Magnum Opus :: Royaume-Uni :: Londres :: Le Cabaret
Piège de soie par Sam 24 Nov - 23:31
La météo, ici bas, était une vaste blague. La semaine passée encore, il avait attrapé la mort à tel point que même la pimentine avait mis des jours avant de faire effet. Le jeune français avait passé le clair de ses journées emmitouflé dans capes et couvertures auprès du feu, malgré l’odeur de la tourbe qui le répugnait et était, pour ainsi dire, devenue chaque semaine passant un peu moins supportable.
S’il se taisait, le sorcier avait clairement le mal du pays. Ses pensées s’envolaient de plus en plus souvent, et de plus en plus longuement, vers son Bordelais natal et il désespérait de sentir à nouveau la brûlure réconfortante du soleil sur sa peau.
Ici, au cœur de l’Irlande, il se sentait vulnérable. Quand sa gorge ne venait pas à l’irriter à cause des courants d’air du château, c’étaient ses bronches qui s’encombraient. Il n’était jamais tombé autant malade de sa vie.
Il y avait cependant quelque chose qui le consolait. D’ici quatre jours, la famille Rosier allait quitter le château des Ó Riain pour emménager dans un charmant appartement dublinois, en plein centre de la partie sorcière. D’ici quatre jours, les courants d’air et la froidure omniprésents dans les vastes pièces du domaine ne seraient qu’un mauvais souvenir. De même que la compagnie de leurs hôtes. Oh, ce n’était pas qu’ils n’étaient pas charmants… Disons plutôt que le choc des cultures était parfois compliqué à gérer au quotidien… en particulier quand votre frère jumeau faisait tout son possible pour se montrer exécrable avec tout le monde. Au bout de quelques semaines de cohabitation, les domestiques, et une partie de la famille Ó Riain en étaient venus à raser les murs dès qu’ils se retrouvaient sur la route d’un des jumeaux, quel qu’il soit. Les premiers temps, Armel, soucieux de l’impression que sa famille faisait, s’était fait un devoir de se montrer aussi charmant et souriant que sa maussaderie intérieure le lui permettait, mais entre son frère qui semblait lui en vouloir pour cela et les familiarités de ces irlandais — certes, rappelons-le, fort sympathiques — lui-même avait fini par se lasser et se protéger derrière la mauvaise humeur de son jumeau. Tant qu’il ne souriait pas, ces gens étaient bien incapables de les différencier.
D’ici quatre jours, donc, les Rosier auraient un toit à eux sur la tête. Ce serait sans commune mesure avec le château familial, mais au moins pourraient-ils retrouver un semblant d’équilibre. Et régler leurs comptes en toute intimité. Car, il ne fallait pas se le cacher : la grogne gonflait et n'attendait que d'éclater. Les deux jumeaux, si proches et si complices, étaient de moins en moins souvent vus ensemble et les piques entre eux devenaient chaque jour un peu plus plus assassines. S’ils avaient l’habitude de se taquiner, l’esprit bon enfant était mort avec leur espoir de voir la température dépasser les vingt degrés.
Depuis l’annonce de leur déménagement, cependant, Arsène était devenu un peu plus supportable. Presque agréable. Plusieurs fois, Armel l’avait vu sourire. Oh, ce n’était pas ce charmant sourire plein de chaleur avec lequel son frère était capable de retourner n’importe quel interlocuteur, mais c’était déjà quelque chose. Il avait, évidemment, été le premier à se jeter sur ses affaires pour les empaqueter et Armel le soupçonnait d’avoir déjà descendu quelques malles dans le carrosse qui les amènerait à Dublin.
Armel, quant à lui, défaisait un peu plus à regret la salle qu’on lui avait généreusement prêtée pour ses études de métamorphose. À de nombreuses reprises, le minet s’était interrompu pour potasser un grimoire ou étudier quelque étrange objet à mi-chemin entre une métamorphose animale et leur état initial de fourchette, vase, épée ou Merlin savait quoi encore. D’ailleurs, lorsqu’il se retourna pour faire dos au vitrail inondé de pluie, une rapière leva la tête et fourcha de la langue dans sa direction, probablement curieuse. S’approchant du bureau sur lequel elle reposait, Armel lui gratta gentiment la base de la garde — ou la gorge, dépendant de quel point de vue l’on se positionnait. Puis, s’aidant de sortilèges d’attraction, le jeune homme reprit son ménage.
« Sais-tu que tes expériences sont une source intarissable de moqueries, chez nos hôtes ? »
Armel froissa du nez, princier. Il éluda d’abord la remarque de son frère — lequel venait de se poser sur le pas de la porte — d’un geste évasif de la main, puis s’appuya de la hanche contre son bureau.
« Il me semblait que tu n’avais que du mépris pour eux. Je m’étonne de te voir te soucier de leurs impressions au point de me les rapporter. Pour ma part, je me fiche éperdument de l’avis de sorciers qui n’entendent rien à l’intérêt de mon art. »
Se disant, Armel observa avec une tendresse un peu bizarre les quelques monstruosités qui s’agitaient pêle-mêle sur la table. Une bouilloire se mit à siffler avec la même harmonie qu’un colibri tout en répandant un nuage de vapeur mais, lorsque le premier frère releva les yeux sur le second, il eut peu de mal à lire la moquerie que celui-ci se retenait de faire. Le jeune homme fronça les sourcils, mais Arsène, le plus innocemment du monde, enchaîna :
« Ils ont encore remis la panse de brebis farcie en plat du soir… »
Ce fut manifestement assez pour détourner l’attention d’Armel, qui poussa une exclamation lasse :
« Par Merlin ! C’est comme si notre Enfer allait durer jusqu’au dernier moment… »
Un sourire illumina le visage malicieux d’Arsène.
« J’ai entendu parler d’un établissement sympa, à Dublin… »
« Où est-ce que tu m’emmènes, Arsène ? »
Tiré par la manche par le premier, Armel traînait presque des pieds, déjà légèrement alangui par l’alcool qui courait dans ses veines. Ironiquement, le fils de vignerons ne tenait guère beaucoup le vin… alors, s’agissant de whiskey, le jeune français était déjà sur le point de rendre les armes et aller se coucher. Cependant, son cher frère ne l’entendait pas de cette oreille. Bien au contraire, celui-ci semblait revigoré, comme si le degré d’alcool l’avait immunisé contre sa mauvaise humeur coutumière et le froid humide qui rendait leurs déambulations dans les rues du Dublin sorcier particulièrement désagréables.
Malgré l’insistance d’Armel, Arsène était demeuré parfaitement sybillin et seul le poids d’un bon repas chaud allié à l’alcool rendaient Armel si passif face à l’enthousiasme un peu trop débordant — mais ô combien singulier — de son jumeau. En d’autres temps, il se serait méfié. Ce soir, cependant, il se retrouva traîné bon gré mal gré jusqu’à une porte bien mystérieuse, du fait de son extrême banalité et de l’émoi qu’elle suscitait chez son frère.
« Il n’y a rien, ici, qu’est-ce que… »
Le naïf n’eut guère le temps d’achever sa phrase, car Arsène ouvrit la porte. Celle-ci libéra sur la place déserte une étonnante et chaleureuse lumière orange. Armel soupira. C’en était fait de sa méfiance, sa curiosité avait pris le pas. Aussi s’engouffra-t-il sans plus se faire prier à la suite de son frère, lequel avait plus l’air d’un renard que jamais. Ils traversèrent ainsi plusieurs couloirs aux tentures chatoyantes dont les broderies mouvantes évoquaient des créatures fantasmagoriques qui fascinèrent Armel, jusqu’à ce que les scènes représentées prennent un tour pour le moins étrange.
« Hé, Arsène, qu’est-ce qu’ils… ? »
Se rendant compte qu’il perdait son frère au détour d’un couloir, le français s’empressa de le rattraper, sans plus prêter attention à l’étrange danse de deux sirènes sur le velours d’un bleu de topaze.
Lorsqu’il le retrouva, celui-ci poussait deux lourdes portes, derrière lesquelles Armel devinait le murmure de la musique. Intrigué, le jeune homme s’empressa de marcher dans les pas de son jumeau, avant d’ouvrir la bouche d’un air ébahi.
« Oh… »
Son regard s’était naturellement déporté sur la scène, à quelques pas d’eux seulement, où dansait seule une jeune femme à la peau d’ébène. Son corps se mouvait avec tant de grâce et de souplesse qu’il oublia pendant un temps de s’étonner de la musique, pourtant au moins aussi exotique que l’était le physique de la danseuse. Sous l’impulsion des tambours et des clochettes la Beauté faisait rouler ses hanches et virevolter les fins tissus bariolés qu’elle portait davantage à vocation de jouer de leur fluidité qu’à celle de cacher les atouts que la nature lui avait généreusement offert.
Lorsqu’il détourna la tête pour observer son environnement, Armel ne vit rien d’autres que des corps gracieux et délicats, qui évoluaient comme des chats entre des convives riant, buvant, contemplant avec, parfois, dans les yeux une avidité à peine camouflée par les jeux de lumière. Une moue ennuyée apparut sur les lèvres du blondinet.
« Pourquoi faut-il toujours que tu me fasses le coup… ? Un jour, je t’emmènerai de force à une chair de métamorphose. Tu feras moins le malin. » maugréa-t-il, sans remarquer la tête rousse qui s’avançait déjà vers eux.
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Re: Piège de soie par Dim 25 Nov - 22:44
Ainsi, l’annonce du patriarche, quelques jours plus tôt, de leur installation prochaine dans un appartement spacieux du Dublin sorcier, avait nettement égayé son humeur, l’amenant même à échanger un ou deux sourires mutins avec les plus jolies des servantes. S’il avait eu plus de patience, il se serait mis en tête d’en séduire une ou deux, se lançant à lui-même le défi de les défaire de la méfiance qu’elles avaient acquises à son égard lors des derniers mois de son estance, mais il n’était pas spécialement connu pour sa capacité d’attente. S’il désirait quelque chose, il la désirait vite et bien. Et, en l’occurrence, l’envie de sentir les formes plantureuses d’une douce créature tout contre sa peau était trop marquée pour perdre du temps à essayer d’en convaincre une de l’intérêt qu’il représentait alors qu’il pouvait tout simplement en payer une pour un résultat bien supérieur.
Certes, il aurait pu s’économiser le prix d’un passage au bordel en obligeant une des domestiques à partager sa couche – il doutait grandement qu’elle le dénonçât à quiconque – mais il avait été éduqué à respecter le sexe féminin et jamais l’idée d’imposer sa volonté à plus faible que soi ne lui aurait traversé l’esprit. Sans compter qu’il ne comprenait pas l’attrait que certains hommes avaient à sentir un corps plier sous leur volonté. Il préférait mille fois le doigté expérimenté d’une professionnelle aux caresses maladroites d’une jeune vierge paniquée. Qui plus est, il trouvait bien plus gratifiant d’amener une prostituée à l’extase que de causer les premiers émois d’une pucelle innocente. Bien entendu, rien ne l’assurait jamais que la marchande d’amour ne simulait pas un quelconque plaisir pour satisfaire son mâle ego mais il tentait habituellement de rendre faveur pour faveur et de faire de la nuit de sa compagne un souvenir aussi inoubliable que possible. Après tout, il avait beau n’être pas particulièrement romantique, il aimait à penser que l’amour ne se profitait réellement qu’à deux et le fait que sa partenaire soit payée pour lui tenir compagnie ne changeait rien au fait qu’elle puisse bénéficier également de leur échange.
C’était d’ailleurs cette attitude couplée à son minois de jouvenceau taquin qui avait fait de lui un habitué toujours chaleureusement accueilli chez Madame Mélisse. Les filles savaient en effet qu’il était toujours respectueux et n’en exigerait jamais plus que déterminé au début du contrat. Certaines avaient même essayé d’en faire leur client régulier mais il se lassait très vite de la routine et exigeait souvent de goûter une nouvelle douceur. Cela avait causé quelques froissements d’ego mais il n’avait cure des querelles de basse-cour. Il payait pour un service et le restait lui importait peu. Raison pour laquelle il avait appris avec délice l’existence du Cabaret et de ses multiples et exotiques plaisirs. L’occasion de s’y rendre ne s’était pourtant pas encore présentée depuis son arrivée en terres anglophones.
Mais tout vient en temps et en heure et le moment propice s’était enfin présenté alors que leurs hôtes proposaient pour la énième fois l’immondice qu’était la panse de brebis farcie – ô que la cuisine gasconne lui manquait ! - en effet, il n’avait eu nul mal à convaincre Armel de le rejoindre pour une sortie en ville. Une petite pique par ci, une carotte par là et le tour était joué, ils se retrouvaient tous deux dans un bon restaurant français de la capitale irlandaise. Son jumeau aimait à se croire incompris mais Arsène lisait en lui comme en un livre ouvert – et vice-versa il en était parfaitement conscient – et c’était d’ailleurs son incapacité à comprendre les raisons qu’avaient son frère de ne pas plus se rebeller contre leur présence en Irlande qui les avaient séparés ces derniers temps. Cependant, malgré cette mésentente passagère, les années passées à tout partager le rendaient parfaitement capable de manipuler sa moitié pour l’amener exactement où il voulait, à savoir le Cabaret.
Pour cela, il avait d’abord pris soin de rassasier son frère des meilleurs mets français que l’Irlande avait à sa disposition, le tout copieusement arrosé d’un Whiskey passable. Il aurait évidemment préféré du vin mais la carte du restaurant n’avait aucun nom à sa convenance et il préférait encore s’adonner aux brevages locaux, fussent-ils de médiocre qualité, plutôt que de souiller son palais avec une pâle imitation de Bordeaux. Et puis le choix d'une boisson forte n’avait fait qu’émécher plus que de raison Armel, déjà connu pour sa faible tolérance à l’alcool. C’était un fait qui ne cessait d’amuser Arsène et dont il se servait à raison et déraison pour arriver à ses fins. Il traîna donc aisément Armel jusqu’à l’entrée du lupanar, marchant d’un pas plein d’entrain à l’idée de découvrir enfin les milles et une merveilles qu’on lui avait promises.
Une fois à l’intérieur son attention se détourna cependant rapidement d’Armel pour s’assurer de suivre le chemin qu’on lui avait indiqué. Le sorcier qui lui avait vendu l’information avait en effet bien précisé que s’il se détournait de son objectif premier, il pourrait tourner inlassablement pendant des heures parmi les tentures sans jamais arriver à ses fins. C’était apparemment un des sortilèges mis en place pour s’assurer que seules les personnes prêtes à aller au bout de leurs désirs arrivent à destination, ceux capables de se laisser distraire par une simple décoration et risquant par conséquent de vouloir regarder sans consommer pouvant profiter à loisir des couloirs mais nullement atteindre le graal tant désiré. Après rien ne l’assurait que le vieil homme ne s’était pas tout bêtement payé sa tête de jeune premier en lui racontant des bobards mais il n’était pas prêt à tenter Circée pour le vérifier.
Ils arrivèrent donc dans la salle principale sans encombre et il ne sut ce qui lui causa la plus grande satisfaction : le spectacle délicieux de l’exotique danseuse ou la mine déconfite de son frère en comprenant enfin où il se trouvait. Il lui adressa donc un sourire narquois et ne put s’empêcher de répondre à sa remarque boudeuse :
-Parce qu’il marche à chaque fois.
Puis reprenant un ton moins moqueur, il poursuivit.
-Et plus sérieusement parce qu’il est temps que tu profites enfin de ta jeunesse. Je serais même prêt à t’accompagner à une de tes insupportables conventions si tu promets de faire l’effort d’au moins essayer de passer une bonne soirée. J’ai entendu que le Cabaret était capable de satisfaire les plus rares des désirs, ils auront donc bien de quoi satisfaire tes envies. Alors qu’en dis-tu ? Prêt à tenter l’aventure ?, termina-t-il sur une touche de défi.
Dernière édition par Arsène Rosier le Lun 26 Nov - 20:25, édité 1 fois
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Re: Piège de soie par Lun 26 Nov - 19:52
Elle s’était préparé à presque tout, et surtout à n’importe quoi. De la rébellion des résidents demandant de meilleures compensations, jusqu’aux clients ne la prenant pas sérieusement du fait de son jeune âge, en passant bien évidemment par les caisses se vidant mystérieusement du jour au lendemain. Rien de tout cela ne s’était passé. Cela faisait des années maintenant qu’elle s’occupait de la trésorerie, les résidents continuaient le boulot comme si de rien n’était et les clients… Eh bien, même s’ils n’étaient pas tous aussi respectueux qu’on pouvait l’espérer, ils n’avaient pas changé de comportement. C’était un fait, Azalea était jeune et plutôt jolie – même si elle se savait bien loin d’égaler les Beautés de son établissement – alors elle avait eu droit à plusieurs remarques déplacées. D’autant plus que, cela faisait partie de son travail, elle ne manquait jamais de remarques ribaudes et de regards mutins, ce qui avait tendance à les encourager.
Et puis, parfois ce n’était pas si désagréable que cela, si tant est que le client soit agréable à regarder. Mais elle préférait éviter de mélanger travail et plaisir, alors ça en restait là pour le moment.
La soirée avait très bien commencé et elle n’avait pas eu droit à la moindre remarque. Installé dans un recoin surélevé de la salle, derrière le bar, la jeune femme surveillait les allées et venues de ses filles. Pour la plupart, c’était des filles d’expériences, qui circulaient entre les tables pour offrir un sourire charmeur et des verres d’alcool aux clients. En fait, la seule à faire ses débuts ce soir, c’était la danseuse. Anangange était loin d’être une débutant, elle se produisait simplement pour la première fois sur scène, après quelques semaines de répétition. Et elle faisait fureur.
Azalea n’en était bien évidemment pas surprise. En fait, elle s’était prise plusieurs fois à laisser son regard traîner sur la scène. Plus précisément, sur les formes et les muscles que la danseuse s’évertuait à mettre en valeur dans sa chorégraphie hypnotique.
Ce n’était toujours pas assez pour empêcher la jeune femme de repérer un mouvement à la périphérie de son champ de vision. Des clients, mais qui ne débarquaient pas par l’entrée principale et surtout qui avaient de nouvelles têtes. Elle ne leur jeta qu’un bref coup d’œil avant de se décider à descendre de son perchoir, mais ils avaient l’air fort bien habillés, donc de bonnes familles, probablement. Elle n’avait pas besoin de beaucoup plus pour se diriger vers eux, faisant signe à ses filles de la laisser s’en occuper.
La matrone se lança donc dans la petite foule, se mouvant entre les tables et les clients avec la force de l’habitude. Elle n’avait pas la grâce de ses danseuses ou même de ses meilleures serveuses, mais elle s’avançait avec l’assurance de la propriétaire des lieux. Sa tignasse rousse la rendait difficile à manquer, même si elle arrivait au niveau des épaules de la majorité des présents. Les deux frères n’avaient donc pas eu le temps de trop s’avancer dans la salle quand elle apparut devant eux. Sa longue robe pourpre virevoltait autour d’elle, plus en accord avec les teintes du Cabaret qu’avec les cheveux de la jeune femme.
Bien plus habillée que ses filles, la rousse restait tout de même simple. Elle n’affichait aucun bijou autres que les dorures sur les manches de sa robe. Sa seule fantaisie résidait dans le corset qu’elle avait manifestement enfilé sous sa robe et qui lui faisait une taille plus fine ainsi qu’une poitrine plus haute. Cela dit, il n’aidait pas vraiment sa respiration. Heureusement qu’elle ne dansait pas, elle.
« Messieurs. Je crains que quelqu’un n’ait pas fait son travail. » roucoula-t-elle en réalisant ce qui ressemblait à une vague révérence. « On ne m’avait pas informé que nous devions recevoir si belle compagnie. » Et d’afficher un sourire mutin, les mains posées sur les hanches, pendant que son regard prenait tout son temps pour examiner les jeunes hommes de haut en bas.
Des jumeaux. Ou des frères vraiment très proches, mais ça ressemblait plus à des jumeaux. C’était une première pour elle, en tant que client. Et immédiatement, de mauvaises idées envahirent son esprit. Dommage, ils étaient plutôt mignons, quoiqu’un peu maigrichon à son goût. Et puis, il y avait quelque chose dans leurs expressions, ce sourire chez l’un et cet air désabusé chez l’autre. La soirée risquait de devenir intéressante.
« Bienvenue au Cabaret ! » entonna-t-elle, écartant les bras et tournant légèrement sur elle-même. « Où vos désirs sont des réalités. Et peut-être même des ordres. » Elle s’exprimait dans un anglais très correct, mais à l’accent étrange – mélange de l’accent écossais de sa mère et du melting-pot de culture qui constituait le reste du Cabaret.
« Je suis Azalea. Ou Madame. » Elle accueillait tous les clients avec ce ton joueur, frôlant le flirt mais sans être aussi explicite que ses filles. « Je peux vous guider quelques temps, si vous le désirez. »
Et de se tourner à demi vers la scène. « Est-ce que vous venez pour contempler et boire quelques verres… » Puis, revenant aux deux garçons. « Ou dois-je préparer faire préparer deux chambres ? » Elle hésita quelques secondes à continuer, ses prunelles brillant d’amusement, mais elle finit par se décider. C’est qu’il fallait mettre le ton, et si ils la pensaient mutine, ils n’avaient encore rien vu. « Peut-être même une chambre ? »
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Re: Piège de soie par Jeu 29 Nov - 14:36
Au lieu de quoi, le français s’appliqua à soupirer de son air le plus condescendant, comme si tout ce qu’il voyait là méritait son mépris le plus absolu. Un air qui se renforça — et passa proche de se transformer en sombre bougonnerie — lorsque son alter ego s’appliqua à lui rappeler que, parce qu’ils ne partageaient pas la même vision d’une jeunesse bien employée, l’héritier Rosier n’était pas capable de profiter de ce que le temps finirait par lui voler.
Armel aurait volontiers répondu à cela qu’Arsène était trop insouciant et qu’ainsi, son propre manque de frivolité équilibrait la donne, mais non comptant de ne pas en avoir le temps, il ne le pensait pas. À ses yeux, il savait parfaitement s’amuser. Seulement, il n’avait aucun goût pour ce genre de prestations. Certes, les demoiselles étaient très belles, et il aurait fallu être aveugle, ou bien idiot, pour ne pas apprécier le spectacle enchanteur qu’elles offraient. Néanmoins, Armel était autrement plus intransigeant en matière de partenaires que ce cher Arsène, qui ne savait de toute façon pas apprécier les gens à leur juste valeur. Il était, d’ailleurs, tout à fait persuadé que sa colère suite à « l’incident » qui les avait opposé quelques années plus tôt n’était pas tant liée à la tristesse de perdre celle à qui il faisait les yeux doux que de la pure possessivité, voire la marque de son gigantesque ego.
« Non. » Répliqua-t-il lorsque son jumeau tenta de le faire céder avec la plus exécrable des vulgarités. Le ton d’Armel était sans appel.
« Mais puisque ça te tient tant à cœur et que tu as manifestement besoin d’une nourrice, je veux bien prendre un verre… » Avant que son frère n’ait le temps de se réjouir — ou au contraire, de s’énerver du ton mielleux d’Armel — il précisa, levant un index à l’attention d’Arsène et élevant un peu la voix : « À une condition, cependant ! …Plus de whisky. Et que tu ne me suives jamais à une conférence, je supporte assez tes soupirs ennuyés au quotidien comme ça. »
Absolument inconscient de sa mauvaise foi, il se tourna juste à temps pour voir arriver sur eux une jeune femme à l’air emprunt de malice. Pour un peu, Armel aurait été intrigué par sa démarche assurée, assez différente de celle des autres filles. Elle semblait s’acheminer vers eux comme si elle était la maîtresse de l’établissement. Au lieu de quoi, le jeune homme se laissa penser que les ennuis commençaient. À peine entrés qu’ils étaient déjà alpagués… La rançon de la noblesse.
Considérant d’abord celle qu'il prenait pour une prostituée d’un œil pour le moins circonspect, il détourna les yeux avec une certaine gêne lorsque la belle-de-nuit les jaugea comme on juge une viande savoureuse. C’était absolument dégradant !
Posant une main sur sa hanche, Armel écouta d’une oreille sceptique leur hôtesse faire son petit discours de bienvenue, du moins jusqu’à ce qu’elle se présente. Un fin sourcil doré s’arqua au-dessus de son œil surpris, et il la considéra à son tour, intrigué. « Madame » ? Ainsi, c’était elle, qui gérait cette maison du stupre ? Outre le fait qu’il s’agissait d’une femme, ce qui était peu commun dans le milieu, elle paraissait… bien jeune. Surprenant, mais après tout, ce n’étaient pas ses affaires. Et cela ne changeait rien. Aussi fit-il la moue quand la maîtresse de maison parla de chambres, moue qui se transforma en grimace de dégoût lorsque, après une hésitation, elle n’en proposa plus qu’une.
Armel tourna brusquement la tête vers Arsène avec des yeux clairement accusateurs. Néanmoins, son geste pour se détourner et s’en aller tel un prince vers la sortie fut arrêté à peine avait-il amorcé un vague mouvement. Retenu par la main d’Arsène qui venait de s’enrouler fermement sur son bras, il claqua de la langue en seule marque de son agacement.
« Pour aussi légendaires soient les performances de mon cher jumeau dans la chambre à coucher, je n’ai, Madame, pas le moindre désir d’y participer. » rétorqua-t-il avec une hauteur qui frôlait le ridicule, tant son air fat détonnait avec l’air de renard de son jumeau et, pour ainsi dire, l'ambiance générale. D'autant que son regard déjà flou n'aidait pas à renforcer sa crédibilité.
« Je serai néanmoins heureux de profiter de votre cave, si vous avez quelques grands crus bordelais à me présenter et une table au calme. »
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Re: Piège de soie par Ven 30 Nov - 17:21
Il s’apprêtait donc à suivre Armel jusqu’au bar pour tenter de mettre la main sur un bon cru et continuer par la même occasion à abaisser les inhibitions de ce dernier, lorsque l’arrivée impromptue de la patronne coupa net leurs élans. Il fut tout d’abord surpris de son âge mais sa démarche lui rappelait trop celle de Madame Mélisse pour se laisser tromper par son apparente jeunesse. C’était une professionnelle, sûrement attirée par leur apparente richesse et penser le contraire ferait d’eux des cibles trop faciles. Heureusement pour eux, il était habitué à provoquer ce genre de réaction et à réagir en conséquence. Sans compter qu’il était venu exactement pour cela : dépenser son argent en échange d’une nuit de plaisirs.
Les propositions de la rouquine, bien que pas toujours évidentes à comprendre du fait d’un accent des plus inhabituels, lui tirèrent donc un sourire amusé. Sourire que la moue horrifiée de son frère ne fit qu’accentuer. Il était pourtant aussi peu enclin à partager sa couche avec Armel que l’inverse mais se montrait moins chaste au moment de le montrer. Ainsi, quand son frère se contenta de demander du bon vin, il opina du chef pour montrer son approbation. Il ne put cependant retenir une moquerie face à la demande de « calme » d’Armel. Il se pencha donc vers Azalea et déclara d’un chuchotement volontairement trop fort.
-Mon frère est un peu timide. Il n’assume pas encore pas tous ses penchants.
La formulation était volontairement floue, pouvant laisser entendre bien des choses. Mais il savait parfaitement qu’Armel saurait y lire la provocation qu’il y avait laissé. En effet, depuis l’incident avec Lucien De Lasalle, il avait trouvé la façon idoine de rendre son frère fou. Il lui suffisait de laisser sous-entendre, voire de déclarer directement, qu’il mettait en doute la sexualité d’Armel et ce dernier s’enfonçait tout seul. Tous ses maniérismes se retournaient soudain contre lui et pour autant qu’il tentât de convaincre quiconque qu’Arsène cherchait juste à l’embêter le doute refusait dès lors de quitter l’esprit des présents. Et si… ?
Pourtant, pour la défense d’Armel, Lucien s’était contenté de bien peu pour croire le jeune Rosier intéressé. Un peu trop d’alcool, un humour douteux et soudain De Lasalle s’était pris pour Casanova. Certes Armel aurait dû savoir que c’était à ses risques et périls qu’il dégustait le vin de leur concurrent mais il fallait reconnaître aux De Lasalle un certain talent dans l’art viticole. Leurs créations étaient insignifiantes face aux trésors de la maison Rosier mais cela ne signifiait en rien qu’elles soient désagréables au palais. De là que l’héritier se soit senti pousser les ailes d’une confiance bien mal venue et ait tenté d’embrasser son rival de toujours. Bon, pour être tout à fait honnête, c’était plutôt Arsène qui avait passé son enfance à entraîner son frère dans mille et une combines pour embêter leur moldu de voisin mais il fallait croire que ça n’avait en rien refroidi les ardeurs de ce dernier vis-à-vis du pauvre Armel. Quoiqu’il en fût, l’incident s’était terminé par l’arrivée impromptue d’Arsène qui avait pu assister à la tentative avortée de baiser avant qu’Armel ne fasse amèrement payer cette dernière à son prétendant. Une fois sûr que son jumeau ne risquait rien, il n’avait donc pu faire mieux que de se moquer de ses mésaventures. L’occasion était en effet trop belle, il aurait été criminel de la laisser passer ! Tout comme il ne pouvait décemment pas se contenter de parler des désirs d’Armel sans évoquer les siens.
-Je n’ai pas ce problème. J’aime être surpris et j’ai cru comprendre qu’en la matière votre établissement saurait me satisfaire.
Son regard fit alors un tour de la salle, cherchant les plus exotiques des beautés, avant de finir sur le spectacle envoûtant du corps en mouvement de la danseuse sur scène, son esprit ne pouvant s’empêcher de s’imaginer ce qu’une telle souplesse donnerait dans le confort intime de draps soyeux.
Dernière édition par Arsène Rosier le Sam 15 Déc - 18:42, édité 1 fois
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Re: Piège de soie par Lun 3 Déc - 19:59
Néanmoins, elle pouvait prendre quelques pincettes, surtout quand les goûts des clients se confirmaient luxueux. C’était sur ce genre de produit et de prestation qu’elle faisait les meilleures marges après tout. Elle se fendit donc d’un petit rire, amusé mais gentil, dans l’espoir de communiquer au jeune homme qu’elle n’avait pas voulu le blesser ni l’insulter. Il était dans un lieu de stupre et de débauche à présent, il allait devoir s’y faire.
Elle aurait sans doute fait un effort supplémentaire pour rassurer le jeune homme, si son frère ne s’était pas lancé à l’assaut. La remarque la prit un peu par surprise, mais elle n’était adressée qu’à elle, personne d’autres n’était assez proche pour entendre… en théorie. La maîtresse de maison prit soin de sourire, mais jeta discrètement un regard aux alentours pour s’assurer que c’était bien le cas. Même dans ce genre d’établissement, certains n’appréciaient pas ce genre de plaisanterie. Ou, au contraire, les prenait un peu trop sérieusement. La sécurité et l’intimité de ses clients étaient une priorité, même si moins importante que celles de ses employés.
Cette fois-ci, la rousse resta silencieuse quelques instants de plus, son regard vert sombre concentré dorénavant sur l’homme qui semblait le plus à l’aise en ces lieux. Il avait pris le contrôle de la conversation et elle devinerait que ce serait sur ses demandes qu’elle devait se focaliser. Même si elle gardait bien en tête ce que son frère plus timide avait demandé. Son sourire large finit même par revenir. La réputation de son établissement n’était plus à faire, et elle était trop heureuse de le confirmer.
« Vous comprenez bien, Messire. Notre établissement peut se vanter de satisfaire tous les penchants qui ne tourne pas à la cruauté. » Son regard rieur suivit les yeux du Rosier jusqu’à la danseuse et Azalea se laissa de nouveau aller à suivre les mouvements gracieux de ces muscles si vifs.
« Magnifique, n’est-ce pas ? » commenta-t-elle pour s’extirper de sa rêverie autant qu’en extirper le jeune homme. « Je crains cependant qu’Anangange ne doive profiter d’un peu de repos après sa représentation, et ne sera donc pas disponible cette nuit. » La belle jeune femme à la peau d’ébène débutait seulement et Madame prenait soin de ne pas épuiser ses filles.
« Si vous voulez bien me suivre messieurs. Nous allons commencer par une table et ce cru bordelais, vous pourrez me raconter en détail ce qui vous ferait envie. »
Et en un tour de talon, elle prit le commandement du trio, les guidant à travers le dédale de table en direction de l’une qu’elle savait vide. Ses boucles rousses tanguant à chaque mouvement étaient le parfait drapeau pour la repérer dans la confusion. La salle principale était connue pour son enchevêtrement de table, sans grande logique, rendu encore plus confus par les clients qui avançait ou reculait leurs chaises pour mieux profiter du spectacle. Parfois, il arrivait que tables, chaises et clients lévitent, mais ce soir était assez calme pour ne pas recourir à cette artifice.
Sur le chemin, Azalea alpagua une de ses serveuses, se mettant sur la pointe des pieds pour lui murmurer quelque chose à l’oreille, à laquelle la belle jeune femme répondit par un hochement de tête avant de se faufiler entre les deux hommes pour filer vers les caves.
La maîtresse de maison avait choisi une table un peu éloignée de la scène mais pas suffisamment pour empêcher de distinguer la danseuse. Dans un coin sombre, assez isolée, elle disposait même d’un paravent qui émoussait un peu les sons environnants.
« Messieurs. » annonça-t-elle en s’écartant, supposant que le jeune timide voudrait se coller au mur et au paravent, tandis que l’autre irait vers l’extérieur pour garder l’œil sur la scène.
« Et si nous commencions par des noms ? Vous pouvez essayer de me mentir ou me dire immédiatement si vous préférez être appelée autrement. » conclut la jeune femme avec le même sourire mutin que plus tôt.
En réalité, personne ici ne pourrait savoir s’ils lui mentaient, surtout pas elle. Mais les choses finissaient par se savoir au sein du Cabaret. Les gens de la haute se connaissaient tous et ils n’étaient jamais plus bavards que lovés dans un lit après un peu de bon temps.
- Madame
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Re: Piège de soie par Mar 11 Déc - 15:23
« Ne commence pas... » marmonna dans son gascon natal le minet, entre ses dents serrées.
Néanmoins, Azalea se garda bien du moindre commentaire, préférant renchérir sur la demande implicite de Rosier. Un point pour elle, bien qu’Armel n’était pas dupe : elle se focalisait sur les demandes du seul « véritable » client. Au moins ne s’attardait-on pas sur son cas et sur les imbécillités d’Arsène au sujet de son homosexualité fantasmée. Cela lui évita, par ailleurs, de s’enfoncer tout seul comme il avait le don de le faire.
Suivant le mouvement général, Armel déporta son attention vers la scène où évoluait la danseuse. Il remarqua, maintenant qu’il y faisait plus attention, que le spectacle était subtilement sublimé par quelques enchantements discrets, qui faisaient virevolter avec langueur les voiles et les vêtements aériens de la Beauté. C’était une jolie magie, aussi fascinante pour Armel, dans toute leur simplicité, que le balancement langoureux des hanches de la femme. Le jeune homme appréciait tout particulièrement le monde du spectacle, et si l’environnement dans lequel il se trouvait malgré lui était moins sa tasse de thé, il ne pouvait nier l’attrait presque hypnotique de la danseuse. Elle n’avait pas le pouvoir d’attraction d’une vélane, mais elle n’avait pas besoin d’envoûtement pour que les yeux se délectent de sa danse à loisir.
Aussi fut-il tiré de ses songeries tout comme son frère par la voix de leur hôtesse, avec la nette impression d’avoir été déporté, l’espace de quelques secondes, dans un univers fantasmagorique et lointain. Il papillonna des paupières, ne retenant des paroles d’Azalea que le nom de la danseuse exotique. Anangange. C’était difficile à prononcer, mais diablement dépaysant. Le jeune homme se prit à se demander quelle était l’histoire de cette femme pour qu’elle se retrouve à jouer de ses charmes auprès de la noblesse britannique, alors qu’elle venait d’un pays si lointain. Tout en répétant du bout des lèvres le prénom de la jeune femme, Armel suivit la tenancière jusqu’à une table qui, vraisemblablement, lui offrirait tout le confort et l’intimité qu’il espérait.
Après une brève hésitation, le français choisit de s’installer sur un des sièges qui lui permettrait le meilleur compromis entre discrétion et visibilité. S’il n’aimait pas l’idée de payer pour des faveurs, il aurait été hypocrite, néanmoins, de nier que le spectacle du cabaret était à son goût. Puisqu’il était là – et puisqu’il avait promis à son frère de faire un effort – autant apprécier ce qu’il voyait.
Toujours un rien méfiant, Armel considéra d’abord la demande d’Azalea avec hésitation. Aussi, il tourna d’abord les yeux vers son frère, interrogateur. Celui-ci avait-il coutume de donner un faux nom ? Il en doutait sincèrement. Il se rappelait de cette Madame Mélisse, qui l’accueillait les bras ouverts en lui donnant du Monseigneur Rosier. Arsène aimait qu’on lui serve les égards qui lui étaient dus et n’éprouvait pas un soupçon de pudeur à propos de ses penchants. Armel était même tenté de croire que c’était d’ailleurs le contraire. De toute façon, pour sa part, il n’était pas en état de s’inventer une identité fictive.
« Nous sommes les frères Rosier. Vous pouvez m’appeler Armel. » répondit-il sobrement. « Nous venons de France, mais vous l’avez peut-être déjà remarqué à notre accent. »
Pour la première fois, le jeune homme fit l’effort d’un sourire. Cela eut le mérite de casser l’air altier qu’il conservait depuis le moment où il avait compris avoir mis les pieds dans un bordel.
« Et voici Arsène. » déclara-t-il en tournant un regard vers son alter ego, où brillait comme une lueur de revanche. « Considérez que tout ce qui se passera ici sera à mettre sur son solde. »
Il laissa planer un instant de silence, pour le plaisir d’adresser un sourire mielleux à Arsène. « N’est-ce pas, mon généreux frère ? »
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Re: Piège de soie par Sam 15 Déc - 20:17
Une fois arrivés, il put constater le professionnalisme de la propriétaire. Le lieu mêlait habilement les désirs pourtant si distincts qu’Armel et lui avaient énoncés. Suffisamment à l’écart pour son frère, ils restaient cependant en ligne de mire de la scène pour qu’il puisse continuer à profiter du spectacle offert sur cette dernière. Il laissa par conséquent à Armel la possibilité de choisir son siège le premier, s’installant après lui, sans prendre néanmoins les mêmes précautions. La salle n’était pas assez remplie pour que leur arrivée soit passée inaperçue chez les habitués, alors à quoi bon se cacher maintenant ? Ils étaient tous ici pour la même raison.
Selon le même raisonnement, il laissa muettement entendre à son frère l’inutilité de chercher à cacher leur identité et fut rassuré de ne pas le voir se lancer dans un semblant de baratin. La pique que lui lança Armel par la suite le prit pourtant par surprise et il ne put retenir un premier froncement de sourcils avant de reconnaître plus gracieusement sa défaite d’un demi-sourire.
-Je suis celui qui t’a invité après tout.
Et si alléger sa bourse allégeait également l’humeur d’Armel, la soirée serait définitivement une réussite. Il se tourna donc de nouveau vers leur hôte pour régler les détails pratiques au plus vite, histoire que ceux-ci ne donnent pas un arrière-goût amer à toute future dégustation.
-Ne lésinez pas sur la qualité du vin, je saurai payer.
Et également reconnaître un prix trop élevé, précisa-t-il intérieurement. Il choisit cependant de garder ce détail pour lui, préférant déterminer ainsi si la patronne cherchait simplement à se faire un marge raisonnable sur leur dos au vu de leur apparente richesse ou bien si elle préférait tenter de les rouler. Il saurait de cette façon à quoi s’attendre lorsque le prix des danseuses serait à négocier. Après tout, s’il aimait profiter sans trop s’attarder sur les comptes, il n’en restait pas moins homme d’affaires dans l’âme et refusait tout bonnement d’être berné par quiconque.
-Quant au reste, je me fie à votre intuition pour nous offrir de quoi passer une excellente soirée.
En d’autres circonstances, il aurait été plus directif quant à ses désirs, mais il était en territoire inconnu et aimait se faire une première impression sans prendre trop de risques. La jeune tenancière avait jusqu’ici fait preuve d’un professionnalisme à toute épreuve, il lui faisait donc confiance pour continuer à jongler avec dextérité entre ses volontés et celles souvent contradictoires de son jumeau. Car un établissement n’atteignait pas la réputation du Cabaret sans raison. Ets s’il avait traîné Armel jusqu’en ces lieux, ce n’était pas seulement pour
Dernière édition par Arsène Rosier le Mer 19 Déc - 22:23, édité 2 fois
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Re: Piège de soie par Mar 18 Déc - 21:27
Elle sourit, autant pour répondre à la mimique d’Armel qu’à l’écoute de leurs chamailleries à peine déguisée.
Bonne nouvelle, le dénommé Armel semblait commencer à se détendre. Avoir un invité réfractaire à sa présence même dans l’établissement était rare, mais ce n’était jamais une expérience agréable, autant pour lui que pour les employées. Cela dit, même avec un sourire, elle devinait qu’elle aurait du mal à vendre quoi que ce soit au jeune homme, à part du vin.
Au moins, leurs goûts de luxe lui permettaient de rentrer un beau profit. La marge du Cabaret était toujours un peu plus importante sur ces produits, mais pas aussi important que sur les filles.
« Eh bien, au moins je sais à quel type de budget j’ai affaire. » conclut-elle après que Arsène ait posé sa petite précision sur les vins. Elle ne feignit pas d’être surprise ou impressionnée : si les deux clients n’avaient pas représenté une belle somme d’argent en perspective, ils n’auraient sans doute pas eu la chance de la croiser. Et au moins l’un d’entre eux étaient sans doute aussi conscient de ce fait qu’elle.
Toujours souriante, riant même légèrement, Azalea se laissa glisser dans son siège. Elle haussa un fin sourcil roux en entendant qu’on lui laissait l’entière responsabilité de choisir pour ses nouveaux clients. Rapidement, son expression passa à la malice, ce qui était invariablement mignon sur un visage comme le sien.
« Monsieur est beaucoup trop confiant. Mon intuition est des plus extravagantes, je risquerai de vous diriger vers ce que mon établissement a de plus étranges… et intéressants. »
Pendant un temps, elle laissa l’insinuation flotter en silence entre eux, ses yeux verts sombres fixés sur Arsène. Elle savait déjà que son frère ne serait pas intéressé par cette partie de ce que le Cabaret avait à offrir, mais elle était toujours curieuse des réactions que pouvait susciter les Monstres. Et pas seulement parce que le prix pouvait augmenter drastiquement selon les envies du client. C’était tellement fatiguant d’offrir toujours la même chose, les Beautés au corps de rêves qui emmenaient les hommes dans leurs chambres pour un peu de bon temps.
Trop de temps passés ici avait rendu Azalea blasée. Elle voulait plus. Elle préférait cent fois les clients aux envies étranges, aux goûts bizarres et précis, qu’elle tentait toujours de satisfaire au mieux.
Mais Arsène Rosier venait d’arriver, alors elle reprit la parole avant qu’il n’ait le temps de répondre à sa question.
« Non, vous devez d’abord connaître nos offres plus directes. »
Comme si c’était calculée, son regard fut soudain capté par l’arrivée d’une belle serveuse, la même qu’elle avait croisé sur le chemin de la table. La jeune femme tenait entre ses mains une bouteille d’un rouge bel et bien français. Le nom ne disait pas grand-chose à Azalea mais c’était un vin de bonne réputation.
« Messieurs. » roucoula-t-elle en posant un verre devant chacun, leur présentant tour à tour la bouteille.
Pendant qu’elle déterminait lequel goûterait le vin pour déterminer si il était à leur goût, les iris sombres de la jeune femme pivotèrent sur Armel. Elle lui offrit un beau sourire, comme pour lui rappeler qu’elle ne l’avait pas oublié.
« Profiterez-vous d’une de nos chambres, Armel ? »
- Madame
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