Lever le voile. par Sam 26 Aoû - 0:06
Et ça, Cecilia le ressentait tout particulièrement dorénavant, bien qu'elle fut certaine de ne pas être la seule dans cette situation au Domaine. Depuis un peu plus d'un mois, quelque chose semblait manquer au domaine. Une petite mais non-négligeable partie de sa vie et de son animation s'était envolée... en même temps que l'apprenti d'Henry. Bien entendu, cela demeurait bien mieux que l'atmosphère quasi-étouffante d'endeuillement qui en avait tout d'abord découlé, mais certainement bien plus terne que cette époque bénie où lui avait été envoyé cette fameuse lettre et les réponses qui s'en était suivies. Les tragédies n'ont aucun égard pour le répit, néanmoins, et à nouveau, il était reparti avec à son bagage le fardeau de la perte d'un être cher et, apparemment, le désir de couper les ponts. Nul n'est besoin de dire que Cecilia s'en était sentie terriblement mal, ayant presque la sensation d'être une exilée sans la présence de l'apprenti dans sa vie. Encore aujourd'hui, la jeune botaniste ressentait de l'amertume à ce dénouement, n'ayant jamais eu même la chance de tenter de le raisonner et portant son départ comme un abandon et à certains égards, un affront. D'ailleurs elle n'était pas la seule à avoir ce sentiment. Malgré son apparent détachement de toute la situation, Henry accusait très clairement le coup, à sa manière. Il avait réarrangé tout le laboratoire, fait mettre au grenier toutes les choses qui officieusement appartenaient à son ancien élève et semblait même tiquer à la mention de son nom. Et que dire de son humeur, qui, derrière ses airs de simple sérieux, avait cette teinte de déception et d'insatisfaction, le rendant ainsi plus à fleur de peau. Même Réginald semblait parfois attristé, tout particulièrement lorsqu'il observait sa chère petite-nièce regarder vers un couloir d'où le jeune homme avait l'habitude de sortir, ou bien à cette place à table qu'on lui offrait bien souvent. Bien sûr, en général, la famille Peverell continuait de mener sa vie, et le monde ne pouvait tout simplement pas s'arrêter de tourner, mais à n'importe quel moment, l'absence de l'héritier Bower pouvait refaire surface, avec les questions et l'incompréhension qui en résultait.
Néanmoins, aujourd'hui semblait jusqu'à maintenant avoir été dénué de ces questions et de cette frustration. Pour une fois, Reginald n'était pas sur les routes. Non, à la place, il était occupé à assainir Henry de son idée d'une soirée, pour tenter de raviver un peu la joie de vivre et aussi, selon ses propres mots : «Parce que personne ne fait de soirées comme Reginald Peverell dans tout le monde sorcier et ça manque, nom d'une citrouille!». Ce à quoi Henry avait répondu avec une habileté extraordinaire : «Hé bien faites-la dans un champ votre célébration, mais pas dans ma maison!», ou l'ignorait tout bonnement en tentant de changer de pièce et ce, même si Reginald le suivait toujours, continuant son argumentation inlassablement. Réellement, tous deux se comportait en modèles de maturité et d'élégance en puissance. Comme spectatrice de cet élan vaudevillesque avant son heure, Cecilia se tenait sagement assise dans le petit salon, se berçant de leurs échos et de la grisaille apaisante de Grodric's Hollow en Avril, plongée dans son carnet de croquis et étalant le fusain en court traits sur le papier. Entendre autant de vie et d'animation pour une fois faisait chaud au coeur, spécialement le ton si intarissablement enjoué et vivifiant de Reginald, qui venait finalement couper l'herbe sous le pied à ce calme ahurissant. C'était à un point tel qu'un petit sourire naquît sur les lèvres de la brunette, qui repoussa brièvement une mèche de ses cheveux bruns auburn laissés lestes pour la passer derrière son oreille, appliquant malgré elle un peu de fusain sur sa joue. Avant même d'avoir pu remarquer ou sentir ce petit accident, Ceci' entendit soudain le ton changer et quelques chaudrons ou couverts tomber en un fracas, s'en suivant plus de paroles inintelligibles à la distance où ils se trouvaient désormais. Poussée par la curiosité, Cecilia se leva, attrapant les pans de sa robe d'un bleu profond et d'un pas rapide, se dirigea vers la source du bruit : La cuisine.
"Grand-Oncle, père, je jure que si vous vous lancez des accessoires de cuisine, je-... Cecilia ne termina jamais cette phrase, l'oubliant complètement à la vue de ce qui se tramait réellement dans la pièce.
- Brady?!"
Là, juste à côté d'une Topius tremblotante et choquée, se tenait la petite elfe qui avait parfois accompagné Aïlin, pétrifiée outre son regard qui passa de Reginald à Cecilia. Et pétrifié elle l'était, et ce n'était non pas figuratif comme elle le pensait tout d'abord, mais littéral, réalisa soudainement l'Héritière en observant son grand-oncle, qui avait sa baguette pointée en direction de Brady.
"Reginald, qu'est-ce qui vous prend!" S'exclama Ceci', désormais tout aussi prise de court que Topius devant la scène qui se déroulait.
"Je ne sais à vrai dire pas vraiment. Un réflexe, je crois, lança le mage. J'étais simplement venu me chercher un bout de pain après avoir fait céder votre père et dans ma surprise, le sort est partit tout seul!"
L'homme frotta brièvement sa barbe, avant d'annuler le sort qui avait ainsi pétrifié Brady. Aussitôt, l'elfe sembla vouloir prendre la poudre d'escampette, mais visiblement, n'arriva point à oser avant que Cecilia ne s'avance et s’accroupisse devant elle, tout comme elle le faisait avec Topius lorsqu'elle avait à lui parler de choses sérieuses. D'un signe du doigt, elle appela aussi cette dernière vers elles, les regardant l'une après l'autre avant de dire d'un ton calme :
"Brady, que fais-tu ici?"
"Oh, miss Cecilia, Brady est tellement désolée! Elle ne voulait pas effrayer monsieur Peverell! Brady s'excuse profondément!"
"Oh tout va bien mon petit, je suis vieux mais mon coeur est encore solide!" Ria le principal concerné.
"Brady est si désolé, elle ne devrait pas être ici! Pardon!"
La pauvre petite chose commençait à se confondre en apologies, ce qui fit rire doucement Cecilia, qui posa une main rassurante sur le sommet de son crâne.
"Non non, ça va. Tu voulais venir voir Topius je me doute, personne ici ne t'en voudra pas pour cela, lui assura la brune, avant d'ajouter : Mais ne devrais-tu pas être au manoir? Je doute que Lord Bower voit de bonne augure qu'une elfe aussi fidèle que toi se soit absentée."
Ses yeux fixaient directement vers ceux de Brady, bien que ceux de cette dernière se baissèrent.
"Le Lord a donné un vêtement à Brady, voyant l'inquiétude Cecilia naître sur ses traits, l'elfe s'empressant d'ajouter : O-Oh mais tout va bien! Brady va bien, elle est au service de-..." Elle coupa son discours net, ses yeux s'ouvrant comme des soucoupes alors qu'elle réalisa la bourde qu'elle s'apprêtait à commettre.
Malheureusement pour elle, Cecilia avait plus de suite dans les idées qu'on ne le laissait entendre par-delà l'enceinte du domaine Peverell et n'était pas difficile de deviner au service de qui Brady s'en serait allée pour être aussi heureuse et se sentir assez libre pour oser s'aventurer à visiter l'Elfe d'une autre maisonnée. Aïlin. Elle était au service d'Aïlin. Et donc, elle mieux que quiconque saurait où il était. Cela avait été le plus douloureux dans la soudaine séparation que l'héritier Bower avait imposée à la jeune femme : il avait refusé de divulguer l'endroit où il se trouvait, rendant ainsi absolument impossible la moindre communication. Cela avait été déchirant, assez pour que cette fameuse lettre qu'il avait daigné lui envoyé lors de sa convalescence s'était fait cacher pour ne plus avoir à poser les yeux dessus et qu'une pile de parchemins chiffonnés, des lettres sans adresse et vainement écrite discourant de sa peine, de son désir de le voir revenir, de la rancune qui s'en était éventuellement créé trônait sur le bureau de sa chambre et de la serre.
Après tout cela, pourtant, alors que Brady était directement devant elle, le premier réflexe de la brune était trop irrésistible pour qu'elle ne le repousse. Il fallait qu'elle sache, qu'elle le voit à nouveau et qu'elle lui parle. Face à face. Poser ses questions et en entendre finalement les réponses, non pas l'écho de sa propre conscience qui arrivait si souvent à la conclusion qu'aucun d'eux ne devait avoir compté tant que ça.
"Brady, où est Aïlin?" Demanda la brune, ferme, mais toujours avec ce ton un peu maternel.
"B-Brady ne s-sait pas de quoi vous-..!" L'elfe commença, mais fut interrompue par la jeune femme, qui n'accepterait guère non pour réponse.
"Brady, ne joue pas l'ignorance. Je dois savoir où il est. Ni moi, ni messieurs Peverell ne peuvent l'aider si nous ne savons pas où il est.
La petite chose refusait désormais de la regarder, observant le plancher et se triturant les mains inconfortablement. Elle était près de craquer, Ceci' était donc sur la bonne voie.
- Il ne va pas bien, c'est ça?" Lui demanda-t-elle finalement, bougeant sa main en une caresse sur la tête de Brady.
"Non... Maître Bower ne va pas bien, Miss Cecilia, confessa finalement la créature, la mine déconfite. P-Pourriez-vous réellement l'aider?"
"Je ne sais pas. Penses-tu que ça vaille la peine que j'essaie?" Répondit Cecilia, le ton bas et sans équivoque.
Cecilia s'était précipitée hors de la demeure, sur un pas qui était non-loin de la course et avec Brady à sa suite, l'air déjà empli de culpabilité. La brunette, malgré la fraîcheur que le mois avait, n'avait même pas pris la peine d'enfiler une cape quelconque et derrière elle, à quelque centaine de mètres désormais, Reginald refermait la porte du manoir, regardant brièvement sa baguette avec un petit sourire entendu. Les minutes qui suivirent furent insoutenable pour elle, son coeur battant à un rythme où même un tambour de guerre se verrait perdre le fil. L'appréhension s'installa finalement après l'impulsion, se demandant que diable ferait-elle, mais plus encore, la détermination. Ce bougre était à Godric's Hollow, à peine à quelque rues! L'insolence de la chose n'avait d'égal que l'animosité qui se formait en l'esprit de la jeune femme. Brady, derrière protestait, tentant de négocier peut-être un arrangement pour convaincre monsieur Bower, plutôt que d'aller le voir directement, mais, comme Cecilia avait dit : "Si monsieur Bower voulait qu'on le traite avec égard, il n'avait qu'à en faire autant!". Qui plus est, il était chez cet abruti de Joem Monaghue. Il refusait de lui parler et il se prélassait chez Monaghue?! Ça frôlait l'insulte, à ce point - bien que si nous sommes francs, elle détestait Monaghue simplement parce qu'il aimait à tirer sur sa natte durant leur enfance.
Cecilia bifurqua sans halte une fois ayant atteint le petit chemin vers l'entrée du refuge d'Aïlin, s'y engageant tout en redressant bien droit le dos et en gardant cette démarche assurée, à la limite du pressé. Le heurtoir, avec sa tête de dragon finement sculpté eu tôt fait d'être utilisé, engendrant ainsi le bruit de pas rapide, qui éventuellement se stoppèrent juste de l'autre côté. Dans un grincement distinct, la porte finalement s'ouvrit, laissant à la jeune femme la vue de Joem en personne et son air si stupidement étonné de la voir, et à lui la vue de sa vieille amie d'enfance ayant des airs de calme avant la tempête et de l'elfe de son ami le regardant piteusement de derrière les jupons de la susmentionnée.
"Joem, j'aimerais voir ton invité, s'il-te-plait." Déclara Cecilia, solennelle.
"Un invité? On a du mal t'informer! Il n'y a aucun invité ici!" S'exclama-t-il en lançant un bref regard perçant de reproches à Brady, qui se recroquevilla un peu.
"Bon, suffit avec les balivernes, Joem. Pousses-toi et dis-moi où il se trouve, ou je te pousserai moi-même, comme cette fois dans la fosse à purin." Malgré la nature menaçante, Cecilia sourit comme si de rien n'était, ce qui en soit était plus effrayant que n'importe lequel de ses airs pseudo-intimidants.
Aussitôt, le cadet Monaghue fit un pas de côté, grommelant à propos de la troisième porte à droite dans le couloir de gauche et lui ouvrant volontiers la porte et laissant place à Cecilia et l'elfe, regardant cette dernière, lui laissant silencieusement savoir que tout ça, spécialement son ego heurté, c'était bel et bien de sa faute. Aussitôt, la jeune femme se remit en chemin, suivant ses directions pour se retrouver directement devant la porte fatidique. Si on ne l'avait pas fait marcher pour une blague quelconque, derrière se trouvait Aïlin Bower et, pour ne pas mentir, Cecilia devait avouer que son coeur venait de rater un battement à cette pensée. Elle s'en sentit presque nauséeuse à force de nervosité. Mais si elle avait pu survivre à une attaque de moldus fanatiques et une de mages noirs, elle pouvait bien survivre à Aïlin... du moins c'était son espoir. Finalement, après un moment d'immobilité complète, où Brady et Joem avaient même eu l'occasion de rejoindre l'entrée du couloir, regardant de loin, Cecilia se décida et de sa main, un peu palotte et fine, toqua à la porte. Une seconde passa. Puis deux. Puis trois. Chacune comme la goutte d'eau qui tombe dans un vase déjà plein, au bord de le faire déborder pour de bon. Finalement, avant que la quatrième n'arrive - heureusement - la porte s'ouvrit lentement, Aïlin ayant un air... affreux. Enfin à priori, pas affreux, mais pour l'homme que Cecilia connaissait, cette silhouette devant elle en était l'ombre, les traits plus affaissés, l'air presque trop sérieux et cette légère odeur d'alcool et d'idées noires. Pourtant il restait beau, presque trop, même. Ce choc presque enfantin sur sa figure, ces yeux orageux qui semblaient questionner la véracité de la présence de Cecilia au pas de sa porte, quelle erreur que d'avoir oublié le magnétisme de l'héritier Bower. Quelle erreur monumentale.
"Bonjour, Aïlin. Déclara-t-elle, la voix encore pleine de cette solennité, mais involontairement adoucie. Je crois bien que vous ayez quelques petites choses à m'expliquer." Annonça la jeune femme, elle-même surprise de lui laisser cette chance alors qu'au départ elle voulait lui faire directement part de ses remontrances.
Les secondes passaient et déjà, elle se préparait à la froideur qui en suivrait si la petite voix de ces derniers mois qui lui assurait qu'il n'en avait jamais eu à faire des Peverell disait vrai, ou même d'avoir à retenir la porte ouverte. Elle ne savait pas comment, mais elle ne sortirait d'ici qu'après lui avoir parlé. Elle n'était sortie comme ça, sans même rattacher ses cheveux ou s'apprêter de quelconque manière pour rien. Oui, elle l'avait fait sous l'impulsion, mais plus encore, car rien d'autre en ce bas monde à ce moment précis ne sembla plus important à ces yeux qu'Aïlin Bower, pas même de remarquer que furtivement, Brady était venue pointer le bout de son nez dans l'encadrement de la porte, son air désespéré et appréhensive de la réaction de son maître.
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Re: Lever le voile. par Sam 26 Aoû - 17:09
Le pourpre de son verre de vin tournait au carmin tandis qu’il observait à travers sa surface pourtant opaque le dessin mouvant de souvenirs dont il avait hérité au travers le récit légendaire d’Hannraoi le Rouge. Cet instant dont Aïlin se remémorait, le nez au ciel, à l’orée de Godric’s Hollow, avait dorénavant des allures prophétiques. Un simple trait d’esprit qu’Aïlin avait adressé à Lenore Greengrass avait fait renaître, ce soir-là, le souvenir d’un ancêtre à la destinée glorieuse et tragique, drapée aussi bien dans le sang des siens que de ses ennemis.
« Je ne périrai pas tant que mes ennemis seront debout, dussé-je vivre mille ans ! » Hannraoi le mal aimé, Hannraoi l’honni avait repoussé la mort, encore et encore, jusqu’à ce que son dernier ennemi tombe. Alors, la romance voulait qu’il ait trouvé la paix, les blessures infligées par ses adversaires, par lesquelles il aurait dû mourir sur le moment, s’ouvrant toutes ensembles de nouveau pour l’emporter au Royaume des Morts. L’Histoire voulait cependant qu’il ait eut le temps, avant sa fin, de voir naître trois fils et deux filles qui, soutenus par l’aura terrifiante de leur père, avaient achevé de rétablir la grandeur des Bowers.
Pour dominer, il fallait terrifier. Pour vaincre, il ne fallait jamais plier. N’était-ce pas la seule solution ? Qui oserait s'en prendre aux plus grands de ce monde ? Qui oserait attaquer en leur sein les Gaunt comme les Peverell, dont il devinait, la gorge serrée, les toits du domaine sous la pâle lueur de la lune et de ses suivantes ?
On ne s’en prenait pas directement à son père, quand bien même leurs adversaires auraient voulu le châtier d’avoir préféré une née moldue à un parti sorcier, mais à lui, Aïlin. Kenneth Donaghue avait choisi de le tuer non pas parce qu’il représentait un quelconque danger, mais parce qu’il n’avait pas le pouvoir d’atteindre le lord. Paraissait-il à ce point faible ? D’un coup de talon féroce, l’alchimiste fit avancer sa monture. Celle-ci traversa Godric’s Hollow dans un galop retentissant.
La main gantée de noir de l’héritier Bower frappa trois coups avec le butoir à tête de dragon de la porte cloutée de la Maison Monaghue. La porte s’ouvrit presque aussitôt sur un elfe étonnamment grand pour son espèce, dont les petits yeux perçants et clairs révélaient une vive intelligence. Il était proprement vêtu, plutôt souriant, et s’inclina d’ailleurs de bon cœur devant le visiteur.
« Lord Aïlin, Maître Joem vous attendait impatiemment ! Entrez, entrez ! Vogan va vous conduire à lui ! »
Le dénommé Vogan guida l’alchimiste au travers la vaste maisonnée jusqu’à un petit salon chaleureux et intime, dans lequel Joem lisait auprès d’un feu de cheminée, un verre de gin à la main. Aussitôt que la porte s’ouvrit, le puîné de Bower se leva avec un sourire et une mine ravie, quoi que légèrement ternie par une légère appréhension. Cela faisait des semaines, peut-être même des mois, que les deux sorciers ne s’étaient pas vus. De l’eau avait coulé sous les ponts depuis et si la vie de Joem était restée à peu près la même, celle d’Aïlin avait eu le temps de basculer du tout au tout. La rumeur de son rejet de la famille Peverell avait certainement dû faire deux fois le tour Godric’s Hollow, au minimum, et le mystère entourant la disparition soudaine de l’héritier Bower du domaine qui l’avait si souvent accueilli avait tout aussi sûrement attisé l’imagination de tous ceux qui le connaissait de près ou de loin. Ce qu’en pensait Joem, cependant, était le dernier de ses soucis. Aïlin n’avait remis les pieds à Godric’s Hollow qu’à contrecœur et pour une seule et unique raison. Un sourire forcé ourla ses lèvres tandis que Monaghue venait lui serrer la main.
« Bonsoir Milord. J’ai les informations que vous attendiez, mais certaines ne vont peut-être pas vous ravir… Je vous en prie, installez-vous. Je vais vous servir un whisky. »
Deux heures s’étaient écoulées, peut-être même trois. Brady, qui avait rejoint Aïlin après avoir réservé une chambre à l’auberge de la ville, s’était éclipsée depuis un moment déjà, laissant son maître lire et relire les documents dont Joem lui avait fourni la copie, en provenance directe du département des Régulateurs dont le jeune ressortissant de Poudlard faisait parti.
Le clan vampirique d’Irlande avait bel et bien été éradiqué par l’alliance déroutante des sorciers et des vampires eux-mêmes. Ils avaient fait le choix étonnant de sortir de leur neutralité habituelle, mais Aïlin avait parfaitement conscience qu’il ne s’agissait pas là d’autre chose que d’une réaction d’auto préservation. Tout cela n’avait pas d’importance. Ce qui importait, c’était de savoir ce qu’était devenu Kenneth Donaghue. Et, selon le témoignage rapporté dans un des vélins que tenait Aïlin, l’animal avait réchappé à ses assaillants. La chance était avec lui… ou de puissants alliés sorciers, qui avaient les yeux et les oreilles au sein des agissements les plus confidentiels du Conseil.
Devin n’avait pu mettre la main sur Donaghue, qui était désormais introuvable. Ses accointances avec le monde sorcier étaient cependant certaines, dorénavant. Il ne semblait d’ailleurs guère s’être affligé du sort des siens, puisqu’il n’avait pas pris la peine de prévenir ceux-ci d’une attaque imminente, ni même en la personne de son chef, Mordoch, qui avait été détruit par le maître des vampires en personne. Pour l’heure, les pistes pour le retrouver étaient maigres, car il n’avait plus donné signe de vie depuis l’éradication des siens. Les régulateurs le pensaient en Angleterre, suivant à la trace les rares empreintes qu’il laissait de son passage en la mort d’innocents moldus. On ne pouvait jamais être certains qu’il s’agissait bien de lui, mais en ces temps troublés, et après un tel coup du clan d’Ewald et des Sorciers d’Irlande et d’Angleterre, les êtres de la nuit préféraient se faire discrets.
Aïlin poussa un soupir en laissant aller sa tête dans le dossier rembourré du fauteuil qu’il avait investi. Laissant couler les papiers sur ses cuisses, il tendit une main molle jusque son verre de whiskey, mais lorsqu’il apporta le verre à ses lèvres, la boisson lui laissa un goût âcre. Joem Monaghue l’avait invité à passer la nuit dans la sécurité de sa demeure plutôt qu’à l’auberge, et il pouvait profiter à loisir du confort de son salon pour préparer un plan de bataille. Car, si Bower était ici ce soir, osant remettre le pied sur le territoire des Peverell sans rougir de son audace, ce n’était pas dans un seul but informatif. Il avait une vengeance à accomplir. Et, pour ce faire, des alliés à rassembler.
Pour l’heure, une certaine langueur s’était emparé de ses sens, dont la fatigue n’était pas la seule responsable. S’apprêtant à rejoindre la chambre en annexe du boudoir, il avait, depuis quelques minutes déjà, achevé son verre d’une gorgée déterminée et repliait avec lenteur et minutie les rouleaux de parchemins quand une succession de coups réguliers l’arrêta dans son mouvement. Le jeune homme, qui s’était levé, tourna les yeux vers la porte mais personne n’ouvrit. Pourquoi Monaghue ne se permettait-il pas d’entrer dans son propre salon ? Interdit, Aïlin dégaina sa baguette qu’il portait au ceinturon de cuir caché sous sa redingote noire et, tout en s’approchant de quelque pas, fit un mouvement de son arme vers la porte où l’on avait frappé. Le pan de bois harmonieusement sculpté s’ouvrit dans un bâillement feutré, et le cœur d’Aïlin cessa de battre.
L’alcool lui jouait des tours, elle ne pouvait décemment se trouver là, devant lui. Pourtant, rien ne lui semblait plus réel que sa présence devant lui. Elle le regardait, avec un mélange de douleur et de rancœur sur le visage que son imagination n’aurait jamais pu peindre aussi subtilement. Malgré l’éclat vacillant de son regard, le presque tremblement de ses lèvres douces et charnues, malgré le trémolo aigrelet de sa voix, elle était plus splendide encore que dans le souvenir qu’il avait d’elle. Si son cœur ne décidait pas à repartir, il allait s’effondrer à ses pieds. Foudroyé de revoir son beau visage… c’était peut-être la mort la plus douce qu’il pouvait espérer. Hélas, le son assourdissant de l’organe reprenant vie en battements sulfureux frappa ses tympans au moment où un mouvement près des jupons de Cecilia Peverell attira son attention. Brady était là, l’observant avec une telle culpabilité dans les yeux qu’il ne pouvait pas douter d’une trahison de son elfe. Le regard qu’il lui tourna en retour fut si noir qu’elle tomba à genoux, tremblante.
Bower n’osa pas, pour autant, revenir aux yeux de Cecilia. Il fit un pas de côté, lui laissant le loisir d’entrer dans la pièce et quand celle-ci le dépassa, il traversa la courte distance jusqu’à la porte pour la fermer lui-même. Joem, figé dans le couloir comme un spectateur à la fois curieux et embarrassé, pâlit en une fraction de seconde lorsqu’Aïlin le foudroya d’un regard aussi furibond que celui adressé un instant plus tôt à Brady. Le pauvre sorcier fit un signe de la tête et des mains, désireux de clamer son innocence, mais Bower doutait maintenant autant de lui que de son elfe. Son insistance pour le voir demeurer chez lui paraissait maintenant tout sauf généreuse.
« Prépare le thé pour Lady Peverell. » ordonna Aïlin à Brady, d’une voix qui sonnait comme une profonde réprimande. Puis, à contrecœur, l’alchimiste ferma la porte.
Sa présence dans la pièce rendait cette dernière étouffante. L’air semblait complètement chargé du parfum de fleurs qui embaumait naturellement sa peau et cette fragrance incomparable qu’il respirait avec tant de peine était une délicieuse torture.
Une éternité semblait s’être passée sans elle. Il mesurait d’autant plus combien Cecilia lui avait manqué maintenant qu’elle était là, juste derrière lui, blessée, heurtée par son silence comme il avait heurté Elya par ses mots. Il les considérait, l’une comme l’autre, perdues. L’une par égoïsme, l’autre par choix. Elle était pourtant là, derrière-lui, et il lui suffirait peut-être de se retourner, de parcourir les quelques pas qui les séparaient l’un de l’autre pour la prendre dans ses bras, sentir le réconfort de sa chaleur et la douceur de sa peau, le froissé délicat de son élégante robe bleue. Et si cela ne suffirait pas à réparer le mal qu’il lui avait fait, au moins aurait-il pu voler à la fatalité un court interlude de réconfort et de joie. Mais Bower ne bougeait pas.
Il ne pouvait tout simplement pas. Il n’y avait pas de place pour elle dans un univers aussi sanglant que le sien présentement. Et, surtout, il se refusait de lui faire encourir les risques que sa promiscuité occasionnerait. Il tenait bien trop à elle pour ne pas préférer son bonheur loin de lui à la souffrance à ses côtés. Mais que faire ? Mentir sur ses choix lui causerait une peine aussi cruelle qu’inutile. Pourtant, la vérité n’avait jamais arrangé ses affaires, Elya en était la preuve la plus flagrante. Prenant une longue inspiration, Aïlin redressa le menton malgré ses craintes et se retourna pour lui faire face.
« Je suis navré, Lady Peverell… J’aurais dû vous faire mes adieux lorsque j’ai fait le choix de prendre congé de votre père, mais je n’ai pas eu le courage d’affronter la réalité de votre perte. Vous avez le droit de m’en vouloir, mais croyez-moi, cette situation est la moins douloureuse pour vous. Je n’en vois guère d’autres susceptibles de s’achever autrement qu’en tragédie… »
Sa voix habituellement profonde et assurée avait gardé une tonalité incroyablement basse. Il avait détourné le regard, n’accordant à la vue de la jeune femme que son profil tandis qu’il rasait presque littéralement les murs pour rejoindre le guéridon où il avait laissé posée la bouteille de whiskey que Monaghue lui avait généreusement offerte. Sa main trembla quelque peu lorsqu’il s’empara du goulot et versa un fond d’alcool dans son verre vide, pour l’avaler d’une traite. Le souvenir encore vif de sa confrontation avec Elya rendait ce nouveau face à face encore plus angoissant, d’autant que le jeune homme y était aussi peu préparé que le précédent. Il était, surtout, atrocement difficile. Car il l’aimait. Il l’aimait du plus profond de lui-même, et cela rendait sa proximité intolérable.
Le souvenir d’Elya, de la gifle qu’elle lui avait asséné, de ses cris et de ses pleurs, vint flotter jusque son esprit tandis que la boisson brûlait son œsophage. Son profil se durcit et il ravala son émotion en même temps que sa salive, s’armant pour mieux recevoir les reproches et les larmes.
- Héritier rebelle
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Re: Lever le voile. par Jeu 1 Fév - 13:41
Cependant, malgré toute la bonté qui caractérisait cette ancienne poufsouffle, la volonté de laisser sortir ces humeurs négatives qui l'avait hantée depuis le moment où il était parti comme un voleur vainquerait. Alors qu'il termina ses explications, la jeune femme prit une inspiration, ses sourcils se arquant et ses yeux se fermant alors qu'elle tentait de digérer le plat de propos qui ne semblait laisser qu'un goût âcre dans le fond de sa gorge. Un torrent semblait se déchaîner pour tout flot de pensées, partagé entre la peur de le heurter et le désir profond de le secouer hors de sa déraison, la laissant brièvement abasourdie alors qu'elle prit un appui plus évident sur la chaise.
«Aïlin... vous m'impressionnez.
Les mots étaient secs, ayant une simplicité frappante de par leur spontanéité. Le geste leste et la démarche d'une douceur contrastante - encore une fois, très mauvais signe - la jeune femme s'approcha lentement, se tenant maintenant face à lui sans l'aide d'aucun meuble et avec seul but de laisser sortir ce qui allait inévitablement découler de cette seule phrase.
-Vous me voyez sincèrement épatée de voir à quel point vous avez perdu toute trace de la réalité. Vous vous croyez porteur de tragédie, réellement?! Un véritable outrage se dessina sur les traits de la jeune femme. Comment osez-vous oublier les sorciers déjà décédé de la peur que l'on a implanté chez les moldus? Comment osez-vous vous tenir devant moi et croire que VOUS êtes le pire danger qui puisse sévir dans nos vies? Ses sourcils étaient désormais froncés, démontrant une colère, qui sur elle, ne faisait peut-être point peur, mais pouvait frapper d'arriver aussi rarement que d'approcher une licorne. Malgré toute l'importance que je vous accorde et la valeur que vous avez à mon coeur, Aïlin, vous ne pouvez décemment être en train de penser raisonnable que sans vous à mes-, un bref embarras parcouru ses yeux, avant qu'elle ne reprenne : ... à nos côtés, nous sommes hors de danger, ou plus à même de vivre paisiblement. Pas alors que les radicaux s'apprête de masques pour semer le chaos et la destruction, et que des moldus parcourent les terres de l'Angleterre, torches à la main, prêts à nous mettre au bûcher!
À ce moment, Cecilia marqua une pause, ravalant se désir de fondre en larmes au souvenir de cette terrible journée d'hiver où elle et plusieurs autres avaient été arrachés à leur vies, certains de manière permanente, dans le seul but d'être déclaré coupable d'exister par des ecclesiastiques se voulant juges et jurés. Ce moment de faiblesse fut assez pour qu'elle laisse au silence une place qui ne lui aurait probablement été donné autrement, ne terminant son discours qu'avec une pique, dotée d'une amertume qui en autre cas n'aurait jamais eu place dans la bouche de Cecilia:
«Comment osez-vous préserver le réel coupable de la mort de Lynn de l'entière responsabilité qui lui revient?»
La mort de la jeune femme n'avait certainement pas autant atteint Cecilia, qui la connaissait somme toute plutôt bien, qu'elle aurait pu atteindre l'aîné Bower, mais il était inconcevable aux yeux de la botaniste que l'homme soit si dévoré par la culpabilité qu'il ne puisse même pas vivre sans avoir le besoin de se punir et de s'sisoler des autres. D'un regard perçant, Cecilia observa Aïlin, trop accaparée par cet élan de courage qui l'avait accaparée pour s'en vouloir d'avoir mentionné ce sujet délicat.
Sur cette diatribe d'une pesanteur effarante, démontrant un côté dont la jeune femme elle-même n'avait eu une réelle idée auparavant, le 'pop' distinct d'un elfe de maison apparaissant et le léger tintement de la porcelaine. Une odeur de thé se répandit dans la petite pièce, amenant avec elle une douceur presque déplacée dans l'atmosphère. Ceci' énonça un bref 'merci', mais ne s'arrêta guère même à regarder Brady, ce qu'elle aurait d'habitude fait: elle était trop occupée à faire honneur à son patronyme, après tout.
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Re: Lever le voile. par Jeu 1 Fév - 19:25
— Pardon… ? »
L’alchimiste posa la pointe de ses doigts sur le guéridon, tandis que son regard décontenancé se tourna malgré lui sur Cecilia. Instinctivement, Bower se tendit lorsqu’il vit s’avancer la jeune femme. Lorsqu’elle s’arrêta devant lui, Aïlin sentit contre son dos le bois du guéridon contre lequel il venait de se coller dans un mouvement de recul.
L’aura que dégageait en cet instant la jeune Peverell était si semblable à celle de son Maître qu’Aïlin s’en trouvait profondément troublé. Mais, plus que sa promiscuité surplombée d’un regard accusateur et ardent, le sermon que lui asséna Cecilia le laissa coi et ébranlé.
Sa surprise était telle qu’il n’entendit pas la langue de la Peverell fourcher. Les mots se marquaient au fer rouge sur son esprit et, lorsqu’elle marqua une pause, Bower eut tout le loisir d’en sentir la brûlure.
Certes, le monde ne tournait pas autour de lui. Dehors, des sorciers étaient jugés pour Sorcellerie, d’autres harcelés parce qu’ils ne descendaient pas de familles sorcières reconnues. Il y a avait quelques semaines, un Obscurus avait ravagé une famille entière. Le dernier né, qui avait tenté de refouler ses pouvoirs magiques, était mort dans les bras d’un guérisseur de l’Ordre de Merlin.
La société entière sombrait dans une fureur sanguinaire, mais là-dedans, il était une menace de plus pour la jeune Lady. Et elle l’était aussi pour lui. Aïlin avait préféré s’isoler plutôt que de supporter le poids de craindre une nouvelle perte. Était-ce lâche ? Oui, sûrement. Son intention n’avait pas été de la faire souffrir, mais il avait eu besoin de se préserver. La présence de ses proches lui étaient apparue comme un fardeau plutôt que comme un soutien.
« Lady Peverell, je… »
Aïlin fut interrompu par une sentence qui lui coupa toute envie de s’excuser. Un éclair traversa son regard. S’il s’était s’agit de quelqu’un d’autre, sûrement Bower aurait-il giflé son interlocuteur.
« Comment osez-vous… » murmura-t-il entre ses dents serrées. Son dos jusqu’alors appuyé quitta le guéridon au moment où Aïlin s’avançait, pour surplomber Cecilia de toute sa hauteur. La colère qui émanait de lui flamboya. « Comment osez-vous me parler sur ce ton ? »
Pris dans le tourment de sa fureur, Aïlin n’avait pas entendu Brady transplaner. Il ne sentit pas l’odeur bienfaisante du thé, pas plus qu’il entendit le tintement de porcelaine quand l’elfe de maison posa précipitamment le service sur la table. L’elfe, en revanche, avait très bien remarqué que quelque chose clochait. Elle s’approcha au petit trot et tira sur la manche du jeune homme.
« Maître Aïlin… !
— Tu en as déjà assez fait. Dehors, Brady. » répliqua Aïlin d’une voix basse, mais bien plus cassante que s’il avait hurlé. L’elfe aurait voulu désobéir, mais elle ne le pouvait pas. Après un regard désolé à Cecilia, elle disparut dans un nouveau « plop ».
Le court interlude avait cependant permis à Bower de se ressaisir assez pour ne pas exploser. Il répliqua néanmoins sur un ton cassant :
« Que croyez-vous que je fasse, dans la maison d’un régulateur ?! Une partie d’échecs ? Évidemment que je le recherche activement ! Et lorsque je le trouverai, j’escompte bien lui rendre chaque coup qu’il a porté sur ma sœur. Mais voilà – prononça-t-il avec un ton caustique – Kenneth Donaghue joue dans la même cour que les radicaux, qui eux-mêmes ont investi ce qui reste du Conseil des Sorciers. Étonnement, ce dernier a perdu sa trace ! »
D’un geste de la main, Aïlin décala Cecilia de côté afin de s’éloigner d’elle. Sa proximité l’étouffait. Il était furieux contre elle, mais également profondément peiné. S’il avait été prêt à entendre qu’il avait agi lâchement et qu’il y avait plus important que ses sentiments, la pique assassine avait détruit toute envie d’aller dans le sens de son amie. Lorsqu’il se fut éloigné de quelques pas, il se retourna vers elle, toujours aussi orageux.
« Vous pouvez m’accuser de lâcheté, d’égoïsme et de bien d’autres choses. Au cas où vous ne l’auriez pas encore remarqué, je n’ai rien d’un héros prêt à voler au secours d’une populace opprimée, le glaive à la main. En revanche, je vous interdis de laisser entendre que je protège les assassins de ma sœur. »
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Re: Lever le voile. par Mar 11 Déc - 17:06
«C'était déplacé, et une tournure médiocre et erronée de ma réelle pensée, je m'en excuse. Sincèrement.
Bien qu'elle ait eu cet orgueil de Peverell de prime abord, Cecilia n'était pas son père, et elle ne tiendrait pas son bout à tort et à travers. Elle n'avait jamais eu l'énergie herculéenne qu'il sembla falloir pour ne pas s'excuser lorsque l'on tente de marquer son point.
- Néanmoins, veuillez croire que je ne vous dépeint pas comme un preux chevalier, ou le héros de la dame et de l'orphelin, Aïlin. Je n'aspire pas à vous voir être quiconque d'autre que vous-même et croire que cela est mon intention serait bien mal connaître toute la valeur que j'accorde à votre personne.»
D'un pas gracile, mais pas le moins assuré, Cecilia se retourna à son tour, désormais prête à l'affronter, réellement. À lui montrer ce qu'elle tentait d'expliquer et accomplir ne serait-ce qu'une once de changement dans la situation actuelle. Une lettre de ça et de là serait encore mieux que cette sensation de membre fantôme, que cette partie de sa vie qui dérivait sans qu'elle ne puisse savoir comment l'attraper. La vérité était que perdre un être un cher était la pire chose qui soit, et la jeune femme pouvait encore s'en rappeler elle-même. Par contre, elle avait pu voir qu'est-ce qui avait réellement fait s'écrouler son père. Ce qui ne leur avait jamais été dit, et que, pour l'apprendre, avait-il fallu que la jeune femme observe, suppliciée à ce spectacle qui n'avait aucune fin : C'était l'impuissance. C'était de perdre la personne que l'on aimait en sachant qu'on a rien pu faire, qu'on n'a pas su être là. Un sentiment si fort qu'il avait mené Henry Peverell à une surprotection frôlant la paranoïa, à un sentiment de peur constant pour sa fille, la prunelle de ses yeux. Un amour si étouffant qu'il élevait des murs qui semblaient à la jeune femme insurmontables.
Et aujourd'hui, alors que le monde entier semblait s'effriter et tomber en ruine à une vitesse effarante autour d'eux, la brunette avait pu expérimenter l'autre extrême. Le même sentiment qu'Henry avait pu vivre, la culpabilité qui affligeait Aïlin le poussait à s'isoler, à s'afficher en seule cible et éviter que le pire n'arrive à nouveau. Néanmoins... aucune issue n'était logique, ou bonne. Se pouvait-il, alors que tous avaient à choisir entre le noir et le blanc, la gauche ou la droite... qu'un juste milieu puisse exister? Se pouvait-il, juste un peu, que pour une fois on tente de faire face, plutôt que d'éviter? La botaniste osait y croire et si c'était impossible... eh bien il faudrait qu'elle l'accomplisse tout de même.. Elle le tenterait encore et encore, car à ce moment, alors qu'elle faisait de nouveau face à Aïlin, calmée par sa propre bourde, elle comprit pourquoi elle était ici. Toutes les réponses à ses questions ne vaudraient rien, si elle devait encore se sentir impuissante elle-même. Les questions n'avaient été que les cul-de-sacs d'un long labyrinthe tortueux, dont la sortie lui avait jusqu'à ce soir échappée.
«Aïlin... ce que je tentais de vous dire, c'est qu'en nous repoussant, vous ne changez rien. Bien au contraire, vous vous nuisez, vous vous exposez à plus d'erreurs si vous tournez le dos à des alliés comme mon père ou mon grand-oncle. Vous ne faites pas oublier à qui que ce soit le lien que nous avons tissé. Pas même à vous... surtout pas à eux. Ses mains se crispèrent sur le bleu profond de sa robe, blanchissant les jointures légèrement. Vous cherchez à nous protéger en vous éloignant et cela peut vous paraître comme la chose la plus logique, ou peut-être la plus confortable. Mais la dernière chose que nous pouvons faire, alors que nous sommes tous la proie des radicaux, des vampires et de toutes les immondices... c'est d'agir comme telles. Cecilia tenta de s'approcher à nouveau. Juste un pas, plus affirmé, moins imposant que plus tôt. Je ne sais pas si je suis parée pour toutes les horreurs qui pourraient nous attendre... mais je sais que je ne suis pas parée à vous voir partir de votre côté, à devoir à nouveau subir le spectacle d'une personne qui m'est chère me filer entre les doigts...»
La jeune femme marqua une pause tremblotante. Elle se souvint sa mère, partie pour ne jamais revenir un jour. De son père, qui au fil des levers de soleil s'était quant à lui éteint, durcit, calcifié par l'absence de sa chère et tendre. Elle revit à travers ses paupières brièvement closes pour empêcher une larme le moment où on lui avait annoncé la mort supposée d'Aïlin. Le déchirement atroce, le choc, le trou béant qui s'était aussitôt formé dans sa poitrine à cette nouvelle... et il voulait se risquer à reproduire l'expérience? Il voulait se risquer à tout perdre à nouveau?
«Pouvez-vous vous imaginer un seul instant, Aïlin? Ce que ce serait de vous perdre non pas juste une fois, mais deux? De n'avoir pour pensée, le reste de mes jours, que je n'ai pas pu faire quoi que ce soit, pas même vous tenir la main, si vous mourriez? Et si nous, nous mourrions? Attendrez-vous ce moment pour réaliser que votre départ n'aura apporté que l'amertume de la séparation, le goût insoutenable que la mémoire de l'un à l'autre porterait?
Cette fois, les mains de Cecilia ne furent pas seules à se crisper, mais bien aussi son corps, dont les épaules s'affaissèrent sous le poids de la peur et de la douleur la plus crue qu'elle ait montrée à ce jour, alors même qu'elle ne réalisait pas n'avoir jamais révélé à quel point les deuils de sa vie avaient pu laisser une marque.
- Rassurez-vous Aïlin. Je ne tente de faire d'aucun de nous des héros. Je ne suis pas une enfant qui vient devant vous en quête d'une fin heureuse. Mais j'ose vous demander de m'écouter. J'oserai dire pour que vous puissiez réaliser que cette coupure n'est qu'une illusion, que cela ne bernera jamais Donaghue. Que j'aimerais qu'il n'ait même jamais approché votre demeure... que tous les jours Aïlin, je souhaite du plus profond de mon âme que vous soyez encore en vie. Et que si il faut risquer nos vies, je préfère personnellement la risquer avec vous, que sans. Et le reste de ma famille vous en dira tout autant.»
Elle se tint là, reprenant sa droiture, résistant à cette envie folle de l'attraper, de le supplier. De raviver ses traits par tous les moyens ou le voir ne serait-ce que sourire. C'était à un point tel qu'il lui fallait se faire violence par la forme de ses ongles de la main gauche dans sa paume droite plantés presque au sang pour qu'elle ne s'exécute pas sur le champ. Elle connaissait la tête dure d'Aïlin... il n'avait pas été élève d'Henry pour rien, mais elle n'en était pas la fille par hasard non plus. Aussi longtemps refuserait-il de voir les risques innombrables qu'il s'imposait par ses actions, aussi longtemps chercherait-elle à le convaincre. Peut-être était-ce le plus grand désavantage à s'allier aux Peverell... il n'y avait pas de retour possible une fois fait.
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Re: Lever le voile. par Mar 11 Déc - 21:37
Aussi, lorsqu’elle s’excusa, menton baissé, Bower ne fut pas davantage tenté de se calmer. Son émotion dépassait très clairement les mots de Cecilia et s’érigeait au-dessus d’un charnier de sentiments refoulés et de non-dits.
Son air était sévère et l’expression de son visage devint encore plus dure lorsque la fille de son maître décida de l’approcher. Loin de l’expression de cruauté froide de son père, auquel il se pensait si semblable, il ressemblait davantage à un félin vexé, bien décidé à ne pas se laisser dompter. Ses pupilles elles-mêmes paraissaient agrandies, comme s’il se sentait menacé. C’était d’ailleurs bien le cas. Il sentit, dès l’instant où son regard rencontra de nouveau celui de Cecilia, à quel point il était vulnérable devant elle, et à quel point il s’effrayait à l’idée de la moindre réaction négative. Paradoxalement, il redoutait d’éveiller la colère de Cecilia alors qu’il avait conscience que ses rebuffades et sa froideur pouvaient l'y conduire.
Ce ne fut cependant pas le cas. Plutôt que de s’emporter, la jeune femme resta fidèle à elle-même, à des lieues des emportements de son fougueux paternel. Le souvenir des disputes avec le maître Peverell lui passa fugacement à l’esprit, mais fut aussitôt balayé par les paroles de Cecilia...
Aïlin détestait avoir tort. Il y avait cependant une chose qu’il détestait plus encore, c’était de manquer de sagesse pour admettre lorsque cela était le cas. Or, les propos qu’elle lui tenait le mettait dans la situation délicate où il tanguait entre honnêteté et fierté.
Il se mentait. Il se mentait, et il le savait. Cecilia ne faisait que le mettre devant ses propres contradictions. Bower détourna le visage, se détournant se faisant de ses torts comme il se détournait d’une vérité qu’il n’avait pas le courage d’admettre complètement. Il croisa les bras sur sa poitrine, semblant soudain reculer vers le mur bien qu’il ne fit pourtant pas un pas. Sur son profil, son amie pouvait pourtant deviner quelles pensées troublées embrouillaient sa capacité à juger la situation. Ses mains, fermées sur le tissu de ses manches, se crispèrent, froissant la chemise sous ses jointures tandis que Cecilia exposait la vérité : les repousser tous était la solution qui lui était apparue comme la plus confortable. Le bruit du talon de Cecilia sur le sol lui fit d’abord baisser les yeux et se mordre la lèvre. Pourtant, son regard se déporta vite sur lady Peverell, révélant un éclat de remord briller, lorsque la jeune femme confessa dans un tremolo ne pas être prête à le voir s’éloigner encore.
En repoussant l’inéluctabilité du deuil, Aïlin forçait ses proches à le faire à sa place. Au lieu d’affronter sa peine et sa peur, il avait rejeté le plus loin possible de lui tous ceux qui étaient susceptibles de le blesser encore. Pourtant, Cecilia avait entièrement raison. Pis encore : cette séparation, pour qui cherchait à lui nuire, était la preuve de l’amour qu’il éprouvait envers ceux qu’il tentait de garder à l’abri. Un soupir étrange, entre le rire et le sanglot, lui souleva la poitrine, lorsqu’il se figura être comme l’œil de la tempête. Il pouvait s’éloigner, la bourrasque n’épargnerait rien sur son chemin tant qu’elle ne s’essoufflait pas.
En temps normal, une remarque teintée d’ironie lui serait venue, à la fois pour détendre l’atmosphère et, peut-être, lui laisser une occasion de se tenir à l’écart de ses propres sentiments. Ce soir néanmoins, aucun trait d’esprit ne lui vint. Il se sentait tout simplement démuni au milieu d’une colère effritée. S’il avait voulu tenter de répliquer, il aurait été de toute façon retenu par l’expression de douleur qui marquait, malgré ses yeux clos, le beau visage de Cecilia. Le cœur de l’alchimiste battit plus lourdement, envoyant puissamment le venin de la culpabilité dans ses veines.
L’image affreuse du cadavre de Cecilia s’imposa dans ses pensées, se superposant à la scène d’horreur qui hantait son esprit depuis qu’il avait vu sa soeur mourir sous ses yeux. Il vit, sur le corps figé de la fille Peverell, cette même expression de résignation, d’effroi et de supplications qu’il avait lu dans les yeux de Lynn, un instant avant qu’elle n’expire sous les crocs de Donaghue. Alors, sournoisement, l’ombre du vampire se dressa derrière Cecilia Peverell. L’éclat surnaturel de ses yeux brillèrent en direction de l’alchimiste et il fondit sur la gorge de son amie, faisant jaillir un flot de sang tandis que deux canines démesurément longues perçaient sa gorge délicate.
Pour la première fois depuis le trépas de sa soeur, des larmes inondèrent les yeux devenus excessivement clairs du jeune Bower. L’idée de perdre Cecilia était encore plus insupportable que la douleur qui le lancinait depuis qu’on avait fait disparaître le cercueil de sa soeur dans l’obscurité du caveau familial. Le seul fait d’imaginer faire face à sa peur la plus profonde avait détruit toute trace de fierté, de colère et de froideur. Il ne resta plus que les larmes et l’effroi qu’il repoussait depuis trop longtemps.
Il recula. Sa main, tremblante, chercha un appui et il s’achemina d’un pas lourd jusqu’au premier siège venu. Le canapé accueillit bien trop confortablement sa chute alors qu’il se recroquevillait presque sur lui-même, se protégeant le visage de ses mains sans pouvoir arrêter les sillons s'évertuant à mouiller ses joues. Pourtant, il gardait la mâchoire fermement serrée, incapable de se laisser aller. Incapable de pleurer pour de bon.
« Is breá liom tú an méid sin… » murmura-t-il, sans vraiment prendre conscience de ce qu'il disait et du fait de l'avoir prononcé dans sa langue natale. L'alchimiste redressa la tête, sans regarder tout d'abord Cecilia, prenant le temps d'essuyer d'un geste qui s'espérait discret ses larmes.
« ...mais je suis terrifié. » finit-il par murmurer. Il lui fallut cependant un moment pour qu'il puisse reprendre la parole. « Terrifié à l'idée qu'il pose la main sur vous pour m'atteindre. Terrifié à l'idée d'être incapable de vous pleurer, comme je suis incapable de pleurer ma soeur… J'ai l'impression d'être un monstre. Je n'arrive pas à ressentir autre chose que de la colère, de la haine. »
Il connaissait la véritable motivation de son rejet. La gorge nouée, il se força à regarder Cecilia dans les yeux.
« Vous comptez pour moi, Cecilia, à un point qui me dépasse. Mais la vérité, c'est que malgré ça, je ne voulais pas partager ça avec vous. Je ne voulais pas de votre présence. Je ne voulais pas plus de votre réconfort. Tout ce que je désire en ce moment, c'est de retrouver le monstre qui a torturé ma sœur et lui rendre coup pour coup. Je bouillonne tant de rage que… j'étouffe. Je ne voulais pas que vous le voyiez. »
Aïlin secoua la tête.
« Je ne peux pas me laisser aller à la faiblesse et aux larmes alors que ce monstre jubile quelque part dehors. » l'aigreur étira sur ses lèvres un sourire sans joie. « Or, quand je suis auprès de vous, c'est comme si je n'étais plus capable de cacher mes failles. Vous avez raison. J'essaie de me fuir moi-même. Je vous demande pardon, Cecilia. Vous m'avez accueillis comme un membre de votre famille. J'ai honte d'être la cause de votre peine et de votre déception. »
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Re: Lever le voile. par Mer 12 Déc - 8:11
Les autres paroles... sa peur de la voir mourir, du deuil qui en encourrait... sa rage, sa haine, cette boule de deuil qui lui coinçait visiblement dans la gorge. Elle savait Aïlin brisé par la mort de sa soeur... mais parfois, savoir ne vous préparait guère au heurt de la réalité. Elle pu deviner la tempête au sein de son âme, imaginer sa raison meurtrie par les accoups que Donaghue l'y avait infligé. Et elle pu le ressentir, comme si c'était son propre sang qui lui avait été arraché sous ses yeux. Avec la force d'un torrent sur son torse corseté, une vague de larmes contenues seulement par le désir de garder assez de contenance pour atteindre son but lui prit. Elle pouvait s'imaginer à la place d'Aïlin, sur ce fauteuil où il semblait vouloir se fondre. Ce mal de vivre, la difficulté qu'elle avait à elle-même exister à ce moment malgré cet a priori de souffrance, cette image sans son ni odeur... celui qui en faisait les réels frais, c'était celui sur le fauteuil. Et c'était la fameuse pièce manquante du puzzle. Alors qu'il n'avait qu'entre-ouvert la porte pour montrer l'agonie à laquelle il faisait face, Cecilia pouvait finalement comprendre le pourquoi de cette déraison. Ses mots avaient aidés, pour sûr, mais la réelle réponse était dans cette expression qu'il cachait désormais, dans la manière dont il avait réagit. La réponse avait été criée plus fort que si il l'avait dite, même à l'aide d'un sonorus.
«Aïlin...»
Sa voix se fit délicate. Mais sans pitié. Elle n'avait pas de peine pour lui, elle avait mal avec lui. À un point tel qu'il lui fallut elle aussi, prestement, quitter la position debout. Par contre, l'autre fauteuil sembla trop loin. Bien qu'à moins d'un mètre, il paru comme étant à des lieues de là où elle voulait être : à ses côtés. Presque comme si, oserait-elle s'éloigner à nouveau, seraient-ils condamnés à vivre la douleur ravivée seuls. Et bien que Cecilia se targuait maintenant d'une endurance nouvelle à la mauvaise augure... elle savait qu'elle ne supporterait pas de se sentir à nouveau loin de lui, pas même de manière factice, surtout pas maintenant. Dans un mouvement rapide, mais pas brusque, Cecilia fit les quelques pas qui menaient au siège du jeune homme et se mit à genoux, légèrement en biais, sur sa droite, les pans de sa robe comme un nuage dans la nuit et sa main venant se poser sur son genou.
«Vous n'êtes pas un monstre. La haine, la peur, la douleur ne sont pas des traits inhumains, mon cher ami. Je n'ai pas mal à croire qu'on ait pu vous laisser à vous même quant à comprendre les élans du coeur, mais aucun de nous n'est immunisé à la haine...
elle marqua une pause, sa main quittant son genou, jointe par la seconde et qui pressèrent tendrement celles de l'Héritier pour l'encourager à dévoiler son visage, à la laisser le regarder bien en face, lui laissant voir avec le peu d'audace qu'elle se reconnaissait son propre regard humecté par l'émotion.
- Si vous saviez les humeurs que mon père a dû subir de ma part, alors même que j'avais cru vous perdre. Les soirs où je me suis imaginée le jour où je pourrais voir ceux qui vous avaient arrachés à la vie dans des cages. Croyez-moi Aïlin... il est beaucoup plus difficile d'aimer que de haïr lorsque l'on perd quelqu'un.»
Pour preuve, si Henry avait contenu ses désirs de revanche, ça n'avait été que pour laisser la hargne devenir amertume et méfiance, le transformer en bête effarouchée par la moindre nuisance à sa quiétude. L'homme qu'Aïlin connaissait aujourd'hui... il était une version moins avenante, moins aventureuse et beaucoup plus revêche qu'autrefois. Et malgré tout l'amour que Ceci portait à l'alchimiste, un amour sans condition... elle ne pouvait rester sans agir et laisser le jeune homme être consumé à son tour.
«Je vous comprends, désormais. Je comprends pourquoi vous avez fait cela... mais je ne pourrai pas vous laisser continuer de la sorte. Je ne vous arrêterez pas dans votre quête de justice, au grand jamais... mais il faudra trouver les reliques de la mort à vous seul avant de pouvoir vous débarrasser de moi à nouveau. Elle lui fit un sourire, maigre, mais plein de tendresse. J'ai dû vous laisser croire par mégarde que je suis docile. Je ne suis pas aussi... véhémente que mon cher père mais je n'ai pas la tête moins dure.
Malgré elle, une caresse sur le dos de la main de l'Héritier se fit sentir, soucieuse de le rassurer, d'apaiser la rage ne serait-ce qu'un peu. Juste une bouffée d'air.
- Je vous promets que vous ne perdrez point votre détermination à l'encontre de Donaghue si vous osiez vous laisser aller à nous laisser revenir autour de vous. En fait, je crois que vous profiteriez du fardeau que nous pourrions alléger en le portant avec vous.»
De toute son âme, Cecilia croyait ce qu'elle pensait. Donaghue méritait de payer pour ses actes, et encore à ce jour était une menace. Elle pouvait deviner qu'Henry et Reginald aussi avaient cette rancune indirecte, cette envie d'offrir justice à Aïlin... elle le voyait à la manière dont Henry tiquait à entendre le nom du vampire, ou la lueur dans le regard de Reginald qui s'éteignait brièvement à chaque fois aussi. Bien que les hommes ne s'apprécient jamais entre eux de manière aussi évidente que les femmes, il était de ces subtilités qui montraient qu'en ces deux hommes, le jeune Bower avait des alliés imprenables et solides comme le roc. Après tout, la rumeur ne parlait-elle pas encore de toutes les tragédies, ne serait-ce que intrafamiliales qu'ils avaient dû surmonter? Si Aïlin ne voulait du bras armé des Peverell... il était clair qu'il pourrait bénéficier de leur sagesse de ces temps si difficiles.
À ce moment, Cecilia sentit sa propre main trembloter. Ce qu'ils vivaient était un autre lien parmi tous ceux qu'ils avaient déjà noués... et la réalité venait rendre ce lien effrayant. Bien sûr elle n'était pas à court d'arguments et ferait tâche de prouver qu'elle n'avait pas menti sur sa volonté de ne pas le revoir partir, mais... à tout moment, il pouvait partir. La refuser. Retomber de la tristesse à la colère, se laisser embrasser à nouveau par la peur pour la repousser encore plus fortement qu'il ne l'avait déjà fait. Et que cette fois, il ne revienne pas. Qu'elle ne le retrouve jamais. Elle pouvait s'imaginer le cercueil, le moment sur les landes Irlandaises où elle se rappellerait des derniers mot qu'elle lui aurait dit... si il devait encore disparaître, était-ce réellement ce qu'elle voulait qu'il sache le plus? Le visage de sa mère lui vint à l'esprit... la dernière parole... lui demander un cadeau. Voilà tout. Elle lui avait demandé un cadeau. Pendant un moment, au détour du reflet d'une flamme dans la pièce, son esprit se laissa aller. Il dit les mots qu'elle avait oublié de dire autrefois, qu'elle n'avait pas encore osé dire de nos jours. Ils sortirent avant même que sa raison de puisse l'inhiber.
«Is breá liom tú freisin.» Sa voix était presque hébétée par ce moment un peu hors du réel, où son coeur avait parlé avant sa tête. Mais son regard lui, brillait d'une sincérité encore bien plus mature qu'elle ne s'était doutée posséder. Aïlin aurait toujours ce don de faire ressortir des traits d'elle-même qu'elle n'avait jamais cru pouvoir même convoiter. Même ce soir encore.
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Re: Lever le voile. par Ven 14 Déc - 22:09
Aïlin baissa les yeux, vaguement incrédule à la voir se rapetisser ainsi devant lui, dans une position qui pouvait facilement laisser imaginer la soumission. Et, pourtant, lorsque la main de la Peverell se posa sur lui, elle lui évoqua davantage ce soutien indéfectible qu’il savait trouver auprès d’elle. L’avoir rejeté ne signifiait en rien qu’il en avait douté, bien au contraire. Aïlin se souvenait encore de la façon dont la jeune Cecilia avait voulu aller à sa rencontre, lorsque la famille Peverell au grand complet était venue rendre hommage à Lynn. Si Henry n’avait pas retenu sa fille, celle-ci aurait certainement méprisé toutes les règles de bienséance pour lui apporter soutien et réconfort. Henry, plus avisé, avait compris que son apprenti n’était, alors, pas en état de recevoir de telles marques d’attention. Il n’y était tout simplement pas prêt, et ce rejet de l’autre avait perduré jusqu’à ce soir.
A présent qu’il avait son amie devant lui, qu’il sentait son parfum et la tiédeur réconfortante de ses doigts sur sa peau, Bower se rendait compte de la stupidité dont il avait fait preuve. Quelles qu’étaient ses raisons, il avait agi égoïstement. Il suffisait d’écouter Cecilia parler de cette période terrible où elle l’avait cru mort, et où lui-même n’avait rien pu faire que d’attendre de se remettre de ses blessures afin de pouvoir enfin la rassurer, pour deviner qu’il s’agissait d’une blessure encore fraîche, sur laquelle l’alchimiste avait appuyé sans considération.
L’ombre d’un sourire, pourtant, glissa sur son visage humide, quand Cecilia confessa les humeurs qu’elle avait elle-même subi et qui l’avaient conduite à imaginer les responsables de sa perte en cage. C’était, bien sûr, un sourire sans joie. Avec toute l’innocence du monde, elle comparaît ses propres élans à ceux de l’alchimiste, mais ce dernier, par les seuls mots qu’elle avait choisi, constatait la marge entre leurs espoirs de vengeance respectifs.
Lui ne désirait pas voir Donaghue en cage. Cela aurait été une punition bien trop légère. Non, ce qu’il souhaitait, ce qui le motivait à continuer de se lever pour les entraînements physiques et magiques qu’il s’imposait, c’était d’imaginer le jour où il parviendrait à capturer Donaghue.
Si le vampire avait passé des heures à torturer sa soeur, lui, Aïlin, passerait des semaines sans se lasser de lui briser les os, encore et encore, jusqu’à ce que ceux-ci ne soient plus capables de se régénérer d’eux-mêmes. Il s’imaginait lui arracher les canines, le vider lentement de son sang jusqu’à ce qu’il soit presque exsangue, qu’il lui reste seulement assez de sang pour rester éveillé et conscient, mais trop peu pour faire autre chose que de subir ce qu’il avait fait subir à une jeune fille innocente. Lynn aurait dû avoir toute sa vie devant elle, et elle se l’était faite voler par une créature qui foulait depuis trop longtemps la Terre.
Les yeux du Serdaigle, toujours fixés sur Cecilia, s’étaient asséchés. La violence de ses pensées y fit luire, rien qu’un instant, une expression presque animale. Heureusement, la voix de son amie empêcha Aïlin de s’attarder sur ses désirs les plus noirs. Un éclair de méfiance passa cependant sur son visage, en retour de la façon dont elle semblait vouloir s’évertuer à le protéger de lui-même. Il craignait d’entendre ce qu’il ne voulait entendre de personne : que sa quête de vengeance était vaine.
Ce qu’elle demandait, cependant, n’était pas qu’il revienne sur ses désirs. Ce qu’elle désirait, c’était qu’il ne l’exclue pas pour autant de son chemin. Un sourire un peu plus vrai ourla ses lèvres lorsqu’elle lui assura d’ailleurs qu’il ne pourrait plus, cette fois, se débarrasser d’elle si facilement.
Comme si cela était facile… La preuve en était, Cecilia était là devant lui ce soir, à lui rappeler tout en caressant le dos de sa main qu’il n’était tout simplement pas seul.
Une bribe de souvenirs chaleureux envahit son imagination. Le rire bienheureux de Reginald après une pique adressée à son neveu. L’air courroucé d’Henry, qui avait tendance à trouver dans le comportement de Reginald l’excuse parfaite pour remplir son verre de vin au-delà de toute raison. Les repas qui n’en finissaient pas, ponctués de chamailleries, de ronchonneries et de silences appréciateurs, où tout le monde se délectait du talent des elfes de cuisine.
L’explosion du laboratoire après un différend opposant maître et élève sur un procédé un peu trop expérimental. Le fou rire de Cecilia à les voir émerger des décombres, noirs de suie. Les yeux de Cecilia. Le sourire de Cecilia. La main de Cecilia posée sur son bras alors qu’il lui parlait en métaphores et rhétoriques pour le seul plaisir de prononcer de jolis mots au milieu du jardin qu’elle avait elle-même imaginé. Les parfums étranges et entêtants qu’exhalait la serre à une dizaine de mètres à la ronde et qui parfumait parfois encore la peau et les cheveux de la jeune botaniste.
Quelques mots prononcés en irlandais. Des mots dans sa langue natale, comme une mélodie. Une mélodie qui lui promettait des lendemains moins solitaires et moins sombres. Il lui suffisait seulement d’accepter l’évidence.
L’expression de Bower avait subtilement changé. Avait-il rêvé ? Le moment lui semblait en dehors du temps, et ce n’était pas seulement parce qu’il n’imaginait pas Cecilia avoir la moindre notion de gaélique. Il se rappelait à présent les mots qu’il avait lui même prononcé juste avant, et auxquels Cecilia répondait à présent. Ce « vous » qu’il lui avait adressé sans lui adresser vraiment s’était transformé en « je » dans la bouche de la jeune femme, offrant une toute autre dimension à cette déclaration.
L’expression du jeune Bower pouvait paraître subitement grave tandis qu’il l’observait comme s’il découvrait seulement sa présence à ses côtés. Bien sûr, qu’elle l’aimait. Bien sûr que de décider pour elle du destin de leur relation l’avait fait souffrir. Il avait beau se couvrir derrière les meilleures excuses du monde, il n’avait fait qu’ignorer son libre-arbitre par confort. En lui ignorant sa capacité à décider, il avait ignoré par la même occasion toute l’affection qu’elle lui portait. Qu’ils se portaient tous deux. Et, sans elle, il était comme une enveloppe desséchée. Il s’était, soit disant, émancipé de son maître pour ne pas donner d’idées à ceux qui cherchaient à s’en prendre à lui. Comment avait-il été assez bête pour ne pas imaginer que cela, en pareilles circonstances, était aussi utile que de s’arracher sciemment un bras ? Par ailleurs, était-ce vraiment sa sécurité qu’il espérait, ou pensait-il mettre de côté ses sentiments avec l’espoir que ceux-ci s’étiolent et meurent avec le temps ?
« Je suis sincèrement désolé. »
Il ne répèterait certainement pas assez ses excuses pour s’approcher de ce qu’il lui devait. Bien qu’il ne se l’était jamais figuré, peut-être l’avait-il effectivement imaginé trop docile. Il avait en tout cas fait l’erreur de choisir pour elle.
Doucement, Aïlin se laissa glisser du canapé, oubliant toute notion de fierté pour s’asseoir à même le sol. Il attira alors la jeune Peverell dans ses bras et se serra contre elle. Dans ses cheveux, l’odeur de mille et une fleurs flottait et éveillait son désir de pénétrer à nouveau le domaine Peverell.
« Vous m’avez manqué. » Il resta là, immobile, profitant d’entendre son coeur, trop rapide, battre à l’unisson avec celui de Cecilia, à s’imaginer toutes les pièces où il allait et venait depuis près de huit ans, se surprenant à trouver dans chacune d’elles un souvenir marquant avec un membre de la famille Peverell. Mais, alors qu’il se rappelait la façade réconfortante de pierres roses frappée par le soleil un jour d’été, le visage austère et réprobateur d’un Henry éprouvé, déçu, supplanta le réconfort qu’il éprouvait à sentir la présence de sa fille contre lui.
« Votre père sait-il que je suis ici…? » finit-il par demander, le nez encore dans ses cheveux. Bien que le son de sa voix était étouffé, son inquiétude restait palpable.
- Héritier rebelle
Que vois-tu…?
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