pas tenter de gagner son aide en jouant sur sa fibre compatissante. Non pas que Mérindol donnât l’impression de fondre en larmes à la première histoire triste mais il était père et voyageur, apprendre que les routes n’étaient pas si sûres qu’elles le paraissaient pouvait l’amener à une attitude moins circonspecte envers la demande du Département des Aurors. Ainsi, si son discours ne faisait nullement partie d’une quelconque machination machiavélique destinée à changer l’avis du marchand, Crestian ne put s’empêcher de sentir un sourire rassuré poindre sur ses lèvres lorsque ce dernier lui promit d’intercéder en sa faveur auprès des tisseuses.
Ses questions suivantes calmèrent néanmoins immédiatement ses ardeurs et il entreprit de clarifier les connaissances de Mérindol sur la situation des vampires de Grande Bretagne. Il se sentirait plus serein si un homme qui vivait sur les routes savait à quoi s’attendre et ne commettait pas d’erreurs de jugement pouvant lui coûter la vie et laisser son fils orphelin.
-Je ne saurais vous dire ni le nombre exact ni même une estimation du nombre de vampires résidant sur le territoire britannique. Je sais néanmoins, d’après les informations récoltées par les Régulateurs, que l’organisation interne de leur groupe a été récemment bouleversée, et ce avant même les règles édictées par mon gouvernement pour satisfaire le vôtre. D’après ce que je sais, ils possèdent une sorte de monarque propre qui fait régner la loi sur leur communauté d’une poigne ferme et évite les débordements incontrôlés, ce qui arrange aussi bien mon gouvernement que le vôtre. Malheureusement, une scission aurait eu lieu il y a peu et un groupe de vampires dissidents bien plus violents que la moyenne aurait élu domicile en Irlande et s’en prendrait notamment aux moldus catholiques pour une raison qui nous échappe.
Ce n’est après tout pas comme si les Régulateurs pouvaient exiger une « audience » auprès du roi des vampires pour obtenir des explications. La créature était réputée millénaire et ne faire que peu de cas des humains suffisamment stupides pour s’adresser à elle comme des égaux. Elle avait accepté une sorte de pacte de non-agression sauf en cas de débordements réciproques car c’était dans son intérêt mais cela ne signifiait pas qu’elle croyait devoir quoi que ce fût aux humains, sorciers comme moldus. Quant à s’adresser au groupe dissident, le meurtre de ses collègues en disait long sur la bonne disposition à négocier des vampires.
-Quant aux moyens de se protéger d’un vampire. Du peu que j’en sais, la lumière du jour les affaiblit fortement en supprimant notamment tous leurs pouvoirs, à l’exception de leur résistance accrue aux blessures qui, si j’ai bien compris, ne se régénèrent néanmoins pas. D’où le fait que vous ne risquez pas vraiment d’en croiser un en pleine journée. Par contre, si je me rappelle bien ma formation théorique, les crucifix ne leur font ni chaud ni froid. Autrement dit, mieux vaut vous déplacer de jour et ne comptez pas sur votre croix pour les tenir éloignés.
Après ces explications, la conversation s’éteignit naturellement sans qu’aucun des deux hommes n’en éprouvât la moindre gêne et ils continuèrent leur chemin dans un silencieux compagnonnage. Le soir, ils s’installèrent dans une petite auberge et, alors que le dîner était servi, le marchand reprit la parole, surprenant l’Auror par sa remarque sur la présence d’une femme et d’enfants qui pourraient s’inquiéter pour sa personne. Un instant le regard doux de Passiflore s’imposa à son esprit et il faillit rougir mais se reprit bien vite.
-Pour être honnête avec vous, Auror est une profession familiale, mon père est ainsi à la tête du Siège de la Défense Contre les Forces du Mal dont je vous parlais l’autre jour et dont dépend entre autres le Département des Aurors. Ce qui n’empêche nullement Mère de se faire un sang d’encre pour nous deux. Elle savait néanmoins à quoi s’attendre en épousant un Longbottom et n’a jamais cessé de nous soutenir pour autant qu’elle puisse craindre pour nos vies. Néanmoins, je vous rassure. Si j’exerce effectivement une profession dangereuse, le taux de mortalité est heureusement loin d’être élevé. La mort de mes collègues fut un évènement d’autant plus traumatisant que rare. Nous sommes après tout formés à nous défendre et à ne pas sacrifier nos vies, à moins qu’il ne s’agisse de sauver des civils. Sans compter que, dans mon cas, ma sœur est une Guérisseuse de grand talent, l’équivalent de vos médecins si je ne me trompe.
Et que, s’il trouvait la force de poursuivre sa quête du cœur de Miss Delacour, peut-être serait-il un jour marié à une autre Guérisseuse de talent. Mais il préférait ne pas trop entretenir cette fantaisie étant donné qu’il n’avait pas recroisé la belle Française depuis un certain temps et ne voulais par conséquent pas présumer des sentiments de celle-ci à son égard pour autant que les siens n’aient en rien diminué depuis leur dernière entrevue.
-Quoiqu’il en soit, je peux vous assurer que danger ou non, je suis on ne peut plus fier d’exercer mon métier et n’en changerait pour rien au monde. Qu’en est-il de votre côté si vous me permettez la question ? La vente de tissus coule-t-elle également dans vos veines ou est-ce un choix personnel ?
Après tout, il s’était énormément dévoilé par rapport à son habitude, la moindre des choses voulait qu’il en apprenne un peu plus sur Mérindol à son tour. Le dossier qu’il avait lu avant de le contacter lui en avait en effet appris le minimum, mais cela ne suffisait pas à connaître un homme.
Auror
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Jeu 28 Mai - 16:47
Pourtant, Crestian ne paraissait pas inquiet, et sa voix d’ordinaire si posée s’animait lorsqu’il parlait de son travail. De toute évidence, il s’agissait de bien plus pour lui qu’un simple moyen de subsistance, d’autant plus qu’à ses réponses, le marchand pu supposer que Longbottom n’avait pas encore fondé de foyer, et que rien ne le retenait chez lui.
Paradoxalement, l’on devinait la certaine importance que Crestian accordait à la famille. Il associait naturellement le nom de Longbottom avec le métier d’auror et ne remettait pas en cause le devoir qu’il avait de perpétuer cette association. Bien au contraire, ses mots trahissaient sa fierté, qui avait dû lui être inculqué, en même temps que la noblesse de caractère, par ses parents : il fallait de la fierté pour garder la tête haute lorsque mari et fils faisaient des métiers extrêmement dangereux, comme c’était le cas pour la mère de Crestian. La sœur de Crestian devait avoir elle aussi hérité de la fierté et d’une idée de la noblesse, puisqu’elle exerçait une profession, et une profession qui demandait à la fois de grandes qualifications et du sang-froid. Toute la famille, en somme, était investie dans cette action de défense contre les forces du mal. Cette volonté commune avait de quoi impressionner : il n’y a pas si longtemps les gens de la noblesse avaient l’interdiction d’exercer une profession, ce qui les avait rendu apathique, même une fois cette loi levée.
La dernière question du jeune homme surprit un peu le marchand, qui ne pensait pas que ce genre d’informations intéresserait son compagnon.
« On ne peut pas vraiment parler de choix personnel dans mon cas…Mon père était tailleur, il avait une boutique dans un hameau tout au Nord. Ça ne fonctionnait pas très bien, parce qu’il n’avait jamais des matériaux de qualités. Je ne voulais pas reprendre la boutique, mais je n’avais pas reçu d’éducation, et n’étais bon qu’à ça. Du coup, je suis devenu commerçant itinérant, et je suis parti en Irlande, où la conjoncture pour les affaires se trouvait meilleur.
Pour dire vrai, je me demandais si ce n’est pas quelque chose que vous saviez déjà, comme les sorciers sont parfois bien renseignés : lors de notre première rencontre, ne m’avez-vous pas reconnu sans m’avoir jamais vu, et nommé sans m’avoir jamais parlé ? Au vue de vos questions, je me demande ce que le gouvernement sait à mon sujet, ou au sujet de ma famille. »
Le silence se fit. Il n’y avait plus grand monde dans l’auberge à cette heure tardive. Deux voyageurs étaient montés dans leur chambre pendant qu’Ismaël et Crestian discutaient. Il restait un vieil homme qui, penché sur une carte, étudiait les environs, attablé au comptoir, à côté d’un verre à moitié vide. La femme de l’aubergiste, dont la rondeur était accentuée par le tablier serré qu’elle portait, essuyait avec un torchon les couverts propres, en fredonnant les paroles d’une chanson. Enfin, le voyageur au manteau vert assis à la table juste derrière Ismaël –une table plutôt mal placée, loin du feu, dans l’ombre-, n’avait eu de cesse depuis son arrivé de répéter mécaniquement le même geste pour nettoyer son chapeau, le regard fixe, apparemment concentré sur autre chose. Du brouhaha qui avait enveloppé la conversation de Longbottom et Mérindol, il ne restait plus que le chuchotement de la tenancière, le tapement des doigts du vieillard sur le bois, et enfin le frottement de la brosse contre le cuir.
- Invité
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Ven 5 Juin - 14:18
Il se sentit par conséquent quelque peu idiot d’avoir posé une telle question. Heureusement, elle ne sembla pas pour autant avoir mis le marchant dans une position inconfortable, il s’en serait en effet voulu de mettre son compagnon mal à l’aise pour une simple affaire de curiosité non rassasiée. La question que lui renvoya Mérindol le plongea cependant dans un abîme de perplexité. S’il connaissait déjà la réponse à sa propre question, pourquoi aurait-il perdu son temps à interroger le quadragénaire ? Très vite, il comprit néamoins que l’inquiétude de Mérindol venait plutôt d’une impression de toute-puissance, ou en l’occurrence de science infuse, concernant les sorciers ou tout au moins leur gouvernement. Il s’empressa donc de rassurer son interlocuteur.
-Je ne crois pas que le sorcier lambda soit plus informé que son équivalent moldu. Dans votre cas, j’ai simplement profité des informations récoltées par les investigateurs du Ministère. En effet, de la même façon que votre gouvernement possède des espions, ambassadeurs et autres hommes du même acabit, le mien a les siens. Et lorsque la sécurité de notre société l’exige, ils n’hésitent pas à passer outre le droit à l’intimité des personnes, du moins dans une certaine mesure. Ainsi, si j’ai pu vous reconnaître au premier coup d’œil c’est car, de fil en aiguille, après avoir entendu votre nom en lien avec celui des tisseuses, des hommes du Ministère se sont informés sur votre cas et m’ont fourni un portrait plutôt ressemblant.
Bon, l’espion qui avait été chargé de la mission ne gagnerait probablement pas de grand prix de peinture mais les traits de Mérindol étaient suffisamment remarquables pour qu’il n’ait pas eu de doutes au moment de lui adresser la parole pour la première fois.
-Maintenant, si cela vous rassure, je pense pouvoir vous dévoiler ce que je sais à votre sujet sans risque pour aucun de nous deux. Vous avez en effet accepté de m’aider, rien ne m’interdit donc de vous rendre la monnaie de votre pièce en faisant preuve d’une dose de confiance à votre égard.
Bien entendu, il était certain que ses supérieurs ne l’avaient informé que du strict minimum pour mener à bien sa mission et que son père notamment devait en savoir bien plus sur le marchand ambulant – ne serait-ce que pour pouvoir l’éliminer s’il se montrait non pas réticent à la proposition du Département mais franchement dangereux pour l’avenir de celui-ci – mais nul besoin d’inquiéter outre mesure l’homme face à lui.
-Je sais ainsi que votre nom est Ismaël Mérindol, que vous êtes né il y a une quarantaine d’années pas loin de la frontière anglo-écossaise, que vous êtes veuf depuis une dizaine d’années et que vous avez un fils adolescent faisant ses études à Poudlard. Je ne saurais par contre vous dire ni son âge, ni sa maison.
Néanmoins, si le fils ressemblait ne serait-ce qu’un minimum au père, il l’imaginait sans peine chez les Bleu-et-Bronze ou encore les Vert-et-Argent. Il espérait cependant que si tel était le cas, l’enfant appartenait plutôt à la maison de Rowena Serdaigle, les disciples de Salazar Serpentard acceptant en effet bien plus difficilement les enfants issus de deux parents moldus, et ce encore moins avec les tensions politiques actuelles. Mais, dans le fond, rien ne l’assurait que le petit Mérindol ressemblât à son père, ce dernier pouvait ainsi sans problème avoir engendré un Poufsouffle ou un Gryffondor. Surtout que Crestian ne savait rien de feu Mrs Mérindol et de l’influence qu’elle pouvait avoir eu sur son fils.
Auror
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Lun 8 Juin - 19:12
* Non, bien sûr que non, se dit le marchand intérieurement, s’ils avaient consulté le registre, ils auraient vu la maison et l’âge de Yorick.*
Dans ce cas, l’information venait d’autre part, d’un mouchard. Il s’agissait d’un risque impossible à éviter puisque n’importe qui d’un peu malin pouvait savoir dans quels magasins Ismaël délivrait ses marchandises, et parler avec qui il parlait.
*Mais Longbottom n’a pas dit qu’il le savait. Soit il ment, soit il ne sait pas tout ; l’un n’empêche pas l’autre, d’ailleurs. Donc le ministère sait d’autres choses à mon sujet.*
Evidemment, cette conclusion froissa le quadragénaire, ce qui se vit immédiatement sur son visage. Malgré les paroles censées de son compagnon, il ne pouvait voir autrement le gouvernement que comme une horde d’espion qui, comme des taupes fouillent et retournent la terre, fouillaient dans la vie des gens afin de ramener leurs secrets aux grands jours. Cette impression était accentuée par une certaine naïveté du marchand, qui ne pouvait pas croire que le roi soit aussi avide de renseignement, et dispose des mêmes moyens pour les obtenir, que les moyens mis en place par les sorciers. Son fils, qui vivaient dans un environnement où l’émulation intellectuelle était permanente, où les cours réfléchissaient avec un regard distancié sur l'Histoire, la monarchie, la religion, n’aurait eu aucun doute sur la réalité du pouvoir. Mais Yorick aurait eu bien du mal à expliquer cette réalité à son père, qui ne disposait pas même des concepts permettant de le comprendre.
Enfin, le lendemain, les deux voyageurs entrèrent dans le Yorkshire. Toute une partie du voyage se déroula sans que Mérindol ne dise un mot, les yeux perdus dans le paysage. Seuls des champs se présentèrent à la vue des deux voyageurs.
L’hiver avait recouvert le sol d’une fine couche de givre, ce qui effaçait les contrastes des couleurs, et harmonisait la terre avec le gris du ciel. Même l’avancement de la journée ne parvenait pas à ranimer ce spectacle, et il restait toujours dans le même ton tandis que les heures s’égrenaient. Lorsque la carriole approchait d’une ferme, avant qu’elle apparaisse les meuglements des vaches laissaient deviner sa présence ; mais les bêtes elles-mêmes n’étaient pas visibles, recluses dans un enclos pour les protéger du froid. Et si la ferme se trouvait cachée par une colline, ces bruits perçaient le silence sans qu’il soit possible d’en déterminer l’origine.
Néanmoins, un petit événement vint ponctuer la journée : une vieille chouette se posa dans la carriole, et un peu curieuse s’approcha de Crestian, une lettre au bec. Cette dernière était cacheté grâce à de la cire bleue, sur laquelle se détachait, relevé par de l’encre couleur bronze, le dessin d’un aigle. Ismaël avait entendu le claquement des ailes et se retourna :
« Diable d’oiseau ! Donne-moi ça ! »
Le volatile sursauta et s’envola précipitamment en lâchant la lettre au-dessus de Mérindol, qui la rattrapa de justesse avant qu’elle ne tombe. Comme le chemin continuait en ligne droite sans qu’il y ait besoin de mener les chevaux, il se permit de l’ouvrir et de la lire.
« Très cher père,
J’espère que vous vous portez bien, malgré la froidure qui sévit ces temps-ci. Les étudiants de Poudlard sont très chanceux, puisque nous n’avons jamais froid grâce à de nombreux feux de cheminés entretenus dans toutes les salles, et aux épaisses couvertures de nos lits. S’ajoute à cela un gros pull gris qui fait partie de notre uniforme et que je tiens très propre.
Comme vous me l’aviez demandé, j’ai demandé à ne pas assister au match de Quidditch (vous savez, ce sport dont je vous avais parlé) qui opposait mon équipe à Griffondor. Bien m’en a pris : un ballon ensorcelé a heurté très violemment un gradin qui s’est en partie effondré, et il a eu quelques blessés. Ne vous en inquiétez cependant pas : notre infermière les a guéris très efficacement grâce à des sorts de soins.
Vous serez heureux d’apprendre que j’ai été le deuxième de la classe ce trimestre-ci, la première étant mademoiselle Patty Finnemore, dont je vous avais déjà parlé dans une lettre précédente tant son savoir me déconcerte et m’impressionne. Elle a d’ailleurs la gentillesse de passer beaucoup de temps avec moi pour combler mes lacunes en magie, et se montre très pédagogue. Autre point sur lequel je vous rassure une nouvelle fois : mon année scolaire se déroule sans anicroche. Je la passe avec un petit groupe d’amis qui me traite avec bienveillance. Je vous ai déjà parlé de mademoiselle Finnemore, ainsi que de Christopher Frost ; un élève de Pouffesouffle du nom d’Edgard Brasey discute souvent avec nous et fait désormais tout à fait partie de notre groupe.
Ces temps-ci, nous profitons de notre temps hors des cours pour comprendre comment fonctionne un Portauloin, un objet qui permet de transporter son utilisateur jusqu’à un point défini. Bien sûr, toutes ces recherches restent théoriques, et sont extrêmement intéressantes.
Vous m’aviez demandé la composition de ma baguette, la voici donc : elle est en noyer et contient une plume de phénix à l’intérieur. Elle fait partie des baguettes souples, et sa taille est de vingt-sept centimètres.
Je pense bien à vous,
Yorick. »
Comme toujours, la lettre de Yorick rassurait son père, qui craignait toujours que l’adolescent se lasse de ce vieux marchand inculte, bougon et méfiant ; mais elle éveillait aussi quelques questions. Ismaël avait pu visiter des châteaux, et il savait que les feux de cheminées ne produisent pas plus de chaleur que les bougies de lumières ; l’écriture était d’ailleurs un peu tremblotante et trahissait la volonté du jeune sorcier de déguiser la vérité sur le froid qui devait régner dans les bâtisses de pierre. A cela s’ajoutait le « bien sûr » à propos des recherches théoriques, expressions que Yorick employait inconsciemment quand le propos n’était pas si « sûr » que cela.
Après avoir relu la lettre, le marchand s’attarda sur le dernier paragraphe. Il avait entendu dire dans une auberge – des lieux privilégiés pour surprendre les conversations- que les sorciers avec une baguette en tremble connaissaient toujours une triste destiné. Ismaël ne se souvenait pas du bois utilisé par son fils, et inquiet, lui avait demandé de lui décrire sa baguette.
Ismaël écrivit une courte missive, dans laquelle il demanda notamment à son fils de ne plus lui écrire durant les prochains jours, s’expliquant par un bref : « parce que je vais rendre visite à ta marraine ». Seul Yorick était alors en mesure de comprendre où allait son père. La chouette revint, domptée pour ne jamais repartir sans une réponse, à moins qu’on l’y enjoigne ; la lettre au bec, elle disparut bientôt.
Pour cette nuit, les deux voyageurs dormirent dans la carriole. En fin d’après-midi, la silhouette d’un village s’était pourtant dessinée sur le haut d’une colline, assez près, mais Ismaël avait préféré ne pas s’y arrêter.
Ce village existait déjà onze ans plutôt, et il était d’ailleurs exactement pareille ; les mêmes murs, les mêmes chemins ; et surement les mêmes personnes. Il y a onze ans… ! Ismaël avait trente-quatre ans, et son fils quatre ans. Le marchand cherchait des nouveaux clients sans grands succès, et, par hasard, il s’était arrêté dans ce village-là pour la nuit. On l’avait accueilli et mené dans la seul auberge du village, une bicoque qui tremblait et grinçait à cause du vent.
Il n’y avait aucun autre voyageur, juste des villageois qui jouaient aux cartes. Chacun buvait son alcool, et regardaient leurs mains. Ils ne parlaient pas, et ne riaient pas. Ils ne saluèrent pas l’étranger qui se présentait, ni le dire rien quand ils levèrent la tête pour le dévisager.
« Vous êtes un sorcier ? demanda tout de go l’aubergiste.
-Non. répondit Ismaël, un peu surpris : jamais auparavant on ne lui avait posé cette question aussi brusquement. J’aurais besoin d’un repas et d’une chambre.
-C’est bon. Asseyez-vous. »
Les autres villageois baissèrent la tête, et Ismaël avala rapidement sa part du repas après avoir aidé Yorick à manger la sienne. L’atmosphère ne lui avait pas plu ; il se coucha tôt pour repartir au plus vite le lendemain.
Néanmoins, un incident survint : Ismaël eu un sommeil agité ; il se réveilla au milieu de la nuit, et constata que son fils ne dormait plus à côté de lui.
« Yorick ? » souffla le père, scrutant l’obscurité.
Un rayon de lune éclairait faiblement la chambre. Il n’y avait d’autres meubles que la couche. Un petit espace sombre et vide, dans lequel ne se trouvait pas son fils.
Le cœur du trentenaire commença à battre plus vite, tandis qu’il appelait encore son fils dans l’obscurité. Il sortit dans le couloir, plus sombre encore, et scruta en vain autour de lui.
Il descendit au rez-de-chaussée. L’aubergiste s’était endormi sur son comptoir. Ismaël faillit le réveiller. Mais derrière le tenancier, au travers d’un carreau de fenêtre, il pu apercevoir une petite forme blanche qui se déplaçait.
Le père sortit de l’auberge et courut vers la forme, qui se trouvait à l’écart du village, devant un cabanon. Il s’agissait bien de Yorick. Ismaël s’accroupit, l’attrapa par le bras et le tira auprès de lui.
« Mais où tu crois aller, espèce de petit imbécile ! On peut savoir où tu marches au beau milieu de la nuit ?! »
L’aspect menaçant de son père effraya l’enfant qui répondit juste en tremblotant :
« C’est à cause de la dame…
- Il n’y a pas de dame ici ! »
Et pourtant il entendit une voix faible murmurer, tout près de lui :
« Monsieur, pitié… »
La voix venait du cabanon. Ismaël tourna la tête. A quelques centimètres de lui, entre les lattes de bois, un visage pâle et émincés avait les yeux braqués sur lui. De surprise, Ismaël se rejeta en arrière, le petit dans les bras.
« Pitié, pitié…
- Qui êtes-vous ? »
La voix ne put répondre : quelqu’un s’approchait. Il s’agissait du tenancier, une torche à la main.
« Ne vous approchez pas, c’est une sorcière. Des villageois l’ont surprise hier en train de s’entraîner à des maléfices. Nous l’avons interrogé et elle a confessé ses crimes. »
Le tenancier reconduisit Ismaël à la taverne. Ce-dernier osa tout de même demander ce qui allait lui arriver.
« Elle sera brûlée demain sur la place publique, avec sa baguette.
- Certains villages se contentent de briser la baguette du sorcier et de le bannir.
- Il y a déjà trop de sorcières ici.
- Que voulez-vous dire ?
- Des sorcières se rassemblent à Whitehall, pour former une armée et attaquer les villages. C’est pourquoi ici nous préférons éviter que d’autres les rejoignent. C’est plus prudent. »
De retour dans la chambre, Ismaël tenta d’interroger son fils, pour comprendre comment il avait su qu’une personne se trouvait dans le cabanon, et si cette personne lui avait demandé de faire quelque chose. Mais l’enfant semblait terrifié par ce qui se passait autour de lui et n’osait pas dire quoique ce soit. Ils dormirent encore quelques heures, et à l’aube, Ismaël reparti. Le cabanon était désormais gardé par deux hommes.
Yorick resta blotti contre son père les premières heures du voyage. Mais quelque chose détourna son attention et il rentra dans la carriole. Quelques secondes après, il appela son père, et quand celui-ci arrêta la charrette pour se retourner, son fils balbutia, en pointant du doigt une masse sur le sol :
« Père, il y a un chat mort sur les draps… »
Le marchand s’approcha. En effet, un chat gisait sur une étoffe, qu’il avait maculée de son sang.
« Oh non… » soupira le marchand, mal à l’aise. Il se baissa pour emmailloter le corps avec l’étoffe, désormais invendable, et éviter toute infection. Mais alors qu’il recouvrait le chat, celui-ci se mit à bouger par spasmes, et surtout à grandir. Ses poils disparurent, et de la chair apparut, formant des bras, des hanches, un dos couvert de plaie, un visage pâle et émincé. Des cheveux en bataille recouvraient en partie son visage, mais ses deux yeux restaient visibles. Lorsque la sorcière vit Ismaël, elle leva son bras et le pointa avec une baguette.
« Avada kadevra !»
Ismaël saisit le poignet de la jeune femme et le releva subitement vers le haut. Le sort atteignit la toile qui trembla, sans que rien ne se passe d’autre. Le marchand arracha la baguette de la main de la sorcière, avant de crier :
« Vous êtes folle ! Du calme ! »
La sorcière le fixait, les yeux grands ouverts et les sourcils froncés. Elle se jeta sur lui et lui mordit le bras de toutes les forces qui lui restait, mais le trentenaire lui donna un coup de pied qui la rejeta en arrière. La baguette s’échappa néanmoins de la main du marchand et roula par terre. Yorick la saisit et la serra contre lui. Evidemment, la sorcière avait vu cela, et Ismaël prit peur pour l’enfant. Il l’attrapa pour le protéger, afin que son opposante ne puisse pas le toucher.
Mais celle-ci ne fit rien. La respiration haletante, les yeux hagards, elle gémit de douleur et se recroquevilla sur elle-même : plusieurs de ses blessures s’étaient rouvertes.
« Je vais vous aider, d’accord ? Alors ne nous faites pas de mal. »
La femme ne répondit rien. Le marchand prit la baguette des mains de son fils pour la mettre dans sa ceinture, et demanda à Yorick de s’écarter. Puis il s’approcha doucement. Son adversaire s’était évanoui.
Ismaël banda rapidement ses blessures, lui mit une vieille chemise et un pantalon en lin, comme elle était nue. Puis il revint avec son fils à l’avant de la carriole, et mis ses chevaux aux trots, afin de s’éloigner le plus vite possible des environs.
Dernière édition par Ismaël Mérindol le Lun 15 Juin - 20:18, édité 1 fois
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Lun 15 Juin - 17:26
Ses voyages nocturnes se refusèrent néanmoins à le laisser complètement en paix et il ne réalisa le silence qui s’était de nouveau installé entre Mérindol et lui que lorsqu’une chouette vint interrompre le déroulement de ses pensées. Un instant, il se demanda s’il avait vexé le marchand et si c’était la raison pour laquelle ils ne s’étaient pas adressé la parole de la matinée au-delà des politesses de début de journée mais rien dans l’attitude taciturne du quadragénaire ne laissait entendre que son absence de paroles fut liée à autre chose qu’un caractère peu enclin à la discussion. Après tout, ils s’étaient peut-être quittés dans une étrange atmosphère la veille au soir mais depuis le début de leur périple, malaise ou non, on ne pouvait pas dire qu’ils eussent particulièrement échangés sur leurs vies. Ni l’un ni l’autre ne semblait porté à la conversation mondaine d’où le silence qui les avait accompagné la plupart du temps. A vrai dire, le jeune Longbottom en était presque reconnaissant, il aurait été bien malaisé pour lui de jouer les hôtes sociables auprès d’un quasi-inconnu. En effet, s’il commençait à savoir apprécier la compagnie du marchand, il n’était nullement prompt à se confier au premier venu et aurait été bien embêté de devoir maintenir une conversation soutenue tout au long du chemin.
Une fois ses doutes sur l’humeur de Mérindol refoulés, il put donc se reconcentrer sur la scène se déroulant sous ses yeux. Il remarqua ainsi vite le blason des Serdaigle et, cet indice doublé de la douceur qui avait fait son apparition dans le regard du vieux bougon, répondit à ses doutes de tantôt. Le jeune Mérindol était bien un disciple de la sage Rowena. Sachant l’importance de l’intimité lors de la lecture d’une missive d’un proche, il se désintéressa du marchand, laissant ainsi à celui-ci la possibilité de s’informer du bien-être de sa progéniture en paix. Il aurait bien interrogé l’homme sur les nouvelles fournies par son fils histoire de lancer une conversation mais le souvenir de la moue contrariée de Mérindol la veille au soir lorsqu’il avait découvert toutes les informations que l’Auror détenait à son égard le fit se retenir. Il était en effet peu probable que son compagnon se montre avenant à l’idée de se dévoiler encore un peu plus, pour aussi inoffensives que fussent les intentions de Crestian.
A la place, son esprit dériva vers la dernière lettre qu’il avait reçue de son frère peu après que ce dernier soit retourné à Poudlard une fois les fêtes de Noël passées. Son cadet lui détaillait dans un parchemin de près de 70 cm son désespoir face à la découverte que l’attrapeur des Noir-et-Jaune - un troisième année auquel le puîné des Longbottom était très attaché, trop heureux de pouvoir enfin agir en frère aîné face à un garçon qui devait plus ou moins l’idolâtrer – avait attrapé la dragoncelle lors de son retour chez lui. Cyriac, en tant que capitaine de l’équipe et ami du malade était donc doublement affecté. D’un côté, il craignait pour la vie de son protégé – la dragoncelle emportait chaque année une part notable de la population sorcière – de l’autre, la perte de son attrapeur alors que Poufsouffle tenait enfin la première place du classement de la coupe de Quidditch était un coup des plus durs. Cyriac s’apprêtait bien entendu à tenir une nouvelle sélection pour remplacer le jeune Corck mais il semblait bien peu confiant. En effet, lors de l’entrée du petit Corck dans l’équipe en septembre, il l’avait choisi non pas pour son talent inné mais car il était le seul à présenter un tant soit peu d’aptitudes au poste d’attrapeur et Crestian savait le temps que Cyriac avait investi dans son poulain pour le mettre au niveau. Il avait encore les lettres dans son tiroir qui détaillaient en long et en large l’entraînement de l’adolescent. Au final, Anthony Corck n’était toujours pas un génie mais il en avait appris suffisamment pour ne pas causer la perte de son équipe. Toute la stratégie de Cyriac tenant à jouer aux points (ses poursuiveurs et son gardien le lui permettant aisément) pour laisser au jeune attrapeur le temps de trouver le vif d’or.
Suite à ces remémorations, l’Auror se promit de répondre à son frère dès son retour. En effet, outre le travail qui l’empêchait de prendre sa plume en paix, il n’avait pas su comment consoler son frère, ne sachant que trop que derrière les plaintes de celui-ci sur les chances de Poufsouffle de remporter la coupe qui s’envolaient, ce qui devait probablement empêcher Cyriac de dormir était bien plus la santé de son jeune ami. Bien peu de sorciers atteints de dragoncelle en ressortaient en vie et les rares chanceux étaient le plus souvent défigurés à vie. C’est donc en réfléchissant au moyen de remonter le frère de son cadet que l’Auror passa le reste de la journée et la nuit le surprit sans avoir trouvé de solution miracle. Heureusement, cette dernière fut plus clémente que la précédente et il se réveilla reposé. Il décida alors que le silence avait bien assez duré et que même un grand timide comme lui pouvait relancer la conversation de temps à autres sans pour autant provoquer de désastre.
-Veuillez excuser l’étrangeté de ma question mais que diriez-vous à votre fils si l’un de ses amis était atteint d’une maladie quasiment incurable ?
Réalisant que sa question sortait plus ou moins de nulle part, il s’empressa de lui donner un peu plus de contexte.
-A la manière des missives que vous semblez échanger avec votre fils, je garde en effet le contact avec mon frère cadet, élève à Poudlard également, et il m’a récemment informé qu’un de ses camarades avait attrapé une affection magique particulièrement sérieuse. Or je dois reconnaître ne pas avoir la moindre idée de quoi lui répondre. Vous aurez pu comprendre que je ne suis pas un homme de beaucoup de mots. Je pense ne pas me tromper en supposant qu’il en va de même de votre côté, je me disais donc que vous sauriez peut-être quoi faire dans ma situation.
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Jeu 25 Juin - 17:26
-Pardon ? répliqua le quadragénaire, déconcerté par la question.
-A la manière des missives que vous semblez échanger avec votre fils, je garde en effet le contact avec mon frère cadet, élève à Poudlard également, et il m’a récemment informé qu’un de ses camarades avait attrapé une affection magique particulièrement sérieuse. Or je dois reconnaître ne pas avoir la moindre idée de quoi lui répondre. Vous aurez pu comprendre que je ne suis pas un homme de beaucoup de mots. Je pense ne pas me tromper en supposant qu’il en va de même de votre côté, je me disais donc que vous sauriez peut-être quoi faire dans ma situation.
- Hum, c’est assez important votre histoire. Répondit le marchand. Attendez un peu. » Il installa la carriole à l’abri du vent, derrière une colline. Puis, il dessella les chevaux et enfin revint s’installer dans la carriole.
« Comme ça, nous aurons tout notre temps pour parler, sans avoir à nous interrompre," expliqua-t-il.
Il sortit de la trappe la bouteille de vin, versa ce qui restait dans deux verres –cela ne faisait qu’un fond, comme à chaque fois qu’il se servait-, et donna l’un d’eux au sorcier.
« Comme vous le voyez, je le réserve pour les longues discussions » dit-il en souriant.
« Vous avez raison de dire que je suis un homme de peu de mots. Je préfère agir, et ça ne me sert pas toujours d’ailleurs. Mais parfois jeune homme, il faut beaucoup parler, ou beaucoup écrire –et à mon avis, c’est ce que vous devrez faire cette fois-ci. Parfois, on n’a que les mots. Surtout en ce qui concerne votre frère, ou mon fils, puisque vous abordez le sujet. Ils sont loin tous les deux, et je suppose que vous non plus ne pouvez pas aller le voir quand ça vous chante. C’est comme ça. Nous devons faire tout notre possible pour les aider à grandir, de là où nous sommes.
Pour répondre à votre question, si c’est ce qui arrivait à mon fils, je sais qu’il m’écrirait qu’il est sûr qu’il y a une solution, qu’il y en a forcément une, parce que la magie et la médecine sont des choses en pleine évolution, et pleine de réponses. Tous les jeunes gens sont persuadés qu’on peut toujours agir, alors que parfois… Eh bien, il n’y a rien à faire. »
Le souvenir de sa femme lui traversa l’esprit. Cela faisait trop longtemps désormais, et il était trop vieux pour qu’il se sente triste –à sa propre surprise d’ailleurs. Mais il ressentit tout de même une sorte de mélancolie, qui fit s’échapper de son poitrail un long soupir.
« Je veux bien croire que la magie n’est pas une mauvaise chose en soi, mais pas plus que la science, elle ne peut répondre à tout. Avec ces disciplines, l’homme parvient à modifier légèrement le monde suivant ce qu’il souhaite, il peut, insensiblement, modeler son environnement. Mais si une tempête doit éclater, elle éclate ; si un naufrage doit survenir, il survient ; et si Dieu veut rappeler une âme auprès de lui, il la rappellera, sans que l’homme n’ait son mot à dire dans les affaires de l’univers.
Mais pardon, je m’égards. Je lui écrirais, à mon fils, ce que je pense de la situation. Je lui dirais que je suis sincèrement désolé pour son ami, et que je comprends sa douleur, et le sentiment d’injustice qui l’habite. Un jeune homme aujourd’hui, surtout s’il peut aller à l’école, a bien d’autres choses à faire qu’à mourir. Il doit apprendre, faire la connaissance de ses pairs, trouver une place dans la société, construire l’homme qu’il sera. Mais toutes les bonnes raisons du monde n’ont jamais empêché des personnes admirables de mourir, ni ne les empêcheront jamais. Par conséquent, il est inutile de s’apitoyer sur cet événement, et de rêver d’un temps futur où les maladies les plus terribles auront déserté les hommes.
A notre époque, les maladies terribles existent, et les hommes en meurent chaque jour. Mais il arrive que ces maladies ne soient pas foudroyantes, et que ceux qu’elles assaillent gardent leurs sens, ou leurs facultés physiques. C’est une opportunité pour eux de dire adieu à leurs proches, et au monde. Nous devons les aider dans cette démarche, en leur permettant de vivre les meilleurs moments qui leur soit possible dans le temps imparti. Car, si la maladie leur offre un dernier répit, faut-il nécessairement qu’il se passe au milieu de visages tristes et de journées monotones ? Les proches jouent à cet instant un rôle capital, car il leur incombe d’accompagner, d’écouter, d’épauler celui qui s’en va, d’éclairer ses journées sans en nier les moments d’obscurités.
Si par miracle, l’infection abandonne un corps qui respire encore ; si elle renonce avant d’avoir terminé sa besogne ; il sera temps de se réjouir alors et de profiter avec l’être cher de la nouvelle chance accordée par le Seigneur. Mais si l’ordre des choses suit son cours, alors il faut avoir la force de ne pas s’abandonner au désespoir, et de l’accepter avec dignité. Ainsi seulement, ce temps avant la mort ne sera pas perdu. »
Ismaël se tut, et but lentement son verre de vin. La lumière de la flamme faisait ressortir en tâches claires le visage de Longbottom, ses mains, un bout de toile blanche, l’arceau de bois qui soutenait la lampe à huile, tandis que le reste disparaissait dans les différentes nuances des ténèbres, comme dans un tableau en clair-obscur.
« Je ne sais pas si ce que j’ai dit vous aidera. Mais si un vieux grincheux comme moi peu vous être un peu utile, c’est déjà ça. » dit le marchand en riant un peu.
C’était dans une atmosphère un peu comme celle-ci qu’il racontait parfois à Yorick une aventure de sa jeunesse, en autorisant le garçon à prendre une goutte d’alcool. Le brave enfant était bon public, et prenait très à cœur les problèmes qu’un jour son père avait dû surmonter. A cet instant, le marchand se rendit compte à quel point son fils lui manquait, et à quel point il aurait aimé que Yorick soit auprès de lui. Combien de temps restait-il à vivre au marchand avant qu’une infection ne le frappe ? Avant que des bandits n’arrêtent pour toujours son chemin ? Avant qu’une lame, qu’un feu, qu’une chute ne le jettent à terre sans qu’il puisse se relever, le détournant à jamais de son fils ? Peut-être à cause de la nuit, de cette conversation, le marchand eu un sombre pressentiment sur ce qui l’attendait à Whitehill. Il préféra s’en détourner, et penser à autre chose.
« Mais je me rappelle qu’à l’auberge, je vous ai supposé une famille, et que vous n’avez rien répondu. N’avez-vous ni femme, ni enfant ? Pas même une promise ? »
La question l’avait intrigué pendant sa longue rêverie quotidienne, seulement interrompue par un tournant difficile à prendre ou le son d’un clocher. Il ne s’était pas retourné pour poser la question à Crestian, parce qu’une autre pensée sur le moment plus importante – mais qu’il avait désormais oubliée- avait chassé la première de son esprit. Or la voilà qui ressurgissait finalement, offrant une bonne échappatoire à des ruminements trop noirs.
Le lendemain, les ruines de Whitehill apparurent au sommet d’une colline, baignées dans la clarté fraîche de l’aube. Un sentier de terre battue serpentait le long d’un versant pour rejoindre l’azur, et les pieds de la vieille forteresse. A un croisement, le chemin bifurqua brusquement et passa sous une large arche en pierre couverte de mousse, à côté de laquelle avait été plantée une pancarte de bois, qui indiquait en lettres capitales « collis albae monasterium ».
« C’est là» dit Mérindol en descendant de son siège. Il marmotta le Noster Pater, finissant par une phrase qui ne faisait pas partie de la prière:
« Dominus duis devis animis salutem viam das. » que l’on aurait pu traduire par : « Seigneur, offre à deux âmes égarés le chemin du salut ».
Apparemment, rien n’avait changé. Pourtant, Ismaël hocha la tête, reprit les rênes de sa carriole, et conduisit son attelage de façon à ce qu’il passe sous l’arche. Sur l’un des pieds, à demi caché par les herbes folles, le G de Grace était gravé dans la pierre.
Il y a onze ans, Whitehill n’était protégé que par une illusion, un brouillard qui reconduisait celui qui y entrait d’où il venait. Ismaël menait les chevaux par la bride, désespéré de trouver une sortie, lorsqu’il avait entendu le rire de sa prisonnière.
Elle avait trouvé à se détacher et à reprendre sa baguette, et créait des papillons dorés autour de Yorick qui tentait de les attraper en leur courant après. Cette vision avait suscité une vague de panique chez le jeune père, qui avait aussitôt attrapé son enfant pour l’écarter de la sorcière.
« Comment avez-vous réussi à vous libérer ? » (il devait apprendre bien plus tard que c’était Yorick qui avait aidé la sorcière en lui amenant sa baguette, comme l’enfant la lui avait déjà amené au village.)
« Rien n’est impossible pour les sorciers. Répondit la jeune femme, en faisant disparaître les papillons. Et surtout pour une sorcière comme moi. Il est inutile de se montrer si méfiant à mon égard. Cela fait un moment que je me suis libérée, et que j’attends que vous le remarquiez, afin de vous prouver que vous n’avez rien à craindre.
- Joli discours, qui serait plus crédible si vous n’aviez pas essayé de m’ensorceler hier ( Ismaël devait aussi apprendre bien plus tard que le fameux sort visait à le tuer, et non à l’ensorceler).
La jeune fille devait avoir à peine vingt ans. A la mention de ce qui s’était passé la veille, la colère et la tristesse se mêlèrent sur son visage.
- Je comprends votre ressentiment. Je suis sincèrement désolé. La vérité, c’est que je ne voulais pas mourir, et que j’avais vraiment très peur. J’ai cru que vous alliez me livrer à ces monstres, ou même me tuer. J’étais désespérée et… Je vous prie de me pardonner, si cela vous est possible. Vous savez, continua-t-elle, je me suis toujours très bien conduite dans mon village. Je jure sur tout ce qui me reste que je n’ai jamais cherché à nuire à autrui, et que je suis toujours restée dans le droit chemin. Je me servais de ma magie en secret, pour aider les villageois, et pour pouvoir toujours la contrôler. Ce qui ne les a pas empêchés de me torturer pour me faire avouer des crimes que je n’avais pas commis et de décider de me brûler vive, quand ils ont su qui j’étais. Même ma famille m’a reniée.
- Je suis désolé. répondit Ismaël, un peu hasard. Il était véritablement touché, mais craignait que ce fût une ruse. Néanmoins, continua-t-il, j’ai bien peur de n’avoir d’autres choix que de vous laisser au premier village que je trouverai. »
Le marchand avait craint des pleurs et des cris, ou pire. Heureusement, rien de tout cela n’arriva.
« Cette décision me convient. Je connais un village pas loin d’ici. Mais cette brume est magique, et vous aurez besoin de mon aide pour la franchir. Laissez-moi mener vos chevaux. »
Ismaël refusa d’abord, mais revint finalement à l’endroit exact où il avait pénétré dans la brume. Le lieu était dangereux car trop proche du village de Grace, et le brouillard couvrait trop de terrain pour le contourner sans risquer de se faire rattraper par les villageois. Grace pris la tête, Mérindol à ses côtés, et ils s’enfoncèrent une deuxième fois dans l’air cotonneux. A ce moment, le marchand était très méfiant envers toute forme de magie ; il espérait vivement que ce périple prendrait fin bientôt et qu’il serait débarrassé de cette ensorceleuse, évidemment sans savoir qu’il se dirigeait tout droit vers l’une des premières communautés composées uniquement de sorcières.
Ismaël eu un sourire devant ce rappel du passé, et leva la tête vers la seul chose qui avait changé dans le paysage, petit point entre l’azur et la verdure : la superbe citadelle de Whitehill, plus belle que jamais.
« Dans trois jours a lieu le match décisif entre Griffondor et Poufsouffle. Viendrez-vous Yorick ?
-Vous savez bien qu’il ne viendra pas, déclara Patty à Christopher, levant son menton d’un air hautain. Il est trop occupé à obéir à son père. »
Patty était une jeune fille charmante en temps normal, bonne camarade, toujours rieuse, frondeuse, mais sans qu’elle ne s’en rende compte, le désappointement lui dictait parfois des phrases méchantes. En fin observateur de l’âme humaine Yorick savait cela, et ne lui en tint par rigueur.
« Notre amie a raison. J’ai promis à mon père de courir le moins de risque possible, donc je préfère éviter d’assister aux rencontres de Quidditch. »
L’adolescent vit Patty Fennimore froncer les sourcils, parce qu’elle aurait bien répliqué : « eh bien, pourquoi continuez-vous de faire des expérimentations avec nous sur les Portauloin ? Elles sont risquées aussi ! » mais l’étudiante ne dit rien, par peur d’être prise au mot. Christopher Frost, lui, n’abandonna pas tout de suite. Tandis que les trois amis marchaient dans les couloirs de l’école, il vanta le mérite de ce sport. Il déclara entre autre que cette rencontre en particulier serait mémorable, du fait des stratégies opposées des deux équipes : Griffondor avait une tactique « agressive », et était comparable à « des bandits venus dérober la victoire », qui « alliaient la rapidité des voleurs à la violence des conquérants », tandis que Poufsouffle ressemblait davantage à « une forteresse », « un labyrinthe », fait pour « perdre ses adversaires dans ses méandres » avant d’asséner « un coup violent, final et fatal ».
« Christopher, Parlons-nous encore de Quidditch? Parce que plus je vous écoute, plus j’en doute. » plaisanta gentiment Yorick. Ses deux camarades rirent de bon cœur, avant que le jeune Frost ne tente un dernier assaut :
« Si vous ne me croyez pas, venez donc seulement à la première manche. Vous serez étonné par la maîtrise de ces étudiants. Le capitaine des Poufsouffle est tout simplement un prodige en la matière !
-Il paraît oui. » Souffla Yorick. Le jeune homme possédait une voix grave et parlait assez bas, ce qui fit que ses compagnons ne remarquèrent pas son ton un peu amer. Il avait eu une occasion de voir Cyriac Longbottom, lorsque celui-ci, promu capitaine, avait été porté par des camarades qui clamaient son nom. Cyriac était très grand, athlétique, populaire, et semblait incarner la confiance en soi. Tout le contraire du frêle Yorick Mérindol ! Mais l’étudiant avait-il vraiment le temps de cultiver toutes ces qualités ?
*Peu m’importe ma taille ou ma stature, après tout.*
Il ne pouvait s’empêcher cependant d’éprouver une jalousie qui lui mordillait parfois le cœur. Non pas qu’il aurait voulu être populaire et que tout le monde recherchât sa compagnie –son petit cercle d’amis lui convenait très bien- mais il espérait, comme l’était aujourd’hui Cyriac pour ses prouesses, être reconnu pour son mérite. Pour les sorts qu’il créerait –un jour.
Une sensation de chaleur le sortit de ses pensées. Une sorte de piqûre à la main droite, sur la première phalange du majeur. Yorick portait une bague en argent grossièrement ciselée, plus ou moins épaisse par endroit, parcourue d’inscriptions. Il était le seul à savoir qu’il y avait sous l’argent une minuscule pierre de crapaudine. Il avait ensorcelé la pierre afin qu’elle chauffe si son père était en danger. Jusqu’à récemment, elle était restée froide, avec peut-être un vague tiédissement un jour où il avait vu son père glisser sous la pluie et se déplacer une vertèbre. Mais depuis quelques jours, elle chauffait progressivement. Yorick ne s’en était pas inquiété, parce que le métier de marchand comportait nécessairement sa part de danger. Mais la façon de réagir de la crapaudine commençait à le préoccuper.
Les trois étudiants de Serdaigle étaient arrivés dans une arrière-cour déserte, (essayer de créer un portauloin n’était pas explicitement interdit dans le règlement, mais cela n’était surement pas autorisé) entouré d’un préau. Patty sortit de sa besace un tronçon de bois qu’elle posa au sol. Puis elle vérifia une dernière fois avec les deux garçons les calculs qu’ils avaient faits. Normalement, un flux magique traversait la cour d’un bout à l’autre. Il y avait sur terre une infinité de flux –comme des vents- qui la parcourait de part et d’autres, et que les portauloins suivaient, à l’instar des objets qui tombent à l’eau et sont entraînés par le courant. Il fallait donc enchanter l’objet voulu afin qu’il soit sensible au flux pendant une certaine période – le temps de parcourir la distance jusqu’au but souhaité. Pour cette fois-ci, le but en question était de l’autre côté de la cour. Christopher enchanta le tronçon, et, retenant leur respiration, les trois amis l’attrapèrent en même temps.
Le sort était admirablement réussi pour un adolescent de quinze ans, mais comportait néanmoins quelques lacunes. Les trois amis furent projetés sur les piliers qui soutenaient le préau, et s’écroulèrent à terre du fait de la douleur. Une fois remis, ils se concertèrent, et durent faire plusieurs modifications dans leurs calculs. Enfin, leur nouvel essai fut couronné de succès. Cette réussite arriva à point nommé : l’horloge sonna dix-neuf heures, ce qui leur laissait une demi-heure avant le dîner.
Cette expérience marquait la fin des recherches sur les Porteauloins. Patty, Christopher ne firent que parler du nouveau sujet sur lequel se porterait leur attention. Cependant, tandis qu’il mangeait, Yorick participa de moins en moins à la conversation : la chaleur de la crapaudine augmentait de façon inquiétante.
Il prétexta un soudain coup de fatigue, et sortit de la salle à manger, comme pour se rendre à son dortoir. Cependant, il fit avant cela un détour par la bibliothèque. A cette heure-ci, aucun élève n’avait le droit d’y pénétrer, sous peine de sévères punitions. Yorick hésita, faillit s’en retourner ; mais la pierre chauffait.
Il poussa la porte en bois, les mains moites, et marcha rapidement jusqu’au rayonnage qui l’intéressait. Sur une étagère était posé un ouvrage avec différentes cartes des flux qu’utilisaient les Portauloins. Il s’en saisit, et pensa repartir aussitôt, mais quelqu’un d’autre entra dans la bibliothèque.
Le cœur de Yorick se mit à battre à toute allure. L’adolescent, angoissé, se cacha autant qu’il pu, et regarda entre deux livres l’inconnu qui venait le déranger.
Ils étaient deux, et le jeune Mérindol les reconnu tout de suite : deux élèves d’un an plus âgés que lui, qui avait découvert qu’il était un Sang-de-Bourbe et aimait à le persécuter.
« Mérindol, montre-toi, on sait que tu es là ! » siffla l’un d’eux, tandis que l’autre commençait à fureter.
Désormais, la sueur ne perlait plus uniquement sur les mains de Yorick : tout son corps transpirait. Il se recroquevilla dans un coin en cherchant sa baguette dans la poche de son uniforme.
Il fut sur le point de défaillir quand il constata qu’elle n’était pas sur lui. Il l’avait oubliée avec sa besace dans la salle à manger, tant il était préoccupé. Il ne pouvait lancer aucun sort sans son catalyseur.
* Je suis perdu. Ils vont me trouver et me faire subir toute les horreurs qui leur passeront par la tête.*
La seule solution qui lui restait était d’agir comme si ses doigts-mêmes étaient le catalyseur. Une très mauvaise idée, puisque c’était justement pour éviter cela que les baguettes existaient.
Yorick écarta silencieusement une rangée de livre, et, tout tremblant, pointa avec son index et son majeur l’étudiant le plus proche de lui.
« Hypnosi Execratio » murmura-t-il entre ses dents.
Il ressentit une vive douleur dans la main, qu’une personne d’aujourd’hui aurait comparée à une électrocution ; et son premier adversaire tomba sur le sol, évanoui.
« Richard ? » s’écria son acolyte en se précipitant vers lui. Il voulut l’aider, mais c’était inutile : Yorick avait inventé ce sort il y a peu, ce qui faisait qu’il était impossible pour le camarade de comprendre ce qui s’était passé et de réciter un contre sort. L’enchantement en soi n’était pas remarquable : tout élève qui accomplissait ses études supérieures aurait su faire de même. L’ensorcellement restait d’ailleurs très imparfait, parce qu’en partie aléatoire, et Yorick espérait que ses deux assaillants ne reprendrait pas conscience trop vite.
« Hypnosi Exsecratio » répéta Yorick. La décharge fut plus violente encore, et malgré lui l’adolescent émit un gémissement de douleur. Heureusement, il n’y avait plus personne d’éveillé pour l’entendre.
Le souffle court, Yorick sortit de la bibliothèque et se rendit aussi vite qu’il put au dortoir des Serdaigles. Le tableau qui gardait les chambres de cette maison ne laissait jamais entrer qui que ce soit sans poser une énigme auquel il fallait impérativement répondre juste. Mais il savait moduler la difficulté des questions suivant les occasions, et se décida rapidement quand il vit la mine affreuse du pauvre adolescent.
« Qu’est-ce qui a quatre pattes le matin…
-L’homme, c’est l’homme. » bégaya immédiatement Yorick.
Il se réfugia aussi vite qu’il put dans la pièce commune. Ses amis n’étaient pas encore arrivés. Il cacha le livre sous le canapé qui occupait le centre de la pièce, et allait partir pour l’infirmerie lorsque Patty et Christopher entrèrent. Ils poussèrent un cri de stupeur en constatant l’état de Yorick : il avait le teint pâle, était couvert de sueur, et surtout sa main droite paraissait sévèrement brûlée sur toute une partie. Patty fut la plus prompt à réagir, et après un temps de surprise, elle saisit sa baguette et appliqua un sort de soin à la main de Yorick. Des cicatrices restèrent, mais la douleur s’atténua.
« Ne vous inquiétez pas, temporisa Yorick. J’ai voulu m’entraîner pour un sort comme si j’avais ma baguette, mais j’ai fait l’idiot et ai récité le sort jusqu’au bout. Ma main a servi de catalyseur et je me suis brûlé, voilà tout. »
Ils allèrent tous les trois à l’infirmerie, et l’adolescent fut sévèrement réprimandé. La guérisseuse présente dû appliquer une potion par piqûre, puisque la chair était brûlée de l’intérieur. Mais après un bandage, une prescription et de nouvelles réprimandes, Yorick pu retourner dans la salle commune de sa maison.
L’étudiant attendit que tout le monde soit endormi pour se lever discrètement de son lit, et consulter l’ouvrage qu’il avait caché. Le volume comportait de nombreuses pages à différentes échelles, ce qui fit que l’adolescent mis un certain temps à trouver ce qu’il cherchait : un flux amenant directement de Poudlard à Whitehill. Il en dénicha finalement un, un alluvion large de quelques mètres, qui rejoignait ensuite un flux plus important menant au Yorkshire.
Surement détourné du fait de protection magique –après tout, les flux ne servaient pas qu’aux portauloins- l’alluvion suivait les murs de l’enceinte, et restait donc inaccessible. Yorick ne découvrit qu’un seul endroit où le flux s’écartait des murs et traversait une pièce : il s’agissait de la salle commune des Poufsouffles.
* Bon. Il faut que j’entre dans un dortoir qui n’est pas le mien, ce qui, en théorie, est aussi impossible qu’interdit.*
L’idée n’enchantait guère Yorick : il détestait transgresser les règles, parce qu’elles lui procuraient un sentiment de sécurité, et parce qu’il essayait de se montrer le plus droit possible. Parfois, l’appel du savoir était plus fort, et il avait déjà aidé Christopher à dérober un livre de la réserve le temps de le consulter, ou Patty à trouver des herbes magiques qui poussaient dans la forêt interdite. En cet instant, il éprouvait plus fort que jamais le sentiment d’insécurité qui l’habitait lorsqu’il avait franchi les limites des règles : Il avait pénétré dans la bibliothèque en dehors des horaires autorisés, subtilisé un livre, usé de la magie contre des camarades, et s’apprêtait à fabriquer un portauloin en forçant la porte des Poufsouffles pour rejoindre son père et le sauver d’un potentiel danger –parce qu’il n’était pas certain que sa bague fonctionne correctement.
* La salle commune. Il faut que j’y entre. Le plus simple serait qu’un poufsouffle m’ouvre.*
Mais cela équivalait à impliquer quelqu’un d’autre dans son plan. Or, s’il y avait une véritable menace,- ce qui restait possible, puisque Whitehill représentait tout ce que détestaient les moldus de la régions- Yorick ne pouvait pas emmener n’importe qui avec lui. Edgard était volontaire mais pas très bon en sorcellerie. Patty se montrait douée pour les enchantements, c’est-à-dire les sorts qui mettaient un certain temps à être prononcé, au contraire des sorts de combats. Christopher aimait beaucoup les duels et s’entraînait dans ce sens, mais cette forme d’affrontement impliquait un certain statisme, et Yorick doutait des capacités de son ami dans un combat réel.
*Si je ne peux pas entrer grâce à un poufsouffle, il faut que je parvienne moi-même à déjouer le piège de l’entrée.*
Yorick travailla de vingt-trois heure à une heure trente du matin pour faire de nouveaux calculs, et à réadapter l’enchantement qu’il avait construit avec ses camarades. Il prit une bûche près du feu, la cacha dans son sac, et se dirigea discrètement vers le dortoir des Poufsouffles, en espérant avoir une meilleure idée en chemin –et que personne de cette maison n’était encore éveillé en ce moment.
Dernière édition par Ismaël Mérindol le Mar 30 Juin - 16:48, édité 1 fois
- Invité
Que vois-tu…?
Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Dim 28 Juin - 13:17
Les premières paroles du marchand lui rappelèrent celles prononcées quelques mois auparavant par Passiflore : mettre des mots sur ses émotions était parfois nécessaire pour se décharger d’un poids trop lourd. La Guérisseuse le lui avait conseillé après la mission désastreuse qui avait coûté la vie de tant de ses camarades et, s’il avait tout d’abord regardé avec beaucoup de circonspection le petit carnet qu’elle lui avait offert en lui conseillant d’y épancher ses soucis, il s’était peu à peu surpris à y trouver un réel baume au cœur. Il ne rédigeait pas régulièrement et il se passait souvent des jours voire des semaines sans qu’il n’ouvre la couverture de cuir de dragon. Néanmoins, de temps à autres, lorsque les cauchemars refaisaient surface ou lorsqu’un évènement le perturbait, il épanchait ses troubles sur le parchemin, satisfait de dévoiler ses troubles sans que personne ne le juge pour autant. Après la Nuit de la Concorde notamment, il avait été pris d’une frénésie d’écrire. La mission qui lui avait été confiée de procéder à la reconnaissance des morts pour ensuite prévenir les familles lui avait en effet bien plus coûté que le tournoi lui-même. Etre bombardé de pleurs, de douleur et de rage que les proches lançaient souvent contre les émissaires à défaut d’avoir les coupables sous la main s’était révélé un des moments les plus durs de sa vie. Il en avait même en partie voulu à son père de lui avoir imposé une tâche si déplaisante, tout en sachant qu’il n’était pas le seul et que les Aurors plus âgés étant occupés ailleurs, les recrues les plus jeunes avaient été chargées de ce travail ingrat mais nécessaire. De plus, lorsqu’il avait par la suite eu l’occasion d’en discuter avec Benedict, ce dernier avait déclaré que jeunesse ou non, il l’aurait probablement nominé pour la tâche car tout homme qui donne la mort dans le cadre de son travail se doit d’en connaître les conséquences pour ne pas agir à la légère. Tout mage noir, toute créature de la nuit a des proches et prendre une vie n’est jamais sans répercussions.
La sagesse qui ressortait des propos d’Ismaël lui rappela d’ailleurs un instant son propre père. Les deux hommes avaient côtoyé la mort, de manière fort distincte, mais leurs paroles portaient la trace d’un chemin ardu parcouru la tête haute. Ils avaient ainsi appris à accepter que, pour aussi puissants qu’ils se croient, les hommes ne contrôlent pas tout et que la nature reprend souvent ses droits de la manière la plus cruelle qui soit. Ravir un adolescent dans la force de l’âge dans le cas présent. Absorbant les conseils du marchand, le jeune Auror hochait la tête en silence, s’efforçant de stocker les subtilités du discours du quadragénaire pour le moment où il prendrait la plume à son tour. Car s’il savait pertinemment que reprendre les formules d’un autre se révélerait inutile et creux, partir d’un modèle était toujours plus aisé que de devoir faire face à la page vierge. Ainsi, lorsque Mérindol partit d’un rire profond, un sourire apaisé se dessina sur les lèvres de Crestian.
-Ne vous sous-estimez pas. Votre discours m’a été d’une grande aide, au-delà même du cas qui nous concerne présentement. Le choix de carrière que j’ai fait s’il est moins terrifiant que vous vous le représentez comporte sa part de danger et d’injustices qu’il est parfois bien difficile d’accepter sereinement. Je suis donc certain que vos paroles m’accompagneront longtemps.
A peine avait-il néanmoins terminé sa tirade de remerciements que la question suivante du marchand lui causa un rougissement intempestif bien peu attendu chez un homme de sa carrure. Une promise ? Pas exactement. Pourtant, force était de constater qu’à l’écoute de cette expression, son esprit s’était empressé de lui présenter le visage angélique de Passiflore. Il était d’ailleurs étrange comme la perception du temps était une chose relative. Seuls quelques mois s’étaient écoulés depuis sa rencontre avec la belle Française mais il avait l’impression de l’avoir toujours côtoyé. Et, si d’un côté, il craignait d’aller trop vite en besogne et d’effrayer la Guérisseuse, de l’autre son cœur lui susurrait de plus en plus souvent que s’il n’agissait pas rapidement pour laisser ses intentions on ne peut plus claires, un autre lui ravirait les attentions de la demi-vélane. S’efforçant de reprendre ses esprits, il tenta donc de répondre à Mérindol. Il lui devait bien ça après le temps qu’il venait de lui accorder.
-Je ne suis ni marié ni fiancé mais je vous mentirais si je ne reconnaissais pas que mon cœur est pris. La situation est cependant complexe et si je ne me permettrais pas d’insulter l’intelligence de la femme de mes pensées en supposant qu’elle n’ait pas remarqué mon intérêt, notre rencontre est récente. Sans compter qu’elle est arrivée depuis peu en Angleterre et ne possède pas de famille sur qui s’appuyer, je ne voudrais donc pas abuser de l’amitié qu’elle m’a accordée en la forçant dans un engagement qu’elle ne désirerait pas complètement. C’est une femme indépendante et c’est une des choses qui me plaît chez elle, je ne voudrais donc pas lui donner l’impression de lui enlever sa liberté. Enfin bref, c’est compliqué.
Mais l’amour l’est toujours comme disait sa grand-tante Georgina. Heureusement, cela ne l’empêcha pas de bénéficier d’une bonne nuit de repos et, lorsqu’ils se levèrent le lendemain, il était en pleine possession de ses capacités. Qu’il mit bien vite en œuvre car l’arrivée devant les ruines du monastère signifiait le début réel de sa mission et que, si personne ne devait être au courant de leur visite, on n’était jamais trop prudent. La main sagement posée sur son porte-baguette, il jetait ainsi des regards alertes aux alentours tandis que Mérindol prononçait ce qui ressemblait à une prière. Et soudain, devant ses yeux, les ruines se transformèrent en citadelle resplendissante et il ne put retenir un sifflement d’admiration. Les lieux étaient dignes de rivaliser avec Poudlard lui-même ! Le style architectural n’avait rien à voir mais l’impression de force tranquille qui se dégageait de l’endroit était très similaire. Dans un demi-sourire amusé, il déclara donc :
-Réussite de la mission ou non, voilà de quoi ne pas me faire regretter le voyage.
Trois jours avant le match fatidique et leur nouvelle stratégie était loin d’être au point. Le remplacement d’Antony avait été aussi compliqué que prévu. Aucun parmi les candidats s’étant initialement présentés en septembre n’avait attiré son attention. Quelques nouvelles têtes avaient bien fait leur apparition et notamment quelques élèves plus âgés qui, refusant de voir la coupe leur échapper une année de plus alors qu’ils étaient si prêts de la remporter, s’étaient portés volontaires, mais aucun d’eux n’avait de prédilection pour le poste d’attrapeur. Dorothy McDuff avait occupé le poste de poursuiveuse pendant ses premières années avant de perdre l’intérêt pour la compétition et de quitter l’équipe. Or, si elle volait bien, elle était trop habituée à compter sur ses coéquipiers pour faire une bonne attrapeuse, poste individualiste s’il en est. Quant à Jonas Grandhead, il y avait une raison pour laquelle il n’avait jamais été pris dans l’équipe malgré son talent évident sur un balai : il passait plus de temps en retenue que tout le reste de toute sa promotion confondue. Le quatrième année était en effet un fauteur de troubles de première et si sa loyauté sans faille n’en avait pas fait un Poufsouffle, il aurait fait un excellent Gryffondor nul doute là-dessus. Quoiqu’il en fût, Cyriac se refusait à l’intégrer à l’équipe et prendre ainsi le risque de la voir collé le jour J. Ce qui n’avait plus laissé que Lysander Abbot comme choix final.
Le septième année se souciait bien peu de Quidditch lui qui désirait suivre les traces de son grand-oncle dans le domaine de la Médicomagie pour devenir plus tard professeur. Mais il possédait néanmoins une rare agilité balai en main et, à la demande insistante de ses amis, avait accepté de postuler pour sauver l’équipe de la mauvaise passe dans laquelle ils se trouvaient. S’il avait été moins bien éduqué, Cyriac en aurait sauté de joie ! Et lorsqu’il annonça son choix à Lysander et que celui-ci exigea en retour que Cyriac le mette en contact avec sa sœur, en espérant que Crestia se révèlerait plus loquace que son Maître sur le contenu de leurs recherches actuelles, il s’empressa d’accepter. Il n’eut néanmoins pas le cœur de prévenir son aîné que Crestia n’était pas connue pour sa propension à la discussion, ne désirant pas que le septième année change d’avis. Et puis, qui savait avec Crestia ? Si ça trouve, l’idée de discuter de ses travaux avec quelqu’un la comprenant serait bien capable de l’intéresser.
Enfin, tout cela ne le concernait plus, il avait une équipe à emmener en finale et c’était la seule chose qui comptait à ses yeux pour le moment. Et pour cela le match à venir serait décisif. Gryffondor qu’ils allaient affronter se trouvait en effet en troisième position mais talonnait de très près Serpentard et s’ils gagnaient contre Poufsouffle et que Serpentard battait Serdaigle, Poufsouffle pouvait parfaitement tomber doublement de son piédestal et voir la finale leur passer sous le nez. Leur avance n’était en effet pas assez marquée pour se permettre une quelconque erreur stratégique. Tout le problème étant que leur nouvelle équipe manquait encore grandement de cohérence. Lysander avait beau être un attrapeur décent, il n’avait nulle habitude de jouer en équipe et recherchait le vif d’or comme s’il était seul sur le terrain, gênant le reste des joueurs. Peu à peu, ces derniers s’étaient habitués à sa manière de voler mais ce qui inquiétait réellement Cyriac était que Lysander ne prenait absolument pas en compte les Cognards, ce que les batteurs de Gryffondor ne tarderaient pas de remarquer et ils s’en donneraient à cœur joie nul doute là-dessus. Il connaissait en effet bien Julian et Maxim Warhill, le duo de cousins qui tenaient le poste de batteurs des Rouge-et-Or depuis déjà cinq ans, les ayant longuement admirés avant d’avoir le plaisir de croiser la batte contre eux sur un terrain. Les septième années étaient rapides et précis, tels des canons incessamment rechargés. Lysander n’aurait aucune chance. A moins que Cyriac lui-même ne s’occupe de sa protection durant tout le match. Ce qu’il comptait bien faire. Mais cela laissait à Gregory Fowl, son binôme, le poids de devoir protéger tout le reste de l’équipe tout en visant les Gryffondor. Il espérait que le quatrième année ne craquerait pas sous la pression. Il ferait de son mieux pour le soutenir mais protéger Lysander se révélerait probablement déjà un travail à temps plein.
Bref, beaucoup d’incertitudes existaient encore et pour le jeune capitaine habitué à prévoir les coups de l’équipe adverse à l’avance pour préparer son équipe en conséquence, l’idée de devoir se lancer dans un match crucial aussi peu préparé lui donnait des insomnies. Le Quidditch était son royaume et plus la fin de sa scolarité approchait et plus il se demandait s’il n’allait pas envisager une carrière de joueur professionnel. Il se savait en avoir les capacités, il doutait simplement que sa famille accepte son choix. Le Quidditch en tant que hobby était une chose, en tant que carrière une autre.
Ainsi, désespéré à l’idée de trouver le sommeil et ressentant un soudain creux, le sixième année prit la décision de quitter son dortoir et d’aller faire un tour dans les Cuisines. C’était l’avantage d’être si près de ces dernières. Surtout qu’étant donné l’heure avancée, les préfets devaient avoir fini leur rondes depuis longtemps et, à l’exception des quelques professeurs de garde de nuit, il ne risquait pas de croiser quiconque. Fils, petit-fils et frère d’Auror, il n’en prit cependant pas moins sa baguette : on n’était jamais trop prudent.
Sans surprise, il ne croisa personne dans la salle commune : les examens n’étant pas encore assez proches pour que des cinquièmes ou septièmes années se lancent dans des nuits blanches de révisions compulsives. Il traversa donc la pièce en silence et descendit la pente menant à l’entrée de la salle. Sans un bruit, la porte du tonneau s’ouvrit alors et, d’un coup d’œil, le cadet Longbottom s’assura que personne n’était aux alentours puis il sortit. Il n’avait cependant pas fait trois pas en direction du tableau commandant l’entrée des Cuisines qu’il entendit des pas approcher. Il se cacha donc prestement dans un renfoncement du mur et attendit de voir de qui il s’agissait.
A sa grande surprise, un élève qu’il ne connaissait pas mais qui portait les couleurs de Serdaigle fit alors son apparition et se dirigea silencieusement vers l’entrée de la salle commune. En temps normal, il n’y avait pas de rivalité particulière entre Serdaigle et Poufsouffle, rien à voir en tous les cas avec la guerre semi-ouverte entre Serpentard et Gryffondor mais Cyriac n’apprécia pas pour autant de voir un Bleu-et-Bronze fureter près de sa salle commune. Alors, sortant de l’ombre, il pointa sa baguette sur l’intrus et demanda d’une voix dure :
-On peut savoir ce que fait un Serdaigle si loin de sa tour au beau milieu de la nuit ?
Auror
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Mar 30 Juin - 16:30
-C’est magnifique, n’est-ce pas ? » ajouta Mérindol, d’une humeur gaillarde. Même si l’hiver battait de son plein et que le froid persistait, le soleil éclairait le versant que traversait Mérindol et y déversait une douce chaleur. Parfois, le sentier se divisait en deux ou en trois branches, et le marchand s’arrêtait un instant pour réfléchir. Mais heureusement, ce chemin restait assez familier, malgré le long intervalle qui séparait chaque visite. Dans le passé, il avait mis parfois tout une après-midi à se rendre à Whitehill, parce qu’il ne se souvenait pas de l’itinéraire exact. Tous les chemins menaient au monastère, mais un seul ne conduisait pas à une bâtisse en ruine et depuis longtemps inhabitée.
En montant, ils croisèrent une première sœur qui gardait des montons. Le chien qui l’accompagnait aboya en voyant la carriole et vint tourner autour en remuant la queue de joie. Très agile, il parvint même à sauter dedans pour chercher des caresses auprès de l’auror.
« Rufin ! Au pied ! » s’exclama la bergère. Elle devait avoir une quarantaine d’année mais semblait aussi fringante que sa bête. En l’entendant, cette dernière sauta de la carriole pour se précipiter vers sa maîtresse.
« Bien le bonjour, M. Mérindol.
- Ma sœur… » répondit l’intéressé en baissant la tête pour la saluer.
« Je suis ravie de cette visite, mais ne deviez-vous pas revenir beaucoup plus tard ?
- En effet, mais j’ai une affaire particulière dont je voudrais discuter avec la mère supérieure.
-Je souhaite que votre affaire se conclue comme vous l’espérez.
- Merci ma sœur. »
La carriole dépassa le troupeau et la religieuse fit un signe de la main aux voyageurs, bien qu’elle parût un peu surprise en voyant Crestian.
Le monastère de Whitehill ressemblait plus à l’ancienne citadelle de l’extérieur : une grande muraille le protégeait, et quelques tours s’élevaient au-dessus. Néanmoins, la situation devenait toute différente à l’intérieur. Certes, les murs principaux restaient ceux du château, mais l’ensemble avait été réorganisé afin de laisser la place à des potagers intérieurs qu’entourait des préaux soutenu par des arcades. Ismaël plaça sa carriole à l’intérieur de l’enceinte, tout à côté avant de guider Crestian. Les religieuses ne manquaient jamais de les saluer. Contrairement à autrefois, elles n’avaient plus cette maigreur maladive, ou ces vêtements miséreux ; mais il restait impossible de douter de la vie ascétique qu’elles devaient mener. La plupart devait avoir entre une quarantaine et une cinquantaine d’année, même si les voyageurs rencontrèrent quelques visages plus jeunes. Une enfant de douze ans notamment croisa leur chemin, et les salua avec le même sérieux que ses aînées.
Mérindol et Longbottom pénétrèrent dans une grande salle, qui avait été une salle de bal, et dans laquelle les sœurs tissaient désormais. Sans qu’il s’en aperçoive, Mérindol ralentit le pas et observa leur travail, et les motifs qui se construisaient lentement. Devant la beauté et la qualité des ouvrages, un sourire presque béat se dessina sur son visage.
Enfin, après un escalier en corridor et un couloir étroit, ils parvinrent à une grosse porte en bois. Ismaël toqua, et se permit d’entrer.
La pièce présentait de petites proportions. Tout au bout, une sœur écrivait sur une table en bois. Derrière elle, un carreau diffusait un peu de lumière, et la faisait apparaître en contre-jour. La pièce ne présentait aucune décoration, si ce n’est une croix en bois, au-dessus de la porte.
« Ma mère. » Salua Ismaël
Grace leva la tête et rendit son salut au quadragénaire, avec un sourire. Elle arrêta son travail pour s’approcher des deux nouveaux venus. Elle avait désormais trente et un ans, mais son âge restait difficile à définir pour quelqu’un qui ne la connaissait pas : le calme dont elle faisait preuve, ainsi que son quotidien difficile la faisait paraître plus vieille ; mais son sourire et ses yeux pétillants la rajeunissaient.
« Je suis ravie de vous revoir mon fils. Je constate que vous nous avez fait l’honneur de nous amener un ami. » elle se tourna vers Crestian et lui adressa un signe de tête pour continuer :
« Enchanté. Je suis sœur Grace, l’une des trois mères supérieures de Whitehill. Je vous souhaite la bienvenue au monastère de la part de toutes les sœurs. Votre voyage doit avoir été long et éprouvant, c’est pourquoi je me permets de vous inviter à partager notre déjeuner avant de réunir les deux autres mères supérieures et de discuter de ce qui vous amène. »
Comme pour conclure les propos de la mère supérieure, une cloche sonna midi. La religieuse les conduisit au réfectoire. Elle en profita pour questionner une sœur récemment malade et savoir si elle se portait mieux, et encourager une autre qui rencontrait des difficultés dans la réalisation d’un ouvrage de couture. Au réfectoire, elle guida les deux invités jusqu’à une estrade. Elle sortit alors sa baguette et la pointa sur sa gorge, et sa voix amplifiée, prononça un petit discours à l’attention des sœurs :
« Mes chères sœurs, nous recevons aujourd’hui deux hôtes de grandes valeurs. Bien que je connaisse votre prévenance, et que je sache ces recommandations inutiles, je vous demande de leur réserver un bon accueil et de faire en sorte que leur séjour se passe dans les meilleures conditions possibles. Je vous remercie. »
Une autre sœur pris la place de Grace, tandis que cette dernière accompagnait Crestian et Ismaël vers leur place. Quand ils furent assis, la sœur sur l’estrade prononça le bénédicité. Puis chacune commença son repas, dans un silence à peine rompu par quelques chuchotements.
« Ce n’était pas la peine de nous qualifier d’hôtes ‘‘de grandes valeurs’’ ma sœur. nota Mérindol.
- Mais vous l’êtes tous les deux. Répondit Grace ; elle lança un sourire dont elle avait le secret à Longbottom, et continua :
- N’est-ce pas, monsieur l’auror ? » Elle eut un petit rire cristallin puis s’expliqua :
« Ne vous fâchez pas. Le monastère est privé de tout contact avec l’extérieur, à l’exception de deux personnes qui peuvent communiquer avec les sœurs. Vous connaissez M.Mérindol ; mais un autre homme, M. O’Connell, vient parfois pour nous rapporter des produits que nous ne pouvons fabriquer nous-même, ainsi que des gravures. C’est de cette façon que je connais votre visage.
- O’Connell, hein… » murmura Ismaël un peu pour lui-même. Il n’aimait pas trop cet homme, un ivrogne avec quelques pouvoirs magiques. Il avait réussi à infiltrer le monastère afin de voler des vivres et de trouver un endroit où dormir. Ces disparitions de denrées étaient restée inexpliquées jusqu’à l’arrivée de Grace, qui se trouvait être la plus douée en magie. Elle débusqua le coupable, et lui proposa de le rémunérer contre des services, s’il acceptait d’être soumis à un enchantement permanent qui l’empêcherait de révéler comment entrer dans Whitehill. Le bougre avait accepté sans une once d’hésitation. Une bonne intuition puisque les sœurs ne lui demandaient jamais de réaliser des travaux pénibles. Après cela Grace avait considérablement complexifié le système qui protégeait Whitehill afin d’écarter les indésirables ; et plus aucun individu comme O’Connell n’avait eu l’occasion de s’aventurer dans l’enceinte du monastère.
« On peut savoir ce que fait un Serdaigle si loin de sa tour au beau milieu de la nuit ? »
Aussitôt qu’il avait vu quelque chose bouger, Yorick avait sorti d’un geste vif sa baguette avec un hoquet de surprise. Mais il était trop tard : Cyriac Longbottom se tenait devant lui, l’air menaçant. Le sort de sommeil ne présentait plus d’intérêt désormais : le sixième année fixait son visage, et n’aurait aucun mal à le reconnaître si on lui demandait le lendemain de désigner son agresseur. Yorick serait alors renvoyé, et tout son avenir s’écroulerait. Inutile aussi d’espérer qu’il garderait le silence : contrairement aux deux autres étudiants qui avaient subi ce sort, il n’avait rien à se reprocher et ne risquait pas de se compromettre en racontant ce qui lui était arrivé.
Mais son interlocuteur, toujours aussi menaçant, attendait une réponse ; et la bague chauffait encore.
« Du… Du calme… Baissons tous les deux nos baguettes et expliquons-nous, d’accord ? Je ne suis animé d’aucune mauvaise intention. »
En gage de bonne foi, Yorick rangea sa baguette sans attendre que Cyriac fasse de même. Comme toujours, Cyriac semblait très sûr de lui, et paraissait d’autant plus fort devant Yorick, un peu petit par rapport aux autres élèves, parce qu’il avait souffert de quelques carences alimentaires durant sa prime jeunesse. Les repas de Poudlard avaient amélioré ses conditions physiques, mais la guérisseuse de l’école l’avait prévenu que certaines séquelles ne partiraient jamais. La différence entre ces deux étudiants s’accentuait encore par le fait que le jeune Mérindol n’était pas à son aise : il paraissait tout pâle, avait les yeux cernés, et son visage trahissait l’inquiétude qui l’habitait.
« Tu es Cyriac Longbottom non ? Le capitaine de l’équipe de Quidditch des Poufsouffle. Tu viens d’une famille d’auror je crois. »
Ces mots étaient presque sortit d’eux-mêmes de la bouche de Yorick, parce que Christopher ne cessait de lui rebattre les oreilles à propos du Longbottom capitaine au talent exceptionnel, en ajoutant comme toujours des détails sur la vie et la famille d’un de ses idoles. A cause de cette habitude, Yorick savait qu’une certaine attrapeuse venait d’une famille noble, qu’un jeune batteur avait un frère politicien, ou qu’un autre était terriblement allergique au poisson.
Mais autre chose encore avait fait tiquer Yorick. C’est que Cyriac était très vif, et tenait très bien sa baguette ; il se mettait naturellement de profil, la meilleure posture pour devenir une cible difficile à atteindre ; et sa famille, spécialisée dans le combat contre les Forces du Mal, devait sûrement l’avoir éduqué en conséquence. En clair, il semblait être un bon combattant.
« Je m’appelle Yorick Mérindol, je suis en cinquième année. J’ai enchanté une bague qui produit de la chaleur quand mon père court un danger, ce qui semble être le cas en ce moment même. Je dois vérifier par moi-même si cela est vrai, et si je peux l’aider. Je veux donc construire un portauloin qui aille de Poudlard jusqu’à cet endroit, et le seul flux qui le permette passe par la salle commune des Poufsouffles. Le livre et la bûche dans mon sac sont la preuve que je ne mens pas. »
L’adolescent sortit l’ouvrage et le tronçon de bois et les montra à Cyriac, avant de les ranger.
« Mon père est un marchand, et en plus de cela, je sais qu’il voyage dans une région assez… Hostile. Il faut à tout prix que j’aille le rejoindre, il s’agit peut-être d’une question de vie ou de mort. C’est pourquoi je voudrais que tu m’aide à entrer dans la salle commune des Poufsouffle. Je sais que c’est contraire au règlement. Mais comme je l’ai dit, mes intentions ne sont pas mauvaises.»
Maintenant, il ne restait plus qu’à attendre la réponse de Cyriac. Si Yorick échouait à le convaincre, il devrait une nouvelle fois se servir de sa main comme catalyseur, et tenter de se débrouiller tout seul. Ses brûlures le faisaient encore souffrir, et l’adolescent se demanda comment réagiraient les sorts qu’il enverrait s’il n’utilisait pas le catalyseur prévu. Mais pourquoi se poser la question ? Il n’aurait peut-être pas le choix.
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Mar 7 Juil - 11:44
Le regard surpris que cette dernière posa sur lui ne l’étonna nullement – sa présence n’était pas prévue – et il se contenta d’un hochement de tête respectueux en sa direction, préférant laisser à Mérindol l’honneur des présentations. C’était après tout pour cela qu’il avait pris la peine de le contacter. Ils continuèrent donc leur chemin en silence jusqu’à pénétrer l’enceinte du monastère. Les bruits du quotidien frappèrent alors leurs oreilles mais rien d’insupportable, simplement le brouhaha de toute entreprise en marche. Pourtant, malgré cela, l’hiératisme de l’endroit n’échappa pas à l’Auror qui en fut sincèrement impressionné. Si comme tout Sang-Pur, il avait été élevé hors des croyances religieuses si courantes dans le monde moldu, il n’en respectait pas moins la sagesse qui se dégageait des femmes qu’ils croisaient, peu importât leur âge. Qu’elles croient à un être tout puissant qui aurait créé le monde en sept jours pouvait lui sembler invraisemblable mais combien de moldus refusaient d’admettre l’existence de la magie ? Ne se pouvait-il pas qu’il fasse tout autant fausse route dans ses convictions que ces derniers ?
Quoiqu’il en soit, il était là en mission officielle et représentait si ce n’était le Conseil tout au moins le Siège de la Défense. Politesse et respect s’imposaient donc vis-à-vis de femmes dont les talents étaient reconnus d’un bout à l’autre des îles britanniques. A la suite de Mérindol, il se surprit d’ailleurs à jeter un coup d’œil appréciateur sur les tissus prenant vie devant ses yeux. Ils finirent néanmoins par arriver dans la pièce occupée par la Mère supérieure ou plutôt une des Mères supérieures comme il l’apprit bien vite. Cette dernière semblait proche en âge de Mérindol mais Crestian ne se serait pas hasardé sur un chiffre précis. Les moldus avaient une espérance de vie si limitée qu’il était parfois bien difficile de leur donner un âge. Encore plus lorsqu’il n’avait pas les moyens de bénéficier des progrès de leur fameuse médecine. Bien entendu, les sorciers étaient également proies de nombreuses affections mortelles mais la médicomagie permettait d’assurer au sorcier moyen une vie au moins un tiers plus longue que celle de ses homologues moldus. Bien plus s’il était issu de la haute société.
Dès que sœur Grace lui adressa la parole, Crestian se prit à éprouver une réelle sympathie pour cette femme aux traits tirés mais rayonnant la joie de vivre et l’autorité. Le soldat en lui ressentait en effet puissamment le pouvoir dont la femme bénéficiait. Cela n’avait rien à avoir avec un quelconque usage de la violence mais, lorsqu’elle parlait, il était impossible de ne pas écouter. Sa voix grave et posée était comme la caresse d’une mère aimante mais stricte. L’Auror resta donc silencieux pendant son discours, se contentant de rendre à la moniale son salut. Il la suivit ensuite jusqu’à la salle principale et se tint coi pendant la bénédiction. C’était la première fois qu’il assistait à une prière. Il ne participa néanmoins pas, observant dans un silence respectueux. Un autre que lui aurait probablement tenté d’imiter les gestes de ses voisins mais il y voyait un manque de respect, une singerie de rituel auquel il ne croyait de toute façon pas. Il préférait donc laisser la religion aux sœurs et à Mérindol.
Lorsqu’ils entamèrent le repas, la mère supérieure reprit la parole et Crestian fut incapable de cacher sa surprise devant sa connaissance de son métier. Son étonnement tira d’ailleurs un joli rire à la religieuse qui s’en expliqua bien vite et l’héritier comprit alors de quoi il en retournait. Tous les ans, des gravures du gagnant du Tournoi de la Nuit de la Concorde étaient distribuées sur la totalité du territoire. Et si la Nuit s’était cette année-là terminée de funeste manière, la tradition n’en avait pas moins été poursuivie. Ce qui signifiait que l’Auror Crestian Longbottom était désormais connu dans bien des chaumières. Célébrité dont il se serait aisément passé mais qui ne l’empêchait ni de vivre ni de travailler. Fils d’un membre du Conseil faisant partie d’une des principales familles sorcières anglaises, il était en effet habitué à la célébrité sans pour autant nécessairement l’apprécier. S’il avait été espion, que son visage soit reconnaissable de tous aurait pu présenter de nombreux inconvénients mais en tant qu’Auror, la discrétion n’était pas une mesure indispensable, bien qu’elle puisse être un atout non négligeable dans bien des situations.
Une fois sa surprise initiale passée, il décida de profiter de la connaissance préalable de sœur Grace pour s’éviter les longues introductions. Le chemin avait été long et le temps pressait.
-L’homme qui se croit de grande valeur l’est rarement, sœur Grace, je ne sais donc si je mérite ce qualificatif mais je suis en effet Auror et c’est en cette qualité que je me suis permis de demander au sieur Mérindol de m’introduire dans votre sanctuaire.
Posant ses couverts un instant, il prit un moment pour rassembler ses pensées et trouver le meilleur moyen d’exposer brièvement sa demande avant de fixer son regard arctique dans celui de la Mère supérieure.
-Peut-être l’ignorez-vous dans votre lointaine retraite mais la situation politique du pays s’est énormément tendue ces derniers temps. Le massacre de la Nuit de la Concorde a amené le souverain moldu à exiger de mon gouvernement des mesures radicales pour limiter au possible les interactions entre moldus et sorciers. L’une d’entre elles consistant à assurer un meilleur contrôle de toutes les créatures magiques dépendant du Ministère de la Magie, vampires compris. Seulement, ces derniers ont leur propre société indépendante et nombre d’entre eux ont très mal vécu ce qu’ils perçoivent comme une intervention intolérable dans leurs affaires de la part d’une race étrangère. En prévision de futurs conflits, le Siège de la Défense Contre les Forces du Mal et plus particulièrement le Département des Aurors désirerait par conséquent améliorer son équipement. Car si les Régulateurs sont entraînés à faire face à toutes sortes de créature, la formation des Aurors ne les prépare pas plus que cela à s’opposer à un vampire dans la force de l’âge. Benedict Longbottom, directeur du département, estime donc que posséder un uniforme qui masquerait au moins partiellement l’odeur de son propriétaire rendrait plus aisée l’approche des vampires, êtres à l’odorat bien plus développé que les humains. Je suis donc présent aujourd’hui pour savoir si vous et vos sœurs seriez capables de produire un tissu avec de telles propriétés et, si oui, est-ce que vous accepteriez d’aider le Siège de la Défense. Contre rémunération à votre convenance bien entendu.
Plus que le contenu de ses paroles, ce fut le bégaiement du Serdaigle - preuve irréfutable de sa peur - qui convainquit Cyriac de baisser sa baguette. Bien entendu, il resta sur ses gardes au cas où l’élève face à lui eut été un comédien de première qui profiterait de son moment d’inattention pour passer à l’attaque ou s’enfuir, mais rien de semblable n’arriva. A la place, l’étudiant entama une biographie de Cyriac qui laissa le Poufsouffle froid. Bien des Poudlardiens connaissaient son nom. Non seulement, il était capitaine de l’équipe de Quidditch de sa maison mais son père siégeait au Conseil et son frère avait gagné le dernier Tournoi de la Nuit de la Concorde. Savoir qui il était n’impliquait donc rien de particulier et ne supposait pas de quelconques bonnes intentions à son égard. Bien au contraire, beaucoup d’étudiants l’enviaient, voire le détestaient, pour cette célébrité. Combien de Serpentards s’étaient moqués de lui – en vain – sous prétexte qu’il avait été réparti à Poufsouffle pour se venger d’une jalousie bien mal dissimulée ?
Etrangement en effet, les Verts-et-Argent, pour toute la rancœur qu’ils vouaient aux Rouge-et-Or, les respectaient plus que les Jaune-et-Or, ce qui laissait le cadet des Longbottom complètement insensible. Pour être tout à fait honnête, il était heureux de ne pas avoir suivi les traces de son père et son frère chez les Courageux ; être réparti chez les Loyaux lui avait permis de vivre sa propre existence sans être systématiquement comparé à ses prédécesseurs.
La suite des paroles du Serdaigle s’avéra nettement plus intéressante. Au premier abord, il se méfia du discours du cinquième année : qui lui disait qu’il n’était pas un excellent menteur ? Mais, bien vite, l’inquiétude perceptible dans le regard noisette du garçon lui prouva que, pour aussi invraisemblable qu’elle parût en premier lieu, son histoire était vraie. A vrai dire, venant d’un discipline de Rowena, il aurait dû s’y attendre. Qui d’autre aurait enchanté une bague pour le prévenir en cas de danger d’un membre de sa famille pour ensuite désirer le rejoindre en créant un Portoloin comme s’il s’agissait d’une tâche aussi aisée que d’éteindre une flamme d’un Aguamenti ? C’était une action que Crestia aurait sans doute aucun entreprise en son temps. Cyriac relâcha donc la tension dans ses épaules et reprit la parole.
-Je te crois. Et je veux bien te faire entrer mais, je pose deux conditions : tu ne pars nulle part sans moi et nous laissons un message à mes camarades de dortoir leur expliquant où nous sommes pour qu’au cas où nous ne sommes pas de retour demain matin, ils préviennent la direction. Si je prends la responsabilité de te faire entrer, je veux m’assurer que tu vas bien où tu prétends aller et que nous ne mourrons pas par manque de prévoyance. Sans compter que, ne te vexes pas, mais tu me sembles bien mal équipé pour aider ton père s’il est effectivement en danger comme tu le penses. Tu l’as dit, je suis fils et frère d’Auror et qui plus est plus âgé que toi, je devrais donc pouvoir t’aider. De toute façon, soit tu acceptes, soit tu devras trouver un autre Poufsouffle pour te faire entrer, termina-t-il en faisant semblant de reprendre le chemin des Cuisines.
Evidemment, il espérait de tout son cœur que Mérindol le rappellerait. Une aventure pareille était exactement ce dont il avait besoin pour se détendre et oublier ses soucis avant le match.
Auror
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Lun 13 Juil - 15:01
Enfin, elle répondit à son hôte :
« Même si cela prendrait un certain temps, le monastère serait en mesure de vous fournir la matière première que vous demandez. A titre personnel, un tel accord me paraît bénéfique aux deux parties plus que vous ne le croyez, puisque que le monastère aurait grand besoin d’un soutien officiel dans cette région si hostile aux sorciers. Mais je ne peux décider à moi seule. Les deux autres mères supérieures du monastère doivent approuver votre proposition. Après le déjeuner, une sœur vous montrera vos chambres respectives et j’irai demander une audience à mes consœurs pour le soir même. »
Tout fut fait comme il avait été dit. Une sœur d’une quarantaine d’années, très calme, conduisit les deux visiteurs jusqu’à deux cellules adjacentes, et notifia qu’ils étaient libres de leurs mouvements jusqu’au dîner, qui commencerait à vingt-deux heures.
Quand ils sortir du réfectoire, la même sœur vint les chercher et les amena jusqu’au bureau de Grace. Cette dernière était présente, ainsi que les deux autres mères supérieures, bien plus âgées. La première devait avoir autour de soixante ans, une ancienne paysanne ; de ce que son lourd habit monacal laissait paraître, elle semblait être un peu courbée, la peau tannée par le soleil ; il lui manquait l’annuaire gauche. L’autre mère supérieure dépassait les quatre-vingt ans, et la vieillesse avait torturé son corps jusqu’à en faire une bossue rachitique et édentée. Les rides parcouraient son visage et ceignaient les deux billes bleues trouées d’un point noir qui lui servaient d’yeux. D’après les connaissances d’Ismaël, cette mère avait toujours servi le culte. Elle était celle qui avait guidé les premières femmes jusqu’aux ruines destinées à devenir le monastère.
« Bonjour, je suis Mère Abélia, et voici Mère Dolorès. Notre honorée Mère Grace nous a raconté la raison de notre visite, commença la première mère supérieure. Nous ne revenons pas sur les paroles de Mère Grace, et le monastère est ravi de vous accueillir. Malgré tout, nous sommes obligées de nous inquiéter de l’infraction aux règles qui a été faite en amenant un étranger ici. »
Ismaël s’avança d’un pas.
« Je m’excuse d’avoir enfreint le règlement, et je comprends vos craintes ; cependant, je peux vous assurer que mon acte a été profondément réfléchi. Si je n’avais pas été certain du bénéfice pour le monastère, ou de l’honnêteté de cet homme, je ne l’aurai jamais amené, Mère Abélia. »
La mère Abélia fit un petit hochement de tête avec un sourire triste. De toute évidence, la réticence qu’elle avait énoncée ne venait pas d’elle. Mère Dolorès prit la parole :
« Les hommes sont pleins de mystère, y compris pour eux-mêmes. Je ne doute pas de votre bonne foi mon fils, mais quel être humain peut dire connaître un de ses semblables ? Par ailleurs, les sœurs ont fait le vœu de se retirer du monde en vivant ici. Est-ce honorer leur vœu que de leur faire tisser pour le gouvernement, et pour tuer des créatures de Dieu, quand bien même il s’agirait de vampires ? Vous êtes un marchand et vous commercez avec d’autres, ce que nous acceptons. Acceptez à votre tour que nous n’en soyons pas, et que le plus grand bénéfice que nous recherchions soit celui de vivre guidées par Dieu. Et vous qui êtes auror, et qui protégez l’intégrité du corps de vos semblables, acceptez que nous protégions l’intégrité spirituelles de nos sœurs en vivant retirées du monde. Serions-nous toujours retirées en livrant régulièrement des tissus pour le gouvernement ? Ou ne serions-nous pas juste une fabrique de tissus parmi d’autres ?
- Ma Mère, tenta de protester Ismaël, le fait est que vous entretenez des partenariats commerciaux. Vous en avez besoin pour subsister, vous ne pouvez pas vivre en autarcie.
- Oui, nous ne pouvons vivre sans commercer. Mais jusqu’à présent, nous vous confiions des tissus, que vous revendiez à d’autres villages, sans que nous nous occupions de savoir lesquels. Nous n’avions donc de contact qu’avec une personne, vous-même. Mais vous nous proposez de nous mettre en lien direct avec un réseau, ce qui est tout à fait différent. A cela s’ajoute que nous pouvons vivre sans cet accord. Demander plus de richesses serait de l’avidité.»
La conversation dura très longtemps ; Grace s’était tu, parce qu’elle se savait incapable de convaincre Mère Dolorès. Mère Abélia semblait tentée par la proposition des deux hommes, et par la possibilité avec l’argent d’acheter de nouveaux lits, afin que toutes les sœurs puissent avoir une couche individuelle, ou d’autres produits alimentaires, car les carences restaient nombreuses.
Mais quelqu’un vint déranger cette assemblée en ouvrant précipitamment la porte. C’était la petite sœur de douze ans, l’air éperdu et les yeux remplies de larmes, qui cria en se précipitant vers les Mères :
« Il faut que vous veniez vite, c’est horrible ! »
Mère Abélia tenta de faire parler l’enfant, mais celle-ci sanglotait sans parvenir à prononcer un mot. Elle tirait la robe de la mère supérieure pour la faire venir avec elle. Finalement, tout le groupe suivit la fillette qui courait aussi vite qu’elle pouvait. Ismaël fit un signe rapide à son compagnon afin qu’ils accompagnent les religieuses. Ils arrivèrent à l’infirmerie.
O’Connell gisait sur un lit. Trois sœurs s’occupaient de le soigner, l’une appliquant des onguents et des bandages, les autres répétant des sorts de soin. Des blessures faites avec un fouet, puis un martinet, zébraient tout son corps, ainsi que des traces de griffures et de coups. Les marques ressortaient d’autant plus sur la pâleur de l’infirme, qui avait pris une tournure un peu jaune sur sa figure. Sa bouche était en sang, un œil avait disparu sous une énorme bosse violette, l’autre avait déjà été recouvert par un bandage. Il ne lui restait aucun ongle ; certaines de ses dents manquaient. En le voyant, Ismaël eu le souffle coupé. Mère Abélia poussa un petit cri et mis ses mains sur sa bouche. Les yeux de Mère Dolorès s’ouvrir grand ; elle fit un pas en arrière. Le visage de Grace se contracta de douleur et de colère, mais au contraire des deux autres mères supérieures, une expression n’y parut pas : l’étonnement.
« O’Connell » murmura-t-elle doucement en mettant sa main dans celle du blessé. Celui-ci la serra un peu, mais cette action lui tira un petit gémissement de douleur. Il tourna la tête vers la voix sans que l’état de ses yeux lui permette de voir quoique ce fût.
« O’Connell, répéta Grace, mon pauvre ami, que vous est-il arrivé ? »
« C’est parce que je ne disais pas où était l’armée des sorcières… articula finalement O’Connel. Ils ont aussi dit que je vous avais prévenu et ils m’ont puni… Est-ce que… Est-ce que c’est vrai qu’il y a un auror ?
- Oui. Répondit Grace.Il est ici.»
O’Connell se mit à rire en tendant faiblement la main au hasard afin d’essayer de toucher l’auror.
« C’est bien, ça… Je pouvais prévenir personne hein, mais vous n’aviez pas besoin de ça, n’est-ce pas ? Vous saviez déjà… Vous êtes forts, hein, pas un auror pour rien… »
Le souffle lui manquait, l’homme haletait ; les infermières le forcèrent à baisser la main, l’une d’elle raccompagna le groupe jusqu’au seuil de l’infirmerie, et demanda à l’enfant de rejoindre ses camarades.
« Il a été trouvé dans cet état sur le chemin qui menait à Whitehill. C’est une bergère qui l’a vu. De ce que nous avons compris, il a réussi à s’échapper pendant la nuit, mais cela faisait plusieurs jours qu’il était prisonnier ; peut-être une semaine. Son état est critique, je ne peux pas affirmer qu’il s’en remettra. »
Le groupe retourna dans le bureau de Grace et s’entreregarda. Personne n’avait manqué une autre blessure, plus petite, les deux points rouges sur le cou du blessé.
« Alors ce sont les vampires qui… commença mère Abélia ; Grace l’interrompit.
« Ce ne sont pas que les vampires. Je peux certifier qu’au moins un village de moldus est impliqué ; et je suis sûre qu’ils sont plusieurs.
- Vos accusations sont infondées, rien ne permet… » voulut argumenter Mère Dolorès. Mais Grace explosa :
- Tout permet ! Cette façon de torturer, je la reconnais, je l’ai vue enfant et vécue ensuite. Ce sont les moldus, c’est une évidence. Je vais vous dire, moi, ce qui s’est passé : depuis plusieurs années ces bouseux tremblent devant nous et ils ont décidés de nous exterminer, voilà tout ! En s’aidant de vampires s’il le faut !
- Non, ce n’est pas logique Grace. Répliqua Ismaël, un peu inquiet de l’état de la sorcière. Mais celle-ci ne semblait pas vouloir changer d’attitude, ni se démonter.
- Parce que vous pensez qu’ils ont besoin de logique ? Vous pensez que ces bouseux qui ne savent pas lire pourraient tenir un raisonnement ? Réfléchissez, bon sang ! »
Un problème de taille se posait désormais. Le système de défense de Grace était très perfectionné : il fallait entrer par l’arche, puis suivre un itinéraire précis, en récitant parfois une prière à un endroit pour continuer à monter. Grace avait dressé plusieurs illusions d’optique afin que les intrus ne voient dans le bon chemin qu’un sentier qui contournait la colline ou qui redescendait. Le plus grand artifice restait qu’il était très difficile de savoir où l’enchantement commençait, au contraire de l’ancien brouillard qui était de toute évidence magique. Il était formellement impossible de détruire l’enchantement de l’intérieur, parce que les protections étaient bien trop puissantes. Le seul moyen efficace, et extrêmement long, aurait revenu à trouver le commencement de la zone ensorcelée, l’arche, de le défaire, puis d’avancer jusqu’au prochain point où Grace avait renouvelé l’enchantement, soit la première bifurcation, pour le défaire à nouveau.
En d’autres termes, aucun moldu, ni aucun sorcier seul ne pouvait venir à bout de ce système. En vérité, un petit groupe de sorcier, même très expérimenté, n’auraient rien pu faire. Mais qu’en était-il si les vampires comptaient de bons sorciers et qu’un grand nombre de villageois les aidaient à trouver les enchantements ?
Les mères supérieurs allèrent requérir l’aide d’une sorcière qui se trouvait être l’animagus d’un corbeau. Dans un bureau, elles lui expliquèrent la situation, et la sœur s’envola bientôt pour aller espionner l’activité des villages alentours. L’oiseau revint quelques heures plus tard, avec des nouvelles qui firent trembler ceux qui l’écoutaient.
Il avait des vampires dans une dizaine de villages des environs, toujours déguisés en ecclésiastique. De ce que la sœur avait entendu, les villageois ignoraient la véritable nature de leurs hôtes, lesquels semblaient s’être présentés comme des missionnaires qui avait entendu parler de l’armée de Whitehill, et qui venaient pour empêcher la conquête prochaine du Yorkshire ; pour se faire, ils passaient presque tout leur temps à prier. Mais la sœur ne sut dire depuis combien de temps ils étaient là, ni si certains étaient des sorciers. Elle n’avait vu aucun vampire rôder près de l’enchantement.
Personne n’osait le dire, mais chacun se demandait si l’arrivé des deux hommes n’avaient pas déclenché cette attaque ; si l’alliance proposée n’avait pas effrayé les vampires, qui avaient tourné leur regard sur la si longtemps ignorée forteresse de Whitehill.
A la grande surprise de Yorick, Cyriac tourna les talons vers la cuisine après avoir énoncé sa proposition. Le jeune Mérindol se reprit vite et se précipita devant son aîné pour lui barrer le chemin.
« A…Attends ! J’accepte d’accord ? J’accepte tes conditions. »
L’étudiant de Serdaigle semblait désespérément chétif comparé au cinquième année ; en vérité Cyriac aurait pu facilement repousser le gêneur d’un seul bras pour continuer son chemin –Yorick s’attendait presque à ce que ce fut le cas. Mais l’adolescent fut fidèle à sa parole et s’arrêta.
Les deux conditions du poufsouffle n’étaient pas des moindres : Yorick aimait faire les choses seul (même si Patty et Christopher lui apportaient beaucoup) ; par ailleurs, si la direction apprenait ce qu’il avait fait, il serait sûrement puni, ou peut-être renvoyé. Néanmoins, les réticences de Yorick ne l’empêchaient pas de remarquer le bon sens de cette proposition, et l’avantage que le jeune homme en tirait : Cyriac serait en mesure de se défendre et même d’assurer la protection de Yorick quel que soit le problème. Et s’il n’y parvenait pas, l’école pourrait toujours leur porter assistance.
Ils entrèrent en silence dans la salle commune. Aussi rapidement qu’il pu, Yorick traça un cercle à la craie sur le sol, plaça au centre le futur portauloin, et commença à écrire des incantations et des figures.
« Tout cela partira une fois que la bûche sera devenu un portauloin, donc pas la peine de s’inquiéter à ce propos » expliqua Yorick sans se retourner. Il demanda au poufsouffle de faire le mot pour ses camarades, puis se tut. Sa tâche commençait déjà à l’absorber, et bientôt il ne fit plus attention à ce qui se passait autour de lui. Un seul incident le sortit de ses pensées, tandis qu’il avait presque fini son pentacle : la bague lui faisait affreusement mal.
Il l’arracha de son doigt ; une partie de sa phalange avait une brûlure. L’étudiant n’eut d’autres choix que de mettre le bijou dans sa poche, vérifia qu’il n’avait rien oublié un peu tremblant, et prononça l’incantation.
La craie se détacha du sol ; le pentacle ainsi que la bûche restèrent un instant en suspension dans l’air, tandis que la craie s’infiltrait dans le morceau de bois. Quand tout le pentacle fut entré dans la bûche, celle-ci retomba lourdement sur le sol.
« C’est bon. » décréta dans un souffle Yorick. Son cœur battait à la chamade.
En même temps, les deux adolescents saisirent la bûche.
Lorsque la sorcière animagus avait fait son rapport, il devait être quinze heures, soit dans l’après-midi. Et en effet, conformément à sa description, aucun vampire ne s’était approché de l’enchantement de jour. Mais lorsque les jeunes gens utilisèrent le portauloin, il était deux heures du matin et des poussières. La nuit était tombée, et les vampires pouvaient utiliser la magie pour détruire l’enchantement de Grace, et mieux prétendre le lendemain que leurs prières fonctionnaient.
Par chance, la bague brûlante de Yorick l’avait distrait, et il n’avait pas terminé les derniers détails du pentacle. Ainsi, la trajectoire des deux étudiants fut déviée et ils atterrirent entre les branches d’un arbre, tandis que devant eux un groupe de dix vampires psalmodiaient à voix basse.
- Invité
Que vois-tu…?
Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Lun 20 Juil - 23:14
Son père lui avait en effet laissé carte blanche quant à la méthode de persuasion dont il devrait user pour convaincre les tisseuses, lui interdisant simplement de recourir à la violence. Benedict espérait certes l’aide des religieuses mais il respectait par-dessus tout leur droit à choisir leur mode de vie et par conséquent à refuser de voir celui-ci perturbé. Crestian avait cependant toute l’intention de réussir à persuader les Mères Supérieures que la dégradation progressive du statu quo entre moldus, sorciers et créatures magiques était un souci qui les concernait tous. Et que, pour autant qu’elles désirassent rester à l’écart du monde, s’il avait réussi à atteindre leur sein, d’autres suivraient son exemple, probablement animés d’intentions moins pacifiques. Néanmoins, avant de recourir aux conseils et autres menaces voilées, il préférait attendre d’observer plus attentivement la situation dans le couvent avant de pencher pour une option plutôt qu’une autre. Fomenter des plans sans avoir en sa possession les informations principales était après tout fort inutile.
C’est ainsi qu’il passa l’après-midi à fureter discrètement dans les différents recoins du couvent, tâchant de s’informer sur les opinions diverses et variées des habitantes des lieux. Car s’il savait que la décision reposait entre les mains des trois Mères Supérieures, dans tout groupe organisé, la hiérarchie ne peut se permettre d’ignorer complètement les sentiments de la piétaille. Il en revint convaincu que la majorité des sœurs, notamment les plus jeunes, vivaient dans l’ignorance la plus complète des réalités du monde extérieur mais que les rares suffisamment informées étaient plus inquiètes qu’elles ne voulaient bien le reconnaître. Un état d’esprit dont il pourrait user à son avantage si la situation l’exigeait.
Lorsque Mérindol et lui furent introduits de nouveau dans le bureau de Sœur Grace, il sentit immédiatement que la discussion serait longue mais pas inutile. Si les négociations seraient très certainement âpres - Sœur Dolorès sans nul doute présente depuis la fondation du monastère tenait à défendre ses convictions tandis que Sœur Abélia paraissait plus indécise - faire tourner le vent en sa faveur ne tiendrait qu’à lui. En effet même les interventions de Mérindol – à qui il adressa un signe de remerciement discret pour son soutien – semblaient sans résultat, se brisant net sur le mur de certitudes renforcées par la vieillesse que représentait Sœur Dolorès. L’Auror tenta donc une autre approche, différente de celle consistant à appâter un appétit du gain probablement quasi inexistant chez des femmes ayant voué leur vie au service d’une puissance supérieure.
-Demander plus de richesses serait certes avidité mais accepter l’offre d’une future protection serait preuve de sagesse, déclara-t-il sur un ton calme. Si je ne désire en effet nullement vous inquiéter et encore moins vous menacer par mes paroles, il me semble néanmoins important que vous sachiez que des représentants fanatiques de votre religion s’en sont récemment pris à des membres de la communauté sorcière à Londres. Et le mépris généralisé qu’une grande partie que la communauté sorcière a toujours éprouvé envers la religion chrétienne s’est teintée de peur, voire de haine. Il se pourrait donc parfaitement que votre communauté ne soit bientôt plus si à l’abri que vous le désireriez. La vengeance distingue rarement entre innocents et réels coupables et vous pourriez payer pour les crimes d’autres. L’amitié et l’estime du Bureau des Aurors pourrait alors se révéler précieuses.
-Vous parlez bien monsieur l’Auror mais vous sous-estimez nos défenses. Sœur Grace a rendu notre monastère imprenable et vous-même ne seriez jamais parvenus jusqu’à nous sans l’aide de monsieur Mérindol.
-Les secrets le restent rarement en temps de guerre et c’est malheureusement bien ce qui se prépare Mesdames.
-Une guerre ? En êtes-vous certain Messire l’Auror ? N’est-ce pas un peu trop précipité d’imaginer cela ?
-Je l’espère de tout cœur Sœur Abélia mais de sombres forces sont à l’œuvre dans tous les coins de l’échiquier politique et rares sont les dirigeants prêts à paraître faibles auprès de leurs sujets. Le roi moldu s’évertue ainsi à vouloir se montrer plus puissant qu’il n’est tandis que le Conseil des Sorciers est en partie dépassé par la situation actuelle. Quant aux créatures de la Nuit, Merlin seul sait ce qu’elles préparent.
Le tableau qu’il peignait était volontairement noirci pour renforcer son propos mais le fond était vrai. Pour autant que cela le peine de le reconnaître, il avait pu observer les cernes qui faisaient progressivement leur apparition sous les yeux alertes de son père et savait que ce dernier n’appréciait guère la direction prise par le gouvernement. L’attaque des Inquisiteurs n’avait fait que renforcer la position des Radicaux, Alceste et Arnald Gaunt en tête. Et s’il avait immédiatement été chargé de la mission de retrouver les tisseuses, ne sachant par conséquent pas encore quelles étaient les conséquences à moyen terme de l’attaque sur la société sorcière, il doutait de retrouver une société pacifiée à son retour. Néanmoins, avant de se préoccuper du retour, encore devait-il obtenir l’accord de Sœur Abélia et plus encore Sœur Dolorès, celui de Sœur Grace lui étant déjà acquis.
La conversation se poursuivait depuis déjà plusieurs heures, les différents participants commençant à fatiguer de ne réussir à trouver un terrain d’entente lorsqu’une fillette essoufflée vint couper court à leur petite assemblée. L’enfant paraissait bouleversée et il sembla rapidement clair à tous les présents que la seule option possible pour comprendre ce qui l’avait mise dans un tel état était de la suivre. Ils coururent ainsi tous jusqu’à l’infirmerie où se trouvait un homme alité et dans un état déplorable. Crestian reconnut du premier coup d’œil les traces sur son corps pour ce qu’elles étaient : des signes d’une torture violente et prolongée, d’un interrogatoire forcené n’ayant apparemment pas abouti aux résultats escomptés par ses instigateurs.
Lorsque l’homme interrogea l’assistance concernant la présence d’un Auror, Crestian s’avança automatiquement, posant délicatement sa main dans celle plus menue du malade et prestant une attention particulière à chacune de ses paroles. Ce fut néanmoins une des infirmières qui termina de les informer de ce qui lui était arrivé. Ils quittèrent ensuite les lieux, non sans un dernier regard attristé de la part de Crestian à l’infirme. Il ne le connaissait pas et il était peu probable qu’il le connaisse jamais mais il avait au moins en commun avec lui la peur primale d’avoir rencontré un vampire et ne pouvait qu’espérer que, s’il venait à s’éteindre, il le ferait apaisé.
Une fois de retour dans le bureau de Grace, la discussion reprit de plus belle, ou plutôt Sœur Grace explosa littéralement de colère, à la surprise de l’Auror. La haine quasi viscérale qui suintait de chacune des paroles de la religieuse était inattendue. Jusqu’à ce qu’elle explique avoir connu une situation similaire à celle d’O’Connell. Crestian comprit alors bien vite que, s’il n’intervenait pas la situation virerait très vite à la catastrophe. C’est donc d’un ton aristocratique et sans appel qu’il prit la parole.
-Suffit ! Sœur Grace, votre rancœur personnelle voile votre jugement. Je comprends que vous ayez été victime de fanatiques mais cela ne vous donne pas le droit de passer vos frustrations sur vos sœurs. Quant à vous Sœur Dolorès, je crains que la situation n’ait fait que prouver mes dires de tantôt : votre sanctuaire pourrait très bientôt ne plus l’être si nous ne informons pas très vite de la situation exacte.
Lorsqu’il sembla enfin qu’il avait repris la situation en main, les sœurs se mirent à l’œuvre, envoyant l’une d’entre elles capable de se transformer en corbeau espionner les alentours. A son retour, Crestian reprit de nouveau la direction des opérations. Non pas qu’il s’estimât plus compétent que les Mères Supérieures dont il estimait grandement la valeur et l’opinion mais il n’en restait pas moins qu’il était le seul présent à avoir une réelle expérience du combat. Sans compter qu’il avait déjà rencontré des vampires et ce qu’il venait d’apprendre l’inquiétait au plus haut point. Un groupe suffisamment sophistiqué pour se faire passer pour des ecclésiastiques en vue de gagner le soutien des villageois aux alentours démontrait une stratégie sur le long terme et une capacité à nuire encore supérieure à celle que leur simple nature leur offrait.
-Mesdames je crains qu’il ne faille vous rendre à l’évidence. Vous êtes attaquées. Et pour aussi complexes que soient vos protections, elles ne tiendront pas indéfiniment. Permettez-moi donc de contacter mes supérieurs pour bénéficier de l’aide non d’un seul Auror mais de tout un escadron. Sinon, je crains que nous ne survivions pas tous à la nuit.
Ses paroles étaient teintées d’un pessimisme certain mais les souvenirs de sa dernière rencontre avec un groupe de vampires s’étaient subrepticement glissés dans son esprit et les images de cadavres vidés de leur sang avant d’être rejetés sur le bord de la route sans aucun ménagement étaient loin de le laisser immune. Bien au contraire, il devait faire un effort surhumain pour ne pas permettre au souvenir de griffes glissant sur son crâne alors qu’il transplanait de s’imposer à son jugement de guerrier. Car, que les Sœur acceptent sa demande ou non, une bataille se préparait et il craignait le pire. Surtout si sa malchance depuis la Nuit de la Concorde se poursuivait. Il avait déjà vu trop de civils morts ces derniers mois, il ne tenait vraiment pas à augmenter leur nombre.
***
Lorsqu’il vit apparaître le frêle Serdaigle face à lui, il dut retenir un sourire satisfait. Il était sûr qu’il accepterait. Il guida donc son cadet jusqu’à des tonneaux apparemment abandonnés et tapota un rythme complexe qui révéla une ouverture dans l’un des tonneaux. Les deux adolescents s’engouffrèrent alors l’un à la suite de l’autre et, une fois à l’intérieur, Yorick se mit immédiatement au travail. Cyriac l’observa avec intérêt, impressionné par la rapidité avec laquelle le Bleu-et-Bronze écrivait, preuve d’une réelle familiarité avec les enchantements qu’il rédigeait. Cela le rassura quelque peu. Un instant il avait craint que Mérindol ait surestimé ses capacités mais ses peurs s’évaporèrent bien vite et lorsque le quatrième année lui indiqua qu’il pouvait rédiger son mot, il partit chercher un bout de parchemin, désormais tranquillisé.
En quelques phrases, il expliqua la situation à Jonathan et Erwan, ses meilleurs amis, leur précisant que s’il n’était pas réapparu le lendemain à l’heure du petit déjeuner, ils devaient aller voir le Directeur pour tout lui raconter. Il insista nettement pour qu’ils disent bien à ce dernier qu’ils n’étaient au courant de rien et qu’il prenait l’entière responsabilité de sa décision. Il aurait en effet pu faire porter en partie le chapeau à Mérindol pour se dédouaner mais il avait été élevé autrement. Il avait pris une décision et il s’y tiendrait, peu importât les conséquences. Mieux, il ne se serait jamais pardonné si, après avoir découvert que Yorick avait besoin d’aide, il lui avait tourné le dos. Le quatrième année avait beau être d’une autre maison, le sang de Poufsouffle qui coulait dans les veines de Cyriac l’empêchait de ne pas venir en aide à quelqu’un qui le nécessitait. Encore plus lorsqu’il s’agissait d’une affaire familiale.
Déposant le parchemin bien en évidence sur son lit, il redescendit donc jusqu’à la Salle Commune où l’attendait Yorick et c’est ensemble qu’ils s’emparèrent du Portoloin. La sensation ne dura que quelques instants mais ce fut suffisant pour le Poufsouffle décide qu’il ne l’appréciait guère. Il n’apprécia pas non plus l’atterrissage forcé entre les branches d’un pin et poussa quelques jurons qui lui auraient valu un regard assassin de sa mère si celle-ci avait été présente. Néanmoins, le bruit de voix à quelques mètres l’arrêta bien vite dans sa psalmodie de grossièretés et, lorsqu’il aperçut d’où provenait les voix, il remercia Viviane et Circé d’avoir atterri entre les branches d’un conifère. En plein hiver, un feuillu n’aurait en effet présenté qu’un bien maigre abri et toute protection, pour aussi minime qu’elle fut, était bonne à prendre face à des vampires.
Le cadet des Longbottom avait en effet reconnu les créatures du premier coup d’œil. Après l’attaque de son frère plusieurs mois auparavant, leur père avait exigé que tous les membres de la famille soient capables de reconnaître un vampire d’un seul regard pour ne jamais plus se laisser surprendre. Et en l’occurrence, le rayon de lune qui s’était reflété sur une canine allongée avait été une confirmation suffisante. Se rapprochant tant bien que mal de Yorick, il lui intima le silence en posant sa main sur sa bouche et entreprit de murmurer ses conseils.
-Je ne sais pas si ton père est dans les alentours mais, si c’est le cas, il est aussi mal fichu que nous. Tu vois le groupe de prêtres là-bas ? Ce sont des vampires, j’en mettrais ma baguette à couper. Or, je ne sais pas ce qu’ils font ici – d’ailleurs je ne sais même pas exactement où nous sommes – mais, tu peux être certain que s’ils se rendent compte de notre présence, nous serviront à coup sûr d’apéritif. Par chance, le vent vient de face, ce qui devrait nous protéger de leur odorat le temps que je réfléchisse à une solution. En attendant néanmoins, ne fais aucun bruit et suis la moindre de mes directives, c’est compris ?
Auror
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Dim 26 Juil - 14:38
- Rien, entendez-vous, absolument rien ne pourrait nous décider à faire venir plus d’aurors ici qu’il n’y en a déjà. répliqua d’un ton sec mère Dolorès. Laissez les vampires haranguer les villageois aux alentours si cela leur chante. Personne n’a jamais pénétré la défense de Whitehill et personne ne le fera jamais.
- Il me semble que le danger est réel, mère Dolorès.Répondit mère Abélia.
- Non pas. Ce n’est pas le premier danger qu’affronte le monastère. La haine n’a jamais cessé d’exister, et elle a régulièrement fait naître des tentatives pour assiéger Whitehill. Si le monastère avait dû tomber, il l’aurait déjà fait. Mais les rancunes sont passées sans effleurer les murailles de notre refuge. Nous n’avons aucune raison de douter de la solidité de nos murs : ils sont soutenus par la solidité de notre Foi.
- Même la foi la plus solide n’a pas empêché Jésus de se faire crucifier. Argua Grace ; et les nombreux saints éclairés par la voix du Seigneur n’ont pas pu éviter mille tourments. La Foi nous protège de la peur et du péché, pas de la torture. Nous devons nous protéger. Et pour cela, nous devons appeler d’autres aurors à notre secours.
- Non mère Grace. Comme l’a fait remarquer M. Longbottom, votre colère voile votre jugement. Votre ressentiment contre votre village natif vous fait oublier les principes du monastère. »
Grace se pinça la lèvre : du fait de la douleur, elle s’était emportée et ce débordement servait désormais la cause de sa consœur.
« Attendons demain, afin de savoir comment évolueront les choses. En prenant la mesure de la progression des vampires, nous parviendrons mieux à décider avec justesse. Proposa Mère Abélia.
-N’avez-vous pas entendu les paroles de M. Longbottom ? protesta Mérindol. Les vampires pourraient venir frapper à votre porte cette nuit même. Toutes les sœurs sont venues ici pour trouver un refuge, et vous devez leur apporter cela.
-Cette intervention est mal venue de votre part, M. Mérindol, vous qui avez introduit un étranger entre ces murs. Siffla immédiatement Mère Dolorès.
-Avec tout le respect que je vous dois, cet étranger est la personne la plus capable dans la situation où nous nous trouvons. Vous me reprochez ce qui est probablement une chance extraordinaire. » gronda le marchand.
Néanmoins, le quarantenaire comprit que sa présence dérangeait et qu’il n’avait pas sa place dans ce conciliabule : au contraire des mères supérieures ou de Longbottom, son statut ne lui conférait aucun pouvoir de décision.
« Mais je ne suis qu’un commerçant et n’ai aucune part à prendre dans cette discussion dit-il un peu amer, le mieux est encore que je vous laisse. »
Même si la décision était difficile, elle restait la plus sage : toute idée qu’il aurait pu proposer aurait été décrédibilisée du fait même de son statut. Ainsi, s’il voulait voir triompher son point de vue, il devait renoncer à le défendre.
Afin de ne pas rester inactif, le marchand monta sur la muraille pour surveiller les alentours. La nuit était cependant trop noire pour avoir une vision étendue.
Mérindol ne savait que peu de choses sur la magie. Cependant, il avait compris au fil des années qu’il était très difficile de parvenir jusqu’au monastère ; qu’il y avait des barrières qui empêchait la magie de transporter un individu de l’intérieur vers l’extérieur, et inversement. L’ancienne citadelle ressemblait désormais à un ensemble de coffres rangés les uns dans les autres. Et ces systèmes, si utiles contre les attaques, commençaient aussi à ressembler à un piège : les hiboux ne pouvaient pas trouver ce lieu, et on ne pouvait pas venir grâce aux balais. Pour le quitter, il faudrait emprunter le chemin menant au bas de la colline, prêts des villages qui guettaient l’occasion de mettre fin à l’armée des sorcières.
Les vampires continuaient à psalmodier ; devant eux l’espace commença d’abord à s’étirer doucement ; puis il se contracta en son centre, et divers points effectuèrent des torsions qui rendirent méconnaissables la colline et les arbres. Enfin, l’image se déchira soudainement, pour qu’apparaisse derrière lui exactement le même paysage. Le premier point de l’enchantement était détruit.
Même sous la torture, O’Connell n’avait rien avoué à ses bourreaux, à cause du sortilège dont il était la victime et qui l’empêcha de délivrer ces informations. Néanmoins, Grace ne connaissait pas l’existence de la légilimencie, l’art de lire dans les pensées, et n’avait donc pas songé à immuniser O’Connell contre ce type d’attaques mentales. Dès qu’ils le comprirent, les vampires commencèrent à fouiller dans l’esprit du sorcier, et trouvèrent l’emplacement de chacun des nœuds de l’enchantement. Ils durent s’interrompre parce que des villageois venaient, et que les vampires ne devaient pas user de magie devant eux. Le lieu où O’Oconnell était retenu se trouva sans garde pendant une dizaine de minutes ; et quand les vampires revinrent pour connaître la façon exacte de franchir le système de défense avant de pouvoir tuer leur prisonnier, ce dernier avait disparu.
O’Connell ne connaissait pas plus la légilimencie que Grace, et n’avait pas cherché à s’expliquer les visions qu’il avait eu sur l’enchantement. Il était revenu aussi vite qu’il avait pu au monastère, et s’était effondré à ses portes, convaincu d’avoir protégé les sœurs.
Les faux religieux s’avancèrent vers le premier carrefour, et psalmodièrent de nouveau. Pourtant, cette fois-ci, le panorama ne sembla pas affecté par leur parole : le système imaginé par Grace était plus complexe que ce qu’avaient cru les vampires, et le deuxième nœud ne correspondait pas tout à fait au premier. A cela s’ajoutait que la destruction du premier point avait encore modifié le deuxième, qui ne pouvait plus être affaiblit de la même manière. Et il en serait sûrement ainsi de chaque point.
Le mécontentement du groupe se manifesta par quelques grondements, et les vampires durent stopper leur avance pour se pencher sur la modification de leur contre sort. Mais aucun ne semblait en mesure de savoir ce qu’il fallait faire, et cinq d’entre eux partirent vers un village.
Pendant un certain temps, Yorick était resté pétrifié de terreur, toute son attention captée par les vampires, parce qu’il lui sembla toujours qu’ils s’apprêtaient à fondre sur son camarade et lui, et à les tuer. Chaque fois que l’un d’eux tourna la tête le jeune homme se sentit prêt à défaillir, et s’accrocha d’autant plus à la branche qui le tenait.
Néanmoins, le vent n’avait pas tourné, et le groupe ne paraissait pas prêter attention à l’arbre nu d’où les adolescents les guettaient, à une centaine de mètre. Petit à petit, le jeune Mérindol parvint à reprendre le contrôle de lui-même, et pu réfléchir à une solution, sans que ses yeux ne quittent les silhouettes encapuchonnées.
Toutes les solutions qu’il tentait de concevoir ne le ramenaient qu’à la puissance des vampires, leur vitesse phénoménale, leur soif de sang, leur odorat surdéveloppé… Si les deux étudiants faisaient mine de descendre de l’arbre, leurs ennemis les repéreraient à coup sûr. Impossible de cacher leur odeur ; inutile donc de chercher à la cacher. L’exacerber, alors ? Mais pour quoi faire ? Parce que si les vampires sentaient quelque chose, quelque chose qui, en vérité, n’étaient pas là, cela les distrairaient et les éloigneraient. Voilà ce qu’il fallait : un appât.
« J’ai… j’ai une idée. » souffla Yorick, terrifié par le son de sa propre voix. Sans oser ne serait-ce que tourner la tête vers son compagnon, il continua : « je peux envoyer un objet avec une forte odeur humaine, loin. » Il garda un instant le silence avant de reprendre : « je fais un nouveaux portauloin. Ça ne me prendra pas beaucoup de temps. J’envoie un objet à six-cent ou sept-cent mètres. Les vampires suivent l’odeur et on s’en va. »
Il ne savait pas encore quel objet utiliser, jusqu’à sentir une source de chaleur dans sa poche.
Le jeune homme traça rapidement un cercle sur le tronc de l’arbre ; l’opération ne dura que peu de temps parce qu’il avait encore en tête l’essai du midi, qui portait lui aussi sur une courte distance. Puis il défit son bandage à la main gauche, et le refit afin que son majeur et son index fussent le plus protégé possible. Cela lui permit de prendre la bague sans se brûler, et de la mettre au centre du pentacle. Une fois qu’elle fût devenue un portauloin, Yorick lui lança un court sort d’illusion et tapa dedans avec sa baguette. La bague se téléporta jusqu’à son point d’arrivée, et le sort d’illusion commença à faire effet.
Yorick et Cyriac ne purent pas s’en apercevoir, mais le bijou exhala l’odeur qu’aurait produite une vingtaine d’être humain. Comme le vent amenait l’odeur directement sur les vampires, le groupe la sentit immédiatement. La présence soudaine d’une vingtaine de personnes si proche de leur position les stupéfièrent, et les cinq vampires restant partirent en direction de l’odeur.
Une dizaine de minute suffirait pour que le groupe s’aperçoive de la supercherie. Désormais, il fallait agir vite.
Cinq ombres étaient arrivés à un village proche de Whitehill. Tous les habitants dormaient paisiblement, rassurés d’avoir à leur côté des hommes d’églises. Un chien seulement grogna au passage des cinq silhouettes, sans oser cependant les attaquer.
Elles se rendirent dans une maison un peu à l’écart. La plupart des missionnaires logeaient chez l’habitant, sauf un pour qui on était parvenu à trouver une demeure inoccupée depuis quelques temps. Aucune lumière ne brillait ; et pourtant, les cinq ombres ne semblèrent pas douter que celui qu’ils venaient voir était éveillé : l’une d’elle frappa deux coups secs à la porte et ils entrèrent.
Un homme écrivait sur un parchemin, sans que les ténèbres ne parussent le gêner. Il leva la tête devant les nouveaux venus, contrarié d’être dérangé.
« Peut-on savoir pourquoi vous n’êtes pas devant l’arche ?demanda-t-il tout de go.
-Le contre sort que vous avez mis au point ne fonctionne pas sur le deuxième nœud de l’enchantement. » se justifia l’un de ses interlocuteurs d’une voix sèche, visiblement irrité d’avoir à répondre de ses actes devant un tel personnage.
En effet, bien qu’il eut été nommé chef de cette mission par son supérieur, un vampire nommé Lester, l’homme au parchemin n’avait que peu de choses qui lui permettaient d’asseoir son autorité. Il était devenu vampire vers trente ans, quand il était encore un sorcier roturier du nom d’Owain O’Hary, et n’était vieux que d’un siècle – ce qui le rendait relativement jeune par rapport à la plupart de ses congénères. A cela s’ajoutait un grand orgueil, nourri par la science qu’il avait acquise sur les sorciers et sur les vampires. Cette science, ainsi que la force physique qu’il possédait (démontré par sa masse musculaire) lui attirait le respect de certains vampires ; mais d’autres, venues de l’aristocratie, parfois mordues lors d’un rite de passage et non au détour d’un chemin comme Owain O’Hary, acceptaient mal l’arrogance de ce dernier.
Personne ne pouvait surprendre les faux religieux dans cette maison ; les nouveaux venus baissèrent donc leur capuche, et celui qui avait parlé se révéla être une femme qui semblait avoir vingt-cinq ans, mais devait être bien plus âgée.
« Par ailleurs, nous avançons bien plus lentement que vous ne l’aviez prévu ; à cette allure, il nous faudra de deux à trois jours pour parvenir jusqu’à Whitehill. Dix vampires ne suffisent pas. »
Tout dans sa posture montrait qu’elle appartenait à la haute société, et probablement faisait elle partit de ceux dont le moment de la transformation avait été planifié afin de bénéficier d’une jeunesse éternelle. Une moue étudiée laissait à entendre le mépris qu’elle éprouvait pour cet individu. Peut-être lui reprochait-elle de trop se fier aux apparences, et de lui donner des ordres comme si elle avait réellement vingt-cinq ans, sans tenir compte de sa véritable expérience ; elle n’était d’ailleurs pas la seule à détester Owain à cause de cela. Probablement que se retrouver la subordonnée de cet individu lui déplaisait aussi grandement.
« Bien, bien. Réveille ‘‘notre ami’’ afin qu’il nous rejoigne, et ramène les vampires des autres villages. Nous allons nous rassembler à l’arche. Compris ma jolie ? »
La vampire inclina la tête et sortit de la maison, après avoir remis sa capuche.
« Quel impertinent… ! » siffla-t-elle. Mais elle contint sa colère, comme elle avait contenu celle de ses congénères depuis que « leur ami » comme l’avait appelé Owain, leur avait révélé que quelqu’un en particulier se trouvait au monastère. Quelqu’un qu’elle avait eu l’occasion de tuer ; la première victime de son existence qui avait réussi à s’enfuir, ne gardant de cette rencontre qu’une cicatrice sur la tempe gauche.
D’un claquement de doigt, la vampire délégua la tâche donnée par Owain à un autre subordonné, qui fila vers une maison voisine. Il monta en silence les escaliers, passa comme une ombre devant les chambres où dormaient des enfants et leurs parents, pour entrer dans une petite pièce. Un homme d’apparence assez sale se reposait. Le vampire le secoua par l’épaule.
« Réveille-toi, le sorcier ! A l’arche, maintenant !
-Qu… Oui, oui… » bégaya l’autre, à moitié endormi.
Il se leva, pris sa baguette, enfila un manteau vert rapiécé et mis un vieux chapeau en cuir. Le comportement du vampire ne lui plaisait guère, mais il était prêt à toutes les bassesses pour cesser d’être un homme, créature si faible, et devenir un des seigneurs de la nuit.
- Invité
Que vois-tu…?
Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Mer 29 Juil - 11:14
-Avec tout le respect que je vous dois, Mesdames, vous faîtes une grave erreur. Attendre la fin de la nuit n’est pas une option, les vampires s’épanouissent sous l’astre lunaire et ne pas agir serait leur laisser un avantage que nous regretterons par la suite. Mais je vois que vous ne changerez pas d’opinion Mère Dolorès, permettez-moi donc de prendre congé. Il ne sera pas dit que je n’aurais pas tenté tout ce qui est en mon pouvoir pour nous protéger en cas de percée. Je ne peux néanmoins que souhaiter que vos murs soient aussi solides que vos convictions ou nous assisterons à un massacre.
Son ton s’était fait cassant sur la fin mais l’idée d’avoir à croiser de nouveau la route de vampires, qui plus est particulièrement bien organisés, alors qu’il n’avait aucun autre sorcier entraîné au combat à ses côtés ne l’enchantait guère. Un instant, il envisagea de passer outre le refus des Mères Supérieures et de contacter tout de même son père mais repoussa bien vite l’idée. Sans l’aide d’une des sœurs pour montrer le chemin aux Aurors, ils n’atteindraient jamais les murs de Whitehill. Il aurait toujours le temps d’envoyer un patronus de détresse en cas d’attaque si les défenses venaient à tomber.
Quittant le bureau, il se dirigea vers l’extérieur du bâtiment, voulant observer de plus près la disposition des lieux pour se faire une meilleure idée des endroits les plus propices pour organiser une défense de dernière instance. De même, il désirait constater quelles étaient les pièces les plus à l’abri et où les sœurs les plus jeunes, les plus âgées ou ne désirant simplement pas participer aux combats pourraient éventuellement se barricader. Il ne se faisait aucune illusion sur leurs chances de survie si personne ne venait à leur secours mais il paraissait évident qu’il n’obtiendrait pas l’autorisation de quémander des renforts de la part Sœur Dolorès tant que les vampires ne seraient pas dans l’enceinte du couvent. Il se devait donc anticiper une certaine attente entre le début de l’attaque et l’arrivée des secours, ces derniers fussent-ils des Aurors ou si Benedict réussissait à obtenir la coopération de Bucks des Régulateurs plus habitués à combattre des créatures de la nuit. Car les vampires finiraient par entrer, cela ne faisait aucun doute malgré ce que s’entêtait à croire la doyenne des religieuses. La seule réelle inconnue était de savoir combien de temps il leur faudrait.
Et comme pour donner plus de puissance à ses pensées, un tremblement secoua le bâtiment, signe avant-coureur de la catastrophe à venir. Préférant immédiatement considérer le pire pour ne pas être pris par surprise, Crestian en déduisit que le premier rempart était tombé. Le temps de la réflexion n’était plus, il retourna donc sur ses pas pour demander à Sœur Grace de l’accompagner et cette dernière ne se fit par prier. Il n’accorda volontairement pas un regard à Sœur Dolorès ni Sœur Abélia, craignant que son mépris pour les deux femmes ne ressorte dans son regard. Il se savait plein de la fougue de la jeunesse et ne voulait pas juger trop hâtivement des femmes ayant le double voire le triple de son expérience mais il était difficile de ne pas se sentir frustré au vu de la situation. Sans compter que son appréhension à l’idée de faire de nouveau face à des vampires l’empêchait d’être aussi calme que l’occasion ne l’aurait nécessité.
Il exigea donc de la plus jeune des Mères Supérieures qu’elle lui détaille précisément le fonctionnement des protections magiques dont elle avait doté le couvent tandis qu’ils prenaient la direction des murailles pour jeter un coup d’œil à l’avancée des vampires. Là-bas, ils tombèrent sur Mérindol à la satisfaction de Crestian qui voyait en le marchand un de ses rares alliés au sein de la citadelle. Il mit donc le quadragénaire au courant de la situation.
-Monsieur, je suis bien aise de vous revoir. La situation a encore empiré depuis votre départ et je viens quémander votre secours. La secousse de tantôt signifie que le premier enchantement protégeant le couvent n’est plus. Heureusement Sœur Grace m’a assuré que le second ne sera pas si simple à mettre à bas. Nous devrions donc disposer d’un certain répit pour planifier la suite de nos actions mais je ne veux pas perdre de temps.
Il se tourna ensuite vers la religieuse.
-Madame, la mission que j’ai à vous confier est compliquée mais vous êtes la seule à pouvoir la mener à bien. Réunissez toutes les sœurs trop jeunes, âgées ou faibles de constitution pour être d’une quelconque aide dans l’endroit le plus protégé du monastère et verrouillez la pièce. Il conviendrait que Sœurs Abélia et Dolorès soient inclus dans le groupe, leur présence devrait servir à calmer les inquiétudes du reste du groupe. Revenez ensuite nous rejoindre en compagnie des sœurs prêtes à défendre leur vie ici-bas plutôt que d’attendre l’entrée au paradis en tant que martyres.
Une fois de plus son ressentiment envers la fermeture d’esprit des Mères Supérieures ressortit dans ses paroles mais il se reprit bien vite.
-Excuse mon amertume, j’ai déjà eu l’occasion de rencontrer des vampires et je ne suis ici pour en parler que par pure chance. Etre la personne avec le plus d’expérience implique une responsabilité qui me pèse mais je vous promets de faire de mon mieux.
Reportant de nouveau son regard sur Mérindol, il poursuivit.
-Quant à nous, nous allons faire le tour des lieux pour rassembler tout ce qui pourra nous servir à nous défendre. Notamment tout objet produisant de la chaleur est le bienvenu, le feu étant la plus puissante des protections envers les vampires. La décapitation est une autre option mais je doute fortement que quiconque parmi nos hôtes possède la vitesse et la force nécessaires pour mener à bien un tel acte, sans compter la force de caractère.
Il craignait en effet que des femmes ayant dédiés leur vie à la non-violence et au culte d’une puissance supérieure vu comme aimante et douce soient incapables de tuer de sang-froid, même en légitime défense, sans perdre tous leurs moyens. Une fois ses ordres distribués, il s’apprêtait à partir en compagnie de Mérindol lorsqu’un mouvement inattendu du groupe de vampires tentant de forcer l’entrée au loin attira son attention. Il fixa donc son regard sur le lieu de la commotion pour tenter de distinguer ce qui s’y déroulait malgré le manque de lumière. Pour une raison inconnue, les vampires venaient de quitter leur poste, se dirigeant à toute vitesse vers un point à quelques lieux sur leur gauche. Mais ce qui faillit faire rater un battement au cœur de l’Auror fut d’apercevoir soudain deux silhouettes sur la droite du bâtiment qui filaient à toute vitesse en direction du couvent. Qui que fussent les deux inconscients qui tentaient ainsi de s’infiltrer, ils étaient fichus s’ils ne connaissaient pas le chemin à parcourir pour pénétrer la forteresse. Les vampires, pour aussi occupés qu’ils aient pu paraître, ne tarderaient pas à revenir s’ils sentaient la présence d’intrus. L’héritier n’hésita donc pas un instant à partir en direction de l’entrée, tout en criant à Grace et Mérindol.
-Il y a deux personnes à l’entrée, si on ne fait rien, ils finiront en pâtée pour vampires en moins de temps qu’il ne faut pour dire Quidditch. Je pars à leur secours.
Il ne précisa pas que quiconque tenterait de l’en empêcher le regretterait, la tension dans tous ses muscles parlait pour lui. Son sens du devoir lui criait en effet de venir en aide aux deux inconnus, peu importait leur origine et tant pis pour les croyances de Sœur Dolorès. Il n’aurait pas la mort de deux personnes sur la conscience pour une question de religion. Au pire, si les étrangers s’avéraient dangereux, il avait sa baguette à la main et se considérait en position de les stupéfixier avant qu’ils ne causent le moindre mal.
Alors que Cyriac se creusait les méninges pour trouver un moyen d’échapper à l’odorat surdéveloppé des vampires, Yorick lui proposa une idée brillante. Il accepta donc d’un hochement de tête silencieux et laissa le Serdaigle s’occuper de sa partie du plan. Il était totalement incapable de l’aider à produire un Portoloin, les enchantements n’étant pas son point fort. A la place, il se concentra sur chercher la manière la plus rapide de descendre de l’arbre et de courir se mettre à l’abri dans la citadelle qu’il apercevait au loin. L’endroit avait l’air inhabité mais, malgré cela, ils auraient plus d’endroits pour se protéger des vampires. Et puis si le père de Yorick était bien quelque part dans les alentours, il y avait de grandes chances qu’il soit réfugié là-bas. Ainsi, alors que Yorick s’apprêtait à lancer le sort, il retint son geste un instant, le temps de lui expliquer la marche à suivre une fois son rôle dans leur échappée terminé.
-Une fois le Portoloin fait, tu me suis et tu fais exactement les mêmes gestes que moi pour descendre, compris ?
Lorsqu’il eut obtenu l’assentiment de son partenaire, ils mirent leur plan à exécution et une fois les vampires partis, ils entamèrent leur descente du pin. Heureusement, ils étaient apparus assez prêt du sol et le cadet Longbottom estima qu’à peine deux minutes s’étaient écoulées une fois qu’ils touchèrent le sol. Par peur de se tromper, il ne perdit cependant pas une seconde, attrapa la main de son camarade, lança un charme du bouclier autour d’eux en y mettant toute sa puissance magique et détala en criant :
-Et maintenant on court !
Sans attendre que Yorick démarre à sa suite, il le tira donc du bras et accéléra de toutes les forces que son corps musclé lui offrait. Mais alors qu’ils approchaient de leur salvation, il s’aperçut que le décor avait changé et qu’ils se retrouvaient de nouveau à leur point de départ. Lâchant un juron qui aurait fait rougir de honte sa mère, il tourna un regard où la panique commençait à poindre vers son compagnon.
-Le château est protégé par un enchantement.
Ou de comment euphémiser le fait qu’ils étaient foutus à moins d’un miracle.
Lorsqu’Elicia Rosenbach quitta sa demeure de fortune dans un agacement tout aristocratique, Owain laissa son regard se balader ostensiblement sur la silhouette tout en courbes de la vampire. Il aimait savoir qu’elle était à ses ordres, fût-ce le temps d’une mission. Elle avait beau être d’une beauté à couper le souffle, son estime d’elle-même la rendait fort insupportable. Sous prétexte qu’elle était fille d’un vampire et d’une sorcière issue de la haute société de son temps, transformée en sa prime jeunesse pour profiter d’une beauté éternelle et des pouvoirs de son géniteur, elle se croyait supérieure à lui. Pourtant, il savait pertinemment qu’en tant hybride, avant de partager la grâce et la puissance de sa nouvelle race, elle avait dû être une petite chose fragile et sans grand intérêt. C’était pour cela que la tradition des unions mixtes s’était finalement perdue dans les sphères mondaines sorcières, car les rejetons de telles couches contre-nature n’étaient pas à la hauteur des attentes. Faiblards et sans réels pouvoirs, ils ne bénéficiaient souvent que de la beauté surnaturelle de leur père et finissaient délaissés ou complètement transformés. Rosenbach en étant un exemple flagrant.
Il oublia néanmoins bien vite l’orgueil déplacé de sa subordonnée et se reconcentra sur les calculs savants éparpillés sur plusieurs parchemins à son bureau. Ainsi la personne en charge de la protection du couvent avait créé des enchantements différents selon les nœuds pour rendre l’entrée encore plus complexe ? Brillant ! Il aurait dû y penser. Il faudrait qu’il réussisse à mettre la main sur la sœur en question pour lui faire avouer toutes ses connaissances magiques et, si elle était jeune et jolie, il en ferait peut-être ensuite son esclave. Il commençait à se languir d’une présence féminine à ses côtés. Il avait beau approcher la centaine, il continuait d’avoir des besoins et pas uniquement de sang. Parfois, il se demandait s’il était l’exception et que ses congénères devenaient asexués après la transformation. C’était une question à étudier de plus près en une autre occasion. Mais pour l’instant, il avait des affaires plus urgentes à régler. Il rangea donc ses parchemins dans une sacoche qui pendait de sa chaise, enfila sa cape et la sacoche et sortit de la masure en direction de l’arche. Il avait hâte d’observer de plus près le nouveau nœud magique pour modifier son contre-sort en conséquence.
En sortant, il aperçut Elicia en pleine conversation avec le sorcier miteux qui leur servait d’espion depuis quelques semaines, ou plutôt la vampire parlait et l’humain se faisait tout petit en sa présence. C’était pourtant grâce à lui qu’ils avaient appris que le marchand qui servait de lien entre les tisseuses et le monde extérieur s’apprêtait à faire un voyage imprévu. Il avait sauté sur l’occasion. Ils pourraient ainsi profiter de la présence d’étrangers perturbant l’ordre naturel du couvent pour s’y infiltrer et commencer la boucherie. Rosenbach avait en premier lieu fait la moue à l’idée de travailler pour lui mais lorsqu’elle avait découvert que l’homme qui accompagnait le marchand était en réalité le jeune Auror qui lui avait échappé quelques mois auparavant, elle avait démontré une impatience sans bornes. L’aristocrate ne supportait pas l’idée qu’un simple humain lui ait échappé et elle tenait à réparer son erreur, de la manière la plus violente qui fut nul doute là-dessus. Un peu comme Donaghue et son incapacité à se défaire d’un simple alchimiste sans blessures. Qu’est-ce qu’il s’était réjoui en voyant les marques du feu alchimique - il avait reconnu le sort immédiatement lui qui s’était intéressé à l’alchimie durant son humanité - sur la peau d’albâtre de l’insupportable Ecossais ! Voilà qui lui apprendrait l’humilité ! Dans le fond, il espérait presque que Rosenbach échouerait de nouveau pour la rabaisser au même niveau que les autres. Il savait néanmoins que pour cela il faudrait que quelqu’un s’interpose physiquement entre la brune et sa proie et il ne connaissait personne d’assez fou pour le faire.
Alors qu’ils étaient à mi-chemin de l’arche, le reste de leur groupe apparut, l’air contrarié et la voix tranchante d’Elicia s’éleva.
-Qu’est-ce que vous fichez ici ? Vous deviez continuer à surveiller l’arche !
-Nous avons senti l’odeur d’un groupe d’humains mais en arrivant ici, nous n’avons trouvé que cette bague.
-Montre-moi ça, déclara Owain en s’emparant de l’objet. Il en huma le fumet avant d’observer les runes engravées dessus et un demi-sourire impressionné apparut sur son faciès. Je comprends mieux.
-Qu’est-ce que vous comprenez ?
-Rien qui n’importe maintenant ma jolie. Contente-toi de te transporter jusqu’à l’arche, quelqu’un s’est moqué de nous et essaye de pénétrer le couvent.
Le regard d’ébène de Rosenbach faillit lui tirer un frisson tant la haine qu’elle éprouvait pour lui y transparaissait mais elle se mordit la lèvre et disparut dans une fumée noire sans rien dire, suivie du reste du groupe. Owain s’apprêtait à faire de même lorsqu’une voix s’éleva.
-Et moi, maître vampire ?
Il remarqua alors leur espion, ce minable humain qui croyait bénéficier de la morsure pour son aide. S’il n’avait tenu qu’à Elicia, l’homme serait déjà mort depuis longtemps mais Owain considérait son aide appréciable et il décida que, même face à cet imprévu, il pourrait toujours se révéler utile. Ne serait-ce que pour incarner les boucliers humains ou pour incarner le parfait otage si les sœurs se révélaient assez stupides pour jouer la carte de la charité chrétienne. Quoiqu’il en soit, il attrapa le poignet de l’homme d’une poigne ferme, lui broyant sans nul doute quelques os au passage sans même le vouloir et s’évapora en direction de l’arche.
Auror
Que vois-tu…?
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Sam 1 Aoû - 21:13
« Il faut que vous empruntiez exactement le même chemin qu’à l’aller si vous voulez rester à l’intérieur du champs de protection. Tant que vous serez à l’intérieur, il ne vous arrivera rien »
Les deux hommes se rendirent au pas de course en bas des murailles. Le chariot n’avait pas bougé. Ismaël pris une feuille et un bout de charbon afin de tracer rapidement l’itinéraire à suivre.
« Les lignes en pointillé sont les mauvais chemins, la ligne continue celui que vous devez suivre. Les croix représentent les deux endroits où vous devez réciter le Pater Noster en latin avant de passer. Est-ce que vous le connaissez ? »
Une fois que Longbottom eut filé porter secours aux deux inconnus, Grace et Ismaël rassemblèrent toutes les sœurs dans l’ancien donjon. Sœur Dolorès s’opposa d’abord à cette décision ; mais quand elle entendit que les vampires se trouvaient au pied de la colline, elle pâlit et ne s’interposa plus.
Lorsque les sœurs furent toute réunies, Grace les avertit de l’attaque imminente des vampires. Elle enjoignit celles qui le pouvaient et qui le voulaient à organiser la défense de Whitehill, tout en ne cachant pas le fait que cela les conduirait à tuer et peut-être à mourir. Les sœurs tremblaient, se regardaient entre elles, elles qui avaient tous les jours prié pour le salut de tous les êtres, amis ou ennemis. Le monastère comptait au environ de deux-cents âmes ; une trentaine se dirent prêtes au combat. La plus vieille dépassait les soixante-quinze ans ; la plus jeune aurait seize ans au printemps. Mère Abélia fut du nombre et même Mère Dolorès voulut un instant venir, mais il fallait quelqu’un pour rassurer les sœurs, et peut-être, une fois le carnage passé, les conduire autre part. Elle donna néanmoins son accord pour faire venir des aurors au monastère. Ismaël se chargea de le dire à Longbottom dès que possible : lui seul savait que faire pour les contacter.
Avant de partir, Grace et Abélia, aidées des autres sœurs, construisirent un petit espace parallèle qui englobait toute la pièce, et dont on ne pouvait accéder qu’en faisant le signe de croix. Sachant que leurs ennemis étaient des vampires, Grace modifia son sort de façon à ce que l’odeur et le son ne puissent communiquer d’un espace à un autre. Cela fait, elle lança un dernier sourire à la salle qu’elle apercevait vide désormais, et partit protéger les murailles.
Les combattantes ainsi que le marchand se concertèrent sur la démarche à suivre. Ismaël rappela les conseils de l’auror pour tuer les vampires, et évoqua la décapitation. Les religieuses frémirent, mais personne ne fit de commentaire.
On apporta l’huile des cuisines devant les portes, mais aussi des bûches, des draps, des meubles en bois, y compris les métiers à tisser. A l’aide de la magie, les sorcières parvinrent rapidement à creuser sur une profondeur d’un mètre trois canaux en demi-cercles concentriques qui enserrait la porte principale. Après cela, une partie transportèrent tous les meubles à l’intérieur et les cassèrent en morceaux, tandis que d’autres en apportaient de nouveaux afin qu’ils subissent le même sort. Les draps, une fois imbibés d’huile, permirent de recouvrir le tout, avant que Grace ne jette un sort de dissimulation. Mérindol laissa juste deux bûches de part et d’autres de chaque canal, et resta à l’extérieur. Ainsi, il pourrait prévenir et guider Longbottom entre les pièges ; cela fait, il retirait les bûches et se réfugierait lui-même à l’intérieur. Si le plan fonctionnait comme prévu, leurs ennemis tomberaient, puis les sorcières lanceraient des sorts qui enflammeraient l’huile, et les vampires avec.
Une fois que tous les pièges furent mis en place, que toutes les sœurs furent rentrées pour se poster en haut des murailles, que Grace eut donné toutes les instructions possibles, ainsi que toutes les indications, tous les conseils, tous les encouragements qu’elle pût, qu’Ismaël les eut répété lui aussi, qu’enfin tout fut à sa place, il ne resta plus qu’à attendre.
Le marchand demeura le seul dehors. Il se tenait debout, et observait le chemin. Du haut des murailles, toute la colline était visible. Mais d’en bas, la pente devait d’un coup suffisamment raide pour qu’il ne soit plus possible de voir le reste du versant. Ismaël attendit encore une ou deux minutes, totalement immobile. Puis son esprit commença à dériver, et il se rendit compte qu’il avait froid. Même si une attaque se préparait, et que sa vie se terminerait peut-être dans quelques heures, il n’en restait pas moins qu’on était au beau milieu d’une nuit d’hiver. Un vent froid parcourait la colline et faisait frissonner l’herbe gelée. Il neigerait peut-être dans un jour ou deux. Pour le moment, le ciel était magnifique, tout illuminé d’étoiles.
Le quadragénaire commença à faire les cent pas, tout en guettant l’arrivée de Longbottom, bien qu’il ne pu le voir pour le moment, comme le monastère était construit sur un grand terrain plat.
Ismaël se dit que finalement la barbarie avait rattrapé ce havre de paix qu’était le monastère. Cet endroit véritablement hors du temps et de l’espace, alors même que la volonté de tant de personnes l’avait bâti pour échapper à la barbarie. Les mères supérieures qui avaient juré de défendre les sorcières persécutées n’avaient pu les protéger ; et les religieuses qui avaient juré de n’aspirer qu’à la paix auraient à se battre. Une seule consolation venait à l’esprit du vieux Mérindol : c’est que son fils dormait en sécurité à Poudlard, et que cette nuit-là n’était sûrement pas différente pour lui de toute les autres nuits.
« Mais bien sûr ! le labyrinthe ! » murmura Yorick.
Lui et sa marraine s’écrivait parfois, ou trouvait encore d’autres moyens de communiquer, ce qui n’était pas difficile au vue du talent de Grace. Il lui avait aussi rendu visites de temps à autres, jusqu’à il y a plusieurs années, lorsque son père avait décrété que cela devenait trop dangereux. L’adolescent se souvenait vaguement du système de défense.
« Attends… Il faut aller à droite, tout à droite. »
Les deux jeunes gens s’y précipitèrent, et la ruine de Whitehill devint une grande forteresse. Le chemin était le bon.
« Le deuxième croisement, c’est celui du milieu. »
Il franchir le carrefour, et quand le Serdaigle leva les yeux, la forteresse était toujours là.
« Après… Après je ne sais plus. Mieux vaut ne pas tenter au hasard : si nous nous trompons, il faudra tout recommencer depuis le début. Tant que nous restons dans le bon chemin, nous sommes dans une sorte d’espace parallèle, et personne ne peut nous voir d’au dehors. Mais si nous sortons de cet espace, nous ne serons plus en sécurité. Il y a un monastère de sorcières là-haut, c’est de cette façon qu’elles se protègent. Je suis sûr que mon père y est. Il commerce avec elles. »
Le jeune homme haletait. D’habitude, ses amis étaient toujours là pour l’assister dans ses enchantements, et surtout il n’avait jamais fait un portauloin qui aille d’une région de l’Angleterre à une autre, ou deux portauloins de suite. Ces incantations l’avaient un peu affaibli, et en d’autres circonstances il serait allé dans sa chambre pour se reposer un peu. Mais avec l’adrénaline, il se sentait encore prêts à faire plusieurs portauloins s’il le fallait.
Un groupe de vampires apparut tout à coup en bas de la colline, accompagné d’un homme d’allure assez misérable.
Les vampires ne pouvaient pas voir les deux adolescents, mais l’inverse n’était pas vrai ; sous l’effet de la stupeur, Yorick poussa un hoquet de surprise. Mis à part l’homme à l’allure miteuse, tout le groupe tourna la tête.
Mais pour eux, la colline restait déserte. Bien sûr, les bruits et les parfums pouvaient traverser la barrière, mais la bague dans la poche d’Owain diffusait encore un peu d’odeur humaine, et brouillait les pistes.
« Bon, pas de temps à perdre.» grogna Owain « Apparemment celui qui s’est fichu de vous a bien réussi son coup et est désormais très loin ». il fixa intentionnellement Elicia afin de la blesser dans son amour propre, mais celle-ci continuait de scruter l’espace.
« Ton groupe a failli dans sa mission en laissant s’échapper un intrus, voire plusieurs. Ce n’est pas en fixant le vide que ce fait changera, Elicia. » ricana sarcastiquement Owain.
Puis il se remit au travail.
Il récita rapidement la formule qu’il avait lui-même conçu, pour mesurer les effets qu’elle faisait au deuxième nœud et réfléchit en marmottant. Un petit sourire s’afficha sur son visage quand il comprit le système mis en place ; pour ce qui concernait la variation de l’enchantement causé par la destruction du premier nœud, il calcula à mi-voix, puis commença à donner des instructions au sorcier. Aucun vampire ne possédait véritablement de pouvoir, et puisque la défense de Whitehill s’avérait plus difficile à vaincre qu’à première vue, le secours d’un humain n’était pas un luxe.
Owain donnait des instructions à l’humain lorsque, en tournant la tête, il s’aperçut qu’Elicia ne bougeait toujours pas ; seulement une expression haineuse s’était incrustée sur son visage. D’un coup, elle bondit en avant.
Yorick se protégea d’instinct en croyant que la vampire le percuterait. Mais elle ne se trouvait pas dans le même espace que lui ; elle le traversa comme si elle fut un fantôme, sans d’ailleurs lui prêter attention, car sa cible se trouvait un peu plus loin.
Elicia avait remarqué une odeur particulière, qu’elle n’avait jamais oubliée, et qu’elle parvenait tout particulièrement à distinguer parce qu’elle lui était familière : l’odeur de l’homme qui lui avait échappé. Longbottom se trouvait à une centaine de mètres derrière les adolescents. La vampire trancha le vide de ses ongles acérés, donna un coup de poing, sans que ces attaques n’aient le moindre effet. L’auror se trouvait dans l’espace parallèle, l’aristocrate le transperçait sans même le voir, avec le désappointement de le sentir pourtant tout près.
Owain éclata de rire, avec d’autant plus de conviction qu’il jubilait de voir Elicia s’humilier, bien qu’il n’en connaisse pas la raison. Sa voix portait bien et transperça l’espace sans difficulté.
« Eh bien, ma chère Elicia, que t’arrive-t-il ? Humaine ou vampire, il faut croire qu’une femme n’est pas faite pour rester sans homme, sans quoi elle devient folle furieuse !
-Il y a un homme ici ! cria Elicia hors d’elle.
- Ce n’est qu’une vision, apparemment. Ou un fantasme, qui sait ? » continuait Owain en exultant : il avait fait le lien avec l’enchantement qu’il voulait détruire, et comprenait que l’homme se trouvait bien là, mais restait inatteignable. Cela lui fournissait une occasion inespérée d’asseoir son autorité.
« La réaction de cette pauvre Elicia est de mauvaise augure » déclara Owain aux autres vampires « les sœurs en haut de leur monastère doivent souffrir du même mal, et elles nous sauteront sûrement dessus avec la même sauvagerie que l’héritière des Rosenbach ! »
Le reste du groupe s’esclaffa ; le sorcier même, qui se voyait déjà vampires, suivit les créatures de la nuit et ricana sans retenue. A part l’aristocrate et Owain, il n’y avait pas d’autres figures charismatiques dans le groupe de vampires envoyé en mission. Une fois la jeune femme décrédibilisée, Owain seul restait.
Devant cette humiliation, les yeux d’Elicia brillèrent, mais elle dû se retenir encore une fois d’attaquer Owain. Elle aurait sa vengeance. Mais chaque chose en son temps.
« Je sais que tu es là, Auror, » murmura-t-elle de façon à ce que les vampires ne l’entendent pas. « Je te trouverai, et je te tuerai. Avant cela je t’aurais vidé durant plusieurs jours de ton sang, je t’aurais transformé en goule et je t’aurais envoyé assassiner ta famille et tes proches. Mais quand tout cela sera fait, je te tuerai, de la façon la plus douloureuse qui soit. »
Sous les instructions d’Owain, le sorcier et les vampires psalmodièrent un nouvel enchantement ; il faudrait environ un quart d’heure avant que le nœud soit détruit, et avant que le vampire érudit ne se penche sur le suivant. Il y restait vingt-trois nœuds et à cette allure, les vampires pourraient attaquer le monastère à huit heures du matin, tandis que le soleil se lèverait à dix.
- Invité
Que vois-tu…?
Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Dim 23 Aoû - 19:46
Papier à la main, il s’élança en direction des deux malheureux, ne s’arrêtant que le strict minimum pour vérifier qu’il était toujours sur la bonne route. Le premier arrêt pour réciter le Pater Noster lui coûta cependant plus longtemps qu’il ne l’aurait initialement désiré. Il dut s’y reprendre par trois fois avant de prononcer la formule en son entier sans erreur et ressenti la magie autour de lui se modifier en conséquence pour le laisser passer. Heureusement, celui lui permit de déblatérer la prière en quatrième vitesse lors du deuxième arrêt et, au bout d’une dizaine de minutes, il se trouvait enfin sur le dernier tronçon du chemin. Au loin, il aperçut les deux silhouettes et constata non sans surprise qu’elles se trouvaient également sur le chemin protégé. Néanmoins elles apparaissaient arrêtées.
Ne sachant que penser de la situation, il décida de les rejoindre et de réfléchir aux implications de leur présence plus tard. Il était ainsi quasiment arrivé à leur hauteur et commençait à réaliser avec horreur que leur taille laissait supposer un jeune âge, bien trop jeune en tous les cas pour se trouver en pleine nuit à proximité d’une horde de vampires, lorsqu’il repéra le groupe de vampires et se figea net. Il aurait reconnu ce visage déformé par la haine n’importe où. Ce port altier, signe révélateur d’une haute naissance, ce visage aux traits figés dans une jeunesse éternelle et pire que tout ce regard où brillait une malice sans nom : la femme qui hantait ses pires cauchemars se tenait là, devant lui, dévoilant toute sa férocité en cherchant à s’en prendre à un des jeunes devant lui. Paralysé, il craint un instant d’assister à un nouveau massacre, tout aussi impuissant à réagir que lors du premier, mais la magie de l’enchantement protégeant le chemin jusqu’au couvent s’interposa entre la vampire et l’enfant.
Le murmure qui parvint jusqu’à ses oreilles vint néanmoins très rapidement briser toute illusion de sécurité et il lui fallut toute la force de sa volonté pour se pas s’effondrer de terreur à l’écoute des menaces proférées par la vampire. Des images de ses anciens coéquipiers vidés de leur sang, leurs cadavres à moitié déchiquetés par la force inhumaine de leurs attaquants, s’imposèrent à son esprit tandis que la sensation glaçante d’effroi d’une main délicate mais aux griffes acérées se posant sur son épaule avant d’érafler sa tempe alors qu’il fuyait en transplanant s’emparait de lui.
Paralysé par la peur, il n’entendit tout d’abord pas la voix désespérée qui criait son nom, ne s’attendant nullement à l’entendre en de telles circonstances. Mais lorsque le toucher imaginaire de la main vampirique fut remplacé par celui bien réel d’une poigne tremblante d’inquiétude, il reconnecta avec la réalité et faillit avoir une attaque cardiaque en reconnaissant les traits de son frère. Que faisait Cyriac dans les parages ? Etait-il victime d’une illusion ? Avait-il été atteint par le pouvoir d’altération mentale de la vampire et allait désormais assister à la mort de chacun de ses proches comme elle le lui avait promis ? Si tel était le cas, il préférait encore mettre fin à sa propre existence.
-Crestian ! Crestian ! Bon sang mais réveille-toi ! Je ne sais pas ce que tu fais ici mais ce n’est pas le moment de craquer ! Crestiaaaaaaaaaan !
A court d’idées sur la marche à suivre et franchement paniqué de voir son frère, toujours si calme face au danger, dans une sorte de transe qui ne lui plaisait guère, Cyriac finit par recourir à la violence et claqua violemment son aîné. Ce qui eut pour don de faire réagir celui-ci prestement. La main de l’Auror se retrouva en effet bien vite autour du cou du Poufsouffle et le jeune capitaine tenta tant bien que mal de faire connaître son identité à son aîné.
-Cre…tan ..est moi…riac
-Cyriac ? Mais qu’est-ce que tu fiches ici ? Et lui qui est-ce ?
Reprenant comme il le pouvait son souffle,désormais que son frère l’avait libéré de sa poigne de fer, le batteur lui adressa un sourire piteux.
-Tu ne crois pas que le moment est mal choisi pour les explications ? Que dirais-tu de nous mettre à l’abri et ensuite tu pourras m’engueuler tout ce que tu veux ?
Comme si ses paroles lui avaient rappelé la situation critique dans laquelle ils se trouvaient, Crestian jeta un coup d’œil autour d’eux et, après avoir difficilement détourné le regard de la direction où se trouvait la vampire qui avait failli transpercer Yorick de ses griffes pointues, il prit la direction des opérations. Voir son frère endosser de nouveau son rôle d’Auror rassura énormément Cyriac et il ressentit un soulagement intense à l’idée que cette fois-ci ils étaient sauvés. Crestian saurait quoi faire, il savait toujours quoi faire. Il avait déjà échappé à des vampires, cette fois-ci ne serait pas différente. Avec un peu de chance, il serait même en compagnie du père de Yorick. Il attrapa donc le poignet de ce dernier et emboîta le pas de son aîné qui, sans surprise, semblait savoir exactement où il allait dans le dédale de chemins possible. Certes il jetait de temps à autres un regard à un parchemin qu’il tenait à la main mais rien d’autre.
Rasséréné sur leur sort, il se permit même d’adresser de nouveau la parole à Yorick. En effet, depuis qu’ils étaient entrés dans le labyrinthe, il avait préféré laisser le Serdaigle se concentrer sur le chemin. Et, à peine, étaient-ils arrivés à l’endroit où Yorick ne savait plus par quel chemin continuer que Crestian avait fait une apparition miraculeuse. Il lui avait immédiatement fait signe, trop heureux de le voir pour s’interroger sur l’incongruité de sa présence. Néanmoins, Crestian ne lui avait pas répondu et à la place il était entré dans une phase de catatonie des plus terrifiantes. Heureusement, il en était désormais sorti et ils se dirigeaient tous trois vers leur salut. Il était donc temps d’expliquer à Yorick ce qu’il venait de se passer.
-C’est mon frère. Il est Auror. S’il est ici, c’est que tout va bien, nous sommes en sécu…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que Crestian le coupa.
-Ne vous réjouissez pas trop vite. Les défenses du couvent ne tiendront pas indéfiniment.
Le ton définitif avec lequel l’Auror s’était exprimé jeta un froid et Cyriac se demanda soudain s’il n’avait pas eu la pire des idées de sa vie en décidant d’accompagner Mérindol. Ce qui lui fit penser qu’ils ne savaient d’ailleurs toujours pas où se trouvait le père de celui-ci.
-Mérindol ! Venez m’aider, je ramène deux adolescents, il faut les mettre immédiatement à l’abri.
Et bien voilà qui répondait à sa question.
-Ne me demandez pas comment cela est possible mais l’un d’eux est mon frère et il est hors de question qu’il lui arrive quoique ce soit. Pouvez-vous donc les escorter jusqu’à la salle de protection ?
Un instant il envisagea de protester - il n’était pas un enfant sans défenses ! - néanmoins il se rappela bien vite la situation présente et referma la bouche avant de proférer une absurdité. Il se pencha néanmoins discrètement vers Yorick et lui murmura.
-Je crois qu’on a retrouvé ton père mais quelque chose me dit qu’il va être à peu près aussi ravi de te voir que mon frère ne l’était de me retrouver.
Elle avait beau ne pas voir l’Auror, elle le savait traumatisé et c’était tout ce qui lui importait. Le doux fumet de la terreur monta jusqu’à elle et un sourire carnassier déforma ses traits doux et féminins pour laisser entrevoir le monstre derrière la femme. Elle ne savait pas qui était à ses côtés mais peu importait, la personne semblait importante à ses yeux étant donné l’intensité de la panique dans sa voix, elle se ferait donc un plaisir de le ou la déchiqueter devant les yeux de l’Auror. Oh oui, se délecter de son impuissance, il n’y avait pas meilleur aphrodisiaque. Puis, elle en ferait la plus vicieuse des goules avant de l’envoyer tuer tous ses proches. Et seulement une fois tout cela accompli, elle prendrait de nouveau le contrôle de son esprit pour qu’il réalise l’ampleur de son crime alors qu’elle le torturerait jusqu’à l’exsanguination totale.
En attendant, elle ferait semblant de se plier aux ordres d’O Hary. Elle avait en effet encore besoin de lui pour qu’il mette à bas les défenses du monastère accompagné de cet insignifiant humain qui avait la prétention d’espérer devenir un jour leur égard. Il leur faudrait néanmoins encore un certain temps et elle ne tenait nullement à le passer en leur compagnie ni en celle des sous-fifres qui les accompagnaient et qui par leur stupidité sans nom l’avait humiliée devant O’Hary avant d’avoir l’impudence de rire d’elle sous prétexte qu’elle était une femme. Mais ce qu’ils oubliaient tous c’était qu’elle n’était plus femme depuis longtemps - si elle l’avait seulement été un jour - elle était vampire. Et les vampires sont des plus patients lorsqu’il s’agit d’obtenir leur vengeance. Ils payeraient donc tous et O’Hary le premier en une autre occasion.
En attendant, elle préférait se retirer pour prendre un peu de repos avant le combat final. En effet, O’Hary était peut-être assez stupide pour ne pas la croire concernant la présence de l’Auror mais elle savait ce que sa présence signifiait : les renforts ne tarderaient pas à arriver. Peut-être même avant même le début de l’attaque. Or, elle ne tenait nullement à mourir sous les sorts d’un Régulateur. Elle se devait donc d’être en pleine forme pour leur arrivée. Elle se retint néanmoins d’en informer O’Hary et les autres. Ils avaient décidé de la sous-estimer et bien qu’ils se débrouillent à l’arrivée des Régulateurs. Ce n’était certainement pas elle qui pleurerait leur mort.
Auror
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Sam 29 Aoû - 14:37
Le marchand devenait vieux, ses yeux s’étaient abimés, il ne distingua d’abord que quelques figures floues. Puis les traits des arrivants se précisèrent ; le quadragénaire discerna la stature, le contour du visage, la couleur des yeux ; il reconnut son fils.
Du haut de la tour, Grace guettait le retour de Crestian, et elle aperçut Yorick avec un cri de surprise. Le regard de la Mère supérieures descendit vers Ismaël. Comme il était de dos, elle ne put voir son expression ; mais elle remarqua qu’il serrait les poings à s’en faire blanchir les phalanges.
L’adolescent faillit reculer d’un pas lorsqu’il vit son père. La rage qui habitait le vieux Mérindol explosait sur son visage. Il était devenu rouge ; les muscles de son front, de ses joues, de son cou même s’étaient contractés et faisait ressortait ses veines. Mais surtout, ses deux sourcils levés descendaient tout à coup, entraînaient avec eux des plis du front, et fronçaient le nez. Cela lui faisait une barre sombre qui tranchait avec le bleu pâle de ses yeux ; ils semblaient sortir d’un gouffre d’ombre afin de lancer des éclairs glacés. Mérindol ne ressemblait plus du tout à un vieux marchand un peu bougon, ou à un voyageur expérimenté, ou à un père dont le fils a quinze ans ; il paraissait juste terriblement furieux, comme si ce fut son unique trait de caractère. En quelques enjambés il avait rejoint le groupe qui s’avançait vers lui, et avant de dire quoique ce soit, il leva le bras et gifla son fils. L’adolescent faillit perdre l’équilibre, car ce coup aurait fait chanceler même un gaillard plus robuste. Mais son père l’attrapa par la peau du cou et le retint. Enfin Ismaël prit la parole, sans laisser à son fils le temps de s’expliquer :
« Espèce de vaurien, tu devrais être à mille lieux d’ici ! »
Il continua en s’adressant à Crestian :
« Ce bon à rien-là est mon fils. Je compte bien les amener tous les deux dans la salle de protection, figurez-vous. Mais je n’étais pas resté dehors pour avoir la joie de voir mon fils gambader à Whitehill au beau milieu de la nuit. Les sœurs ont piégés l’entrée du monastère. Je dois vous montrer le chemin. Nous règlerons cette histoire une fois en lieu sûr. »
Il conduisit le groupe en silence et enleva au passage les tronçons qui délimitaient les passages sûrs. Yorick tenta parfois de se dégager ou de se justifier, mais son père le secoua en lui répondant à chaque fois :
«Tais-toi bon à rien ! Tu parleras quand je te donnerai la parole ! »
En chemin, une secousse agita le sol : un autre point de l’enchantement s’était rompu. Les sœurs leur ouvrirent l’entrée, et plusieurs manifestèrent leur stupéfaction à la vue des adolescents, d’autant plus que quelques-unes reconnurent Yorick. Les mères supérieurs, l’auror et Ismaël amenèrent les deux étudiants à part. Ils les forcèrent à tout avouer, et quand ce fut fait, ils les confièrent aux religieuses qui défendaient le monastère, afin de décider de leur sort.
« Il n’y a pas d’autres choix que de les enfermer avec les sœurs qui ne veulent pas se battre. » déclara Ismaël d’une façon catégorique.
- Je n’en suis pas certaine. Répondit Grace. Il y a peut-être un endroit encore plus sûr pour eux. »
La religieuse se tourna vers Crestian.
« Mère Dolorès a donné son accord pour contacter les aurors. Ne pourrait-on pas envisager de les contacter en envoyant Yorick et votre frère ? De toute évidence, Yorick n’a aucun mal à construire des portauloins.
-Et votre père est à la tête du département de la Défense ; le jeune Longbottom pourrait lui parler sans difficulté. » ajouta vivement Ismaël, car il entrevoyait la possibilité de totalement écarter son fils du danger.
-Sauf qu’il est impossible de lancer un portauloin de l’intérieur du monastère. rappela Mère Abélia. Si ces jeunes gens veulent partir, ils devront sortir de l’enchantement. Les vampires sentiront leur odeur et les trouveront. »
Grace réfléchissait. Elle regarda un long moment Crestian, puis dit finalement.
« Votre frère, comment manie-t-il le balai ? Vole-t-il bien ?
L’idée de Grace était simple : les adolescents pourraient tenter de s’enfuir par les airs sur un des balais que gardait le monastère. Ils voleraient jusqu’à être assez loin des vampires, puis Yorick construirait un portauloin.
Une autre secousse fit trembler Whitehill.
Yorick attendait avec Cyriac dans l’ancienne salle où les religieuses avaient l’habitude de tisser. Ce n’était plus maintenant qu’une grande salle vide et obscure. On avait confisqué les baguettes des deux étudiants, si bien qu’ils ne pouvaient s’éclairer. La seule lumière venait de rayon lunaire qui passaient au travers des vitraux, et qui faisaient faiblement luire leurs couleurs sur le sol en pierre. La sœur de seize ans était là : elle devait garder les deux adolescents.
« Vas-tu combattre avec les autres ? lui demanda l’étudiant de serdaigle.
-Il le faut bien. Répondit la sœur.
- Je veux me battre aussi.
- Et bien tu as tort, et tu commets un péché. Ceux qui tuent leurs semblables n’iront pas au paradis.
-Mais toi, tu… commença Yorick ; la sœur l’interrompit.
« Ce n’est pas bien non plus de poser trop de questions, c’est Mère Dolorès qui me l’a dit. » répliqua-t-elle avec un regard chargé de reproche. Elle se tut et Yorick n’osa rien répondre. Le silence persista encore un moment. La sœur restait immobile et regardait les vitraux, tout en touchant une mèche de ses longs cheveux roux et bouclés. Parfois aussi, elle observa les deux adolescents, sans oser toutefois trop s’attarder sur eux. Mais des pensées semblèrent la tarauder, et pour les chasser elle demanda leur nom aux jeunes garçons, puis leur posa des questions sur Poudlard.
« A quoi… A quoi ressemble votre école ? Est-ce bien beau ? Monsieur Mérindol m’a dit un jour que cela était plus grand que le monastère, et je lui ai répondu que je ne le croyais pas.
- Oui c’est beau. » répondit Yorick sans savoir trop quoi décrire d’autres. La pensée de son père le hantait, et il se demandait si Ismaël allait lui aussi combattre, alors qu’il n’avait aucun pouvoir.
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Re: Les tisseuses de Whitehill [Terminé] par Dim 6 Sep - 18:41
Sans attendre un instant, il avait quitté son lit pour se faufiler jusqu’à la chambre parentale, rejoint en chemin par une Crestia tout aussi réveillée que lui. Les jumeaux s’étaient donc approché ensemble de leur mère et Crestian avait souvenir de s’être fait la remarque que pour un être pas plus grand que trois souaffles côte à côté, son nouveau petit frère en faisait un sacré boucan ! Brianna lui avait ensuite proposé de prendre le nouveau venu dans ses bras et lorsque le petit Cyriac, confortablement installé dans les bras de son frère le tout sous la supervision de leur père avait poussé un petit cri ravi, l’aîné des Longbottom s’était juré de toujours protéger ce petit bout de chair rosé au regard rieur.
Sauf que le bébé avait grandi et était vite devenu affreusement indépendant. Après la période insupportable où il jouait les canetons et suivait Crestian – alors adolescent – partout, au grand désespoir de ce dernier qui aurait apprécié de ne pas avoir un enfant en bas âge dans les pattes en permanence, le futur Poufsouffle avait bien vite appris à voler de ses propres ailes. La différence d’âge entre les deux frères avait en effet empêché une véritable relation d’intimité de s’instaurer entre les deux garçons, laissant la place à une véritable admiration du plus jeune pour le plus âgé. A l’inverse, ce dernier pensait de son devoir de s’assurer qu’il n’arrivait rien de grave à son cadet. Mais c’était sans compter sur la loyauté sans faille de son Poufsouffle de frère qui, n’avait rien trouvé de mieux que de décider d’aider un parfait inconnu à quitter la sécurité de Poudlard pour partir sauver un père dont il ne savait rien non plus. L’heure n’était cependant pas aux remontrances mais à l’action.
Le problème étant que la proposition de Sœur Grace pour aussi logique qu’elle soit ne l’enchantait guère. L’idée de laisser repartir son frère alors qu’il venait à peine de le secourir allait contre tous ses instincts de protection. Il aurait voulu enfermer Cyriac à double tour et ne plus le laisser sortir jusqu’à ce que le dernier des vampires fut anéanti. Néanmoins, l’option ne lui était pas offerte. S’il mettait ses angoisses de côté et réfléchissait posément, l’idée d’envoyer Cyriac et Yorick prévenir Benedict était excellente. Il n’avait simplement pas envie de la mettre à exécution car elle impliquait de renvoyer son frère face au danger. Il se résolut néanmoins – Cyriac était un voleur hors-pair et le petit Mérindol avait démontré une parfaite maîtrise de la création de Portoloins – et fit apparaître un parchemin où il résuma la situation en quelques lignes rapides à son père puis il prit la direction de la pièce où les adolescents étaient enfermés en compagnie d’Ismaël et de Grace.
En d’autres circonstances, Cyriac se serait empressé de se mêler de la conversation entre Yorick et la jeune religieuse, détestant les gens qui suivaient les règles à la lettre sans jamais réfléchir par eux-mêmes mais il était trop préoccupé par son incapacité à déterminer si son frère était fâché de le savoir ici ou non pour donner son avis. Crestian ne lui avait en effet pas adressé la parole depuis leur arrivée. Même pendant que lui et Yorick racontaiten leur périple, son frère s’était contenté d’écouter en silence dans une attitude si similaire à leur père que le Poufsouffle en avait eu des frissons dans le dos. Car il savait pertinemment que lorsque ses parents apprendraient sa sortie non autorisée, il serait puni au moins jusqu’à sa majorité.
Pourtant lorsque la voix de leur geôlière retentit de nouveau, sa curiosité suintant de la moindre de ses pores, il décida de ne pas la juger trop vite. Elle semblait après tout n’avoir rien connu d’autre que le monastère, ce qui expliquait en partie un jugement un peu trop rigide. Il lui adressa donc un sourire aimable et entreprit de lui répondre puisque Yorick semblait trop préoccupé pour le faire correctement.
-Que tu le crois ou non, Mr Mérindol a raison. Poudlard est au moins trois fois plus grand que ce bâtiment. Je ne crois pas que quiconque ait jamais visité son intégralité. Il faut dire aussi qu’avec les escaliers qui bougent en permanence ce n’est pas évident. Néanmoins c’est superbe. Il faut que tu t’imagines un immense château posé au beau milieu…
La porte qui s’ouvrit en crissant le coupa dans son discours et son regard se tourna vers les nouveaux arrivants. Son frère fut le premier à entrer mais il attendit que le père de Yorick et sa marraine entrent à sa suite avant de prendre la parole.
-Cyriac, Yorick. Nous avons réfléchi et puisque vous êtes venus jusqu’ici, vous allez vous rendre utiles.
Excité à l’idée d’être d’une quelconque aide, un sourire fier apparut sur le visage de Cyriac mais le regard dur de son aîné calma ses ardeurs.
-La mission que nous vous confions est dangereuse. Nous avons cherché à limiter au maximum les risques mais ils ne sont pas inexistants. Vous allez en effet apporter un message à Père. Il sera le plus à même de prendre les dispositions nécessaires pour nous envoyer des renforts au plus vite. Nous voulons par conséquent que vous preniez le balai que voici et que vous vous envoliez en dehors du chemin protégeant le manoir dans la direction inverse de celle où se sont rassemblés les vampires. Une fois sortis de la protection, Yorick devra créer un Portoloin jusqu’au manoir Longbottom. De là, expliquez la situation à Père et donnez-lui ce parchemin, il vous indiquera alors la démarche à suivre.
Une fois le discours terminé, Cyriac comprit qu’il était bon pour l’engueulade de sa vie plus vite qu’il ne s’y était attendu. S’emparant du parchemin, il tenta donc de se donner une contenance et murmura à l’oreille de Yorick comme pour tenter de dédramatiser la situation :
-Si tu crois que ton père était furieux, attends de rencontrer le mien.
L’instant où l’odeur humaine parvint aux narines des vampires, les plus réactifs s’évaporèrent immédiatement pour tenter d’attraper les inconscients qui s’étaient décidés à quitter la protection des murs du couvent. Pourtant, lorsqu’ils commencèrent à réapparaître de l’autre côté du bâtiment, ils ne virent personne jusqu’à ce que l’un d’eux pointe un doigt vers le ciel et s’écrie :
-Là-haut !
Pestant de ne pas avoir emmené l’humain avec eux pour qu’il lance un sortilège sur le balai qui s’échappait peu à peu loin d’eux, le petit groupe n’eut donc d’autre choix que de retourner auprès de ses supérieurs. Et aucun d’eux n’aurait su dire ce qui fut le plus glaçant, le regard franchement méprisant que leur lança O’Hary pour avoir échoué une deuxième fois à attraper de simples humains ou le sourire satisfait de Rosenbach face à leur échec patent.
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