La Fille du Maître. par Dim 11 Aoû - 15:23
Quatre ans. Quatre ans que le jeune homme était l'apprenti d'Henry, et il venait seulement d'achever une première étape du Grand Œuvre. Et, d'ailleurs, rien n'était encore certain. Il fallait que le flacon refroidisse, afin de découvrir si, oui ou non, il était parvenu à obtenir l'aile de corbeau.
Quatre ans de travail, sous le regard intéressé de Peverell, peut-être pour un échec. D'un geste rapide, Aïlin ôta le flacon de l'eau, et lui lança un sort de lévitation. Il lâcha la pince qui lui permettait de tenir les éléments chauffés au rouge sur lesquels il travaillait, et entoura le flacon d'une bulle de protection, afin que l'objet brûlant n'entre en contact avec rien qui puisse l'altérer, et qu'il puisse altérer. Puis, d'un geste doux, il l'amena jusqu'à l'un des coffres hermétiques d'Henry, dans lesquels l'on faisait reposer les préparations à l'abri du jour et de toute pression atmosphérique non désirée.
« L'Œuvre au noir... Il vous faudra encore attendre deux bonnes heures, avant que le cristal de roche reprenne une transparence qui permette de vérifier dans quel état se trouve le fluide. C'était l'étape la plus longue, et vous vous y êtes tenus. Quel que soit le résultat de ce premier Œuvre, je vous félicite pour votre rigueur, Monsieur Bower. »
Un sourire chaleureux apparut sur le visage rougi par la chaleur d'Henry Peverell. Aïlin le lui renvoya, même s'il appréhendait l'idée d'un cuisant raté. Il avait appris bien des choses, autant chimiques que spirituelles, pendant ces quatre années d'un labeur répétitif et épuisant, mais il espérait obtenir la récompense qu'il estimait mériter. Au moins, une chose était certaine. Réussite ou pas, il pourrait bientôt passer à autre chose, et cela suffisait à l'enthousiasmer.
Les deux hommes se dirigèrent vers les fenêtres, qu'ils ouvrirent en grand, avant de sortir de la pièce, incapables de tenir plus longtemps dans l'étau étouffant des murs. Il faisait chaud au-dehors, comme il était rare qu'il fasse chaud en Angleterre, et l'association du four ouvert et des températures estivales étaient une torture.
« Que se passera-t-il, si j'ai échoué ? » demanda Aïlin en glissant un bras le long de son front, pour en essuyer les perles de sueur qui s'y étaient installées.
« Le seul échec, Aïlin, serait l'abandon. Vous êtes trop opiniâtre pour échouer. N'ayez pas d'angoisse quant à l'enseignement que je vous donne, je ne le vous retirerai pas si vous n'êtes pas parvenu à une aile de corbeau décente. Le chemin est long, je vous avais prévenu. Allez donc méditer dans l'eau fraîche de notre lac, cela vous ferait le plus grand bien.
— Je crois que je vais me contenter de votre salle de bain, si vous me le permettez. Je n'ai plus la force de m'éloigner de Godric's Hollow. »
Une fois lavé et débarrassé de sa robe de travail, Aïlin redescendit au rez-de-chaussée, soulagé de s'être débarrassé de la chaleur qui consumait son corps. Il avait gardé les cheveux humides, profitant de la fraîcheur que cela répandait sur sa nuque et ses tempes. Fraîcheur qui disparaîtrait bien trop rapidement, lorsque les rayons du soleil viendraient embrasser son visage pâle. Fort heureusement, les jardins de la famille Peverell comportaient bien assez de coin d'ombre et de repos, où il pourrait méditer sous le couvert des arbres.
D'un sort, Aïlin fit apparaître le petit carnet relié dans lequel il avait consigné quatre ans de travail, bien décidé à profiter de la brise légère qui commençait à se lever au-dehors. Il se figea cependant, alors qu'il passait devant le salon, dont la porte ouverte lui fit apercevoir une nuque qui n'était pas celle d'Henry. Un sourire glissa sur ses lèvres lorsqu'il vit l'elfe de maison de Cecilia s'activer près du siège sur lequel la jeune femme était installée, avant de disparaître dans un « plop ».
Il était rare qu'Aïlin ait l'occasion de voir la jeune Peverell seule. D'habitude, lorsqu'il s'apprêtait à sortir ou partir, son père buvait déjà le thé avec elle, ou marchait à son bras dans les allées de roses, obligeant Bower à ne prononcer à l'égard de Cecilia que les politesses d'usage. Aussi, malgré les nombreux passages de l'apprenti au sein même de sa demeure, les deux jeunes gens n'avaient guère eu beaucoup d'occasion pour apprendre à se connaître. Aïlin était convaincu qu'il y avait quelque chose de calculé, dans ces rares possibilités. Henry, consciemment ou non, avait certainement fait en sorte que Bower ne puisse trop s'approcher de sa fille chérie.
Quelque part, Aïlin comprenait les instincts protecteurs de son maître. Laisser l'héritier Bower s'approcher de trop près aurait sûrement engendré un regrettable quiproquo, qui aurait pu amener son élève à espérer la main de la jeune femme. C'était certainement de cette façon que pensait Peverell, tout du moins, car de son côté, le futur lord se fichait de son hypothétique futur mariage comme de son premier sortilège. Avec une Peverell ou une autre, il serait, de toute façon, arrangé.
La seconde raison qu'Aïlin attribuait à la surprotection que le père infligeait à sa fille, était la beauté resplendissante de cette dernière. Son visage harmonieux, doux, un brin mélancolique aurait éveillé en n'importe quel homme le désir de prendre sous son aile cette poupée délicate, semblant parfois rêver éveillée, imaginer des contrées inconnues et lointaines, les pieds encore engoncés dans des bottines d'enfant.
Aïlin lui-même éprouvait ce désir inné, cet élan d'âme qu'il ne ressentait qu'auprès de Cecilia. Celui de lui offrir son bras, de s'enquérir de son humeur, de lui proposer son aide ou son soutien avant qu'elle n'en formule la pensée. Il n'y avait là aucun calcul, aucun dessein camouflé derrière le visage exemplaire qu'il offrait à la jeune femme. Il était peut-être même un peu plus naturel auprès d'elle qu'auprès de n'importe quelle autre, car elle n'était ni outrageusement sophistiquée, ni imbue de sa personne. Elle était, en somme, inoffensive. Aïlin l'appréciait, tout simplement.
Il n'hésita pas une seconde pour entrer dans le salon et s'approcher sans qu'elle ne le vit, le pas feutré, ses mains glissées derrière son dos. Un sourire naquit sur ses lèvres pendant qu'il se penchait doucement au-dessus de l'épaule de la belle Cecilia.
« Bonjour, Miss Peverell…! »
Entonna-t-il d'une voix douce, aux intonations enthousiastes. Il se redressa presque aussitôt, pour surmonter la jeune femme d'un regard pétillant, sans se départir de son sourire.
« Pardonnez-moi d'être si cavalier à votre endroit, mais puis-je profiter de votre solitude pour vous proposer ma compagnie à l'occasion d'une promenade ? À moins que la brûlure du soleil vous ait forcée à vous réfugier à l'intérieur ? »
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Re: La Fille du Maître. par Lun 2 Sep - 16:14
- Dame Cecilia, vous êtes demandée au salon.
- Mon père va finir sa leçon, c’est cela?
L’elfe acquiesça d’un signe de tête avant de soudainement paraitre inquiet en voyant la coupure de sa maîtresse. La petite créature vint attraper l’autre main de Cecilia et dans un Plop, la transporta à sa salle de bain personnelle. Cecilia s’assied sur un petit banc de bois qu’il y avait et d’une petite voix, l’elfe lui expliqua qu’ils devaient attendre que ça arrête de saigner pour qu’elle puisse faire disparaître la coupure. La créature disparue, revenant avec de l’eau, profitant du nettoyage de sa plaie pour aussi lui offrir un bain car elle était pleine de terre. Topius se retourna et la femme de la maison se dévêtit entièrement avant de se plonger dans l’eau avec un soupir d’aise. Elle rappela l’elfe, qui vint nettoyer la plaie et faire le bandage non sans oublier de l’imperméabiliser d’un sort.
- Merci Topius, tu peux aller m’attendre au salon, je vais m’habiller seule cette fois.
- D’accord, dame Cecilia.
L’elfe disparu et elle se détendit enfin, toutes les muscles de son corps se délectant de la fraîcheur de l’eau. Elle ferma les yeux, un peu lasse. Si on lui avait donné réellement le choix, la brune serait restée dans la serre et aurait fait son travail et sa passion sans rien demander à personne, mais son père semblait tenir à ces moments entre eux, lorsqu’il finissait d’enseigner. La jeune femme ne se posait pas de question et prenait seulement cela comme une tradition particulière et parfois embêtante qu’affectionnait son père. C’était cela être une femme. Dans le concret, il fallait souvent s’avérer docile, mais à force que les années avançaient, la jeune Cecilia prenait des notes et découvrait que sous l’aspect direct, une femme si elle était assez subtile et assez rusée pouvait vivre bien plus aisément. Peut-être était-ce aussi des élans de fille unique qui lui restaient. Fermant les yeux, Cecilia laissa sa température corporel baisser jusqu’à ce qu’elle n’eût plus le temps pour cela. Se séchant d’un sort, elle sortit de la salle de bain qui donnait sur sa chambre, nue comme un ver. Quelle pudeur y avait-il à avoir si de toute façon, elle était toute seule et que la fenêtre de sa chambre donnait sur leur domaine privé?
Pour une fois, Cecilia avait décidé qu’une robe d’un blanc aux reflets pêche serait parfaite. Et bien entendu, elle serra son corset d’un sort, mais moins serré que la rigueur le demandait. Au diable les convenances, la journée était déjà étouffante à elle seule qu’un cintre de femme ne viendrait pas lui faire de tourment! Elle s’observa dans le miroir, satisfaite de se résultat somme toute respectable, mais splendide et alla s’asseoir devant sa coiffeuse, optant pour un leste chignon, qui laissait respirer un peu son cou, par ce temps si chaud. Un peu de maquillage, ne serait-ce que les lèvres colorées d’un rose doux et une parure de tête faite de billes d’argent finirent le travail. Avec désormais l’air fraîche et féminine, la jeune fille descendit au salon. Topius y était sans faute et l’attendait, ayant même préparé un siège et une limonade.
- Ha, toi tu sais ce dont une Peverell a besoin par un temps pareil!
L’elfe lui adressa son sourire complètement édenté et Ceci’ s’approchant, prenant place. D’un long trait, fort peu féminin certes, mais au combien désaltérant, elle but l’entièreté de la limonade et reposa le verre alors que Topius s’afférait à défaire son bandage et refermer la plaie. Sa maîtresse la regarda faire, non sans une certaine fascination devant l’habileté de l’elfe. Elle applique sort et baume comme si elle n’avait fait que ça dans sa vie. Lorsqu’elle termina, il ne restait qu’une fine ligne rose dans sa paume, dont l’elfe promis la disparition dès le lendemain. Pour la remercier, Cecilia lui dit qu’elle pouvait boire autant de limonade qu’elle voulait et de seulement se rendre en cuisine, ce que l’elfe, enchantée, fit.
C’est en regardant à nouveau la fine ligne avec admiration pour son petit elfe qu’elle n’entendit pas que quelqu’un entrait, mais de toute façon, comme c’était son père, pourquoi aurait-elle eu à être attentive. Pourtant, elle ne remarqua quelque chose d’étrange que lorsque cette présence se penchant au-dessus de son épaule, une odeur différente de celle de son père embaumant son odorat.
- Bonjour, Miss Peverell…!
Cette voix ne lui était pas méconnue. N’était-ce pas… mais oui, c’était le lord Bower! D’ailleurs en regardant l’heure, la jeune femme pu apercevoir que son père était en retard, surement débordé de travail, pour une fois. Elle tourna et releva la tête, pour regarder l’invité surprise, répondant à son sourire avec le même enthousiasme et la même sincérité. Le Lord était de ces gens qui fascinaient la femme-enfant, leur aura grandiose et mystérieuse à la fois et cette profonde sensation qu’elle avait qu’il devait sans nul doute être un homme de bon cœur, avis surement influencé par le fait que son père avait prit l’Irlandais comme élève. Et ainsi, finalement avait-elle une occasion de discuter avec cet homme qui l’intriguait. Ce fut dans cet état d’esprit que Cécilia l’écouta lui proposer une promenade. En son for intérieur, la jeune femme bénit sa merveilleuse idée de faire preuve de légèreté dans son accoutrement.
- Bonjour, Milord! Une promenade en votre compagnie me comblerait! Il lui tendit la main, qu’elle prit en se levant et elle ajouta. Si le soleil devait me forcer à me réfugier, comment oserais-je me qualifier de botaniste!
La brune lui adressa de nouveau un sourire radieux alors qu’ils se dirigeaient vers les jardins de la propriété, dont la jeune femme était fière, autant pour son travail ardu que pour son agencement. Pourtant à ce moment, ce n’était pas seulement la fierté qu’elle avait, mais aussi une curiosité enfantine. Rappelons-nous que cet homme semblait déjà avoir bien plus de réponses sur la vie et les choses qu’elle, non seulement de par son âge que de par le fait qu’il n’était pas constamment chez lui et que tout naturellement, Cecilia était portée à vouloir lui parler et discuter avec lui.
- Je dois avouer que c’est une excellente surprise de vous croiser ici cet après-midi! Cecilia tourna la tête vers le Lord, enchaînant. D’habitude, je vous vois si peu, on dirait que vous disparaissez une fois vos enseignements terminés!
C’était en effet une chose que la Miss déplorait. Il était si rare d’avoir des invités un tant soit peu de son âge qu’ils devaient être aussi discrets que des souris! Une bien triste situation, lorsqu’on est si avide de s’ouvrir un peu au monde.
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Re: La Fille du Maître. par Mar 17 Sep - 18:49
« Il est vrai que vous feriez une bien drôle de botaniste ! Profitons donc de ce si rare et si précieux soleil, qui nous honore trop rarement de sa présence, sur cette triste Albion. »
Délicatement, Aïlin lâcha la main de Cecilia pour lui tendre son bras. Puis, il cala son pas sur celui de la damoiselle, soucieux d'aller à sa cadence plutôt qu'à la sienne propre. Un rire un peu embarrassé échappa au jeune homme, qui détourna le regard lorsque, passant le perron, Cecilia l'interrogeait indirectement sur sa manie de disparaître sans jamais s'attarder au domaine.
Lui confier qu'il se sentait mal toléré par Henry lorsqu'il approchait de trop sa précieuse enfant, à l'instar de la plupart des jeunes hommes qui avaient, par intérêt ou non, posé les yeux sur Miss Peverell, n'était pas la confidence la plus avisée à faire. Aussi, Aïlin adressa un sourire d'excuse à Cecilia, choisissant d'éviter les explications par un petit tour de passe-passe.
« Le temps est un don précieux, Miss Peverell. Hélas, il est aussi fuyant et me coule entre les doigts, quand je cherche à le retenir au creux de mes paumes. Il m'échappe et me fuit, tout comme à votre père. Aussi, je prends ce que Maître Peverell me donne sans abuser de sa bonté. »
Son regard bleuté s'attarda sur Cecilia, sans laisser transparaître la fierté qu'il éprouvait à avoir trouvé si aisément ce bon mot.
« Peut-être est-ce le soleil qui l'a rendu paresseux, mais le temps veut bien consentir à ralentir, aujourd'hui. Me voilà donc dans l'attente pour deux heures encore. Je ne disparaîtrai nul part d'ici là. »
Tandis qu'ils pénétraient dans les jardins, Aïlin observa son environnement avec un intérêt non-feint. Il savait que le décor extérieur était l'œuvre de Cecilia. Elle avait planté, soigné, nourrit la plupart des plantes, buissons et fleurs qui s'étendaient autour d'eux, et le travail était remarquable. La finesse et le sens artistique de la jeune femme se devinaient dans la disposition des allées ainsi que dans les couleurs choisies, harmonieusement unies. À côté du jardin Peverell, celui du domaine Bower faisait pâle figure. Ce n'était pas faute, pourtant, d'avoir embauché un des meilleurs paysagistes sorcier. Mais comme tout le monde devait s'empresser de complimenter la jeune femme, Aïlin, pour sa part, préféra garder le silence en appréciant le spectacle que l'œuvre de Miss Peverell lui offrait.
« Pour ma part, Cecilia, je vous vois toujours si discrète et solitaire... J'espère que vous ne vous ennuyez pas trop dans ce grand domaine ? Si le cœur vous en dit, vous pourriez rendre visite à ma sœur, Lynn. Elle se fera une joie de vous recevoir, je n'en doute pas une seconde. Il n'est pas de votre âge de rester seule si souvent. »
Oh, Aïlin se doutait bien que les raisons de sa solitude n'étaient pas du fait de la jeune femme, mais s'il pouvait lui offrir une possibilité de sortie sans que cela paraisse déplacé aux yeux d'Henry, cela valait bien la remarque qu'il venait de lui faire. L'héritier Bower ignorait si les deux jeunes filles pouvaient s'entendre, et si même elles avaient fait connaissance à Poudlard. Néanmoins, la proximité de l'une et de l'autre pouvait être bénéfique pour les deux. Lynn et son esprit aventureux trouverait peut-être un peu de calme et de réconfort auprès de Cecilia, et Cecilia... Un peu d'aventures et d'énergie dans sa vie monotone et paisible.
« Je crois, en fait, que vous lui rendriez service... Voilà des mois qu'elle tourne en rond comme une âme en peine. Je ne sais que faire d'elle, je dois bien l'avouer... »
Sourit Aïlin, avec un air plein de regrets. Cela n'était pas totalement faux, d'ailleurs, quand bien même le propos avait été tenu pour donner davantage d'importance à Cecilia qu'à sa sœur. Paroles qu'il inverserait certainement pour sa sœur, afin qu'il n'ait pas l'air de lui coller dans les pattes une jeune femme sur laquelle il aimerait la voir prendre exemple. Sans copier la personnalité de Cecilia, trouver un peu de sagesse au lieu de rester cloîtrée dans son esprit agité ne ferait pas de mal à sa cadette. Se faisant cette pensée, Aïlin poussa un soupir las sans même s'en apercevoir.
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Re: La Fille du Maître. par Sam 9 Nov - 9:39
- Peut-être est-ce le soleil qui l'a rendu paresseux, mais le temps veut bien consentir à ralentir, aujourd'hui. Me voilà donc dans l'attente pour deux heures encore. Je ne disparaîtrai nul part d'ici là.
- Il est drôle de voir à quel point le temps aime à rester le plus avec ceux qui en ont le moins besoin. Cécilia retint une expression morose de justesse. Tout au contraire de vous, ces deux heures seront pour moi comme un souffle de liberté que le temps m’accorde vu que, j’ose l’avouer, j’avais toujours espéré apprendre à connaître un peu mieux l’homme qui a acquis la confiance de mon très cher père!
Elle fit un sourire à son interlocuteur et alors qu’elle allait lui demander par quel miracle une maîtresse aussi exigeante que l’alchimie lui laissait deux heures libres, mais ils sortirent dehors. Elle perçu de suite le regard de l'Alchimiste alors qu’il admirait les jardins. Aucun mots n’eurent besoin d’être prononcés pour qu’une immense fierté s’empare de Céci’. Il avait sous les yeux sont travail le plus accomplit, dans lequel elle avait mis tant d’amour et toute son énergie, tentant d’allier autant l’esthétique que le naturel. Pas comme ces jardins français, esthétiquement réussit et calculés à la perfection, mais sans liberté, sans… sans fluidité. Ils avaient de la grandeur, mais pas de cœur qui bat. Cecilia avait toujours trouvé ce genre de jardins si triste, c’était donc un bonheur chaque matin de parcourir cet endroit, n’était-ce que pour deux minutes, question de le traverser et se rendre à ses serres. C’était sa manière de se requinquer.
Ils commencèrent à marcher, à pas lents et détendus dans l’une des allées et Cecilia se sentit un peu coupable à l’idée de son père qui arriverait dans le salon et ne la trouverait pas. Il serait sûrement déçu, mais elle ne faisait rien de grave de toute manière. C’est cela, elle n’avait absolument rien à se reprocher, si ce n’était qu’elle connaissait trop bien son père.
- Pour ma part, Cecilia, je vous vois toujours si discrète et solitaire... J'espère que vous ne vous ennuyez pas trop dans ce grand domaine ? Si le cœur vous en dit, vous pourriez rendre visite à ma sœur, Lynn. Elle se fera une joie de vous recevoir, je n'en doute pas une seconde. Il n'est pas de votre âge de rester seule si souvent.
Oserait-elle répondre à cela en toute honnêteté? Non, mieux valait se taire. Bien sûr, Cecilia avait toujours eu un naturel discret, mais la solitude n’était pas à proprement parler volontaire. Et l’ennui… n’en parlons pas, à force, l’ennui était devenu un petit fardeau quotidien, qui lui faisait regretter de ne pas avoir encore plus de travail, faute à son entrée plutôt récente dans le monde des botanistes. De toute façon, avait-elle réellement à le préciser? Ce n’était pas un secret, de toute façon. C’était même propagé aux quatre vents par les jacasseuses du monde magique. Et puis être seul n’était bon à aucun âge. Quand elle regardait son père, elle voyait ses traits affaissés par le manque de sa femme. Pourtant, une chose retint vraiment son attention et ce fut cette cordiale invitation à rencontrer sa sœur. Lynn Bower… Cecilia chercha dans sa tête et se rappela cette jeune fille d’un an de moins qu’elle. Malgré son caractère discret, Céci’ n’était pas sourde et se rappelait bien l’image d’étudiante au caractère d’acier qui lui était parvenu, ce qui revenait à dire qu’elle ne connaissait absolument rien d’elle, si ce n’était le souvenir vague d’un visage et son âge approximatif.
Il mentionna ensuite que sa sœur s’ennuyait déjà depuis quelques mois de son côté. Ce fut une chose qui piqua Cecilia au cœur. Elle venait de sortir de Poudlard, et donc n’était revenue au domaine que depuis Juin, mais tous ses étés avaient toujours été ainsi. Et alors même qu’elle avait un âge suffisant et une carrière à entretenir, c’était toujours le branle-bas de combat lorsqu’elle désirait sortir de chez elle sans son père. Elle devait argumenter et bien détailler la nature de sa sortie et si cela lui paraissait trop louche, Henry en venait même parfois à venir la voir, pour s’assurer de la véracité de ses propos. Elle n’avait jamais eu honte de son père, mais être couvée ainsi la mettait dans l’embarras. C’était encore heureux que cela n’arrive pas souvent vu que son père était très occupé, car de telles occurrences se produisant de manière répétées, Cecilia ne le supporterait pas. Le peu d’indépendance qu’elle arrivait à négocier, elle y tenait bec et ongles. Ainsi donc, avec ce bagage de confinement, la brunette pouvait parfaitement comprendre comment la pauvre Lynn devait se sentir et ce serait sans nul doute bénéfique qu’elles passent au moins une journée ensemble.
- Oh, mais pourquoi pas, faire de nouvelles rencontres est toujours agréable! Répondit-elle avec enthousiasme. Cela nous fera sans doute le plus grand bien à toutes les deux.
Malgré ces paroles qui confortaient les idées d’Aïlin, celui-ci semblait dans ses pensées, qui finirent par lui tirer un soupire. Instinctivement, Cecilia s’en préoccupa. Qu’est-ce qui pouvait bien lui soutirer une telle expression de lassitude? Avait-il déjà hâte de terminer leur discussion à peine entamée? Ou serait-ce un autre sujet?
- Sieur… pardonnez-moi cet accès d’indiscrétion plutôt inhabituel de ma part, mais quel tracas vous pousse donc à sembler si découragé? Serait-ce mon père ou vos apprentissages qui vous posent problème?
Tout en terminant cette phrase, Céci’ eut un sourire doux et amical envers l’héritier Bower. La mine qu’il arborait donnait envie à l’Anglaise de le faire sourire et de lui ôter tous soucis de la tête et elle lui offrait donc son attention, pour lui permettre de se confier à quelqu’un. Il était vrai, elle connaissait si peu d’Aïlin mais déjà, elle sentit le besoin de s’enquérir de son humeur et de le savoir bien. Son père le lui avait toujours dit «Ma fille, vous voulez le bien de tout le monde.» et elle ne savait toujours pas si cela s’avérerait un jour un défaut ou, au contraire, une qualité.
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Re: La Fille du Maître. par Lun 11 Nov - 23:54
Aussi, sans même y penser, ce qui avait tiré un soupir douloureux à Aïlin s'imposa naturellement dans son esprit, comme une évidence. Tant de choses le tiraillaient qu'il se trouva un instant démuni face à toutes ces maux, petits ou grands, qui se précipitaient au perron, profitant de la faiblesse de leur propriétaire pour investir la cour intérieure de son esprit. La voix cristalline de Miss Peverell avait déclenché le flot inopiné de pensées, et là où, à l'accoutumée, Aïlin se défendait d'une pirouette, il se contenta de garder le silence un instant, n'écoutant que le bruit de leurs pas sur les gravillons de l'allée. Puis, enfin, tournant la tête vers Cecilia, il la gratifia d'un sourire qu'il aurait voulu aussi sincère et agréable que celui qu'elle lui avait offert.
« Merlin merci, votre père est le percepteur idéal et je me réjouis chaque jour d'être son élève. Oh, bien sûr, son caractère n'est pas toujours conciliant, mais il faut au moins cela pour contenir le mien. »
Un sourire charmant ourlait ses lèvres tandis qu'il terminait sa déclaration en tournant un regard affable en direction de la jeune fille. Sa contrariété, à le voir aigre, semblait sincère, et il ne voulait pas l'en affliger plus que de nécessaire.
« Mais je ne me permettrai pas de parler de moi et de mes innombrables soucis en si charmante compagnie, Miss Peverell. Ce ne serait pas une façon très plaisante de faire connaissance l'un de l'autre. Parlez-moi plutôt de vous, cela sera la meilleure distraction pour me soustraire à mes aigreurs. »
Aïlin marqua un temps d'arrêt, avant d'ajouter :
« Non pas que je considère vos paroles comme une simple distraction, ne vous méprenez pas. Je suis ravi d'avoir enfin l'occasion de converser avec la fille de mon Maître. Je passe régulièrement à côté de vos serres, et cela ne manque jamais de me rappeler que je croise chaque jour une botaniste prodige. »
Avisant un banc d'un mouvement de tête, Aïlin proposa silencieusement à la jeune femme d'aller s'assoir. La chaleur d'un soleil élevé dans le ciel à son plus haut degré, décidé à noircir la terre aussi longtemps que le jour le lui autoriserait, ne faisait montre d'aucune indulgence. En effet, il était autant ardu de marcher sous ses rayons brûlants que d'y tenir un combat d'épées. Il était si rare que l'Angleterre voie Hélios couver ses terres que l'on se laissait toujours surprendre par les températures estivales. Aïlin, épuisé par ses travaux exécutés dans une chaleur intolérable, était le premier à espérer un peu de fraîcheur car, à son grand dam, celle qu'il avait trouvé dans les eaux fraîches de son bain l'avait déjà quitté.
Le jeune homme laissa Cecilia s'installer, avant de prendre place à ses côtés et parcourir l'horizon du regard. D'ici, le paysage était plus sublime encore que du perron. L'on se trouvait immergé dans un parterre de plantes, d'herbes tendres et de fleurs en pleine éclosion, affrontant bravement les rais mortels qui les taquinaient de leurs ardentes caresses. Un sourire accompagna cette découverte, et le soupir qu'Aïlin poussa fut, cette fois, moins aigre. Au contraire, c'était maintenant le reflet d'un certain bien-être, de ces bien-être que l'on ressent en se laissant envahir par l'art d'une mélodie ou, pour, cette fois, d'un lieu.
« Il est rare de trouver une femme qui éprouve tant de passion pour l'art de la botanique. C'est un domaine fastidieux, salissant et où chaque œuvre nécessite de s'armer de patience. Qui, de l'influence de votre père ou de votre attirance pour la nature, vous a le mieux guidée vers cette voie ? »
Demanda finalement le jeune Bower. Un sourire en coin dénotait un certain amusement, à présent qu'il baissait les yeux vers ceux de Cecilia. Il avait choisi cette façon de tourner la question afin d'encourager Miss Peverell à parler davantage avec son cœur qu'avec sa raison, car il ne doutait pas une seconde qu'ils partageaient tous deux une chose en commun : la passion pour leur art. Ce sujet de conversation, s'il aurait pu sembler banal et convenu pour un esprit fade, ne l'était en rien pour lui. Il valait, d'ailleurs, bien mieux que ceux dont Cecilia aurait pu lui enjoindre à aborder en se souciant, comme elle l'avait fait, de ses contrariétés.
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Re: La Fille du Maître. par Dim 8 Déc - 16:13
Il parla de son père et le sourire de Cécilia se transforma en un petit rire silencieux. Henry était en effet un homme de caractère, parfois impulsif et un peu trop téméraire. De ce que la brunette avait pu observer, toutes ces fois où ils s’étaient retrouvés ensemble sans vraiment l’être, elle et l'apprenti, ce dernier semblait bien plus… composé. Elle pouvait se tromper, sans aucun doute, mais l’héritier Bower lui donnait cette sensation qu’il était de ceux qui tiennent à leur sang-froid comme à leur vie, arrivant à le garder dans une certaine mesure même en pleine colère. Peut-être se trompait-elle, puis chaque personne avait cette chose, propre à chacune, qui lui faisait perdre le nord, mais la jeune femme décida d’écouter un peu son instinct.
- Je ne veux pas remettre vos paroles en questions, mais je crois bien que vous devez au final contenir mon père au moins autant que lui vous contient!
L’expression avenante et les paroles que lui servit ensuite Aïlin eurent un effet instantané sur ses joues qui rosirent alors qu’elle baissant le regard, toute timide. Prodige… c’était un terme auquel elle ne s’était pas attendue du tout. Malgré qu’elle ne doutait pas de ses capacités, elle avait toujours associé l’augmentation rapide de reconnaissance de la part de ses collègues plus comme un coup de chance allié à des raisons patronymiques, que par un talent plus remarquable. Elle était une passionnée après tout, peut-être est-ce que cela se remarquait aussi? De toute manière, était-ce un compliment sincère ou embellit, elle n’oserait guère le demander. Il était donc mieux de le prendre et de l’accepter avec plaisir.
- Je vous remercie messire, c’est trop d’honneur que vous me faites. Finit-elle par lui adresser, un sourire reconnaissant sur les lèvres. Je ne saurais exactement que dire de moi, par contre, si ce n’est que mis à part la botanique je suis une amoureuse des arts… ce n’est pas une question qu’on me pose souvent, à vrai dire. Avoua-t-elle, un peu gênée.
Aïlin l’invita à s’asseoir à l’ombre d’un Acacia en fleurs. Au hasard de leur promenade, ils étaient arrivés pile à l’endroit où la jeune femme aimait tant à venir chercher la tranquillité, car même seule avec son père, son grand-oncle et ses pensées, la tranquillité de l’esprit était une chose difficile à atteindre et ne s’atteignait pas en songeant à la prison dorée dans laquelle elle était, mais bien en rêvant des plaines d’Irlande, qu’elle n’avait pas vu depuis si longtemps, de Paris et son âme si unique, de l’Égypte et son climat aride. Elle venait souvent dessiner ces paysages comme elle les imaginait et immortalisait sur papier les visions édéniques qu’elle gardait des terres natales de sa regrettée mère. L’endroit était parfait, discret depuis la porte de la demeure, mais offrant la meilleure vue possible sur le jardin, d’autant plus splendide alors qu’il était baigné dans la lumière. Cecilia se perdit quelques secondes dans la contemplation de lys blancs qui se trouvaient devant eux, de l’autre côté du sentier lorsque ses oreilles perçurent le soupir émit par Aïlin, qui lui soutira une petite pointe de contentement à l’idée qu’il fut déjà un peu mieux.
- Il est rare de trouver une femme qui éprouve tant de passion pour l'art de la botanique. C'est un domaine fastidieux, salissant et où chaque œuvre nécessite de s'armer de patience. Qui, de l'influence de votre père ou de votre attirance pour la nature, vous a le mieux guidée vers cette voie ?
Encore une fois, c’était là une question qu’on ne lui posait pas bien souvent… en fait on lui posait littéralement pas trop de questions. Les gens qui n’étaient pas de ses collègues la voyaient toujours comme une enfant, ou quant aux hommes de moins de trente ans, avaient trop peur de l’ombre intimidante qu’était son père. Ce n’était pas les meilleures conditions pour s’épanouir dans la vie et franchement, elle se voyait prise de court de voir que l’on s’intéressait à ce qui faisait d’elle qui elle était, aussi peu cela était-il.
- Mon père a cette merveilleuse qualité où il ne m’a jamais influencée à être ou faire quelque chose, ce qui est en soit une rareté pour une femme! Je dois donc en déduire que ma passion pour la nature m’aura été inculquée par l’amour que ma mère lui portait, et la sagesse que mon grand-oncle y trouvait.
Elle repensa un instant à sa mère, qui lui avait légué ce qui constituait aujourd’hui plus de la moitié des livres de botanique que Céci’ possédait et ressentit cette pointe de manque qui ne partirait jamais la piquer. Mais depuis le temps, la jeune femme savait rebondir habilement à chaque fois que cela arrivait.
- Il est vrai que la botanique demande de son pratiquant qu’il y mette de lui-même et se salisse les mains pour la cause, mais je crois que tout ce qui s’applique tant au domaine de la vie et de la mort est soumis à cette règle.
Cecilia replaça un pli de sa robe et offrit à Aïlin un regard complice.
- Je crois aussi – surtout aux vues de l’explosion de la semaine passée – que l’alchimie exige au moins autant, si ce n’est plus de patience et d'implication que la botanique, non?
Son sourire cachait tant bien que mal un rire, alors que le souvenir de son père, hilare et couvert de suie qui sortait en trombe du laboratoire lui revenait à l’esprit. Il avait fait une telle tête d’ahurit que la jeune femme en riait chaque fois qu’elle y repensait et bien franchement, il n’y avait pas à douter que c’était le genre de scène à laquelle personne ne pouvait retenir ne serait-ce qu’un gloussement.
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Re: La Fille du Maître. par Ven 27 Déc - 23:23
Un sourire se glissa sur les lèvres du jeune homme lorsque Cecilia lui apprit que son père ne l'avait pas influencé dans sa carrière. Dans sa sédentarité un brin forcée, la lady avait au moins la chance d'avoir, en la matière, plus de libertés que beaucoup de jeunes gens de son âge, en particulier de femmes. Beaucoup étaient vouées – à moins d'être d'exceptionnelles sorcières – à être l'extension de leur époux, ou en attendant d'être mariée, l'image soyeuse et sans défaut de la famille dont elles portaient le nom. Lynn était le parfait reflet de cela. Devin n'avait certainement rien à faire de ses ambitions, voyant en elle davantage une monnaie d'échange pour une alliance intéressante qu'une jeune femme prometteuse, pleine de ressources et de rêves.
La condition féminine et l'éventuelle injustice que celle-ci entraînait était un sujet qu'Aïlin jugeait finalement surfait, mais il en saisissait les douleurs et les angoisses. Elles étaient, au final, semblables à celles éprouvées par les hommes, eux aussi soumis à des codes et des règles contre lesquels ils ne pouvaient aller sans risquer leur honneur ou leur héritage. C'était le mal de la jeunesse que de ne pouvoir diriger complètement sa vie, mais il demeurait, malgré tout, chaque fois quelque chose que l'individu pouvait choisir, quelle qu'était sa situation, sa famille et la nature de sa cage. Une part de liberté, qui, concernant Cecilia, lui permettait d'exercer sa passion sans contrainte, au point de voir sa popularité grimper prodigieusement au fil des mois, auprès de tous les sorciers qui pratiquaient des magies où l'usage des plantes était nécessaire.
La répartie empreinte de justesse de Cecilia coupa Aïlin dans ses songeries et il acquiesça d'abord, avant de tourner un regard approbateur sur la jeune Peverell.
« Tout à fait juste. » commenta-t-il tandis que la botaniste lissait les plis de sa robe. En revanche, ses sourcils se haussèrent lorsqu'elle tourna un regard rieur vers lui en rappelant un incident qu'Aïlin n'allait pas oublier de si tôt.
« Ah, ça... » Marmonna Bower en se rappelant, un peu piteux, la bête erreur, si insignifiante de prime abord, qui avait conduit à la catastrophe. Les deux alchimistes avaient dû passer le restant de l'après-midi à réparer les dégâts. Le simple fait d'éteindre le feu qui se consumait en vrombissant dans le four avait pris trois heures. Quant à leur intégrité physique, Aïlin avait bien cru qu'il allait perdre l'usage de son bras, sur le coup. Par chance, Henry s'était interposé à temps avec un sortilège de bouclier, avant que son apprenti ne finisse en torche humaine. Voir le four s'embraser tout à coup avait été l'expérience la plus forte de sa vie d'apprenti.
« Une bête erreur de calculs dans les dosages. Travailler sur le feu alchimique n'est jamais exempt de risques d'incidents potentiellement dramatiques. »
Devait-il préciser que l'explosion était, tout naturellement, la somme d'un différend entre le maître et son élève, quant à la procédure à suivre ? Chacun avait eu sa théorie et aucun n'avait voulu en démordre, si bien qu'ils avaient consenti à tenter un compromis. Une erreur à laquelle on ne les reprendrait plus. Du moins, jusqu'au prochain désaccord. Un rire court finit par échapper à Aïlin, quand il se rappela la crise de rire nerveux qu'ils avaient eux au moment de soigner leurs brûlures. Ils avaient eu tellement de chance de ne pas être plus gravement blessés qu'ils avaient même fêté cela autour d'une pinte fraîche.
« Je n'oserais m'étaler davantage sur mon domaine d'exercice, cependant. Votre père doit vous rabâcher longuement les oreilles sur le sujet et je ne voudrais pas finir de vous rendre l'alchimie insupportable. Cela dit, vous avez raison de rapprocher la botanique et le Grand Œuvre. Tous deux traitent du cycle de la vie et de la mort, de la métamorphose incessante et du mouvement. Observer l'évolution d'une pousse renseigne mieux que n'importe quoi d'autre sur la nature de ce dernier : il est discret, imperceptible et pourtant constant. Même la mort n'arrête pas le mouvement. »
Son regard observa un instant les plantes et les fleurs qui se dressaient dans une myriade de couleurs, tout autour d'eux. Elles étaient comme des dizaines d'exemples de ce qu'il venait de dire, toutes à priori immobiles, indifférentes à la brûlure du soleil, alors que la vie bouillonnait en elles autant que dans les corps des deux jeunes sorciers assis au milieu d'elles.
« D'ailleurs, je ne suis pas étonné que vous soyez une amoureuse des arts. Vous m'avez l'air d'avoir l'âme d'une artiste. La seule vue de votre jardin m'en convainc. Je ne peux m'empêcher de penser qu'un artiste est davantage un procréateur qu'un créateur. Il n'invente rien, il reproduit. Ainsi, il sait insuffler la vie dans ses œuvres ; celles-ci n'en sont pas une imitation mais un reflet. Vous devez vous émerveiller chaque jour de voir vos jardins évoluer selon le mouvement que vous leur avez donné. Chaque heure le fait changer, à l'inverse de ces jardins à la française dont on nous vante la majesté figée, mais qui ne s'avèrent qu'être un acharnement futile contre le principe même de la vie. »
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