Trahir est un Art par Jeu 3 Mai - 2:07
Le jeune homme eut une expression coupable qui fit froncer les sourcils d’Alceste. Confortablement installée dans le fauteuil le plus ouvragé de la boutique, la sorcière étudia avec d’autant plus d’attention son interlocuteur, sans cesser de touiller son thé. L’ami de son fils lui cachait quelque chose. Elle avait le nez pour ça, et si Barjow Fils avait toujours eu l’air impressionné devant elle, il n’avait jamais eu l’air aussi soupçonnable.
« N… Non, Lady Alceste, absolument pas ! …Enfin, pour ne rien vous cacher, il manque à votre commande la queue de chimère que vous espériez tant.
— Oh.
— Je suis sincèrement navré, Ma Dame, j’espérais…
— Allons, allons, jeune homme… Je ne vais pas vous blâmer pour des choses sur lesquelles vous n’avez pas le contrôle. Je comprends les aléas de la chasse. Je patienterai le temps qu’il faudra, soyez sans crainte.
— Je vous remercie, Lady Alceste. Vous êtes trop bonne avec votre humble serviteur. »
La façon dont Barjow Jr fuyait le regard d’Alceste en baissant le menton démontrait à la sorcière combien il aurait été dupe de croire aux maigres explications du revendeur. Elle aurait pu déjà perdre patience mais, depuis quelques temps, la sorcière avait l’air de faire preuve de plus de sang-froid à l’égard de son clan. En témoigna la façon dont sa main gracile quitta sa cuiller pour balayer d’un mouvement démonstratif la table basse devant laquelle elle se tenait, et sur laquelle reposait de nombreux objets et ingrédients.
« Vous avez déjà fait un travail de collecte admirable. Vous savez, je me réjouis que vous ayez pris la suite de votre père. Loin de moi l’idée de lui manquer de respect, mais vous êtes d’une efficacité rare. Morgane sait, pourtant, combien mes commandes peuvent être… délicates. »
Avait-elle souri ? Barjow Jr l’aurait juré, mais il était si peu habitué à voir ce genre d’expression sur le visage aussi beau qu’austère de la sorcière qu’il songea à un tour de son imagination. D’ailleurs, il était bien plus préoccupé à s’enorgueillir des compliments inattendus de sa prestigieuse cliente pour vraiment s’attarder sur ce détail.
« Je ferai tout pour que vous continuiez à être aussi satisfaite de mes services, je vous l’assure.
— Bien, sourit cette fois visiblement Alceste, tout en se renfonçant dans son fauteuil. Elle but une gorgée de thé, sans lâcher son interlocuteur de son regard aussi fixe que celui d’un serpent. Vous n’aimeriez pas me voir en colère, n’est-ce pas ?
— Non, rétorqua l’autre, quelques roseurs sur les joues. Il sentait le piège venir, mais ne savait comment fuir le pétrin dans lequel il se glissait inexorablement.
— Dans ce cas, je vous conseille de confier ce que vous avez sur le cœur sans plus tarder, où je vous promets que vous connaîtrez la colère d’une Gaunt. »
Une demi-heure plus tard, la porte du manoir Gaunt s’ouvrit sur une bourrasque d’émeraude et de jais. Une voix hautement reconnaissable hurla tandis que la porte se refermait dans un violent claquement derrière elle :
« JANUS ! »
Des voix étouffées parvinrent à la sorcière, derrière la porte du salon. Un « nous parlerons plus tard » lui parvint et, avant qu’elle eut le temps d’ouvrir la porte, le craquement sonore d’un transplanage retentit. À peine passa-t-elle l’entrée du salon qu’elle vit ses deux enfants, l’un à côté de l’autre, tourner la tête vers elle, sans l’once d’une surprise.
« Qu’avez-vous fait… »
Un rire court et sourd répondit à la voix grondante de la Lady.
« Je t’avais dit qu’elle mettrait un rien de temps à l’apprendre. » commenta Despina d’une voix qui énerva tant Alceste que des cheveux se dressèrent sur sa nuque.
« Je ne suis pas surprise que tu te jettes sur la première occasion de m’humilier, mais toi, Janus, j’ose espérer que ce que je viens d’apprendre n’est rien de plus qu’un affreux malentendu. »
Un soupir échappa à l’héritier Gaunt, qui se tourna vers sa sœur :
« Peux-tu nous laisser ?
— Absolument pas ! Je ne raterai l’affrontement du parfait premier-né et de sa chère maman pour rien au monde, rétorqua Despina avec morgue.
— Despina. »
La voix de Janus n’eut pas besoin de s’élever. Glaçante, sifflante comme si le son s’extirpait de la bouche d’un serpent, l’injonction calma le sourire railleur qui étirait les lèvres de la cadette. Alceste elle-même n’eut pas besoin de voir le visage de son fils pour deviner la menace muette qu’il y avait fait apparaître. À regret, Despina transplana, laissant la mère et son fils seuls.
« Tu m’humilies, Janus. Jamais je n’aurais cru ça de toi.
— Mais elle existe, mère ! Elle est à portée de main ! Nous devons absolument nous en emparer et, pour ça, il faut que je paraisse être de son côté.
— Parce que tu crois qu’il te fera confiance ?!
— Mais il me fait déjà confiance, mère. Il n’a pas d’autre choix, puisque je lui apporte en retour nos partisans.
— Nos… quoi ? Tu as offert notre clan à Crowlore ?! Tu veux dire qu’il a ton soutien, le soutien des nôtres et la relique ? Es-tu devenu complètement fou ? »
Le rire de son fils glaça la lady. Pâle comme la mort, elle sentit ses jambes flageoler sous elle. Posant sa main sur son front, elle dû prendre quelques secondes pour se remettre de ses émotions.
« Tu es tombé dans le piège d’un mage plus malin et plus retors que toi, et en plus de me coûter ma crédibilité, toute notre famille en subira les conséquences… Tu me fais honte.
— Attention, mère. Je vous conseille de surveiller votre langue. »
Les yeux de la sorcière s’agrandirent.
« Tu me menaces ? »
Janus s’approcha d’elle et posa sa main froide sur son visage, mais Alceste lui rendit un regard furieux. Pour qui était-il en train de la prendre ? Le comportement de son héritier était de plus en plus obscur et changeant, mais jamais jusqu’alors il n’avait failli auprès d’elle. Il ferait bien de se souvenir qu'il lui devait loyauté.
« Je dis que je ne suis pas homme à me laisser rabaisser par une femme, et malgré tout l’amour que je vous porte, je ne vous laisserai pas remettre en question mon jugement. Je sais ce que je fais. J’aurai la relique. Je tuerai ce mage pathétique de bêtise lorsqu’il s’y attendra le moins, et vous n’aurez plus à pleurer sur votre honneur perdu. Pour l’heure, tout ce que j’exige, c’est que vous vous gardiez d’interférer en quoi que ce soit.
— Tu ne…
— Sauf votre respect, mère, coupa l’héritier Gaunt, je crois que vous avez largement fait votre temps. »
Alceste porta instinctivement une main contre son ventre tandis que sa respiration se coupait.
« Soyez sans crainte : Despina et moi avons été proprement éduqués. Vous m’avez fait convoiter un trône et je le prendrai. Ce vieux fou qui se croit tout puissant ne fait qu’ouvrir la voie aux héritiers de Salazar. Alors cessez de pleurer et regardez-moi faire ce que vous n’avez jamais été capables d’accomplir, Arnald et vous. »
S’en était trop. D’un geste leste, Alceste envoya un renvers si violent dans la joue de son fils que celui-ci recula de deux pas. Sa mère, quant à elle, se plia en avant, protégeant sa main subitement endolorie dans la paume de son autre main.
« La victoire ne se fait pas au détriment des siens, Janus. Si c’est là tout le crédit que tu portes à mon honneur, à mes conseils et au souci que j’ai pour toi, je ne t’empêcherai pas de mettre l’héritage de Salazar en péril. Tu te crois meilleur que moi ? Par Morgane, voilà bien un point commun que tu partages avec ton père. Finalement, tu lui ressembles bien plus que je le croyais. Seule ta soif de sang t’anime, et tu es prêt à entraîner les tiens dans le péril. Tu ne sais rien des reliques. » argua-t-elle en ôtant sa bague à la pierre noire, laquelle avait entaillé la joue de Janus jusqu’au sang. « Elles n’apportent que la mort ! Crowlore n’est pas un simple sorcier. C’est un puissant mage-noir ! Il n’a aucun respect pour les nôtres, tu les mets tous en péril, toi en tête de file ! »
Essuyant sa joue d’un geste rageur, Janus grimaça :
« Vous vous amollissez, mère. D’abord, vous venez en aide à des sang-de-bourbe, puis vous vous acoquinez avec un suceur de sang et, maintenant, vous refusez de passer à l’action alors qu’il n’y a pas de moment plus idéal ? Contrairement à Arnald, vous ne me tiendrez pas la bride. J’accomplirai ma destinée quoi qu’il puisse vous en coûter. Je suis l’héritier de Salazar Serpentard. Souvenez vous-en. » S’approchant, il se pencha au-dessus d’elle, la dominant de toute sa taille. « …Au cas où il vous reprendrait l’envie de lever votre délicate main sur moi. »
Alceste tremblait de tout son corps. Pourtant, ce fut d’une voix ferme et déterminée qu’elle répondit :
« Amuse-toi bien à gérer ton père sans mon secours. »
Elle fit volte-face, mais la main dure de son fils écrasa son bras, lui tirant un petit cri de douleur.
« Où allez-vous ?! »
Le bois de sa baguette ne fit qu'effleurer la main de Janus, pourtant, il fut propulsé dans les airs comme s’il venait de prendre le tonnerre sur la tête. L’instant d’après, un véritable capharnaüm fit trembler les murs du manoir. En un rien de temps, des malles fusèrent aux pieds de la sorcière, lesquelles se retrouvèrent bientôt gavées de robes, de potions, de parfums et d’ustentiles de magie.
« Je cède ma place à l'héritier de Salazar. »
La nuit était largement tombée sur la petite île perdue au cœur du lac d’Ullswater. Il n’y avait, ici, pas de forêt sombre et touffue pour cacher les étoiles. Celles-ci flottaient par centaines dans le ciel comme autant de grains de poussière scintillants. Leur lumière se reflétaient sur la surface noire et lisse du lac. Parfois un souffle d’air frais troublait de quelques remous cette eau figée comme du verre et quelques astres semblaient se mettre à danser.
La nature dégageait une atmosphère calme et reposante, très différente de l’aura lourde et oppressante de la forêt de Thetford. D’ailleurs, la bâtisse de pierres grises qui érigeait son toit pointu vers les cieux n’avait rien de commun avec le manoir Gaunt. L’empreinte à la fois sophistiquée et chaleureuse des Selwyn marquait le petit domaine. Derrière-lui, les silhouettes imposantes des montagnes obscurcissaient l’horizon, laissant seulement deviner leur majesté qui, de jour, était incontestable.
Au pied de la berge, une petite barque flottait en faisant quelques clapotis lorsque le vent la taquinait. Cela faisait des décennies, paraissait-il, que la barque ne s’était plus trouvée de ce côté de la rive. D’ailleurs, pour les moldus, cette même barque ouvragée n’était plus qu’un reliquat d’un autre temps, à moitié rongée par la moisissure. Quant au charmant domaine, éclairé à son premier étage pour la première fois depuis trop d’années, celui-là n’existait même pas.
Soudain, un « plop » sonore brisa le chant monotone des animaux nocturnes. Un elfe, un vieil elfe de maison qui ployait sous l’âge autant que son visage s’affaissait sous les rides, apparut près de la discrète allée serpentant vers l’entrée de la bâtisse. Lorsqu’il fut à quelques enjambées, la porte d’entrée s’ouvrit sur lui et, après un regard en arrière, comme s’il attendait une apparition dans la nuit, il entra.
Il n’eut pas besoin de la rejoindre pour savoir que sa maîtresse était encore levée. Il y avait bien des années de cela, après sa première fausse couche, Alceste avait eu le même rituel. À peine les draps avaient-ils été levés des meubles que la jeune femme s’était purgée de son mal-être de longues heures durant, à l’intérieur d’un bain d’eau et de lait, d’huiles florales et de pétales. Puis, elle avait troqué les corsets que Shauna Gaunt lui imposait depuis ses quatorze ans, pour les robes de gaulle si appréciées par sa mère. La nuit tombée, elle s’agenouillait sur la pierre tiède de la terrasse de son boudoir et, l’esprit perdu à des considérations connues seulement d’elle, observait les constellations danser sur le lac endormi.
Trente ans plus tard, Alceste observait les étoiles sur le lac. Comme à cette époque, ses cheveux lâches ondulaient dans son dos tandis que ses bras, à demi-nus, trouvaient appui sur la rambarde de granit. Sa robe d’un bleu profond, ajustée sur sa taille par une écharpe de soie, coulait autour d’elle comme de l’eau. Elle contemplait les mêmes constellations que dans sa prime jeunesse, troublée par l’étrange sentiment d’avoir remonté le temps. C’était comme si, dans ce sanctuaire érigé par sa mère, le temps ne s’écoulait plus. Rien n’avait changé, si ce n’était le poids des années que ses potions de beauté camouflaient derrière un visage sans âge, mais que la lady ressentait pourtant.
La douleur de la perte, la déception, le sentiment d’impuissance, d’avoir failli, étaient, pour leur part, aussi intenses que ceux qu’elle avait ressenti après la perte de son premier enfant. Elle souffrait tant des paroles de Janus qu’elle n’avait plus d’appétit, et le thé aux fruits rouges que lui avait apporté l’un de ses elfes avait refroidi depuis longtemps, sans avoir la grâce de rencontrer les lèvres de la sorcière.
Ce ne fut que lorsqu’un étrange frisson lui parcourut l’échine qu’elle sortit de la torpeur dans laquelle elle s’abîmait, se redressant tout à coup pour chercher l’origine de sa nervosité subite. Un sentiment d’alerte l’avait envahie. Une intuition plus qu’une réelle sensation, qui la força à se détourner de l'immensité noire.
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Re: Trahir est un Art par Ven 25 Mai - 17:06
Partout, les signes de la vie se renouvelant lui rappelaient amèrement à quel point il était seul et vulnérable. Or, c’était là un sentiment qu’il n’était pas habitué à contempler et qui lui provoquait le plus grand inconfort. N’ayant jamais compté sur personne depuis la mort de sa créatrice, il réalisait soudain à quel point son appartenance au groupe de Lester lui avait procuré un bouclier ô combien pratique pour détourner l’attention d’Ewald loin de ses manigances. Et maintenant que ladite protection avait volé en éclats, il vivait dans la peur de sentir le souffle du roi-vampire dans son cou.
Face à cette émotion si humaine qu’était la peur, il se retrouvait incapable de réagir posément et se révélait aussi faible que les mortels qu’il méprisait tant. Ainsi, son angoisse se transformait bien souvent en colère d’autant plus incontrôlable qu’il ne savait contre qui tourner sa rage. Lester et les siens pour n’avoir su affronter Ewald et sa suite ? Futile devant leur disparition. Devin Bower et son fils sans doute aucun à l’origine de tous ses soucis ? Trop dangereux étant donné la garde rapprochée du Haut Sorcier et de sa famille. Lady Gaunt envers qui il était de nouveau redevable car elle l’avait prévenu de l’attaque sur le repère de Lester ? Suicidaire au vu de la dette de sang qu’il avait contractée à son égard. Ce qui ne laissait plus qu’une seule option : admettre qu’il était à l’origine de ses ennuis et qu’en digne héritier de Liliana il n’avait pas su se retenir et avait fini par agacer outre mesure Ewald.
Autre inconvénient majeur de sa situation, pour éviter de se révéler au grand jour, il devait se contenter de sang animal depuis des semaines et pour un vampire peu habitué à la modération et au jeûne, la soif devenait chaque jour plus insupportable. En effet, si le fluide vital des grands mammifères lui permettait de retrouver les forces nécessaires à toute action vitale, sa force ne s’en réduisait pas moins. Par ailleurs, le désir de sang humain était plus fort à chaque instant. A tel point qu’il avait failli abandonner toute prudence plus d’une fois et s’en prendre à un passant égaré. Il aurait été si simple de cacher le corps par la suite. Il avait néanmoins tenu bon, sachant qu’il n’était absolument pas prêt à se retrouver avec les Régulateurs à sa trousse, ou pire Ewald ou un de ses laquais.
Malheureusement, malgré tous ses bienfaits, le sang animal ne le sustentait pas longtemps et il se retrouvait forcé de chasser plus souvent. C’est ainsi que lorsqu’il sentit l’odeur musquée d’une biche dans la force de l’âge, il franchit les quelques mètres qui le séparaient de sa proie en un instant et planta ses crocs dans la gorge de l’animal avec une sauvagerie bien inutile. Arrachant une partie de la peau au passage, il s’empressa de vider le quadripède de la moindre goutte de sang. Sans surprise, le goût insipide ne le rassasia nullement mais il sentit néanmoins ses forces lui revenir en partie. Et, lorsque le bruit caractéristique d’un transplanage se fit entendre derrière lui, il ne tarda pas un instant à se jeter sur son agresseur et à l’envoyer valdinguer contre l’arbre le plus proche.
Mais, alors qu’il s’apprêtait à l’achever en lui brisant la nuque avant que les renforts ne fassent leur apparition, il reconnut non pas un humain comme il s’y attendait mais la silhouette rabougrie d’un elfe de maison cherchant désespérément à se remettre du choc reçu. Lorsque la créature croisa son regard, elle se fit aussi petite que possible et s’adressa à lui d’un ton si servile qu’il ne put retenir une moue de dégoût.
-Dipsy pas vouloir de mal à Maître Vampire. Dipsy inquiet pour Maîtresse. Alors Dipsy penser que Maître Vampire pouvoir aider Maîtresse. Maître Vampire avoir promis de toujours la protéger. Dipsy pas vouloir entendre mais Dipsy entendre. Dipsy désolé.
Et sur ces paroles, la pathétique créature commença à se frapper la tête contre l’arbre dans lequel elle était en partie engoncée avec une telle violence que Kenneth ne craignit qu’elle ne se blesse de manière irréversible. Or, sa curiosité était désormais piquée. Car il n’avait pas besoin de plus d’informations pour comprendre ce qui venait de lui être dit. L’elfe face à lui, un être minuscule à l’air apeuré qui le rendait probablement plus jeune qu’il ne l’était en réalité, était présent lorsqu’il avait contracté sa dette de sang et, désormais, il venait exiger son aide au nom de Lady Gaunt. Quelle audace !
Car il était évident que l’être avait pris la décision de venir le chercher seul. Jamais Alceste ne se serait abaissée à exiger son aide. Et, si elle avait été réellement en danger, il l’aurait senti immédiatement et n’aurait eu d’autre choix que de se présenter à ses côtés dans l’instant ou de mourir dans d’atroces souffrances. Or rien de tel n’avait eu lieu. Ce qui inquiétait l’elfe n’était donc pas d’ordre physique. Malgré cela, il décida de ne pas en finir avec la vie de l’impudent pour la simple raison que le sang d’elfe était encore plus écœurant que le sang d’animal. Il ne gagnerait donc rien à a mort alors que s’il le remettait à sa place d’une bonne frayeur, il pourrait enfin ressentir la supériorité qui lui avait tant manquée ces derniers temps.
Ainsi, sans prendre seulement le temps d’essuyer le sang qui tâchait aussi bien ses traits sans âge que sa tenue, il planta son regard dans celui de l’elfe et déclara du ton le plus froid qu’il possédait.
-Et qu’est-ce qui te fait croire que je reçois le moindre ordre de la part de vermines dans ton genre ?
Le cri de terreur de l’animal pensant lui tira un sourire mauvais mais il ne continua néanmoins pas sa charade, trop impatient de savoir de quoi retournait cette histoire.
-Dipsy penser que…
-Cesse donc de penser puisque cela ne te réussit pas et écoute-moi.
Le silence fut instantané.
-Mène-moi à ta maîtresse et ne t’avise plus jamais d’écouter nos conversations sans autorisation où je te retrouverai où que tu te caches et tu maudiras le jour où nos routes se sont croisées.
L’odeur incomparable de l’urine s’éleva du sous-bois et le vampire dut se faire violence pour prendre la main de l’incontinent face à lui. C’était néanmoins la seule manière de le suivre jusqu’à la demeure actuelle de Lady Gaunt – l’elfe n’aurait jamais transplané si elle avait été au manoir. Après quelques secondes parmi les plus inconfortables de sa longue existence, ils atterrirent donc sur une île où il n’avait jamais mis les pieds face à une demeure impressionnante bien que dans un style bien moins écrasant que le manoir Gaunt. Et bien avant de la voir resplendissante sur sa terrasse, il la sentit. Lady Gaunt avait en effet une odeur qu’il reconnaîtrait désormais entre mille. Car, depuis qu’il s’était lié à elle pour le restant des jours de la mortelle, il se devait de pouvoir la retrouver où qu’elle soit. Ainsi, le goût légèrement âcre de son sang, saveur ô combien plus appétissante que le sang doucereux de la plupart des jeunes que ses congénères avaient en prédilection, lui titilla les papilles. Heureusement le fait qu’il venait de se restaurer fut suffisant pour lui permettre de contrôler ses instincts et ne pas en finir avec leurs deux existences d’un seul geste inconsidéré.
A la place, il essuya le sang qui lui barbouillait encore le visage, incapable de faire quoique ce soit pour sa tenue – il n’avait pas eu l’occasion d’en changer depuis l’attaque sur le repère ne pouvant retourner sur place pour récupérer ses affaires et n’ayant pas réussi à se rapprocher suffisamment d’un vendeur humain pour voler le moindre pardessus – et se dirigea vers la direction où il savait se trouver la propriétaire des lieux. Et, comme il l’avait prévu, il n’eut pas longtemps à marcher pour tomber nez à nez avec Lady Gaunt dans toute sa splendeur. La lumière de la lune lui donnait en effet un air éthéré qui n’était pas sans sublimer sa beauté si savamment travaillée.
Baissant très légèrement la tête en signe de présentation, il se tint aussi droit que possible, son port royal contrastant avec l’état déplorable de sa tenue.
-Lady Gaunt. Pardonnez mon apparence, les dernières semaines n’ont pas été des plus clémentes avec moi. Je vois néanmoins que rien ne peut affecter votre élégance. J’espère ne pas vous déranger, un de vos elfes est venu me chercher dans ma retraite en prétextant que sa maîtresse serait en détresse et je n’ai pu retenir ma curiosité.
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Re: Trahir est un Art par Sam 9 Juin - 19:16
Elle l’avait reconnu avant même de poser les yeux sur lui, comme si elle était dorénavant capable de percevoir sa présence par d’autres biais que ses sens. Aussi, ses yeux ne reflétaient pas la moindre surprise, mais une interrogation muette mêlée d’embarras. Que faisait-il donc ici ? Pouvait-il la pister à ce point, depuis qu’il s’était lié à elle par cet odieux pacte ? Il avait l’art, en tout cas, de la surprendre dans ses moments de fragilité.
À présent parfaitement droite, le bout de ses doigts figés sur la rambarde, elle pinça les lèvres, sentant cette sensation l’envahir malgré elle et qui, entrant en conflit avec sa tête, emballait son cœur dans des battements furieux. La sensation d’être protégée. Cette créature, qu’elle avait pourtant vu torturer sans la moindre pitié une jeune fille, lui inspirait au-delà de toute raison cette sensation rassurante d’être avec un protecteur.
Elle ne se faisait pas encore à ce sentiment étrange et d’ailleurs, elle n’avait pas manqué d’y réagir agressivement lorsqu’ils s’étaient revus pour la première fois après cette décision qu’il avait prise, sans son consentement. Elle aurait pu se réjouir d’être protégée par un puissant vampire, mais le problème, là-dedans, c’est qu’elle n’avait pas eu l’occasion de donner son avis sur la situation. Et maintenant, elle était liée à lui, jusqu’à ce que l’un d’eux rende son dernier souffle. Compte tenu de l’immortalité de Donaghue, il y avait donc fort à parier qu’elle devrait subir ce lien compromettant jusqu’à la fin de ses jours.
Lorsqu’il parla, le calme qui transparaissait de sa posture fut balayé par un flamboiement dans ses yeux. Elle aurait pu sourire, sensible au compliment sur son apparence alors qu’elle se sentait épuisée, presque asthénique. Néanmoins, la raillerie du vampire la fit frémir de colère avant qu’elle ne puisse même émettre l’idée d’être, finalement, contente de le savoir là. Elle le regarda de bas en haut, puis de haut en bas, tandis que son poing se fermait contre sa hanche.
Il était encore plus pâle, si cela était possible, que d’habitude. Des cernes grises ourlaient ses yeux, assombrissant son regard toujours aussi luisant et donnant l’impression, dans la pénombre, qu’il s’était maquillé les paupières de charbon. Si elle ne pouvait deviner la trace persistante de sang qui maculait encore son menton, elle eut tout le loisir de remarquer, en revanche, l’état misérable de sa tenue.
Son port princier ne sauvait en rien son costume sale et prématurément usé à force d’être porté. Alceste devina sans mal de nombreuses tâches de sang parsemer sa tenue, de ses manches jusqu’aux pans de sa veste, et même en sachant n'avoir rien à craindre de lui, elle était mal à l’aise face à l’impression de bestialité qu’il dégageait. Ses traits juvéniles, presque angéliques, avaient quelque chose de sournois et animal.
« Votre curiosité… ? » répliqua la sorcière, sans cacher le mépris que lui inspirait l’insensibilité crasse de Kenneth aux formes les plus élémentaires de délicatesse. « J’ignore ce que vous avez pu entendre, mais à vous regarder, vous me paraissez plus en détresse que je ne le suis. »
Elle aurait pu lâcher sa répartie avec son ton cinglant si caractéristique, mais, que ce soit par fatigue ou par dédain, elle ne fit que répondre d’une voix presque plate, pour finalement lâcher le vampire du regard.
« Êtes-vous fier à ce point que vous avez préféré vous transformer lentement en traîne-misère, plutôt que de quérir mon aide ? Vous sentez le gibier d’ici. »
Humilier la seule personne qui s’était présentée à elle dans ces circonstances n’était peut-être pas une très bonne idée. Cependant, en une seule phrase, Kenneth avait réveillé l’envie furieuse d’Alceste de se venger de sa mauvaise fortune. Qu’importait s'il prenait pour ceux qu’elle ne pouvait pas toucher. Il n'avait qu'à pas être là. Après tout, elle lui devait en partie sa situation, et elle lui en voulait à lui comme elle en voulait au reste du monde. Il n’était, de toute façon, venu ici que pour se moquer, l’enfoncer encore un peu plus dans son humiliation et sa solitude. Elle ne lui devait rien, il ne lui apportait rien, si ce n’était des troubles dont elle se serait passée.
« J’aurais dû vous laisser mourir avec vos semblables, je me serais épargnée vos élans de curiosité. Que voulez-vous, Donaghue, pourquoi êtes-vous là ? Pour vous amuser de mon exil ? »
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Re: Trahir est un Art par Mar 26 Juin - 20:40
Pourquoi était-il venu ? Voilà une question qu’il ne s’était pas réellement posée avant d’agir et qu’il regrettait désormais amèrement. Que s’attendait-il à trouver aux côtés d’Alceste ? Une créature dans le besoin auprès de laquelle ressentir un semblant de supériorité ? Absolument pas. Il connaissait trop bien la sorcière pour savoir que jamais elle ne se présenterait démunie devant qui que ce soit, lui moins que personne depuis qu’il avait contracté sa dette de sang. Un soutien dans l’adversité ? Cela signifiait admettre à la fois ses manques et la puissance de la mortelle, deux choses qu’il n’appréciait guère. Alors que faisait-il dans ce coin désolé du monde, dans une tenue bien peu à son avantage, devant une femme tout aussi perdue qu’il se sentait ? Il n’aurait su le dire.
Pourtant, quelque part au fond de lui, un sentiment qu’il n’avait pas entretenu depuis si longtemps qu’il avait presque peur de le nommer s’était réveillé dès qu’il avait posé les yeux sur Lady Gaunt. Malgré les sensations contradictoires qu’elle lui inspirait – l’envie de lui arracher les yeux pour son insolence mêlée du désir de la voir s’abandonner à lui volontairement – il était inlassablement attiré par son aura. Quelque chose dans son esprit indomptable, sa fierté inflexible, le regard brûlant qu’elle portait sur lui attisait des flammes qui s’étaient éteintes depuis la disparition de Liliana. Pourtant les deux femmes n’auraient pas pu être plus différentes l’une de l’autre s’il l’avait désiré consciemment.
Là où Liliana était feu et flamme, sauvage et incontrôlable, Alceste était la glace incarnée, austère mais fascinante. Sa créatrice n’avait jamais connu aucune limite, croquant l’existence à pleine dents sans laisser personne se mettre en travers de son chemin. Lady Gaunt, à l’inverse, avait grandi dans un milieu particulièrement oppressif et en était sortie rigide mais ô combien puissante. Telle la plante restreinte à un petit pot, elle avait appris à fleurir en milieu contraint et ses épines étaient d’autant plus acérées qu’elles étaient ses seules armes dans un monde qui ne voyait en elle qu’un être secondaire, tributaire des faiblesses de son sexe.
Kenneth, pourtant, avait su voir plus loin que la façade impassible de la matriarche Gaunt et, dès qu’une craquelure venait fissurer son masque d’airain, il s’approchait telle la sangsue à laquelle les mortels aimaient tant le comparer pour se régaler des moindres faiblesses de cet être qui le troublait tant. Car là où l’adoration teintée d’amour presque filial qu’il avait ressenti pour Liliana lui permettait de supporter ses boutades avec stoïcisme, la capacité d’Alceste à le faire sortir de ses gongs d’une simple pique se révélait souvent insupportable. Il ne comprenait pas ce qui l’attirait tant chez la sorcière, au point qu’il s’était retrouvé à contracter une dette de sang sans même y penser.
Ainsi, agacé de la situation, de son pathétique état, de la froideur avec laquelle sa compagne le renvoyait à ses manquements, pour la première fois depuis le début de leur association, il réagit violemment aux propos de sa vis-à-vis, crachant son propre mal-être au visage de celle qui avait le culot de lui reprocher le sien.
-Cessez donc de croire que le monde tourne autour de votre nombril, très chère. Votre exil ne m’était pas même connu il y a quelques minutes de cela, alors peu importe la futile raison pour laquelle vos semblables ont choisi de vous écarter de leur vue, ce n’est pas celle de ma venue. Pas plus que l’aide que vous semblez aussi bien disposée à m’offrir que me retirer si j’en crois vos derniers propos. Vous m’avez déjà protégé au-delà de ce que je pourrai attendre de quiconque, que pourriez-vous faire de plus sans vous attirer les foudres de mon roi ?
Le dernier mot lui causa un arrière-goût amer mais, force était de constater que, qu’il accepte ou non son autorité, c’était bien ce qu’était Ewald.
-Car, sachez que face à sa colère, vos soucis sont aussi insignifiants que l’elfe venu me chercher. Toutes les dettes de sang du monde ne vous protégeront pas de sa vengeance.
Il était bien placé pour le savoir. Lui qui ne craignait personne d’autre en ce monde.
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Re: Trahir est un Art par Jeu 28 Juin - 16:48
Pourquoi se montrait-elle aussi désobligeante, alors ? Par pur esprit de revanche, par frustration, parce que c’était son seul moyen de garder un visage impassible quand la détresse menaçait de la submerger. Elle cachait les larmes qu’elle avait versé derrière un masque d’absolu mépris, qui ne se fissura que lorsque Donaghue lui répondit sur un ton venimeux.
Les yeux de la sorcière s’arrondirent, accompagnés d’un petit sursaut de stupeur, quand le vampire lui fit sèchement savoir qu’elle n’était pas le centre du monde. Comment osait-il lui parler ainsi ? Et, surtout, comment osait-il l’accuser de ne se soucier d’elle après ce qu’elle avait déjà fait pour lui ?
Réalisait-il à quel point elle se compromettait ? Non, certainement pas, ce misérable égoïste n’avait pas le moindre souci des conséquences que sa seule visite pouvait avoir, si le reste de la famille Gaunt venait à l’apprendre. De légères rougeurs montèrent à ses pommettes, et elle fut parcourue d’un frémissement.
À peine s’était-elle mise à penser à l’indifférence crasse de son interlocuteur que le discours de Donaghue se décousit. La colère flambant dans ses yeux aussi gris qu’un jour d’orage se trouva subitement pétrifiée par ce que lui avouait le vampire, plus qu’à demi-mots. Elle l’avait protégé davantage que quiconque jusqu’alors, si bien que l’aider plus équivaudrait, selon lui, à se dresser officiellement contre Ewald.
Ses poings se décrispèrent, mais elle croisa les bras sous sa poitrine, agrippant son poignet droit d’une prise trop ferme ne pas révéler le conflit intérieur qui l'agitait.
Qu’était en train de lui dire Donaghue, au juste ? Les yeux interloqués de la lady passèrent d’une prunelle à l’autre. Craignait-il pour elle ? Non, cela revenait à craindre pour sa propre sécurité. Après tout, sa dette de sang obligeait Kenneth à la protéger coûte que coûte, dut-il y laisser la vie. En vérité, ce vampire vieux de près de deux siècles venait de lui révéler sa peur. Le comprendre la désarma bien plus que n’importe quelle remarque cinglante.
« Si je traduis vos paroles… vous traversez le pays pour me signaler le danger que vous fréquenter représente ? »
Le ton était ouvertement ironique, mais pour autant, l’attitude corporelle d’Alceste changea. Ses épaules se décrispèrent et ses bras retombèrent en douceur le long de son corps. Elle rejoignit d’abord Kenneth sur le pas de la porte, mais ne s’arrêta qu’une courte seconde à côté de lui, pour mieux continuer son chemin jusqu’à l’intérieur. Lorsqu’elle fut entrée dans le boudoir, à quelques pas seulement du sofa garni de brocarts aussi bleus que sa robe, elle appela l’un de ses elfes, qui apparut dans un « pop ».
« Prépare la salle d’eau, veux-tu ? »
Aussitôt, la petite créature trotta en direction d’une porte ouvragée, en fond de pièce. Lorsqu’elle eut refermé derrière elle, Alceste se retourna vers son invité surprise.
« Votre roi n’est pas le mien, Kenneth Donaghue. Il n’a aucun droit sur moi, et il serait bien malavisé d’oser ne serait-ce que poser un regard un tant soit peu malveillant sur une sorcière de mon rang. Il ne faudrait pas grand-chose, en partie de votre fait, pour que le peu de coopération existant entre sorciers et vampires se transforme en lutte acharnée. Je ne tremblerai pas devant une espèce qui n’a aucune conscience du pouvoir que je détiens au creux de mes mains. »
Tout en parlant, Alceste avait relevé la main devant elle. Quand elle claqua des doigts, une gerbe de flammes apparut dans un tournoiement qui lui couvrit jusque le poignet. Puis, quand les doigts de la sorcière eurent disparu au milieu de l’orbe crépitante, une tête de serpent émergea. Elle ouvrit une large gueule, déploya un cou de cobra, puis ses crochets claquèrent en direction de Donaghue.
« Je me suis trouvée face au mage blanc le plus puissant de notre époque dans un duel de flammes, duquel je suis sortie sans même une cicatrice pour en conserver le souvenir. » déclara-t-elle tandis que le feu enchanté s’évanouissait en douceur, laissant sa main réapparaître, parfaitement intacte. « Je pense être de taille à m’accorder le loisir de choisir mes alliés. Cependant, je vous remercie de votre sollicitude, Donaghue. Maintenant, puisque vous n’êtes finalement pas venu pour satisfaire votre curiosité, que je me croirais bien importante à imaginer que vous veniez pour moi, et parce que vous n’êtes pas venu non plus pour mon aide… je ne vous ferai pas l'audace de vous proposer de vous rafraîchir. Encore moins de laisser vos vêtements à mon serviteur, afin qu'il puisse leur redonner l'élégance qui vous sied. Cela dit, peut-être qu’après cela, seriez-vous plus à même de m’expliquer ce qui me vaut l’honneur de votre visite. »
Une lueur ironique dans le regard, Lady Gaunt désigna la porte par laquelle avait disparut l'elfe, celle-ci menant à la chambre, puis à sa salle de bain personnelle. Si ses paroles restaient piquantes, elle semblait, pour l'heure, avoir déposé les armes. Alceste connaissait désormais assez bien Donaghue pour savoir que le confronter directement sur ses inquiétudes ne ferait que le braquer davantage, aussi lui laissait-elle une porte ouverte pour reprendre son calme et ses esprits.
Tout en continuant de le surveiller du coin de l'œil, elle parcourut les derniers pas qui la séparait du sofa et s'y laissa doucement tomber.
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Re: Trahir est un Art par Mar 10 Juil - 20:02
La simplicité de cette affirmation, criante de vérité et désarmante d’ironie, le figea sur place. Toute la colère qui s’était emparé de lui s’évapora en un instant et il réalisa la stupidité de son action. Engoncé dans sa solitude, il avait sauté sur l’occasion de quitter son exil sans se préoccuper un instant des conséquences de ses actes. Tout à sa peur, il avait métaphoriquement sauté à la gorge d’Alceste dès qu’elle avait exposé au grand jour ses paradoxes mais, plutôt que de réagir à chaud comme il l’avait initialement espéré, elle le mettait de nouveau face à ses contradictions et il se retrouvait bien en mal de nier ses propos.
Il la regarda donc entrer dans le boudoir sans s’émouvoir, trop perturbé pour ne serait-ce que réagir au parfum qu’elle laissait sur son passage. Son attention fut néanmoins de nouveau captée lorsqu’elle claqua des doigts pour produire une gerbe enflammée. Et s’il eut préféré s’arracher un bras que le reconnaître, il tressaillit lorsque celle-ci prit forme animale et plongea dans sa direction. Le serpent de flammes se dissipa pourtant à plusieurs centimètres de sa proie mais la chaleur qui s’en dégageait laissa un goût amer au vampire. Les souvenirs qu’il associait au feu magique étaient loin d’être plaisants et, s’il était heureux de savoir sa protégée bien moins inoffensive qu’il l’avait pensé dans un premier temps, l’idée qu’elle puisse l’attaquer sans prévenir le mettait profondément mal à l’aise.
Il savait la sorcière puissante – c’était pour cela qu’il avait choisi de s’allier à elle- il ne la savait pas pour autant de taille à affronter un vampire mais elle venait de lui prouver une fois de plus qu’elle avait plus d’un tour dans son sac et que bien mal en prenne à qui viendrait à la sous-estimer, mortel ou immortel. Malgré cela, il ne put s’empêcher de craindre qu’Ewald ne l’emporte s’ils venaient à s’affronter – le Régent n’avait pas pu survivre à tant de siècles sans avoir fait face au feu sorcier – mais choisit de garder ses réserves pour lui. La proposition de l’humaine était bien trop alléchante pour prendre le risque de l’agacer de nouveau. Ne relevant pas sa dernière pique, il hocha donc très discrètement la tête en signe d’excuse pour son comportement précédent et suivit l’elfe de maison qui s’était matérialisé peu avant.
Il arriva alors dans une salle d’eau au luxe discret. Loin de l’austérité typique du manoir Gaunt, elle dégageait une chaleur feutrée dans laquelle il se sentit instantanément à son aise. Se délestant de ses accoutrements que l’elfe s’empressa d’emporter, il se coula dans le bain préparé à son attention. Il constata avec plaisir que le serviteur n’avait pas jugé utile d’user de sels de bains parfumés qui n’auraient fait qu’agresser son fragile odorat. A la place, la pièce merveilleusement dénuée de la moindre fragrance lui permit, tout autant que l’eau sur sa peau, de se détendre enfin. Toute la tension accumulée dans les dernières semaines s’évapora au contact de l’eau chaude et il s’autorisa enfin un répit, se laissant aller pour la première fois depuis des jours à fermer les yeux en toute quiétude désormais qu’il était en territoire connu à défaut d’être complètement sûr.
Malgré l’envie de se laisser aller à un repos bien mérité, ne voulant pas faire attendre son hôtesse indéfiniment, il se releva cependant rapidement et se nettoya de même. A sa sortie, il ne se surprit même pas de trouver une tenue neuve reposant sur une chaise à côté de la baignoire. L’enfilant sans plus attendre, il s’arrêta un instant pour apprécier le touché délicat du lin sur sa peau avant de repartir en direction du séjour. Là, il trouva Alceste assise sur le canapé et, avant de s’installer à ses côtés, il planta son regard émeraude dans celui gris tempête de l’humaine pour vocaliser ce qu’il n’avait su exprimer tantôt, considérant qu’elle avait gagné son respect une fois de plus.
-Merci pour votre hospitalité. Je me suis comporté comme un malotru et un goujat tout à l’heure et j’espère que vous mettrez mon comportement sur le compte des derniers jours pour le moins éprouvants et voudrez bien l’excuser.
Ils savaient tous deux qu’il y avait bien plus derrière son éclat mais il espérait que la sorcière aurait le tact de ne pas le relever. Au cas où, pour éviter de lui en donner l’occasion, il prit place à ses côtés et tenta tant bien que mal de s’expliquer.
- Pour être entièrement honnête, je ne sais pas vraiment quelles sont les raisons qui m’ont mené jusqu’à vous. Probablement un mélange d’excuses et de prétextes, mêlé d’une pointe d’inquiétude et d’une solitude certaine.
Evitant soigneusement le regard de sa compagne au moment de cet aveu de faiblesse que, seule, elle était capable de lui arracher, il poursuivit sans arrêt.
- Force est de constater néanmoins que, peu importe les raisons, me voici. Et quand bien même cela n’aurait servi qu’à me faire découvrir une nouvelle de vos forces insoupçonnées, ce ne serait pas un trajet inutile. Cependant, puisque me voilà, pourquoi ne pas profiter de notre rencontre fortuite pour joindre de nouveau nos forces. Je ne sais pas ce qui vous cause du souci mais je refuse de croire qu’une femme prête à affronter le roi vampire sans ciller puisse se laisser abattre par de simples mortels.
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Re: Trahir est un Art par Jeu 12 Juil - 14:18
C’était une des raisons pour lesquelles elle avait délibérément choisi l’isolement. Le besoin soudain et impérieux de laisser tomber les masques pour un temps, de se retrouver, de faire le point, de se relever du coup particulièrement douloureux qu’elle venait de prendre.
Rien qu’à la pensée de son altercation avec son fils, la gorge de la matriarche se noua. Une inspiration, un peu trop bruyante, lui échappa et elle se releva nerveusement pour faire le tour du canapé, le temps de reprendre ses esprits. Ses doigts perdus dans ses longs cheveux bruns, relevés en boucles audacieuses sous la pression de ses paumes, elle prit une inspiration et attendit quelques secondes pour relâcher l’air captif de ses poumons.
À ce même moment, l’elfe de maison ressortit de sa chambre et s’approcha à petits pas pressés, s’octroyant un regard perçant de la part de sa maîtresse. Il était chargé de vêtements flambant neufs, qu’Alceste reconnut pourtant, lorsqu’il les fit léviter à hauteur de regard de la sorcière.
« Maîtresse Alceste est-elle satisfaite du travail de Meesy ? »
La maîtresse de maison s’approcha d’un pas et contempla pensivement les habits de Kenneth Donaghue. Meesy avait effectivement fait du bon travail. Le lin était impeccable. Chaque détail semblait être fraîchement cousu avec une méticulosité digne d’un grand couturier. D’un geste lent, la sorcière approcha la main du tissu. La seconde d’après, elle arrêtait son geste, à une poignée de centimètres à peine de la veste flottant devant elle. Elle avait l’impression que toucher ce vêtement porté par Donaghue équivaudrait à le toucher lui. Plus qu’un goût d’interdit, cette perspective avait tous les atours de la faute. Elle referma le poing et le rabattit contre sa poitrine, puis contourna les vêtements et l’elfe sans plus prêter d’attention à l’un comme à l’autre.
« Ça ira. Rapporte-moi mon thé, réchauffe-le et laisse moi. Que personne ne s’approche de l’étage jusqu’à nouvel ordre. »
Tandis qu’Alceste se réinstallait dans le canapé, la petite créature s’exécuta. L’instant d’après, la sorcière accueillait entre ses mains la tasse de thé. Le liquide, entre le pourpre et le bordeaux, libérait un mince filet de fumée qui vint chatouiller son nez d’une délicate odeur de fruits rouges.
Les yeux rivés sur sa tasse, elle se mordit l’intérieur de la lèvre. Donaghue ne devait pas être ici. Ce n’était pas digne d’une sorcière de sa qualité de le recevoir dans ces circonstances. Ils avaient, bien sûr, été seul à seule à de nombreuses reprises, mais jamais dans un décor aussi intime. Or, elle était bien trop familière des sous textes pour ne pas se douter du reproche clair qu’avait formulé Janus à propos de ses accointances avec le vampire qui, en ce moment-même, se prélassait dans sa propre salle de bains. Qu’en dirait-il, s’il venait à apprendre qu’elle l’avait accepté dans son boudoir, et plus encore, qu’elle lui avait offert un confort qu’elle n’aurait dû réserver qu’à un sorcier de la même qualité qu’elle ? Le visage méprisant de son fils surgit dans son champ de vision et elle sera les dents. Sa poigne s’était resserrée sur la tasse de thé et elle se vit la jeter à travers la pièce, avant de se reprendre au dernier moment.
Que lui importait son avis. Que lui importait son jugement. Elle était sa mère, elle n’avait aucun compte à lui rendre, quand bien même pensait-il s’être octroyé le droit d’avoir le contrôle sur elle. Il n’était pas encore le maître de la famille. La seule colère qu’elle devait encore craindre était celle d’Arnald. Mais Arnald ne s’intéressait plus à son existence depuis des années, déjà. Elle l’avait réalisé au moment où elle avait croisé le regard de Donaghue. Personne n’avait plus eu cette lueur d’intérêt dans les yeux en la regardant, depuis un temps que la sorcière était bien en peine de quantifier. On la regardait avec méfiance, avec peur très souvent. Elle était Lady Gaunt. Elle était une image, une représentation. Jamais on ne la regardait droit dans les yeux. Sauf ce vampire qui venait de revenir dans la pièce pour s’acheminer jusqu’à elle et planter ses prunelles flamboyantes dans les siennes. Surprenant, comme ce qui lui convenait parfaitement jusqu’alors devenait subitement rabaissant.
Alceste reposa distraitement sa tasse sur le guéridon à côté d’elle, sans quitter Donaghue des yeux pendant qu'il s’excusait. Elle n’avait décidément aucun appétit, pas même pour l’un de ses thés favoris. Elle n’eut pas l’occasion de lui répondre que, déjà, il s’installait à son côté, trop proche pour ne pas se sentir alertée par cette proximité nouvelle. Ils semblaient pris dans une espèce de statu quo, au milieu de ce décor à la fois familier et étranger. Le regard résolument baissé vers ses mains sagement enlacées sur ses jambes, elle sentit sa gêne s’accroître aux paroles de Kenneth.
Pourtant, l’ombre d’un sourire rehaussa ses joues excessivement pâles, lesquelles retrouvèrent un semblant de couleur. De l’inquiétude ? Vraiment, Donaghue la surprenait. Elle savait que l’immortel avait parlé sous le coup de la colère, tout à l’heure, mais elle demeurait surprise qu’il montre vraiment du souci pour elle, et encore plus qu’il l’exprime.
Jusqu’alors, elle avait pris son pacte de sang comme une ingérence, une atteinte à son libre arbitre, plus proche de l’agression que de ce qu’il était peut-être vraiment. La marque de l’estime que Donaghue lui portait. Elle devait admettre qu’elle s’en ravissait. Pour autant, son vague sourire, si rare, quitta lentement ses lèvres sans que les paroles flatteuses du vampire ne puissent rien y faire.
« Hélas, cette fois je suis impuissante, Donaghue. Malgré toutes vos qualités, je doute que vous puissiez y faire quoi que ce soit. »
Compte tenu des circonstances, elle en était même certaine.
« C’est une chose d’affronter une menace extérieure, c’en est une autre d’affronter son propre sang. »
Alceste s’octroya un moment de silence lors duquel elle en profita pour pousser un discret soupir. Elle doutait que cela échappe au vampire, tout comme la légère crispation de ses doigts, froissant subitement sa robe, mais elle ne pouvait empêcher son corps d’exprimer ce mélange d’aigreur et de lassitude qui lui pesaient.
« Je suis déçue, et les dernières actions de mon fils ont le goût amer de la trahison. J’attendais des décisions plus avisées de mon héritier. Mais il semble se perdre dans ses fantasmes d’omnipotence au point de s’essayer à des jeux dont il ne présume pas toutes les conséquences… »
Elle parlait aussi bien de son attrait de plus en plus dérangeant pour la magie noire que de ce pacte humiliant qu’il avait passé avec Crowlore. Cependant, c’était encore au-dessus de ses forces d’expliquer l’étendue de l’humiliation qu’elle venait de subir. Bien qu’elle ne faisait qu’évoquer, la douleur l'envahissait sans qu'elle ne puisse la réprimer, au point de troubler son regard, tenu soigneusement hors de portée du vampire.
« Je ne vais pas mal, pour autant. Il n’y a aucunement matière à vous inquiéter, cependant, j’apprécie que vous en ayez la délicatesse. » Elle hésita, un bref instant, laissant présager que ce qu’elle allait dire lui coûtait. « Permettez-moi de m’excuser à mon tour. Mes mots ont dépassé ma pensée, tout à l’heure. Je regrette d’ailleurs de n’avoir pu vous aider à passer ces dernières semaines plus décemment. Mais, puisque je peux à présent me le permettre, considérez ma demeure comme la vôtre pour le temps qu’il vous plaira. Il y a bien assez de place pour nos deux solitudes. »
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Re: Trahir est un Art par Mar 17 Juil - 14:29
Dès qu’elle évoqua son sang, il réalisa l’étendue des dégâts. S’il y avait bien un sujet sur lequel l’intraitable sorcière à ses côtés était faible, c’était sa famille. Son aîné en particulier semblait tenir une place toute particulière dans le cœur de la mortelle pour une raison qui échappait largement au vampire. Il n’avait rencontré Janus Gaunt qu’une seule et unique fois et l’humain ne lui avait pas laissé un souvenir impérissable. Il se souvenait d’un physique marquant : des yeux froids, calculateurs, dans un visage dur, une posture volontairement imposante et une aura trop appuyée pour être naturelle. Comme si l’homme cherchait à se rendre plus dangereux qu’il ne l’était vraiment. Pourtant, au-delà d’une allure remarquable, l’attitude franchement hostile de l’héritier ne lui avait pas attiré les faveurs de Kenneth. En effet, sans se montrer jamais désobligeant, le sorcier avait laissé très clair le peu de cas qu’il faisait de l’alliance de sa mère avec une Créature de la Nuit.
En temps normal, l’avis d’un mortel à peine sorti des langes de sa mère lui aurait importé autant que la brise matinale, un léger inconfort qu’il avait vite appris à oublier. Néanmoins, la relation particulière qu’il avait nouée avec la génitrice dudit humain rendait la situation plus compliquée qu’elle n’aurait dû l’être. Personnellement, il se serait allègrement débarrassé du Mage Noir en herbe mais il savait s’agir là d’une ligne infranchissable s’il tenait à conserver l’amitié d’Alceste. Or, pour autant qu’il aimât faire enrager la Mère des Serpents, il ne tenait à s’attirer réellement ses foudres. Encore moins désormais qu’elle avait démontré une capacité bien réelle à s’affronter à un vampire.
Un instant, il envisagea de commenter la folie de la jeunesse pour expliquer les actions du Gaunt avant de réaliser qu’en termes humains, il n’était peut-être plus considéré comme un enfant. A ses yeux, ils lui semblaient tous si terriblement jeunes. L’ironie de la situation ne lui échappait pas, lui qui garderait à jamais ses traits adolescents et pourtant il avait déjà tant vécu que les soucis d’Alceste et sa progéniture lui semblaient presque insignifiants. Presque. Force était en effet de constater qu’il s’était réellement attaché à l’humaine et que cela supposait d’accepter de subir les contraintes d’une vie mortelle, petits tracas compris.
Ses excuses et sa dernière proposition lui tirèrent d’ailleurs un sourire pas même voilé. Partager la solitude de la matriarche Gaunt était une option bien alléchante. Depuis la destruction du clan de Lester, il avait été forcé de vivre par lui-même, caché et démuni et, là où il aimait s’adonner par choix au calme de l’isolation, se retrouver obligé de vivre tel un paria lui avait énormément coûté. Il avait une haute d’estime de lui-même et se retrouver chassé de son domaine comme un malpropre, par Ewald qui plus était, avait été un coup très dur.
-Je serai bien ingrat de refuser pareille offre. Je m’assurerai que vous ne la regrettiez pas.
Derrière la politesse d’usage, ses paroles avaient un poids plus important. Il avait trop à regretter ces derniers temps. Depuis l’instant fatidique où sa route avait croisé celle de Devin Bower et qu’il s’était laissé prendre aux jeux d’esprits du terrible Irlandais, son chemin s’était farci d’obstacles inattendus. Ayant pris trop vite la mouche, il avait cru trouver l’occasion en or de régler ses dettes lorsqu’Alceste était venue à lui en lui offrant la tête de l’héritier Bower sur un plateau. Rien ne s’était passé comme prévu néanmoins. Et s’il se souvenait encore avec un plaisir non dissimulé du regard horrifié d’Aïlin tandis qu’il finissait de s’abreuver au cou de sa chère et tendre sœur, tout le reste n’avait qu’une longue suite d’échecs qui l’avait mené à une dette de sang tout aussi impulsive que le reste de ses actions précédentes et une relation désormais bien ambiguë avec l’humaine à ses côtés.
Pourtant, s’il regrettait de s’être laissé emporter dans sa revanche, ses émotions dépassant son jugement comme s’il était encore l’adolescent qu’il paraissait être, il était prêt à recommencer le tout pour le simple plaisir que lui procurait l’essentiel de ses interactions avec Lady Gaunt. La femme le tirait en effet de son apathie face aux humains lambda, se présentant comme bien plus qu’une simple proie potentielle. Ses réactions jamais prévisibles, son esprit indomptable, sa fierté indestructible, tout cela lui donnait envie de démêler toujours plus loin le complexe puzzle qu’elle représentait à ses yeux. Et en l’occurrence, il désirait la voir sortir de sa mélancholie. Car, pour autant qu’elle déclarât haut et fort ne pas se sentir mal, il n’était ni idiot ni aveugle.
-Quant à votre fils, si mes longues années d’existence m’ont appris une chose c’est que le louveteau n’est jamais plus imprudent que lorsqu’il cherche à prouver sa valeur à ses géniteurs. Sûr de ses crocs et griffes, il s’attaque à plus fort que lui, et seule l’intervention bien menée des leaders de la meute peut le ramener dans le droit chemin. Car le poulain trop aventureux a plus de chance de devenir le repas du prochain prédateur qu’un quelconque fier étalon.
Les métaphores animales n’étaient pas exactement son fort mais il ne s’agissait que de laisser une chose claire : l’attitude de Janus n’était ni surprenante ni même franchement inquiétante.
-A vous désormais de rappeler à votre héritier que, si je suis sûr que vous l’avez éduqué pour qu’il domine un jour votre société, ce jour n’est pas encore arrivé et qu’il a encore beaucoup à apprendre de sa mère. Et, s’il n’est pas prêt à l’entendre, passez vous de sa permission. N’est-ce pas le rôle des parents de protéger leur descendance même lorsque celle-ci s’y oppose ?
Non pas qu’il eut une grande expérience en la matière. Du peu qu’il se souvenait de sa génitrice, elle n’avait jamais vu en lui autre chose qu’un souci sur pattes. Conséquente fortuite de sa profession, elle n’avait pas pu se débarrasser de lui à temps sans mettre sa santé en danger et il s’était retrouvé livré à lui-même avant même de connaître le moindre amour maternel. Quant à Liliana, elle n’avait pas été particulièrement tendre ni protectrice, préférant le laisser faire seul ses erreurs, quitte à se moquer ouvertement de lui. Non pas qu’elle n’ait pas eu son bien-être à cœur – elle l’avait choisi lui et pas un autre, fait dont il n’avait jamais été peu fier – mais elle était une force de la nature et considérait que s’il n’était pas capable de survivre par lui-même sans son aide perpétuelle, c’était qu’elle avait le mauvais choix. Chose qu’il s’était empressé de démentir, une fois après l’autre, dès qu’une difficulté se présentait devant lui. Et lorsqu’elle l’avait quitté brusquement, tombée – trop tôt à son goût – sous les coups d’Ewald, il avait pu réaliser, une fois le premier deuil pass, qu’elle avait fait un excellent travail. Il n’avait besoin de rien ni personne. Du moins aimait-il le prétendre, quant à savoir si c’était vrai, personne ne le savait vraiment.
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Re: Trahir est un Art par Ven 20 Juil - 23:00
Elle venait de se placer dans une situation ambiguë, dangereuse pour elle et pour sa réputation. Une part d’elle s’en inquiétait. L’autre… L’autre entendait tout simplement faire ce qu’elle désirait.
Cela faisait trop longtemps. Trop longtemps qu’Alceste se pliait aux usages, aux devoirs, aux commandements de son époux, tout du moins en apparence. Trop longtemps qu’elle passait sa famille et son clan avant elle-même, ne se souciant pas un instant de son propre bonheur.
Elle avait abandonné ses désirs, ses rêves, ses espoirs lors de ses premières saignées. Elle avait rêvé d’être une sorcière forte, indépendante et libre comme l’avait été sa mère. Sa mère qui n’avait jamais baissé les yeux devant la terrifiante famille de celui qu’elle aimait, et qu’elle avait épousé clandestinement, envers et contre tous.
Malgré les ressemblances physiques, comme en témoignait le portrait assoupi d’une femme à l’interminable crinière de soie brune piquée de clivias rouge sang, discrètement accroché au-dessus de l’âtre vide du salon, Alceste n’était pas Hemera. Elle n’avait pas affronté dignement le rejet de sa propre famille, elle n’avait pas fait face, dans toute sa grâce, avec toute la subtilité de son phrasé, aux jugements haineux des Gaunt et des Lestrange, persiflant malgré la grande pureté de son sang.
Alceste, elle, s’était résolue. Elle s’était conformé aux exigences de Shauna Gaunt, qui plaçait le devoir et l’honneur au-dessus de toute autre valeur. Mais, de ses parents, la future lady avait malgré tout conservé la fierté, l’esprit guerrier et le sens aigu de la famille. C’était pour lui seul qu’elle s’était sacrifiée. C’était par lui seul qu’elle contemplait, ce soir, son cœur déchiré dans le creux de ses mains.
Fis, de toutes ces règles de bienséance, comme du reste. Personne n’était assez exemplaire pour la juger, elle qui avait, tout au long de sa vie, suivit scrupuleusement les règles, sans jamais les détourner pour son propre profit. Aussi décida-t-elle de ne plus s’en soucier. Elle était prête, de toute façon, à reporter sa colère sur la moindre personne qui tenterait de parvenir jusqu’ici sans son aval.
La situation en demeurait néanmoins particulièrement surréaliste, en particulier lorsque le vampire décida de prendre la parole. Malgré elle, Alceste se retourna en direction de Donaghue lorsqu’il s’amusa à faire d’étranges métaphores sur le règne animal. Elle arqua un sourcil lorsqu’elle l’entendit comparer Janus à un poulain, manquant presque de sourire. Il connaissait manifestement bien mal son fils, mais elle ne pouvait pas vraiment l’en blâmer. C’était du moins ce qu’elle supposait. Pour lui, Janus n’était peut-être rien de plus qu’un jeune homme inexpérimenté, mais le sorcier était plus proche de la maturité que de la fougue enfiévrée de la jeunesse. Leur rapport à l’existence — et particulièrement à l’âge — était radicalement différent et la façon dont Kenneth interprétait le peu qu’elle en avait dit le démontrait particulièrement bien. C’en était que plus troublant, lorsqu’elle croyait parfois discerner sur le visage de son partenaire, outre l’incroyable intensité de ses yeux d’émeraude, les grâces de la jeunesse, parfois même de l’innocence. Si l’expression de son regard ne venait pas contredire le masque d’éternelle jeunesse qu’il revêtait, Alceste aurait été tentée de rétorquer qu’il était bien trop inexpérimenté pour connaître quoi que ce soit à ce genre de situation.
La sorcière détourna le regard avec un petit soupir parfaitement audible tandis qu’elle calait sa nuque gracile contre le rembourrage du canapé. Lentement, elle hocha la tête et, sans s’en rendre compte, caressa du bout des doigts l’hématome qu’elle avait hérité de son altercation avec son aîné, et qui colorait sa peau d’albâtre d’une large tâche bleue.
« J’ai cessé de me fier à ma mère à mes quatorze ans. C’est seule que je me suis forgée et que je suis devenue la lady devant qui même les hommes baissent les yeux. Il est depuis longtemps admis que les garçons, bien moins accablés par les devoirs mais flattés par les privilèges, mettent bien plus longtemps à devenir des hommes. Cela dit, mon fils n’est plus un jouvenceau depuis au moins une décennie. Cela est certainement négligeable pour vous, mais cela l’est un peu moins pour des sorciers conscients de l’inexorabilité de leur mort. »
Elle avait déclamé cela d’une voix si blanche qu’elle semblait totalement détachée de ce qu’elle disait, comme si cela ne la concernait pas ou, comme si elle ne se souciait pas de ce que cela signifiait pour elle. Elle ne craignait pas la mort. Ce qu’elle craignait par-dessus tout, c’était la vieillesse et tout ce que cette atroce maladie engendrait dans son sillage.
Kenneth ne savait pas de quoi il parlait et ne comprenait certainement pas ce qu’elle vivait en ce moment. Elle savait, néanmoins, que ce n’était pas tant le décalage entre leur deux espèces que le peu d’informations qu’elle avait consenti à lui fournir. Aussi prit-elle sur elle et, toujours sans considérer son compagnon, reprit la parole sur un ton parfaitement froid, comme pour tenir à distance les émotions qui, sinon, risquaient d’envahir sa voix et son visage :
« La situation n’est pas aussi simple. Si je défie mon fils, je cours le risque de lui faire perdre toute crédibilité, et cela me coûterait autant qu’à lui. Je n’ai pas sacrifié quarante ans de ma vie pour réduire moi-même à néant mes efforts. Cependant, Janus a choisi de rallier Conrart Crowlore, le mage noir dont je vous ai déjà parlé. Celui-là même qui a eu l’audace de venir m’affronter dans ma propre demeure. Avec lui, il a emporté les trois quarts de notre clan. Non content de m’insulter, il met en danger notre famille. Crowlore est corrompu par la magie noire à un point que vous ne pouvez pas imaginer. Il n’a pas de respect pour la moindre forme de vie, même s’il s’agit de la vie d'un sorcier de sang-pur. »
Alceste était certaine que, s’il l’avait pu, Crowlore l’aurait tuée, cette fois où il était venu la défier. Elle n’avait pas peur pour elle, cependant. Elle ne craignait pas plus le mage noir qu’elle craignait le roi vampire.
Tout en parlant, la lady s’était mise à triturer la bague à l’imposante pierre noire qu’elle portait à l’annulaire droit. D’un mouvement presque religieux, elle l’ôta et, après une seconde de contemplation, se décida enfin à se tourner définitivement vers son interlocuteur. Alors, elle le regarda dans les yeux, puis l’invita à lui tendre sa main. La sorcière déposa la bague, encore chaude, dans le creux de sa paume. Sa monture d’argent massif était, au niveau de la pierre, moucheté de sang brun, séché. Vestige de la gifle qui avait lacéré la joue de son aîné.
« Connaissez-vous l’histoire des reliques de la mort, Kenneth ? Ce sont des contes pour enfants aux yeux de nombreux sorciers. Or, en tant que descendante de Cadmus Peverell, je sais de source sûre qu’il n’en est rien. Vous tenez dans votre main l’héritage de ma lignée. Il s’agit de la pierre de résurrection. Janus croit que Crowlore s’est emparé de la baguette de Sureau, jusqu’alors disparue. Il pense pouvoir la lui voler en se rapprochant de lui. Il est prêt pour cela à sacrifier mon honneur, mais aussi la vie des siens. Ceux-là ignorent, pour la plupart, ses véritables intentions. »
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Re: Trahir est un Art par Sam 11 Aoû - 15:48
Kenneth ne savait en effet que peu de choses de Conrart Crowlore mais le peu qu’il avait entendu ne lui rendait pas l’homme appréciable, loin de là. Il avait beau ne pas être connu pour sa compassion – plutôt même le contraire – mûrir aux côtés de Liliana lui avait offert une perspective particulière sur l’existence. Là où nombre de ses congénères n’avait pas le moindre respect pour la vie des mortels, il savait qu’ils étaient nécessaires à l’ordre des choses. Au-delà d’un simple buffet essentiel à la survie de la race vampirique, ils étaient – au même titre que n’importe quelle autre espèce – un rouage fondamental de l’écosystème terrien. Or, quiconque était prêt à détruire toute forme de vie pour arriver à son objectif était forcément une menace à abattre. C’était une chose de sacrifier ses proches pour arriver à ses fins, une autre d’être prêt à pervertir l’essence même de la vie pour obtenir ce que l’on désirait.
Il pesa donc longuement ses propos, prenant en compte toutes les informations que lui avait fournies Lady Gaunt, avant de répondre de la manière suivante.
-Mature ou non, votre héritier semble être en proie à une ambition si grande qu’elle a submergé complètement ses instincts de survie. Je ne prétendrais pas être suffisamment au courant des affaires sorcières pour savoir ce que sont les Reliques de la Mort mais si la pierre sur votre chevalière est à la hauteur de son nom, je ne peux que supposer que la baguette que recherche votre fils est tout aussi puissante. Difficile donc de le blâmer de s’être laissé aveugler par sa soif de pouvoir mais vous reconnaîtrez avec moi qu’il s’agit là d’une attitude plus digne d’un homme inexpérimenté que du leader que vous m’avez décrit.
Ne cherchant pas à enfoncer le couteau dans la plaie une fois la vérité exposée, il poursuivit d’un ton purement factuel et dénué du moindre jugement.
-Je suis bien mal placé pour savoir à quel point la loyauté de ses troupes leur permettra ou non de passer outre le danger dans lequel il les envoie si gaiement mais, s’il s’avère que son intuition est fausse et que Crowlore ne possède pas la baguette, les conséquences s’avèreraient fort coûteuses. A vous donc de lui offrir une porte de sortie. Vous avez prouvé maintes fois posséder une intelligence qui vous honore, servez-vous en une fois de plus.
Il marqua alors une pause, laissant son regard passer d’une décoration à l’autre, le temps de trouver la meilleure manière pour formuler son idée.
- Ne vous aliénez pas votre sang en lui tournant le dos mais refusez de courber l’échine devant lui. En public, faites mine d’avoir rallié sa cause si nécessaire, mais en privé gardez-vous de Crowlore et assurez-vous qu’une fois que sa folie l’aura entraîné par le fond, votre fils et les siens ne le suivent pas. Si le froid entre votre aîné et vous est connu, personne ne se surprendra de ne pas vous voir à ses côtés. Il lui suffira de dire que, même si vous êtes contrite, il préfère vous maintenir à l’écart pour vous protéger de votre propre faiblesse. Et si votre altercation est restée secrète, il pourra prétendre préférer ne pas mêler sa mère à un plan dirigé par un homme qu’elle exècre. Ce qui compte c’est qu’il vous pense suffisamment inoffensive ou tout au moins incapable d’agir pour ne pas limiter votre liberté de mouvement. Vous êtes habituée à travailler en milieu hostile, qu’on vous sous-estime est donc une chance. Personne ne se méfiera de vos manigances s’ils pensent que même Janus vous délaisse. Laissez-leur croire que votre heure est passée, que vous n’êtes plus qu’une pauvre femme s’accrochant aux restes d’un pouvoir qu’elle n’a plus et le moment venu, sauvez votre fils de l’emprise de Crowlore. Qu’il obtienne la baguette tant désirée et tout vous sera pardonné et, s’il ne l’obtient pas, en vous étant toujours distancée de Crowlore, vous pourrez laisser croire qu’il s’agissait d’une idée de Janus qui avait ainsi choisi d’explorer toutes les options qui lui étaient offertes.
Personnellement, l’idée de laisser toute la gloire à l’imbécile s’étant jeté dans les griffes de Crowlore de son plein gré lui paraissait absolument ridicule mais il fréquentait Lady Gaunt depuis suffisamment longtemps pour savoir qu’elle était prête à tout pour l’amour de son fils. Enfin, peut-être pas. Restait en effet à savoir si elle accepterait de mettre de côté sa fierté pour apparaître vaincue aux yeux de tous de manière à avoir les mains libres par ailleurs.
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Re: Trahir est un Art par Jeu 16 Aoû - 15:35
Elle écoutait Kenneth en silence, relevant de temps à autre ses yeux gris sur lui, sans qu’ils ne reflètent à aucun moment une émotion plus forte qu’une autre. Elle aurait pu paraître impassible face aux critiques du vampire à propos de son héritier, ou encore lorsqu’il reconnut la qualité de son esprit, mais ses oeillades vers lui, les légères crispations de ses doigts ou les mouvements de ses lèvres la trahissaient malgré tout.
Donaghue avait certainement raison. Combien des siens auraient été attirés par la promesse de pouvoir conférée par la baguette de Sureau ? Alceste pensa à son frère Lugus, puis à Silvius. Si elle jugeait Lugus trop sage pour espérer un quelconque pouvoir d’un objet ayant de trop nombreuses fois attiré la mort de son propriétaire, elle doutait en revanche de la réaction de Silvius.
Lady Gaunt n’était pas dupe des faux-semblants du benjamin. Un homme capable d’empoisonner sa femme de sang-froid était tout autant capable de sacrifier son neveu pour obtenir un pouvoir et une reconnaissance après lesquels il désespérait depuis trop longtemps.
Car, la baguette de sureau révélée, ainsi que son maître, qui se soumettrait et qui fomenterait pour prendre la place du suzerain ? Un pouvoir que l’on possédait par soi-même était incontestable. Une puissance tiré d’un bout de bois, pour aussi magique était-il, ne deviendrait plus qu’une source de convoitise. Janus en était le premier témoignage.
Lentement, son regard se détourna vers la main de Kenneth, laquelle tenait encore dans sa paume la précieuse relique. Une autre question, bien plus terrifiante, s’imposa dans son esprit, mais elle n’eut le temps d’en apprécier toutes les composantes, car le vampire reprenait la parole. Elle releva les yeux sur lui, l’écoutant sans mot dire, lui conseiller de faire profil bas.
Cette perspective ne lui plaisait pas du tout. Depuis Poudlard, Alceste travaillait son image, œuvrait à se faire respecter, se défendait baguette au poing s’il le fallait pour ne pas être seulement une épouse ou une mère, mais une guerrière à part entière, un rouage essentiel à la caste Sang-Pur. Aujourd’hui, tout l’invitait à abandonner. Elle savait très bien que, lorsque le premier signe de faiblesse serait révélé, lorsque le désaveu de son fils deviendrait aussi connu que celui d’Arnald, elle n’aurait plus que sa proche famille auprès de qui se réfugier. Tout au plus pourrait-elle espérer la protection de Lady Black. La sorcière avait peut-être assez de poids au sein de la famille Nott pour museler les détracteurs les plus vindicatifs. Lady Gaunt ne se faisait pas d’illusion, pour autant. Son éviction engendrerait un tel changement de politique qu’elle ne pourrait peut-être plus jamais retrouver le prestige qu’elle avait si difficilement acquis. À cette pensée, la sorcière baissa la tête, sourcils subitement froncés. Lorsqu’elle se rendit compte que des larmes menaçaient d’envahir ses yeux, elle ferma les paupières et releva brusquement le menton, pour prendre une grande inspiration.
À quoi bon toutes ces années de lutte ? À quoi bon tous ces sacrifices ? Bientôt, il ne lui resterait plus rien. Bientôt, plus personne ne compterait encore sur elle. Sa gorge se noua et elle serra les dents, s’empêchant comme elle le pouvait de s’effondrer devant un tel témoin. Ce sentiment de vulnérabilité qui l’envahissait éveillait avec lui une colère qui embrasa subitement ses prunelles excessivement claires.
« J’en serai incapable. » lâcha-t-elle d'une voix tremblante.
C’était bien la première fois que de telles paroles traversaient ses lèvres. En d’autres temps, elle en aurait éprouvé de la honte. Pourtant, l’admettre, en cet instant, la soulagea.
« Si Crowlore a bel et bien la baguette de sureau — et tout porte à croire que c'est le cas — qu’il la garde ou que Janus s’en empare, je serai de toute façon impuissante. Je ne peux rien contre un tel pouvoir. »
Un frisson la parcourut malgré elle et son regard revint sur la pierre de résurrection. Elle hésita un moment et parut presque gênée. Finalement, elle approcha doucement sa main de celle qui tenait la pierre. Ses doigts effleurèrent ceux de Kenneth et reculèrent de quelques millimètres lorsqu’elle fut surprise par la froideur excessive de sa peau, étonnamment dure au toucher. Malgré son hésitation, sa main couvrit la sienne, l’invitant à fermer le poing sur la pierre.
« Vous avez juré de me protéger, n’est-ce pas ? Gardez-la. Cachez-la où bon vous semble, mais où nul ne saurait la trouver, pas même moi. Si Crowlore est entré en possession de la baguette de Sureau, il cherchera à obtenir les deux autres reliques. Lorsqu’il apprendra que j’en suis la gardienne, il viendra réclamer ce qu’il estimera comme son dû. Il n’hésitera pas à me torturer pour en obtenir la localisation, ou me tuer pour l’arracher à mon doigt si je la garde en ma possession. Je préfère subir mille morts plutôt que de le savoir en possession de deux des reliques de la Mort. »
Dans d’autres circonstances, peut-être l’aurait-elle confié à Janus. Aujourd’hui, cela lui paraissait être le pire des choix. Premièrement parce qu’il était désormais trop proche de Crowlore pour que cela ne le mette pas directement en péril. Secondement, parce qu’elle n’était pas certaine de vouloir voir son fils devenir le Maître de la Mort. Deux reliques en sa possession le pousserait à chercher la troisième. Elle était certaine qu'il serait capable de réduire à néant toute une famille de sang-pur, s’il le fallait, pour en devenir le possesseur.
« La légende veut que celui qui possède les trois reliques de la mort : la pierre de résurrection, la cape d’invisibilité et la baguette de sureau, deviendrait le Maître de la Mort. Un sorcier d’une puissance inégalée, capable des plus grandes choses et des pires atrocités. Je n’ai aucune envie de vérifier si la légende dit vrai. En vérité, je ne veux pas plus voir Crowlore en possession des trois reliques que mon fils. »
Pourrait-il s’en prendre à elle pour récupérer la pierre, s’il parvenait à s’emparer de la baguette ? Alceste semblait le penser. Janus n’avait jamais été un ange, elle ne l’avait d’ailleurs pas éduqué pour en être un. Elle était certainement responsable, en partie du moins, de ce qu’il était devenu. Mais la magie noire avait corrompu son âme. Il avait changé. En tant que mère, elle le sentait. Cela la tiraillait jusqu’au fond de ses tripes, quand bien même cela était imperceptible pour le reste de leur entourage.
« Je ne ferai pas mine d’avoir rallié la cause de mon fils, pas plus que je ferai mine de me soumettre à Crowlore. Peu m’importe les racontars, et peu m’importe le jugement de petites gens qui ne font qu’attendre qu’un autre s’exprime et agisse pour eux. Crowlore me sous-estime déjà, fier de m’avoir, à ses yeux, vaincue au sein même de ma demeure. Je n’ai pas courbé l’échine, comme je n’ai pas posé genou à terre malgré le sang dans ma bouche, et je ne le ferai pas plus aujourd’hui. Même si je dois être seule, même si je dois m’aliéner tous ceux auprès de qui j’ai mis tant d’années à bâtir ma réputation, j’agirai selon mes valeurs et celles de nul autre. J’ai déjà trop sacrifié. Je ne mourrai pas dans la défaite. »
Si elle ne s’en était pas encore rendu compte, sa main était restée fermée sur le poing du vampire. Ses ongles s’accrochaient à la peau de marbre de Donaghue. Ils se seraient certainement enfoncés dans une chair plus tendre, tandis qu’elle serrait les doigts avec conviction, un feu renouvelé s’éveillant au creux de son ventre. D’une certaine façon, le discours de Kenneth l’avait réveillée.
« Je n’ai pas plus besoin d’eux que vous n’aviez besoin de Mordoch et de ses sbires. Peut-être ne sommes nous pas plus faits pour gouverner que pour suivre. »
Elle avait parlé avec une ferveur toute particulière. Ce n’avait pourtant été qu’un murmure, qu’elle avait lâché entre eux en fixant intensément le vampire. À cet instant, toute trace de peur, de peine ou d’angoisse avait quitté son visage sans âge, permettant à sa volonté de s’épanouir sur ses traits fins.
Ce disant, Alceste eut l’impression de réaliser une évidence. Elle partageait un point commun particulièrement fort avec le vampire, qu’elle n’avait perçu chez nul autre. Il était très différent d’elle, et pourtant, il était clair que lui comme elle étaient incapables de se soumettre à l’autorité, à sacrifier leur indépendance au profit d’une cause qui n’était pas la leur. Même le sens exacerbé du devoir d’Alceste n’était plus capable de retenir ce désir de liberté qui grossissait en elle, la tiraillant plus que jamais. À cet instant, elle se demanda si ce n’était pas une occasion offerte par le destin de s’émanciper de tout ce qui la retenait engoncée dans ce rôle de matriarche, devenu trop petit pour elle. Si ce n’était pas l’occasion d’être enfin, complètement, elle-même, sans concession. Après tout, elle n’était pas celle qui avait tourné le dos. Pourquoi s’évertuerait-elle à rattraper ceux qui étaient incapables de reconnaissance ?
Elle réalisa avec un petit sursaut à quel point cette perspective était désirable. Sa main quitta celle de Kenneth comme si elle s’était brûlée à son contact et elle rangea celle-ci dans le creux de ses jambes, cachant la lueur flamboyante irradiant ses pupilles derrière un rideau de cils noirs.
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Re: Trahir est un Art par Jeu 23 Aoû - 17:44
Face à de telles révélations, la pierre entre ses doigts lui parut soudain bien plus intéressante. Si ce que son nom laissait entendre était véridique, il connaissait plus d’un être prêt à vendre proches et biens pour se la procurer. En effet, quel mortel ne rêvait pas de ramener à la vie l’un des siens ? Créatures éphémères, ils cherchaient sans cesse à atteindre la providentielle immortalité sans réaliser l’ennui que cette dernière entraînait à sa suite. C’est qu’il y avait une raison à sa tendance à se mêler systématiquement de ce qui ne le regardait pas : c’était la seule façon de rendre son existence sans fin un peu plus palpitante. En cela, les humains se révélaient un divertissement infini, et Alceste n’était pas la première à laquelle il s’était attaché en deux-cent-cinquante ans. Elle était néanmoins la seule qu’il avait fini par considérer comme plus qu’un simple projet destiné à passer le temps. Sans bien qu’il comprenne comment, elle avait réussi à s’infiltrer au-delà de ses barrières savamment construites par des siècles d’indifférence, et le mélange complexe de sentiments qu’elle évoquait chez lui relevait plus du respect, voire par moments de l’affection réelle, que du mépris amusé qu’il réservait habituellement aux mortels. Jamais sinon il ne se serait laissé entraîner dans une dette de sang.
Dette de sang qui fit briller son regard d’une lueur mauvaise lorsque sa protégée évoqua la possibilité de se voir torturée par Crowlore. Qu’elle lui confie la pierre était inattendu mais sensé. Le risque qu’il s’en serve était minime – même le retour de Liliana n’était pas un désir qui le taraudât vraiment, trop certain qu’après toutes ces années de liberté totale, la présence de sa génitrice se ferait bien vite étouffante – cependant l’idée qu’elle se sépare de la chevalière pour être dans l’incapacité de révéler sa position même sous la torture le dérangeait profondément. Et le plus perturbant était qu’il ne savait dire si c’était la magie ancestrale de la dette de sang qui le faisait réagir ainsi ou si, bien plus simplement, il s’était tellement attaché à Alceste qu’il ne supportait l’idée qu’un autre que lui la tourmente. Car, s’il n’était ni idiot ni suffisamment naïf comme pour ne pas réaliser qu’il aimait torturer la sorcière, les soucis qu’il lui causait étaient néanmoins une forme de déférence qui ne dépassaient jamais la limite tortueuse de l’indécent. Par ailleurs, jamais il n’avait levé la main sur l’humaine et, désormais qu’il avait contracté sa dette, jamais il ne le ferait. A l’inverse, Crowlore avait déjà attenté à sa vie et, de ce qu’elle déclarait désormais, il n’hésiterait pas à recommencer pour atteindre ses buts.
Un grognement sourd, terriblement primal, lui échappa rien qu’à imaginer le mortel s’en prendre à SON humaine. Qu’il vienne ! Il saurait l’accueillir dignement. De même que son idiot de fils. S’il pensait un instant avoir l’ascendant sur son illustre mère, il se leurrait amèrement. En effet, si le revirement de cette dernière s’avérait fort surprenant – elle qui avait toujours mis sa famille au-dessus de tout – sa capacité à réaliser le danger représenté par son propre sang révélait une fois de plus sa supériorité indéniable. Et lorsqu’elle déclara n’être prête à courber l’échine devant personne, elle lui parut plus fascinante que jamais. Le feu qui brûlait en elle et qu’il sentait physiquement dans la chaleur de sa paume contre le marbre de sa peau sans âge l’attirait comme le papillon de nuit vers la bougie. Il avait beau savoir qu’à trop s’approcher de la flamme, il finirait par s’y brûler, il était inexorablement entraîné vers son aura. Ses paroles résonnaient ainsi au fond de son âme, réveillant une soif jamais éteinte de liberté.
Elle avait raison. Ils n’avaient besoin de personne. Ils se suffisaient amplement. Au contraire, leur appartenance à un quelconque groupe ne faisait que les ralentir inutilement. Obligations, idéologies, que de chaînes dont ils devaient se passer pour se révéler enfin au monde dans toute leur splendeur. Il suffisait de voir à quel point la simple décision de se tenir sur ses deux jambes sans plus dépendre du moindre nom ou titre avait redonné une fougue intemporelle à Alceste. La vigueur de la volonté allumait son regard et redressait son port, la rendant plus attirante que jamais. Et pour la énième fois depuis le début de leur si incongrue alliance, il dut se contenir pour ne pas planter ses canines dans le blanc de son seing. L’attrait de son sang étant de plus en plus difficile à contrôler, il profita qu’elle baisse les yeux pour inspirer une grande bouffée et calmer ses ardeurs. Certes la dette de sang ne rendait pas totalement impossible de se nourrir auprès de son protégé mais les rares récits de vampires incapables de résister à leurs impulsions primaires se terminaient toutes par une double mort aussi pathétique que tragique. Il fallait en effet une volonté de fer pour arrêter de s’abreuver alors que le sang d’un endetté était prétendument le plus doux des nectars. Or, s’il y avait une chose qu’il n’avait pas c’était un contrôle intact de ses émotions. Mieux valait donc ne pas tenter Dame Fortune.
- Il faudra penser à récompenser à la mesure de son acte votre elfe de maison. Sans son intervention, nous serions toujours engoncés dans nos limites respectives, trop aveuglés par la colline devant nous pour réaliser l’étendue ouverte derrière.
Se permettant un demi-sourire bien inhabituel, il poursuivit sans la moindre once de moquerie.
- Il est temps de vous défaire de vos poids morts comme on m’a forcé à le faire avec les miens. Vous êtes la gardienne de la pierre de Résurrection et quiconque l’oublie vous sous-estime à ses risques et périls. Vous voulez me la confier pour vous assurer qu’elle ne tombe pas entre de mauvaises mains et ce désir vous honore mais n’oubliez pas le fonctionnement de la dette de sang. Si ce Crowlore s’en prenait à vous, je me transporterais immédiatement à vos côtés pour vous protéger, que vous et moi le désirions ou non. Pire, sous l’influence de la dette, pour vous assurer la vie sauve, je n’hésiterai pas un instant à lui donner la pierre. A l’inverse, si vous la gardez, vous prouverez à quiconque doute encore de vous que vous n’avez peur de personne. Quant au danger que cela supposera, je me chargerai de votre protection. Et toutes mes condoléances à celui qui s’approchera de vous, termina-t-il sur un ton bien plus sombre alors que son sourire se faisait carnassier et que tout son être se mettait à transpirer la violence.
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Re: Trahir est un Art par Lun 3 Sep - 13:31
C’était cet être qui, à présent, dardait un regard dangereusement possessif sur elle. Un regard qu’elle sentait malgré le voile de cils couvrant ses yeux gris. Le cœur de la lady battait lourdement. La proximité de Donaghue devenait douloureusement oppressante. N’était-elle pas en train de faire une terrible erreur ? À quel prix devrait-elle payer cette relation subversive ? Sa raison tirait tous les signaux d’alarme quand son corps s’échauffait sous un feu inconnu, profondément perturbant.
Les braises avaient pourtant toujours été là. Parfois, elles s’allumaient en un violent brasero de colère mêlé de douleur. L’intensité de ses émotions étaient telles, la frustration si puissante, qu’Alceste pensait, dans ces moments-là, perdre l’esprit.
Ce qui la consumait ce soir était bien différent. Pourtant, elle avait le sentiment très net de perdre le contrôle d’une partie d’elle-même. À moins, justement, que ce fut une part trop longtemps rejetée qui se révélait ? Car, lorsqu’elle releva les yeux sur Donaghue, elle se sentit entière. Si entière que chaque détail de son environnement, du son de la voix de Kenneth au rembourrage du canapé semblaient partie intégrante d’elle. Elle se sentait ancrée dans un corps brimé pendant des décennies, contraint à l’immobilité dans des corsets qu’elle serrait comme un étau autour de son ventre. Ses vêtements rigides, ses silence glacés étaient autant de contraintes destinées à museler ses émotions comme ses désirs les plus profonds.
Se libérer de ses poids morts. C’était à cela que l’invitait Kenneth et, tandis qu’il lui parlait des raisons qui l’empêchaient d’accepter de garder la pierre pour elle, la lady ne pouvait s’empêcher de voir planer en arrière-plan les visages d’Arnald et de ses enfants. Depuis quand les considérait-elle comme des menaces ? Concernant Arnald, certainement depuis toujours. Il n'en allait pas de même pour Janus. Car, elle l’avait admis de vive-voix elle-même : elle n’était plus aussi sûre de sa sécurité auprès de son fils. Crowlore n’était pas le seul sorcier qu’elle voyait capable de s’en prendre à elle, après ce qui s'était passé plus tôt dans la journée.
À travers les paroles pleines de bon sens de Donaghue, Alceste devinait le sous-texte. Il l’encourageait à ne pas perdre confiance en lui rappelant qu’elle ne devait montrer ni crainte, ni faiblesse. En conseiller avisé, il la convainquit avec d’autant plus de brio qu’il paraissait impatient d’avoir l’occasion de mettre en pièce le premier qui oserait la défier. Alceste baissa les yeux sur le sourire de Kenneth. Un prédateur avide de voir une proie se hasarder sur son territoire. Un sourire satisfait ourla subitement les lèvres de la sorcière et elle releva regard brillant dans celui de Donaghue.
« À voir cette expression sur votre visage, vous me feriez presque croire que vous espérez me voir courir un péril mortel, cela pour le seul plaisir de trancher dans le vif mes ennemis. »
Une plaisanterie ? C’était pour le moins surprenant de sa part, tout comme ce sourire qui flottait encore sur son visage habituellement si sévère. Un instant de légèreté qui ne dura pas, car une pensée vint effacer toute trace de joie alors qu’elle penchait le buste vers le vampire.
« Soyons clair, messire Donaghue. Sentez-vous libre de faire ce que bon vous semble de tous ceux qui auraient l’outrecuidance de menacer ma vie. En revanche, si mes enfants s’avèrent une menace, je ne tolèrerai pas que vous leur réserviez le même sort qu’aux dévots de Crowlore. »
Elle marqua une pause, pour mieux appuyer son avertissement, avant de reprendre d’une voix étonnamment basse, presque grondante.
« Rappelez-vous que je suis désormais votre pire menace, car vous ne pouvez rien contre moi sans y laisser la vie. Si je me retrouve privée encore une fois d’un enfant et que cela est de votre fait, la seule issue à l’interminable torture que je vous infligerai sera notre mort à tous deux. »
C’était une bien drôle de façon de remercier le vampire, mais Alceste n’était pas dupe. Elle ne tenait pas, par ailleurs, à ce que ses précédentes paroles laissent croire à Donaghue qu’il pouvait agir à sa guise. Même si Janus se retournait contre elle à la manière de Despina, la plus terrible souffrance ne saurait la pousser à condamner son fils unique. En cela, elle était certainement bien différente de Cathleen Black.
« Je n’ai pas choisi de vous confier mes arrières, mais je choisis de vous offrir ma confiance. La trahir serait la dernière chose audacieuse que vous seriez amené à accomplir, même si cela devait me coûter la vie. »
Le regard planté dans celui de Donaghue, la lady demeura immobile, bien décidée à faire intégrer au vampire qu’elle serait effectivement prête à mourir pour un acte de vengeance. Il y avait pourtant une ambivalence marquée dans son attitude. Avant même qu’un sourire ne finisse par réapparaître sur ses lèvres, il demeurait évident qu’elle répugnerait à en venir à de telles extrémités. La façon dont elle regardait Kenneth parlait mieux que les mots. Finalement, elle tendit la paume pour récupérer la précieuse relique que tenait encore le vampire.
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Re: Trahir est un Art par Dim 23 Sep - 19:32
Pour autant, s’il aimait l’indépendance d’Alceste, cette fierté qui l’empêchait de courber l’échine devant quiconque – fût-ce un vampire pluri-centenaire – il n’apprécia guère les menaces à peine voilées qu’elle lui adressa sous forme de recommandations. Personne ne lui dictait sa conduite, pas même la plus fascinante des mortelles. Qu’elle conservât encore un attachement néfaste à sa progéniture ne le concernait en rien, et si son imbécile de fils se mettait en travers de leur chemin, il en paierait les conséquences au même titre que quiconque.
C’est tout du moins ce qu’il aurait voulu répondre mais les paroles ô combien sensées d’Alceste l’en empêchèrent. Derrière le regard brûlant de défi qu’elle lui jeta, il perçut une détresse qui le décontenança. Pourquoi donc une femme si puissante était prête à mettre sa propre existence en danger pour protéger des ingrats ? Qu’ils soient sortis de ses entrailles ne justifiait pas une telle dévotion. A moins qu’il ne s’agît là du si réputé « instinct maternel » dont il avait toujours pensé qu’il n’était qu’une fable tout juste bonne à faire rêver les orphelins ? Quoiqu’il en fût, rien ne laissait croire que Lady Gaunt bluffât pour le moins du monde lorsqu’elle le menaça d’un double suicide s’il venait à s’attaquer à son engeance.
Agacé et perturbé de cet attachement qu’il ne comprenait pas, il faillit refermer mesquinement la main sur la pierre de Résurrection lorsqu’Alceste tendit la main pour qu’il la lui rende. Son geste resta néanmoins à l’état d’ébauche, ses doigts faisant mine d’enserrer plus fortement l’artefact avant de se relâcher pour le laisser tomber dans la main délicate de l’humaine. Ne retenant cependant pas une moue de dédain devant l’inconséquence de l’attitude de sa compagne, il soutint son regard et la mit en garde à son tour.
-Vous regretterez cette faiblesse, Milady, croyez-en mon expérience. Vos enfants, que vous semblez porter en si haute estime malgré le peu de cas qu’ils font de vos besoins et ambitions, n’hésiteront pas à en user contre vous. Ils l’ont déjà prouvé et rien ne laisse supposer que la situation changera de sitôt. Vous l’avez dit cependant, il n’est plus de mon pouvoir de m’opposer à vos désirs et je ne mettrai pas ma survie en jeu par pure audace. Ainsi, s’ils venaient à vous attaquer, je saurai me réfréner pour les empêcher de s’en prendre de nouveau à vous sans en finir avec leur existence.
Refermant tout d’abord délicatement les doigts de sa protégée sur son bien, il resserra brusquement sa poigne sur elle, obligeant la chevalière à s’enfoncer dans la chair tendre de la mortelle, comme pour imprimer physiquement la suite de son propos.
-Qu’une chose soit cependant bien claire très chère, vous espérez pouvoir protéger votre sang de mes manigances et c’est tout à votre honneur. Mais ne croyez pas un instant que je ferai le moindre cas de vos menaces une fois que ce dernier en aura fini avec vous. Si vous réussissez à le contrôler, je m’inclinerai devant votre supériorité. Mais à l’instant où votre dernier souffle aura quitté votre enveloppe charnelle, je prendrai un malin plaisir à torturer jusqu’à l’agonie l’impudent qui aura eu le tort de tuer ma protégée, ce dernier fût-il un Gaunt.
Relâchant sa prise, il exécuta une mimique de révérence, destinée tout autant à déclarer la conversation terminée qu’à rappeler à la sorcière qu’il n’était son serviteur que pour autant qu’elle pouvait mettre un terme à son existence. Toute tentative de le contrôler au-delà du raisonnable pourrait bien lui coûter plus qu’elle n’était prête à mettre en jeu. Une fois cela dit, c’étaient ces échanges enflammés, durant lesquels l’ascendant changeait de camp au gré de leurs joutes verbales à défaut d’être physiques, qui rendait sa relation avec elle si passionnante. Faisant disparaître toute once d’animosité de sa voix, il termina donc en lui redonnant la parole.
-Et maintenant que nous savons tous deux où nous nous situons vis-à-vis de la situation, avez-vous un plan pour reprendre la place qui vous revient de droit ?
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Re: Trahir est un Art par Ven 5 Oct - 0:01
La bague pesait étrangement dans le creux de sa main et sa gorge se noua. Alceste ne pouvait pas accepter que Kenneth eut raison. Pourtant, au fond d’elle… Mais qui pouvait-on aimer, si l’on ne pouvait aimer sa propre chair ? Comment accepter le poids du devoir s’il n’était pas possible de s’abreuver de l’adoration des siens ? Il était vrai que Janus n’était plus un enfant, pas plus que Despina. Tous deux étaient sorcier et sorcière accomplis et n’estimaient plus avoir besoin de la protection de leur mère, pour aussi féroce pouvait-elle être. Peut-être s’accrochait-elle à des chimères, mais Alceste continuait de croire que son fils avait besoin d’apprendre la défaite et l’échec pour revenir des cieux éthérés depuis lesquels il contemplait son propre reflet…
La main particulièrement douce du vampire, invitant à refermer ses doigts sur son bien, rappelèrent Lady Gaunt à l’instant présent. Elle eut cependant à peine le temps de ressentir un mélange de gêne et de soulagement que la poigne du vampire se transforma en étau. Sa chair s’écrasa comme un pressoir sur la bague qu’elle ne pouvait lâcher, si bien que la douleur lui tira un cri étouffé. Elle recula, tenta de se défaire de la poigne du vampire mais ses rebuffades n’eurent pour effet que d’accentuer la douleur. Elle avait l’impression que la pierre avait transpercé la peau là où elle était la plus tendre. Ses prunelles s’étrécirent sous ses sourcils froncés, qui tremblaient sous le coup de la fureur.
« Kenneth ! » s’exclama-t-elle, accrochant de sa main libre le poing du vampire, mais il était pareil à du marbre sous ses ongles qui tentaient de lui faire lâcher prise.
Sa respiration haletait derrière ses dents serrées, mais elle s’immobilisa quand Donaghue parla. Son petit discours avait quelque chose d’aussi lancinant que l’alerte paniquée des nerfs de sa main. Il paraissait si sûr que Janus était capable de la tuer que c’en était glaçant. Néanmoins, de sa prise douloureuse sur elle au choix de ses mots, Alceste sentit en Kenneth une possessivité évidente. À peine ce constat la frappa-t-elle que Donaghue relâcha la main de la lady, laquelle ne put retenir un gémissement étranglé, entre la douleur et le soulagement. Son poing était engourdi, si bien qu’elle le ramena contre sa poitrine, sans être d’abord capable d’ouvrir les doigts.
Lorsque, apparemment satisfait d’avoir pris la dominance sur leur tête à tête, Donaghue eut le toupet de couper court, Alceste lui retourna un regard proprement furieux. L’envie de le gifler de toutes ses forces la traversa avec une telle violence que sa main intacte, qui couvrait à présent son poing, se mit à frémir. Une envie qui retomba avec une extrême frustration lorsqu’elle se rappela que ses coups auraient le ridicule de ceux d’une enfant à l’encontre de Kenneth. Elle se leva sèchement et s’éloigna de quelques pas, tournant résolument le dos à celui qui venait de la blesser dans son orgueil. Tandis qu’elle rouvrait le poing, tout engourdi de fourmillements, elle se demanda avec un long frémissement si elle allait fondre en larmes ou ravager tout le boudoir. Les yeux rivés sur sa main, elle observa le dessin de la relique imprimé dans sa paume. La pierre, aux angles tranchants, avait entaillé ses doigts, lesquels libéraient à présent chacun une épaisse goutte de sang, gonflant et rougissant à mesure que l’hémoglobine s’échappait des coupures.
Rester calme et digne. C’était, pour l’heure, tout ce sur quoi elle se focalisait. Ignorant les égratignures, elle replaça lentement la bague à son doigt, tout en tentant de maîtriser les tremblements de ses mains.
« La place qui me revient… » finit-elle enfin par répliquer d’une voix sourde. « Vous parlez de celle que j’occupe depuis toujours, dans l’ombre de mon époux, et bientôt de mon fils ? Non, je n’ai aucun plan pour cette place là. »
Le vampire ne parlait pas de cela, et Alceste en avait conscience, mais elle n’avait pu s’empêcher de se montrer caustique. Elle s’était retournée et dardait maintenant un air féroce sur lui, profitant d’être debout pour le jauger avec hauteur.
« J’ai besoin d’y réfléchir, nous en reparlerons plus tard, lorsque la vue de votre minois faraud me sera moins insupportable. Sentez-vous libre de faire comme chez vous, mais ne vous avisez pas de me déranger ou je risquerai de définitivement perdre mon sang-froid. Un elfe vous préparera une chambre sur votre demande. »
Alceste fit une rapide révérence, comme le vampire l’avait fait un instant auparavant pour clore la conversation. Puis, elle attrapa une serviette qu’elle serra dans son poing et contourna le canapé, pour rejoindre sa chambre. La porte, qui avait fait à peine un bruit quand l’elfe de maison l’avait ouverte et refermée, claqua cette fois dans son dos.
Le sommeil mit de longues heures à l’emporter. Malgré le masque imperturbable qu’elle avait tenté de renvoyer à Donaghue, Alceste avait dû mordre l’un de ses oreillers pour étouffer le cri qu’elle retenait, et le sanglot qui l’étranglait tout en même temps. Elle n’avait plus su dire si elle était plus en colère que blessée, si elle éprouvait plus de peine que de rancœur. Elle s’était finalement endormie, quelques heures à peine avant que le jour se lève, sur un sentiment de solitude et de défaite qui lui avait soustrait toute énergie.
Elle se réveilla alors que le soleil pointait déjà bien haut dans le ciel, dans un sursaut qui la redressa de ses oreillers. À peine eut-elle ouvert les yeux que ses pensées se centrèrent sur Kenneth. Elle baissa les yeux sur sa main et réalisa qu’elle tenait encore la serviette, mouchetée de gouttes de sang. Elle avait fait une erreur de l’accueillir chez elle. Qu’avait-elle cherché en commettant pareille imprudence ? Elle n’avait jamais été aussi inconséquente et elle pressentait que son entourage risquait d’en payer le prix.
Lorsqu’elle s’extirpa de ses draps pour s’installer à sa coiffeuse, elle considéra ses cernes rougeâtres et ses yeux encore furieux malgré le gonflement de ses paupières. Peut-être Crowlore et Arnald avaient raison. Peut-être était-elle en train de s’affaiblir ? Non, elle ne leur donnerait pas raison. Alceste attrapa ses potions et cosmétiques d’une poigne déterminée. En quelques gestes précis, elle effaça les rougeurs de sa peau et durcit ses yeux clairs en les auréolant de khôl et de fard. Elle peignit ses lèvres de rouge et attacha elle-même ses cheveux dans un chignon, après s’être vêtue d’une robe de velours bordeaux.
Elle s’efforça enfin à déjeuner, avant de se consacrer aux missives qu’elle s’était convaincu d’écrire à l’intention de ses frères. L’astre avait parcouru aux trois quarts le ciel quand un vacarme en provenance de l’entrée la tira brutalement de la relecture de ses notes de recherche. Elle eut à peine le temps de se redresser du canapé où elle s’était étendue que la porte du séjour s’ouvrit avec fracas.
« Alors ! Il est où, ton vampire ? »
Sans s’embarrasser de manières, Arnald s’installa à la table et piocha dans la corbeille de fruit avec un grognement peu convaincu.
« Eh bien… Tu ne t’embarrasses plus de la politesse la plus élémentaire, à présent ? »
Droite comme un i, lady Gaunt cachait sa nervosité en donnant le change, mais son époux, nullement impressionné, braqua un regard strabique sur elle, puis pointa un index bouffi dans sa direction.
« Ne commence pas à jouer avec moi, Alceste, je suis à bout de patience aujourd’hui. Comme par hasard, ta sangsue disparaît et tu te volatilises avec ! Et, pour couronner le tout, devine qui vient fouiner dans ma forêt à cause de tes manigances ? »
Il ne lui laissa pas le temps de répondre que sa voix tonna :
« Oui ! Bower ! Mais j’imagine que tu t’en doutais, n’est-ce pas ? Plutôt que de t’embarrasser de me prévenir, tu t’es précipitée pour permettre à ton protégé de fuir, hm ? »
L’accusation lui vrillait les tympans, mais l’information que venait de lui donner Arnald malgré lui focalisa l’attention d’Alceste.
« Bower ? Le fils ?
— Évidemment, le père n’est pas assez fou pour se pavaner dans Thetford alors qu’il a réussi à se placer à la tête d’un pays ! Mes espions ne m’ont rapporté que ce matin le compte-rendu de la réunion de la Confédération. Comment savais-tu qu’ils allaient venir fouiller ?
— Je n’en savais rien. » répondit Alceste, avec toute la sincérité du monde. Arnald grogna en retour, avant de croquer dans sa pomme et de mâcher bruyamment.
Debout devant le sorcier qui la considérait avec une mine méprisante, Alceste s'évertua de détourner l'attention d'Arnald vers leur fils, mais ce fut peine perdue.
« Tu n’as pas à quitter le manoir sans ma permission, Alceste ! Je me fiche comme de ma première cape de tes délicatesses ! J’aurai une discussion avec Janus, mais si on en est là, c’est entièrement par ta faute. Tu ferais bien de la fermer pour une fois, car c’est ma réputation que tu ternis!
— Ta réputation… gronda Alceste, les poings serrés. Combien de fois l’ai-je sauvée, ta réputation ? Combien de fois ai-je dû redoubler d’inventivité pour t’épargner Azkaban ? À Poudlard, déjà, tu étais incapable d’assurer tes arrières, alors ne me parle pas de ta rép… »
La main d’Arnald s’écrasa sur le visage d’Alceste, la faisant reculer de plusieurs pas sous l’impact du choc. Sonnée, elle tituba et porta machinalement sa main à sa pommette.
Finalement, Alceste releva les yeux vers Arnald, indifférente au goût du sang dans sa bouche. Derrière lui, le crépuscule tombait.
« Ne t’avises plus jamais de lever la main sur moi. »
Arnald fonça sur elle comme un bœuf en colère, mais elle ne broncha pas. La main puissante du sorcier s’écrasa sur sa gorge et elle se sentit basculer en arrière, sur le canapé. Elle grimaça, tenant ses lèvres fermement closes tandis que son regard bravache de relevait dans les yeux noirs d’Arnald.
« Ose donc serrer. » lâcha-t-elle dans un drôle de ricanement. Elle devina l’incrédulité d’Arnald en réponse à la lueur de fureur qui irradiait ses yeux gris.
« Vas-y, qu'attends-tu ?
— Je ne vais pas me gêner, si tu ne me dis pas où est Donaghue. Il n'y a plus d'alliance qui tienne. Maintenant, j’aimerais savoir pourquoi le vampire a quitté le nid en même temps que toi. Mais j’y pense, peut-être devrais-je attendre que la nuit tombe, pour voir quel genre de compagnie a mon épouse lorsque le soleil se couche ? »
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Re: Trahir est un Art par Jeu 18 Oct - 21:11
Le claquement de la porte le tira finalement de sa transe et il réalisa l’urgence de quitter les lieux. Même à travers la porte et la serviette, il était encore capable d’humer le fumet si distinct d’Alceste et seul le rappel de la mort qui l’attendait au bout de ses passions le retint de rattraper sa proie. Il s’empressa donc de laisser le manoir derrière lui, s’enfonçant dans les sous-bois entourant le lac pour assouvir la soif qui s’était rallumée malgré son dîner quelques heures auparavant. Et si les bergers du coin se réveillèrent avec quelques bêtes en moins, il ne s’agissait que d’un moindre mal.
Ce n’est en effet qu’une fois complètement rassasié, après avoir vidé une demi-douzaine d’ovins de tout type, qu’il s’aventura de nouveau chez Lady Gaunt, s’assurant de ne pas s’approcher de l’aile où il savait l’humaine endormie. Il se dirigea donc directement vers les appartements qui lui avaient été réservés, s’effondrant sans grâce dans le lit préparé à son attention, réalisant par la même occasion la fatigue qu’il avait accumulée dans les semaines qui venaient de s’écouler. Être constamment sur ses gardes, ne s’accorder que de très légères pauses de peur de se voir rattraper par un de ses multiples ennemis, se nourrir uniquement de sang animal, tout cela avait fini par laisser des séquelles sur son état général, moral comme physique. Il n’était en effet pas d’assez mauvaise foi pour ne pas réaliser qu’il avait failli dépasser les bornes plus d’une fois lors de sa discussion avec Alceste et s’il ne pouvait décemment pas tout mettre sur le dos de la fatigue, il était néanmoins évident que cette dernière avait eu un rôle à jouer dans son jeu dangereux.
C’est donc sans surprise qu’il s’endormit profondément et dormit d’un sommeil sans rêve jusqu’à ce que le fracas de voix énervées ne vienne le tirer des doux bras de Morphée. Dans un premier temps, il tenta d’ignorer le bruit et de retourner à la tranquillité de l’inconscience mais non seulement les éclats de voix qui s’échappaient du salon l’en empêchaient mais ses instincts se réveillèrent soudain alors qu’une sensation de danger imminent s’emparait de lui. Incapable de comprendre d’où venait son mal être, il lui fallut peu de temps pour comprendre qu’il n’était pas la cible du danger. Se relevant immédiatement, il lui fallut moins de deux secondes pour rejoindre la scène du crime et lorsque son regard tomba sur la situation dans laquelle se trouvait sa protégée, il ne perdit pas de temps pour agir.
Traversant la pièce en un clignement d’yeux, il arracha Arnald de son emprise sur sa femme et, dans le même geste, l’enfonça contre le mur, sa poigne se retenant de serrer plus que de mesure le cou de l’humain. La position, imitant volontairement celle que les deux mortels jouaient quelques instants auparavant, aurait pu paraître ridicule au premier abord. Après tout, ce n’était pas tous les jours qu’on voyait un adolescent plaquer un homme de la corpulence de Lord Gaunt contre un mur. Mur qui craqua sous la pression fermement maintenue par le vampire. Ce dernier qui n’avait pas pris la peine d’arranger son apparence se tenait donc devant le descendant de Serpentard dans la tenue qu’Alceste lui avait fournie la veille, mais ayant dormi dans cette dernière, celle-ci était quelque peu froissée. En rajoutant à cela ses épis mal coiffés, il présentait un air d’adolescent mal luné si on ne faisait pas attention à la lueur de violence difficilement contenue qui brillait au fond de son regard azur. Heureusement, pour sauver les apparences, il avait eu la décence de s’essuyer la bouche après s’être restauré et toute trace de son repas du soir avait disparu.
-Vous me cherchiez Milord ?
Son ton, volontairement doucereux, contrastait avec la fermeté de sa poigne.
-Nul besoin de malmener votre moitié pour arriver à vos buts. A moins que ce ne soit là votre seul moyen d’obtenir ce que vous désirez. Tout le monde n’est en effet pas doté des mêmes atouts et, à défaut d’esprit, vous semblez avoir des muscles.
Le sourire faussement innocent qu’il lui lança alors que l’humain tentait vainement de se débattre aurait terrorisé plus d’un adulte en pleine possession de ses capacités. Arnald Gaunt semblait cependant plus bête que la moyenne et s’apprêta à essayer de parler.
- Toi…
Kenneth s’empressa donc de resserrer son emprise sur les cordes vocales de l’humain, tout en reprenant son discours alors qu’Arnald prononçait des borborygmes sans queue ni tête.
-Allons très cher. Il me semble que vous désiriez des réponses et bien laissez-moi donc vous les fournir. Il est de la plus minime des politesses de ne pas interrompre ses hôtes.
A ce dernier mot, la rougeur qui s’était emparée des joues du mortel alors qu’il tentait tant bien que mal de retrouver son souffle ne fit qu’augmenter et Kenneth ne put retenir un clin d’œil provocateur.
-Quant à vos interrogations sur la compagnie de votre femme, je vous rassure nos rapports sont purement professionnels. Mais peut-être que si vous saviez satisfaire Lady Gaunt, vous n’auriez pas tant d’inquiétude sur ses fréquentations. Quoiqu’il en soit, permettez-moi de vous donner un conseil d’ami : levez une seule fois de plus la main sur votre femme et ce sera votre dernier geste, foi de vampire, termina-t-il d’une voix d’une froideur glaciale avant de relâcher sa prise sur l’humain qui s’écroula au sol telle une loque.
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Re: Trahir est un Art par Jeu 8 Nov - 22:15
Alceste prit appui sur le fauteuil. Malgré la position inconfortable à laquelle elle avait été contrainte, elle se redressa avec la grâce et l’impassibilité qu’on attendait d’une femme de son rang. Ce fut à peine si elle prit une inspiration plus grande que les autres tandis que ses yeux perçants bifurquaient vers la scène surréaliste qui se jouait à quelques pas d’elle. Son pied effleura le sol pour l’épouser complètement alors qu’elle reprenait ses aises, prenant le temps de réajuster sa tenue et sa coiffure tandis que Donaghue maîtrisait sans l’once d’une difficulté le buffle qui lui servait d’époux. Pour autant, la Mère des Serpents surveillait, attentive mais détachée. Elle semblait ne pas concernée par la scène. Intérieurement, pourtant, son cœur battait puissamment. Peut-être cela était-ce le fait de la suffocation qu’elle avait subi quelques secondes.
La promesse de Kenneth caressa son ouïe et lui tira un sourire en coin. Tandis qu’Arnald s’effondrait lourdement sur le sol, l’épouse, elle, se leva. Un calme surprenant l’auréolait alors qu’elle avançait dans le dos de Kenneth, jusqu’à parvenir un pas derrière lui. Alors, avec une délicatesse peu coutumière, la sorcière posa la main sur l’épaule du vampire et chercha son regard et son attention avant même d’en accorder à celui envers qui elle avait des devoirs. Un geste de reconnaissance, mais aussi une manière d’appeler l’immortel au calme et à la retenue. Car, si pour l’instant, Arnald se contentait de se redresser sur un genou et se frotter la gorge en toussant, il n’y avait aucun doute qu’il n’allait pas en rester là.
Trop occupé à reprendre air et esprits, Arnald n’avait pas remarqué le geste de sa femme, mais elle ne fut pas pour autant épargnée par un regard où irradiait la fureur. Jalousie ou rancœur, l’émotion qui déformait les traits du patriarche Gaunt le rendait encore plus laid et terrifiant qu’il ne l’était déjà. Lorsqu’elle n’était qu’une jeune femme, cette expression suffisait à la crisper d’angoisse, mais aujourd’hui, Alceste y était passablement indifférente. Les bras croisés, l’un soutenant l’autre, elle gardait en évidence son arme sans pour autant en menacer le sorcier. Arnald avait beau être irréfléchi et violent, il savait que la force brute de ses sortilèges ne faisaient le poids contre sa femme que s’il la mettait hors d’état de nuire rapidement. Malheureusement pour lui, et contrairement aux apparences qu’elle donnait, la sorcière était bien trop rapide et agile.
Alceste avait clairement l’avantage dans le rapport de force en train de se jouer, et cela n’était franchement pas du goût d’Arnald, lequel se redressait tant bien que mal en s’appuyant sur un genou. Un grognement à la fois douloureux et furieux sortit de sa gorge, puis enfin, il surplomba la sorcière et son acolyte de toute son imposante stature.
« Pour ta gouverne, Sire Donaghue est lié à moi par une dette de sang. En conséquence, nul ne saurait attenter à ma vie sans que celui-ci ne s’interpose instantanément. Que cela te plaise ou non, et quel que soit ton avis sur nos alliances actuelles, c’est un fait auquel ni toi ni moi ne pouvons quoi que ce soit. Pour ma part, je m’en accommode très bien, plus encore après ce que tu viens de m’apprendre. »
Sa voix était toujours calme, mais d’une fermeté extraordinaire. L’humiliation rendait l’air électrique et le soufflet devait être particulièrement cuisant pour Arnald. En témoignait la manière dont il serra les poings, jusqu’à s’en faire blanchir les jointures.
« Nos alliances que tu souhaites si allègrement piétiner sont plus essentielles que jamais, Arnald. Le travail que nous avons fait auprès des Harpies, et les perspectives communes que nous partageons avec des vampires et des créatures de la trempe de Kenneth Donaghue sont bien plus que des décisions désordonnées et irréfléchies. Crois-tu qu’un homme de la trempe de Lowell Nott, dont le passif avec les harpies est particulièrement lourd, s’accorderait à accepter une armistice par simple soumission envers moi ? Puisque tu saisis si mal ce qui est en train de se jouer en ce moment, laisse-moi t’éclairer. »
La rage d’Arnald eut l’air sur le point d’éclater. Il avança d’un pas alors même qu’Alceste prenait ses distances avec un flegme qui renforçait sa condescendance. Il eut à peine le temps de commencer à hurler que ce fut au tour d’Alceste de lui faire face et de s’écrier :
« SILENCE ! »
La voix de la Mère des Serpents résonna avec une force surprenante dans la pièce. Assez pour couper net Arnald dans son élan. Elle paraissait sincèrement furieuse, et sa baguette, bien que pointée vers le sol, se mit à crépiter nerveusement.
« Toute ma jeunesse, tu as eu l’ignominie de me soupçonner de traîtrise à cause du nom de ma mère. Aujourd’hui, et malgré tout ce que j’ai accompli, vous m’accusez de mollesse. Je crois que tes plus proches conseillers ainsi que ton fils ont oublié qui je suis et à quel point il est inconsidéré d’ébranler ma patience. Si nous voulons sauver le monde magique de la menace de la Couronne d’Angleterre et de l’Église, nous devons nous unir. La magie ne concerne pas seulement les sorciers, mais toutes les créatures, tous les êtres que ces oppresseurs qualifient d’hérétiques ou de contre-nature. Nous devons nous unir non seulement pour nous protéger, mais pour vaincre. Nous devons nous unir avec toutes les ethnies magiques possibles avant que nos opposants ne le fassent et ne gagnent du terrain. Ceux qui uniront le plus grand nombre seront les gagnants, et je refuse de vivre dans un monde complaisant avec ceux qui nous tyrannisent avec acharnement depuis des siècles ! Je ne laisserai pas l’Angleterre aux mains de félons comme Prewett, de profiteurs comme Bower ou de complaisants comme Peverell et je continuerai à me battre à ma manière, quelle que soit la façon dont toi et ton héritier jugerez mes décisions. Maintenant, si tu ne veux pas m’en dire davantage sur ce que tu sais de la réunion de la Confédération Internationale, je t’invite cordialement à me laisser en paix. Je ne suis pas d’humeur à supporter ta bile. »
Un silence pesant s’installa. La poitrine du Sir Gaunt se soulevait et s’affaissait nerveusement et son regard, d’abord braqué dans celui de sa compagne, se mit à osciller entre elle et sa baguette qui semblait littéralement irradier. Finalement, il amorça un pas vers elle, puis deux, et son pas lourd continua de retentir jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’à quelques centimètres d’Alceste. Il la couvrait, ainsi, totalement de son ombre et elle sentait la chaleur de sa respiration effleurer son visage, relevé vers lui.
« Je me ris déjà en m’imaginant ce que tu répondras à Longbottom à propos de ce lien de sang, lorsqu’il te trouvera pour t’interroger sur tes accointances avec lui. La Confédération a reçu le témoignage d’Elya Black, assisté de ce sale sang-de-bourbe de Bower. Tu as voulu aider ta chère amie d’enfance, mais au final, c’est ton nom qui est ressorti, non le sien. Comment vas-tu anticiper ce qui s’ensuivra ? »
Un sourire mesquin ourla ses lèvres, et il détourna son attention sur Kenneth, pourvu d’une expression chargée de haine et de jubilation. Il le voyait certainement déjà attaché à un bûcher, et cela semblait le réjouir.
« Je ne bougerai pas le petit doigt pour te sortir d’Azkaban, mais je me déplacerai pour assister à la mise à mort de celui-là. »
Le bras d’Arnald effleura l’épaule d’Alceste lorsqu’il la dépassa pour quitter la pièce, aussi majestueusement que son ego froissé le lui permettait. La porte claqua violemment, mais Alceste resta figée, indifférente. C’était un problème de taille, effectivement. Seulement si elle se laissait surprendre en compagnie du vampire, cependant. C’étaient les seules preuves que pouvait espérer la Justice.
« Il n’y a qu’un idiot pour prendre comme menace le récit d’une petite idiote. »
La sorcière fit rouler sa nuque, puis s’avança pour poser sa baguette sur le chien de la cheminée. Seulement alors, elle se retourna pour faire face à Kenneth. Un demi-sourire éclaira son visage.
« Pensez-vous avoir l’étoffe d’un meneur, Sire Donaghue ? » questionna-t-elle alors, tout en glissant délicatement un pouce sur sa lèvre, pour y essuyer le sang qui s’était échappé de celle-ci, après la gifle tonitruante d’Arnald. « Je pense chaque mot que j’ai prononcé, et je crois aussi que la meilleure façon de se protéger des menaces est d’accéder soi-même au pouvoir. Un fait que votre antagoniste irlandais a lui-même compris. »
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Re: Trahir est un Art par Jeu 29 Nov - 19:27
Il ne manqua par conséquent pas la façon dont le sorcier grinçait des dents tandis qu’Alceste évoquait le besoin de renouer les alliances entre espèces magiques et il se rapprocha instinctivement de sa protégée, prêt à réagir au quart de tour si Arnald se décidait à faire fi de sa menace de tantôt. Il n’eut cependant pas l’occasion de remettre une fois de plus l’homme à sa place car sa femme s’en chargea d’un cri à la puissance pour le moins impressionnante. Il ne fut d’ailleurs pas le seul surpris par cette attitude si peu habituelle chez la Maîtresse des Potions s’il fallait en croire l’air abasourdi du patriarche Gaunt. Moins que la demande c’était le ton sur lequel elle avait été prononcée qui avait coupé le sifflet d’Arnald, Kenneth en aurait mis sa main au feu.
La suite des propos de l’humaine n’en fut pas moins déroutante. Elle semblait soudain régler des décennies de rancœur envers celui dont elle portait le nom et le vampire ne l’avait jamais trouvée aussi attirante qu’en cet instant où elle se délestait de la dernière de ses chaînes. Arnald cependant ne paraissait pas du même avis et, après quelques secondes d’un silence pesant pour les époux mais nullement pour leur spectateur inopiné, il se rapprocha jusqu’à menacer Alceste de toute sa hauteur. Sur ses gardes, Kenneth n’esquissa cependant pas le moindre geste, certain désormais que le mortel n’oserait de nouveau lever la main sur sa protégée. Quant à celle-ci, il la savait capable de faire face à n’importe quelle remarque d’Arnald. Sa tirade précédente avait en effet une fois de plus prouvé pourquoi il l’avait – consciemment ? – choisie comme endettée.
Il tourna néanmoins un regard intéressé vers la scène se déroulant devant lui à l’écoute d’un nom qu’il ne pensait pas réentendre de sitôt. Ainsi après Bower père, c’était au fils de chercher de nouveau à s’en prendre à lui. Il n’aurait pas dû y trouver à redire. S’il y avait bien une chose que les deux Irlandais partageaient c’était leur entêtement lorsqu’ils avaient choisi d’arriver à leurs fins. Et, en l’occurrence, ils voulaient tous deux sa mort. Le père avait échoué en envoyant Ewald sur ses traces, c’était désormais au fils de tenter sa chance. Il n’était pas sûr de comprendre en quoi l’implication dudit Longbottom était une si mauvaise nouvelle mais l’air satisfait de Gaunt en l’annonçant lui fit vite comprendre qu’il ne devait pas sous-estimer la menace à venir. Restait encore à déterminer la nature de cette dernière.
Heureusement, lorsqu’Arnald quitta enfin les lieux, Alceste ne se démonta pas et lui fit une proposition qu’il eut été bien stupide de refuser. Lui, un meneur ? Il ne s’était jamais vu ainsi. Considérant les autres comme des maux nécessaires qu’il ne pouvait parfois faire autrement qu’utiliser, l’idée d’être à la tête d’un quelconque groupe ne lui avait jamais ne serait-ce qu’effleuré l’esprit. C’était d’ailleurs ce qui le rendait si utile à Lester : il ne visait pas son poste, contrairement à d’autres membres de leur si fragile alliance. Non, il se contentait aisément de la liberté que lui offrait sa place chez les Rebelles à la cause vampire. Mais désormais qu’il se trouvait de nouveau seul dans son opposition à Ewald, diriger une armée ne semblait plus si farfelu. Car la chair à canon était un avantage non négligeable pour qui s’apprêter à commencer une guerre. Or, c’était bien là ce qui se préparait, quiconque possédant deux doigts de cervelle l’avait compris depuis longtemps. Par ailleurs, bénéficier d’alliés puissants aux intérêts similaires aux siens était un atout qu’il ne comptait pas délaisser bêtement.
Alceste avait en effet raison. S’il voulait un jour être réellement libre, sans devoir rendre de compte à quiconque, la seule façon d’y arriver était de se débarrasser de tous les obstacles sur sa route. Seul, ce n’avait jamais été une option. Aux côtés de Lester et ses semblables, cela relevait encore du suicide pur et simple. Mais en s’alliant à des êtres de la trempe de la matriarche Gaunt, cela ne semblait plus si impossible. Bien sûr, il n’était pas suffisamment naïf pour croire que le chemin à parcourir ne serait pas semé de mille et une embûches mais il se sentit soudain pousser une envie de voir où cela le mènerait. Lui qui n’avait jamais agi que par instinct de survie et intérêt personnel, il se sentait soudain posséder par une envie de grandeur et des rêves de puissance comme il n’en avait plus connu depuis Liliana et ses discours enivrants. Sentant la flamme de l’ambition grandir en lui, il tourna donc un regard brillant d’excitation vers sa compagne :
-Comptez sur moi Milady. Je ne possède peut-être pas vos dons d’oratrice mais je suis certain que je saurai me rendre utile dans la lutte qui nous attend. Sans compter que si vous pensez vraiment convaincre les êtres magiques de se joindre à vous, avoir l’un d’eux présent à vos côtés comme votre égal vous sera fort utile.
Il était en effet certain qu’aucun centaure ou loup-garou n’accepterait de se rallier à une cause dirigée par une sorcière. Leur espèce était bien trop connue pour sa suffisance au moment de traiter avec les autres ethnies magiques. Le simple concept de Régulateur en irritait plus d’un. Heureusement pour Alceste, la diplomatie n’était certes pas la plus connue des qualités de Kenneth mais il savait se montrer persuasif lorsque le besoin s’en faisait sentir, et ce sans nécessairement user de ses pouvoirs vampiriques.
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Re: Trahir est un Art par Mar 11 Déc - 17:06
« Les sorciers de haute extraction éprouvent un attrait déraisonné pour les grands discours. C’est une chose que j’ai appris très vite et que j’ai tourné à mon avantage, quand bien même je préfère de mille fois les actes aux vaines paroles. Nombreux sont les êtres magiques qui ont davantage de sens pratique que les sorciers . »
C’était certainement cette simplicité apparente qui encourageait la communauté sorcière à se montrer si méprisante vis-à-vis de ceux qu’elle considérait au choix comme des hybrides ou des animaux. Il ne se pouvait nier pour autant l’habileté des créatures telles que les gobelins dans l’usage des mots. S’ils parlaient peu, en particulier aux sorciers, ils avaient l’art de jouer sur les mots afin de retourner chaque situation en leur faveur.
Ce respect qu’éprouvait Alceste pour les êtres magiques lui provenait de sa grand-mère maternelle, laquelle avait à de nombreuses reprises négocié et collaboré avec des espèces magiques très différentes les unes des autres. Très différentes des sorciers, en premier lieu. Bien qu’elle ne l’ai jamais connue, son aïeul avait su si bien transmettre son savoir qu’il était parvenu jusqu’à Alceste. C’était la raison de la conscience aiguë de cette dernière pour l’utilité de tenir compte, dans cette guerre, du sort des créatures magiques pensantes. Arnald était bien trop borné pour pouvoir l’écouter, et elle savait qu’il n’était pas le seul dans cet état d’esprit…
« Il y a une chose importante à laquelle il va falloir vous préparer, néanmoins. » enchaîna-t-elle, suivant le flux de ses pensées. « Je n’ai pas la moindre inquiétude sur le fait que je saurai m’imposer, mais cela ne convaincra pas pour autant tous les esprits du bien fondé de mes choix, pour aussi évidents soient-ils. »
Alceste marqua une très courte pause, destinée uniquement à mettre de l’ordre dans les informations qu’elle souhaitait transmettre à Donaghue. Lorsqu’elle rouvrit la bouche, elle braqua son regard dans celui de son interlocuteur, lui attribuant, tout en parlant, une attention toute particulière.
« Je souhaite rassembler ceux que je me sais fidèles, ici même, pour leur exposer mes intentions. Vous serez à mes côtés, et cela ne plaira pas à beaucoup de monde, à commencer par Lady Cathleen Black. »
Avant que Kenneth n’ait le temps de commenter tout le mépris qu’il avait pour l’avis de ces gens, la sorcière leva la main à son attention, coupant court toute tentative d’interruption avant même que le vampire n’en émette la pensée. Elle s’approcha alors, et le plat de sa main vint se poser sur le muscle excessivement raide de son bras, tandis qu’elle relevait les yeux sur le vampire, pour ne pas perdre les fluctuations dans ses pupilles. Le reflet de ses pensées et de ses humeurs, qu’il ne savait cacher complètement, malgré sa longue existence. Un détail qu’elle avait inconsciemment noté pendant leur échange de la veille, et qui lui paraissait à présent évident.
« Lady Black est une femme d’une grande influence, mais c’est avant tout une amie chère à mon coeur. Nous perdrions beaucoup à la voir nous tourner le dos, aussi je vous demanderai d’être particulièrement attentif à vos réactions, dans l’éventualité très prévisible où elle vous manquerait de respect. Je ne vous demande pas de faire acte de contrition, mais ne vous avisez surtout pas de la mépriser ou l’agresser en retour. Vous ne feriez que la conforter dans ses préjugés. Si vous parvenez à convaincre Lady Black que vous valez largement plus que la créature sanguinaire qu’elle s’imagine, vous aurez remporté instantanément le respect de tous ceux qui seront encore réfractaires à l’idée de vous accepter au sein du clan. J’ai conscience que ce point de détail froisse votre égo, mais c’est le tribut nécessaire pour avoir le privilège de me suivre, mon cher Donaghue. »
Son air, altier et très sérieux, ne la quitta pas pendant une poignée de lourdes secondes, jusqu’à ce que, finalement, son expression change subtilement, affichant ce qui ressemblait à de l’amusement. Il se devinait, dans ses yeux, le sourire que ses lèvres refusaient d’offrir.
« Si les conditions vous semblent équitables, offrez-moi votre bras et allons marcher. Si vous souhaitez avoir une longueur d’avance sur vos adversaires, il vous faut connaître leur tempérament et leurs faiblesses. Une promenade sous la lune descendante se prête particulièrement bien à ce type de conversation. »
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Re: Trahir est un Art par Dim 6 Jan - 17:49
Il ne put cependant pas vocaliser son mécontentement car elle reprit la parole, tentant de le rassurer. Et autant dire que ce fut un bel échec. Il ne lui était pas demandé de faire acte de contrition mais il ne devrait ni répliquer, ni mépriser. En quoi était-ce différent d’un acte de contrition dans ce cas ? S’il ne pouvait ni attaquer ni ignorer, que donc devait-il donc faire ? Se contenter d’encaisser les insultes sans rien faire ? Ce n’était pas exactement son style. Et tout le respect qu’il avait pour sa protégée ne changerait rien à son caractère intrinsèque. Si Cathleen faisait l’erreur d’aller trop loin, il ne répondrait plus de rien. Ce qu’il se sentit obligé de faire savoir.
-Vous m’en demandez énormément Milady. Et si je veux bien faire un effort pour notre but commun et en respect de votre amitié avec Lady Black, j’espère que vous me ferez en moins l’honneur de lui demander la même retenue. Il serait en effet bien injuste d’exiger d’une « créature sanguinaire » qu’elle contrôle ses ardeurs tandis qu’une « respectable sorcière » pourra s’en donner à cœur joie, déclara-t-il non sans une bonne once de sarcasme. C’est que, si je sais que les contradictions humaines sont sans fin, je ne peux décemment pas vous promettre une attitude irréprochable si votre amie n’y met pas un peu du sien.
Et, en cela, mieux valait prévenir que guérir. Comme il venait de le déclarer, il était prêt à prendre sur lui pour le bien de leurs objectifs futurs mais il ne se ferait pas insulter indéfiniment sans conséquence. Bien évidemment, il ne serait pas assez stupide pour tenter d’attaquer Cathleen dans une pièce remplie de sorciers surentraînés, mais qu’elle ne s’attende pas à ce qu’il ait sa langue dans sa poche. Après tout, si la matriarche Black pouvait user de ses mots comme des armes, pourquoi lui serait-il interdit de faire de même ? Ce n’était que justice !
-Une fois cela dit, je ne suis plus un nouveau-né régi par ses émotions pour autant que j’aime à le laisser croire, je vous promets donc de me tenir aussi correctement que vos alliés ne me le permettront. Il ne s’agirait nullement de les dissuader d’une alliance qui nous sera à tous profitable.
Une fois cela dit, il prit le bras de la mortelle et se dirigea vers la véranda, tout en commençant à l’interroger sur leurs adversaire à venir, preuve s’il en fallait qu’il prenait la situation au sérieux.
-Sur ce, votre mari a parlé d’un certain Longbottom. Qui est-ce et en quoi est-il dangereux ?
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