Magnum Opus :: Royaume-Uni :: Irlande :: Kenmare
Une sensation de déjà vu par Jeu 23 Nov - 15:58
Les gens qui étaient venus les accueillir ne portaient guère plus qu’une cape à demi ouverte sur une tunique qui ne protégeait pas plus de la rigueur du climat. Pour le jeune bordelais qu’il était, la désinvolture de ces gens aussi peu soucieux de la morsure du froid que du bruit de succion agrémentant chacun de leur pas avait quelque chose d’à la fois surréaliste et terrifiant. Car, plus que leur accent rugueux mais étonnamment chaleureux, cela démontrait clairement que ce peuple n’était pas fait de la même baguette que lui. Lui serait mort de froid d’ici une semaine, grand maximum. Il regrettait déjà ses terres, son soleil girondin, qui, en ce moment, revenait paisiblement de sa trêve hivernale. À l’heure où il se l’imaginait, des rayons chauds comme le bronze devaient colorer les cépages dans lesquels son frère et lui aimaient tant flâner et y cueillir le raisin à même les pieds de vigne.
Il allait mourir de froid et de regret, mais il s’interdisait d’exprimer à haute voix ô combien il détestait cet endroit. Il détestait la chambre qu’on lui avait prêtée, régulièrement frappée par les courants d’air, il détestait entendre encore et encore la pluie, la grêle ou ce vent tapageur frapper vitres et pierres presque sans discontinuer, il détestait cette odeur de tourbe qui flottait dans l’air même lorsque la cheminée ne brûlait plus depuis longtemps et, pis que tout, il détestait ces plats insolemment gras qu’on lui mettait dans son assiette en quantité effroyable, comme l’on remplissait une auge à cochons.
Armel avait pourtant approuvé ce voyage. Il avait soutenu son père, contre Arsène en particulier, il s’était ravi des missives reçues de la part des vieilles familles en constatant qu’ils n’avaient pas été oubliés Outre-Manche. Il avait beau aimer de toute son âme son pays, chérir les sorciers qu’il avait été contraint de laisser, pour l’heure, derrière-lui, il savait aussi bien qu’Arthus que les Rosier n’avait plus rien à faire à Bordeaux. Leur temps allait passer, plus vite qu’un claquement de doigts. Sans plus de faits d’armes héroïques et sans commerce rentable, leur nom se perdrait dans les limbes sans que personne n’ait la décence de les regretter. En matière de politique, sa raison était bien plus avisée que son cœur : il valait mieux recommencer ailleurs que se laisser mourir.
Ainsi, Armel ne disait rien du choc qu’il ressentait. Les mœurs de ces gens, le climat, la graille qui lui restait sur l’estomac, tout était opposé à l’environnement raffiné et délicat dans lequel il avait grandi. À ses yeux, cette petite noblesse irlandaise ne valait guère mieux que des bourgeois mal dégrossis.
Son grand-père, fraîchement centenaire, était en cela un exemple. Il affrontait avec un imperturbable stoïcisme les déconvenues que subissaient sa famille. Après tout, il n’avait pas le choix, puisqu’il avait été l’instigateur, bien des années auparavant, de ce qui se déroulait à présent. Cependant, quand bien même Arthus semblait porter tout le poids du monde sur ses épaules, Rambaut ne cessait de croire en la capacité d’adaptation de sa famille. Il comptait, plus que jamais, sur ses deux petits-fils pour faire briller de nouveau l’emblème des Rosier, et il n’avait pas manqué de les pousser tous deux à l’action, en duo uni par le sang, l’âme, et l’indéfectible lien qu’il y avait entre deux êtres ayant partagé le ventre de leur mère.
Hélas, chacun avait réagi d’une façon diamétralement opposée, et Armel sentait avec d’autant plus d’acuité, ici, en Irlande, la fissure qui fragilisait dorénavant leur complicité d’enfants.
Arsène paraissait bouillir de l’intérieur, prêt à éclater à tout instant. Les regards furibonds qu’il lui lançait quand quelque chose le dérangeait et qu’Armel n’y réagissait pas aurait fait pâlir qui connaissait le tempérament sulfureux du sorcier. Il devait manifestement tenir cette propension à la sanguinité des de Courcelle, car Armel avait pour seul réponse aux regards rageurs le calme froid et autoritaire de leur grand-père. À l’intérieur, c’était tout autre chose, pour autant. Il ne ressentait rien de la tempérance qu’il manifestait en public, et seuls quelques rares indices laissaient transparaître le fait qu’il se sentait, pour l’heure, aussi perdu que son frère.
Leurs hôtes avaient ce matin-là, invité les Rosier à se rendre à Kenmare en leur compagnie pour prendre la mesure de l’intensité des violences qui avaient frappé ce village voisin, dans le courant de la nuit. Armel, bien qu’ayant horreur de cavaler, avait volontiers accepté mais, son frère, rancunier, n’avait pas daigné relever le nez du parchemin qu’il écrivait quand on était venu le chercher.
Cette mutinerie d’adolescent agaçait tout le monde, mais on avait eu la gentillesse de lui indiquer à qui s’adresser au domaine pour récupérer un cheval et un guide pour les rejoindre dès qu’il avait « terminé ses tâches ». En somme, dès qu’il aurait fini de bouder.
Les règles, pour entrer dans un village mixte d’Irlande, étaient sévères. Il leur était interdit de manifester leur appartenance à la race sorcière autrement que le port d’habits verts ou violets, et il était impératif de ne sortir sous aucune circonstance leur baguette magique. On avait expliqué à Armel qu’un nouveau gouvernement s’était fraîchement érigé, mais que les lois sorcières anglaises avaient encore cours pour la plupart, et que celles-ci interdisaient formellement l’usage de la magie au sein de l’espace public. Apprendre cela le déroutait. Ils avaient fui la France pour se protéger de la menace qui pesait sur leur famille, mais le climat n’était pas moins tendu sur leur terre d’exil…
L’appréhension lui nouait le ventre quand, après presque une heure de galop ininterrompu, le groupe de sorciers constitué d’Arthus, Rambaut, le père et le fils Ó Riain ainsi qu’Armel lui même, passa les premières maisons de Kenmare.
De la fumée et de la cendre jonchait le sol de la place principale et certaines maisons avaient subi des dégâts qu’Armel devinait sans mal d’origine magique.
« Que s’est-il passé, exactement ? »
Demanda Armel d’une voix tendue à son voisin de gauche, dont le nom imprononçable lui échappait. Le fils Ó Riain approcha un peu sa monture pour pouvoir chuchoter sans se faire entendre des blessés qui jonchaient encore les trottoirs.
« C’est une longue histoire… Pour résumer, la guerre est déjà ouverte en Irlande, quand elle se prépare en Angleterre… Il faudrait être aveugle ou bien stupide pour le nier. Tout le monde se bat, pour une raison ou pour une autre. Chaque peuplade cherche à se détruire l’une et l’autre. La bourbe est à l’origine de tout ça, crois-moi.
— La bourbe ? Interrompit Armel, interloqué par ce terme qu’il ne connaissait pas.
— Les sans pouvoir. Les catholiques pour être plus précis, en tout cas ici. Ils sont nombreux et féroces comme des loups. Ils détestent la magie, détestent notre peuple, détestent, en somme, tout ce qu’ils sont incapables d’expliquer et qui met en péril leur religion. Il me semble que vous avez les mêmes chez vous, je ne dois rien t’apprendre, n’est-ce pas ? »
Le soupir que poussa le français en disait long sur la compréhension qu’il se faisait de la situation. Son regard s’attarda sur une mère qui pleurait qu’elle avait perdu son enfant et qui suppliait, dans un cri déchirant, qu’on le lui rende. Trois hommes l’entouraient pour tenter de la ramener à la raison jusqu’à ce que, trop dépassés, l’un d’eux sorte discrètement sa baguette magique pour la plonger dans un sommeil enchanté.
Le groupe fit halte devant la scène pour s’enquérir de la situation.
« La mère Cliodhna. » Déclara celui qui avait endormi la roturière. « Ils ont appris que son garçon était l’un des nôtres. Égorgé avant que quelqu’un puisse lui porter secours et jeté dans le bûcher qu’ils ont dressés et dont vous voyez la suie noircir le pavé. »
Il n’y eut aucun commentaire au sein du groupe de cavaliers. Leur silence faisait office de sombre constat, et seul Armel avait physiquement réagi, en portant une main devant sa bouche. Horrifié, il déporta de nouveau son regard sur la place et se demanda combien de pauvres gens avaient brûlé cette nuit. Le groupe s’ébranla de nouveau et le fils Ó Riain reporta de nouveau son attention sur l’exilé.
« Ils agissent de plus en plus souvent comme ça. Un groupe fomente l’assaut quelques jours auparavant et s’en prend à ses propres voisins. Parfois, c’est un village qui s’en prend à un autre car il soupçonne le premier d’être de connivence avec les Forces du Mal. La violence a explosé, bizarrement depuis que les sorciers ont détruit la menace que représentait le clan vampire qui terrorisait jusqu’alors l’Irlande. Ils veulent finir le travail, et nous détruire tous autant que nous sommes. Compte tenu de nos relations avec la Couronne, nous ne pouvons désormais plus compter sur elle pour rappeler le bon peuple à la raison. Pis encore, celle-ci a formé une armée qu’elle appelle les Gardiens, et qui pourchasse, main dans la main avec l’Inquisition, tout sorcier qui enfreindrait les lois de Sa Majesté Jacques II. »
Il avait lâché ce titre avec tel mépris qu’il avait eu l’air de le vomir.
La démonstration ne pouvait pas être plus efficace. Ce tour d’horizon faisait froid dans le dos. Armel observa ces visages, pour la plupart tâchés de sang, de suie ou de crasse, et ceux-ci l’observaient en retour avec une grossièreté qui lui tira un rictus de dégoût.
« Regarde là-bas… »
Tournant la tête vers son interlocuteur, Armel suivit son mouvement de menton pour apercevoir un groupe d’hommes et de femmes en robe blanche qui s’affairait sur le parvis de l’église.
« L’Ordre de Merlin. Regarde les s’occuper des moldus comme s’ils étaient des victimes dans tout ça ! Ça me met hors de moi !
— Je ne peux pas y croire, déclara le Rosier avec hauteur.
— Eh bien, va constater par toi-même… ! »
Armel hésita une seconde, puis dirigea son grand destrier blanc jusque le parvis de l’église. A peine le fer de son cheval frappa-t-il la place que son regard fut attiré par une femme à la soyeuse chevelure blonde. L’éclat qu’elle dégageait malgré la simplicité de sa tenue lui rappela quelque chose, ou plutôt quelqu’un. Ralentissant l’allure, il l’observa négocier avec un homme bien plus grand et plus épais qu’elle. Une fiole de potion dans la main, elle lui toucha l’épaule et l’homme sembla s’adoucir pendant un instant. Ah ! ce geste ! cette attitude ! Armel la reconnut sans mal et un léger sourire arqua sa bouche quand il repensa à son arrière-grand-tante. Ce ne fut efficace qu'un trop court instant, car, quand la jeune femme tenta de faire boire à l'homme ce qui devait être un remède à la brûlure lui maculant l’épaule et le bras droits, il se mit à s’écrier un retentissant : « Sorcière ! ». Il l’agrippa par le bras et la secoua assez fort pour que la fiole s’échappe de sa main et se brise en mille éclats sur le sol.
Cette fois, le sang d’Armel ne fit qu’un tour. Il avait vu, sur le visage de l’inconnue, celui de Zélina. Elançant sa monture, il fonça droit sur eux, assez vite pour que le manant ne lâche et s’écarte.
« Arrière ! » s’écria Armel d’une voix princière tandis que, très droit sur son cheval, il marqua d’un regard l’agresseur de son absolu mépris. La monture se cabra, et, pendant une fraction de seconde, le jeune homme se vit lâcher la bride de l’animal pour qu’il lui passe sur le corps. Mais, au lieu de quoi, il maintint les rênes fermement serrées. Cependant, comme le moldu ne fuyait pas, il talonna sa monture juste assez pour que celle-ci semble prompte à le renverser. Cette fois, l’individu ne demanda pas son reste. Il le poursuivit au petit trot, juste assez pour s’assurer qu’il ne reviendrait pas, avant de s’en retourner vers cette femme qui ressemblait à une princesse perdue au milieu des ruraux.
« Il n’est jamais prudent d’user de son charme sur les hommes qui n’ont que de la pierre en lieu et place du cœur… » tenta de sourire Armel à celle qu’il avait reconnue comme étant pourvue d’un peu de sang de vélane.
Si sa voix, pourvue d'un discret accent français, restait douce comme l’était le reste de ses mouvements, il était tendu et son cœur battait encore à tout rompre.
Finalement, il était soulagé qu’Arsène ne se soit pas mêlé à l’expédition. Furibond comme il l’était, celui qu’Armel s’était contenté de prendre en chasse aurait fini les os broyés par les sabots de son cheval.
« Vous n’avez rien ? »
- Le renard et la rose
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Re: Une sensation de déjà vu par Sam 25 Nov - 22:20
Ils n’étaient qu’une poignée, cette fois-ci, à s’être déplacés. Le village était petit, « une équipe de cinq guérisseurs ou apprentis suffira largement », avait supposé Lister, le guérisseur en chef de l’Ordre en Irlande. Et puis, comme Kenmare cette nuit-là, d’autres villages avaient été attaqués et l’on manquait cruellement de baguettes efficaces dans de telles circonstances.
Aux abords de la ville, Passiflore avait grimacé. L’odeur de brûlé lui fit froncer le nez et elle s’éclaircit la gorge, jetant un œil vers celui qui avait été désigné d’office pour mener les opérations, Edward Murray. Ce dernier avait déjà l’air grave. Leur situation était toujours complexe dans ces moments : les habitants les reconnaissaient rapidement comme étant sorciers et, s’ils ne parvenaient pas expressément à montrer leur louable intention, ils ne leur restaient plus qu’à fuir amèrement. Silencieux, le petit groupe attendait les consignes, que chacun connaissait déjà et se répétait en tête.
- De la diplomatie et de la discrétion, tous, amorça Murray. Mais ne vous mettez pas en danger. William, James et Passiflore, sur la place. Martha et moi, nous nous déplacerons dans les rues pour répondre aux nécessiteux.
Comme un seul homme, tous hochèrent la tête et se mirent en route. Passiflore emboîta le pas aux deux jeunes guérisseurs qui n’en étaient, heureusement, pas à leur première mission de la sorte. Ils étaient crispés, comme elle. La main serrée sur sa mallette de cuir, la Vélane appréhendait déjà ce qu’elle allait trouver sur la place. Elle avait déjà vu des scènes d’horreurs qui lui avaient retournés l’estomac. D’un pas rapide, les guérisseurs passèrent devant les restes du bûcher dont les odeurs obligèrent Passiflore à se mordre la langue. L’odeur de chair brûlée était des plus désagréables. Elle pouvait toutefois s’estimer heureuse qu’une dizaine d’heures se soient écoulées depuis les massacres. Les informations pouvaient mettre du temps à arriver jusqu’à l’Ordre, si tant est que le village soit moldu et isolé.
Fort heureusement, l’Ordre de Merlin avait déjà œuvré à Kenmare, et ainsi le chef du village les accueillit presque à bras ouverts.
- Dieu merci ! s’écria-t-il en les voyant. Il ne peut y avoir de Dieu pour laisser faire de telles choses, pensa Passiflore, et un coup d’œil à ses comparses lui assura qu’ils avaient eu la même pensée. Nous avons rassemblé les blessés... Venez...
Le pauvre homme tremblait encore. Avant qu’il ne s’élance auprès de ses habitants, Passiflore le retint doucement par l’épaule.
- Monsieur le Maire, vous êtes blessé aussi, dit-elle d’une voix douce. Mes collègues trouveront les blessés, ne vous en faites pas.
Alors que l’intéressé allait protester, William et James lui firent un sourire qui se voulut rassurant :
- Nous allons nous débrouiller, Monsieur, assura William. Passiflore va s’occuper de votre bras et de votre visage.
Le pauvre homme arborait effectivement une vilaine estafilade qui lui barrait de la tempe droite au menton, et la couleur de son veston et l’odeur qui s’en dégageait ne lui inspirait rien de bon. Vaincu, il s’abandonna à l’initiative de la Vélane qui le fit s’asseoir sur un des bancs de la place. Elle récupéra un tabouret de traite qui traînait là, et s’assit en face de lui. Il n’avait du prendre de repos de la nuit, car, à présent qu’il était posé, il semblait à bout de force. Les yeux dans le vague, il balbutia :
- Ils... Ils sont arrivés en pleine nuit...
Passiflore jeta un œil aux alentours. Ses collègues et elle-même pouvaient dispenser des soins sans utiliser leur baguette, mais la magie leur permettait d’être plus efficace et rapide. Voyant que chacun était affairé et que personne ne s’attardait sur son voisin, elle leva la sienne vers le bras du maire. Délicatement, elle déchira le tissu pour laisser apparaître la brûlure infectée qui était, à son goût, bien trop vaste. Elle s’affairait pendant que l’homme continuait de parler.
- Je ne comprends pas, Miss... Pourquoi... Le p’tit d’la Cliodhna... 5 ans qu’il avait... Vous vous rendez compte ... ? murmura-t-il.
La Française leva une seconde les yeux de son travail. Croisa le regard bleu gris du Maire, rougis par les larmes. Elle se mordit la lèvre en sentant qu’elle l’imitait. Il y avait des jours comme ça, où elle pouvait presque fondre en larmes avec la personne qu’elle soignait. Aujourd’hui, elle ne pouvait pas se le permettre, même si l’envie ne lui manquait pas. Elle esquissa un sourire triste.
- Paix à son âme, souffla-t-elle, en achevant de badigeonner la plaie d’un cataplasme destiné à combattre l’infection et réhydrater les tissus. D’une main experte, elle banda le bras de l’homme. Je suis sûre que vous avez fait tout votre possible... Mais on ne peut rien contre la barbarie...
A ses mots, l’homme ne retint plus ses larmes. Passiflore inspira et posa une main douce sur la nuque de son patient d’un instant. Elle frémissait d’amertume, mais aussi d’incompréhension et de colère. Oui, elle se rendait compte. Tous les jours, elle se rendait compte de la barbarie et de l’horreur en soignant ceux qui n’avaient plus rien. Et plus les jours passaient, moins elle comprenait, et plus la colère l’habitait. Mais tous ces sentiments, dans ces moments-là, de vulnérabilité extrême, elle s’efforçait de les oublier. Pour rassurer.
- Vous êtes encore là, et vos gens ont besoin de vous pour se relever... Ensemble, vous y parviendrez, j’en suis certaine...
Tout en disant cela, elle massait la nuque bien trop tendue de l’homme. Les sanglots de ce dernier finirent par s’apaiser et, épuisé, il poussa un profond soupir. Il s’éclaircit bruyamment la gorge.
- Je ne sais pas ce qui m’a pris... Toutes mes excuses, Miss...
Passiflore lui sourit lorsqu’il leva les yeux vers elle.
- Les Irlandais ont trop de cœur et de courage pour se laisser abattre, dit-elle. Rapidement, elle nettoya la plaie qu’il arborait au visage. Vous exhiberez une cicatrice, je crains, mais vous n’avez rien à craindre là. En revanche, pour votre bras, veillez à ce qu’il ne s’infecte pas. De toutes façons, je pense que nous repasserons, pour vérifier que les blessés se remettent bien...
Il hocha la tête. Lui sourit, et lui serra la main.
- Merci, dit-il, sourire presque retrouvé.
Courageusement, il se releva.
- Venez, je crois que vos collègues sont occupés, et j’aimerais que vous voyiez quelqu’un, enchaîna-t-il.
D’un pas vif, la Vélane le suivit sur le parvis de l’Eglise. Satisfaite de voir qu’il s’était repris, prêt à affronter les jours à venir. Il s’arrêta à quelques pas d’un homme qui avait l’air ivre. A l’instar du maire, son épaule et son bras droits montraient les signes évidents d’une vilaine brûlure. Passiflore grimaça, s’imaginant mal le faire s’asseoir plus d’une dizaine de minutes pour soigner tout ça. D’un tour de main, elle fit apparaître une petite fiole au liquide nacré dans sa manche.
- Harvey a bien essayé de les arrêter mais... Bref, il est encore en vie, c’est déjà ça... Je vous laisse, je vais voir vos collègues, spécifia le maire qui s’éloigna prestement.
La Française s’approcha de l’homme. Il puait effectivement l’alcool. La partie s’annonçait corsée. Il la sentit venir puisqu’il leva les yeux vers elle.
- T’es qui, toi ?
Blessé, ivre, et simple d’esprit. Bien, pensa la Vélane.
- Harvey ? Je suis Passiflore... médecin...
Le mot à ne pas dire. L’homme recula brutalement, et manqua de trébucher sur un tas de bois.
- J’ai b’soin d’personne ! Z’ont tué... Tout le monde...
Expirant longuement, la Vélane s’approcha. Il était trop agité et déboussolé pour tenter une manœuvre douce.
- Je sais, Harvey, c’est toi qui les as fait fuir... disant cela, elle approcha la main de son épaule. Heureusement que tu étais là, sans quoi Kenmare ne serait plus...
Elle posa sa main sur son épaule. L’homme ne put que lever les yeux vers elle, et sembla soudainement apaisé. La Vélane adressa un remerciement à sa grand-mère et à sa mère pour ce petit don empoisonné qui, il fallait l’avouer, avait ses utilités en certaines circonstances. Elle ne l'employait cependant que très rarement dans la mesure où elle acceptait avec difficultés le regard et la méfiance que pouvaient lui manifester une grande majorité de personnes lorsqu'elle se retrouvait contrainte et forcée de se dévoiler.
- C’est bien, Harvey... Habilement, elle déboucha la fiole, mais au moment où le précieux liquide allait hydrater le gosier alcoolisé du simple, celui-ci repoussa brutalement la main de la guérisseuse.
Ses doigts laissèrent s’échapper la fiole qui s’écrasa au sol. Instinctivement, elle avait fait un pas en arrière et, avant qu’elle ne put faire quoi que ce soit, elle entendit un impérieux « Arrière », qui eut plus d’effets sur elle-même que sur l’homme ivre.
Un cavalier s’interposa entre eux et, habilement, parvint à faire reculer Harvey, qui s’enfuit sous la pression de la monture. La Vélane profita de ces quelques instants de répit pour reprendre contenance, apaisa d’une parole et de gestes rassurants ceux qui s’étaient retournés pour qu’il reprenne leurs travaux, et se trouva bien vite confronté à celui qui lui avait épargné une sacrée rebuffade, sinon des coups à n’en plus finir.
Elle fut surprise de voir un visage si jeune. L’intéressé avait, tout au plus, une vingtaine d’années. Les premiers mois qu’il prononça, une fois démonté, achevèrent de la surprendre, tant par leur teneur que par le léger accent qu’elle ne pouvait que reconnaître, puisqu’il était encore le sien après des années passées en Angleterre.
- Je... Hm... Merci... Non, non, tout va bien, j’ai... L’habitude de ce genre de... Personnages. Je crains ne devoir revenir pour celui-là lorsque l’alcool ne fera plus effet... Il a vraiment besoin de soins
Elle passa sa main dans ses cheveux, puis rebondit sur les paroles de son interlocuteur, avec un léger sourire. Elle était étonnée de ne pas sentir de défiance dans les mots qu'il prononça. Pour une fois...
- Vous avez déjà eu affaire à une Vélane, je présume ?
Puis, sans attendre la réponse, elle se dirigea vers une petite famille qui attendait non loin de là. La femme tenait dans ses bras un nourrisson qui s’époumonait, certainement gêné par l’ambiance, les odeurs, et le stress maternel. Une petite de trois ans hoquetait entre deux sanglots et la pauvre mère, dont l’âge oscillait entre celui de la Vélane et du nouveau venu, avait l’air hébété. Avec douceur, Passiflore effleura la joue de l’enfant et lui fit boire une mixture épaisse avec une odeur sucrée. Consultant ensuite la mère des yeux, elle lui prit délicatement le nourrisson des bras et, du bout des doigts, lui fit téter de l’un de ses doigts imbibé de la même mixture utilisée que pour sa sœur aînée. Elle rendit l’enfant à sa mère et, l’instant d’après, celui-ci s’apaisait dans ses bras.
- Prenez du repos, Madame, souffla la guérisseuse. Vos enfants ont besoin de vous.
Elle lui donna une fiole de la mixture avec un sourire, puis se tourna vers son « sauveur » après avoir jeté un coup d’œil sur la place. Ses collègues s’affairaient, si bien que les blessés avaient été pris en charge.
- Je craignais le pire pour Kenmare... Finalement, ils s’en tirent bien... Merci encore pour votre aide, pour tout à l’heure. Elle lui sourit. Je suis Passiflore, guérisseuse pour l’Ordre de Merlin. Et vous, vous n’êtes pas vraiment du coin, n’est-ce pas ?
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Re: Une sensation de déjà vu par Dim 26 Nov - 17:18
Pourquoi s’exposer autant pour un simple moldu ? Armel n’eut pas le temps de s’interroger à haute-voix, car la demi vélane l’éloigna du sujet en l’interrogeant sur sa connaissance des vélanes. Un large sourire découvrit ses dents.
« Mon arrière-grand-tante, du côté de sa mère ! » lui répondit-il, quand bien même elle lui tournait déjà le dos.
La guérisseuse ne semblait pas plus perturbée par ce qui venait de se produire : déjà, elle allait à la rencontre d’une mère et de ses enfants ; ceux-ci attendaient dans un état d'hébétude totale qu’on s’occupe d’eux. Les pleurs du nourrisson étaient déchirants dans cette atmosphère sordide.
Le naturel et la douceur avec laquelle la jeune femme s’occupait de l’enfant, puis retirait le bébé à la mère sans s’attirer la moindre résistance étaient fascinants à observer. Perché sur le dos de son cheval aux membres maintenant maculés par la boue et la poussière grise qui flottait encore dans l’atmosphère, le français se sentait comme un spectateur impromptu d’une scène dans laquelle il n’avait rien à faire. Il regarda autour de lui, un peu éperdu. Il vit, là, un sorcier en robe blanche distribuer un peu de pain et de bouillon à une enfant esseulée, ici un autre feindre une saignée sur un roublard pour mieux lui appliquer un baume épais et bleuâtre dont Armel ignorait l’utilité.
Ceux qui avaient encore assez de vigueur ramassaient les débris, s’enquéraient de l’état de leurs voisins, et dans ce désordre, il était difficile de savoir qui était moldu, qui était sorcier. Seul un groupe, en retrait, regardait avec un œil défiant ce qui se passait autour d’eux sans se mêler aux autres. Il les vit échanger quelques mots avec un guérisseur de l’Ordre de Merlin, puis celui-ci se pencha sur le petit garçon de la famille pour l’ausculter. Leur attitude, la façon dont ils se réunissaient et parlaient avec le sorcier, rendait Armel certain d’avoir affaire à une famille sorcière. Une famille passablement éprouvée par le drame qui venait de se jouer, et manifestement terrifiée par ceux qu’ils avaient côtoyés tous les jours. Son regard croisa celui du père, qui détailla son somptueux habit vert avant de hocher la tête dans sa direction, en signe de reconnaissance. Rosier inclina solennellement la tête en retour. Cette situation le révoltait.
Une voix douce à proximité de lui le surprit en plein cœur de ses ruminations. Baissant les yeux, il remarqua que la jeune femme de tout à l’heure avait fini de s’occuper des pauvres gens vers qui elle était allée et en était revenu à lui. Les yeux baissés sur elle, il réalisa combien il devait paraître superbement grotesque, du haut de son destrier, à regarder tous ces gens comme on observait une fourmilière en plein labeur. Avec son teint frais, ses boucles bien mises encadrant son visage princier et juvénile, il avait de la délicatesse jusque dans les boutons de manchette en émeraude fermant les manches de sa redingote. Son épaisse cape de velours doublée d’hermine tombait en plis soyeux sur la croupe de son cheval. Il remarqua, d’ailleurs, la façon dont les badauds le détaillaient et, pour ne point en rougir, il focalisa son attention sur celle qui se présentait avec un nom de fleur. Un sourire accrocha ses lèvres, reconnaissant bien là la délicatesse d’un prénom français.
« En effet, je ne suis pas vraiment du coin » répondit-il en français.
Quand bien même il le parlait tous les jours avec le reste de sa famille, s’adresser dans l'une de ses langues natales à une inconnue était tout particulièrement savoureux. Il n’était pas en Irlande depuis une semaine qu’il regrettait sa langue maternelle et de n’entendre, autour de lui, que cet étrange langage local dont il ne connaissait rien, ou encore cet anglais si différent de ce qu’il avait déjà pu entendre par le passé.
Après une brève hésitation, le jeune sorcier se décida enfin à mettre pied à terre. Il passa les rênes par dessus l’encolure de l’animal puis chercha, par réflexe, un lad qui se chargerait de son cheval avant de réaliser qu’il était seul. Alors, dans un discret mouvement de manche, il fit pointer sa baguette magique qu’il effleura du bout des doigts pour raccourcir les rênes de sa monture, avant de poser un index ganté sur le museau du cheval.
« Tu ne bouges pas, d’accord ? » demanda-t-il à l’étalon qui, pour toute réponse, poussa un gros soupir et tapa du sabot.
« Je prends ça pour un oui. » déclara Armel en retirant ses gants de cuir brun. Aussitôt, la fraîcheur de Kenmare embrassa ses mains presque aussi fines et délicates que celles d’une femme.
Il fit quelque pas en rangeant ses gants dans les poches de son habit et s’inclina rapidement devant la française.
« Mon nom ne doit pas vous être inconnu… Je suis Armel Rosier, de Bordeaux. »
Il était apparemment évident pour lui qu’un nom tel que le sien devait être particulièrement bien connu d’une sorcière originaire de France. Les Rosiers étaient demeurés fameux, et leurs Haut-Faits gravés dans la mémoire des sorciers si ils avaient été oubliés, depuis plus de deux décennies déjà, de la mémoire des sans-pouvoir. Aussi laissa-t-il le temps à la jeune femme de s’ébaudir comme il se devait avant de changer de sujet.
« Je ne vois ici que des victimes, et parmi eux autant de sorciers que de moldus. Où sont les responsables de ce drame ? Vont-ils être jugés ? »
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Re: Une sensation de déjà vu par Dim 26 Nov - 22:52
La Française avait haussé un sourcil en apprenant l’ascendance du nouveau venu. Sa propre mère était une vélane, et bien qu’issue d’une union avec un moldu, Passiflore présentait les caractéristiques les plus communes de ces créatures magiques auxquelles on prêtait bien des vices. Sa blondeur première et ses traits harmonieux interpellaient souvent les hommes, quand ce n’était pas les femmes qui, envieuses, curieuses ou jalouses, pouvaient avoir un regard des plus désagréables. Le nouveau venu arborait aussi des cheveux blonds soyeux, que la jeune femme ne pouvait évidemment pas mettre sur le seul compte du sang de vélane, bien que dilué, présent en lui.
Elle était toutefois reconnaissante qu’il ne lui oppose pas la méfiance ou la soudaine admiration qu’elle pouvait susciter. Et surtout, elle était heureuse de trouver un compatriote dans l’un des endroits les plus isolés d’Irlande. Combien de mois s’étaient écoulés depuis qu’elle n’avait eu l’occasion de croiser un Français ? Elle n’osait imaginer. Elle esquissa un sourire lorsqu’il lui répondit dans sa langue maternelle.
Passiflore fut d’autant plus contente lorsqu’elle le vit enfin mettre pied à terre. Ce serait ainsi plus aisé de discuter. Ses collègues avaient vraisemblablement terminés, ainsi que les deux qui étaient partis œuvrer dans les rues de Kenmare. Le Français se présenta enfin à elle. Rosier, ce nom lui disait quelque chose. Elle pensa brièvement à sa grand-mère, qu’elle n’avait rencontrée qu’en de rares occasions, et de ses longues soirées à lui parler des vieilles familles de sorciers qui peuplaient son doux pays. Mais aussi il lui semblait se remémorer des moments passés à Beauxbâtons.
- Je ne suis moi-même que de Grasse, et n’ai jamais eu la chance de découvrir le Bordelais... Cependant, ma grand-mère était passionnée par les vieilles familles et elle tacha de me transmettre ce qu’elle savait en les quelques fois où j’eus la chance de la voir... Aussi, ma question serait peut-être indiscrète, mais avez-vous la chance d’aller à Beauxbâtons ? J’ai quitté le château il y a maintenant neuf années...
A ses mots, la jeune femme eut le cœur serré. Neuf ans, déjà. Elle se revoyait dans les longues galeries, les bras chargés de vélins et de plumes, le pas pressant, à rire discrètement des blagues Sofia. Elle aimait le bruit de leurs pas sur les superbes parquets des lieux, l’odeur des tapisseries précieuses qui ornaient le moindre couloir et la vue des jardins ou de la cour, selon la classe où elle se tenait avec ses camarades et ses professeurs. Elle dut battre des cils pour chasser les images qui lui revenaient en tête. Une fine bruine et l’odeur de cendres eurent tôt fait de lui rappeler qu’elle était en Irlande, loin de chez elle. Elle inspira profondément, comme pour chasser ses réminiscences qui n’étaient pas les bienvenus ce jour-là.
Elle se rembrunit lorsque le jeune homme l’interrogea sur les victimes de l’attaques et sur les supposés agresseurs. Elle haussa les épaules, l’air abattu. Ses confrères se rassemblaient un peu plus loin.
- Je suis hélas bien incapable de vous répondre. Je ne suis que guérisseuse, et je n’ai pas le courage ni les capacités d’affronter les responsables de ces atrocités... L’Ordre de Merlin panse les plaies mais ne peut faire plus, si ce n’est tenter de faire pression sur les hauts dignitaires pour que des enquêtes soient menées.
Elle haussa les sourcils, comme si elle ne parvenait pas à se convaincre elle-même. Cela faisait des semaines, voire des mois, qu’elle et ses collègues battaient la campagne pour venir au secours des villages abandonnés par les autorités, qu’elles soient sorcières ou moldues. Elle n’était même pas certaine que soient recensées toutes les attaques qui avaient lieu sur le territoire. Qui pouvait bien s’en intéresser, de toutes façons ? Les victimes n’étaient que des paysans ou de pauvres commerçants...
Passiflore s’éclaircit la gorge.
- Ce ne sont pas des propos très engageants que je vous tiens là, toutes mes excuses. Vous plairait-il de venir visiter la demeure de l’Ordre ? J’y ai un petit bureau, modeste, mais nous pourrions discuter plus confortablement qu’ici.
Disant cela, le guérisseur Murray, en charge des opérations, s’était approché. Cordialement, il salua le jeune homme, puis s’adressa à la Française :
- Nous retournons à l’Ordre, Passiflore. Nous avons laissé quelques bricoles pour les blessures légères, et avons convenus de revenir d’ici trois jours. Il jeta un œil vers Armel, distinguant parfaitement son origine sociale. Monsieur ? J’entends que vous êtes conviés à venir voir nos installations. J’en serai ravi, nous avons besoin que des gens de votre importance se rendent compte de notre travail, et de nos besoins.
Il s’inclina respectueusement, attrapa la main de James, rejoignant la ronde des guérisseurs prêts à transplaner. La Vélane fit de même avec celle qu’il lui tendit, et offrit sa main au jeune homme aux cheveux d’or en même temps qu’un doux sourire.
- Vous venez avec nous ?
- Spoiler:
- Viiiiens, on a du chocolat et des cookies
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Re: Une sensation de déjà vu par Lun 27 Nov - 15:03
Vexé ? Le léger pincement de lèvres que le français eut le laissait suggérer en effet. Mais, plus encore, cela l’inquiétait. Passiflore n’était peut-être pas issue de la moindre extraction noble, mais elle se devait pour autant, comme tout sorcier ou sorcière qui se respectait, connaître les grands noms de l’Histoire. Où était passé le prestige de leur patronyme, si même leurs compatriotes français sourcillaient à peine à la mention des Rosier ? S’étaient-ils tant recroquevillés sur eux-mêmes qu’on ne les considérait plus que comme denrée négligeable ? Éloignant ses inquiétudes derrière un maigre sourire de circonstance, Armel se promit d’enquêter à ce sujet plutôt que de tirer des conclusions hâtives de la réaction d’une seule inconnue qui, si cela se trouvait, était seulement dépourvue de la moindre culture.
« Quelle autre école aurais-je pu choisir que Beauxbâtons ? C’est de loin la meilleure, et la plus raffinée. Un paradis pour les yeux, le palais et l’intellect ! Quatre ans que j’ai quitté le palais et pour autant, il ne se passe un jour où je regrette cette époque bénie où la vie se résumait à déguster le savoir comme on déguste un bon verre de vin. »
Contrairement à ce qu’il avait imaginé, Passiflore était son aînée de cinq ans. Elle devait être en cinquième année lorsque lui et son frère avaient posé les pieds à Beauxbâtons pour la première fois et, compte tenu de l’important effectif que comptait l’école, Armel ne chercha pas à se remémorer s’il l’avait croisée un jour dans les couloirs ou les jardins français dans lesquels il s’était tant plu à flâner, un livre de métamorphose à la main. Il avait encore, de cette époque, des relations en Espagne, en Hollande ou encore en Belgique, avec lesquelles il conversait toujours par hibou. Arsène était persuadé que ses lettres régulières qu’il envoyait s’adressaient à une ou deux jouvencelles, avec lesquelles il entretenait de longues romances épistolaires dont il avait soit-disant le secret, et Armel le laissait croire cela. Cette plaisanterie semblait si savoureuse à son frère et à ses aînés qu’il n’avait pas le cœur à les détromper. D’autant que l'objet de ses courriers ne regardait que lui, et qu’il n’était nullement disposé à le partager avec quiconque.
Ce n’était pas le sujet, cependant. Rosier aurait volontiers partagé avec Passiflore des souvenirs de Beauxbâtons, mais le contexte s’y prêtait particulièrement mal. D’ailleurs, l’odeur prenante qui donnait au français une constante nausée interdisait toute conversation véritablement élaborée. Aussi revint-il au sujet principal, lequel ne manqua pas de ternir l’éclat dans le regard envoûtant de la demi-vélane.
Le discours qu’elle lui tint en retour de ses interrogations fit hausser le sourcil à Armel. Ainsi, le Conseil des Sorciers était submergé. Cela n’avait rien d’étonnant compte tenu des circonstances. Les Rosier n’avaient pas manqué de se renseigner sur l’état de l’Angleterre, de l’Irlande et de l’Écosse avant de prendre le large et ils savaient très bien dans quel chaos était le gouvernement britannique à l’heure actuelle. C’était d’ailleurs ce qui les avaient ramenés vers l’Irlande plutôt que vers l’Angleterre. S’ils y avaient tout autant d’alliés voire plus, le chaos menaçait de faire sombrer l’Angleterre quand l’Irlande était en passe de se relever malgré les nombreux éclats de violence qu’elle subissait. C’était tout du moins la façon dont les Rosier s’étaient présentés la situation, mais au vu de l’abattement de la jeune femme, et les propos que lui avaient tenus le fils Ó Riain, il n’en était plus si sûr.
La guérisseuse avait certainement remarqué l’air dubitatif de son vis-à-vis, car elle s’excusa de sa morosité, comme si elle n’avait pas lieu d’être en de telles circonstances. D’un geste de la main, Armel lui signifia que ce n’était rien. Aurait-il pu être plus optimiste, si on l’avait interrogé sur l’état de la France ? Assurément, non. Louis XIV et Jacques II étaient amis, après tout, ou tout du moins alliés. Ils éprouvaient tous deux le même mépris pour tout ce qui sortait de l’ordinaire d’un esprit étriqué de moldu. Si Louis n’encourageait pas directement les violences, il éludait l’existence sorcière comme si tout cela n’était que fiction, ouvrant la voie au mépris le plus abject de la part de sa Cour. L’Église, serpent pernicieux et assoiffé de sang, s’en régalait. Le chemin lui était tout tracé pour revenir à la charge et remettre au goût du jour les procès pour hérésie.
L’invitation de la jeune femme le surprit, cependant. Il ne s’attendait pas à la proposition, ni à fausser définitivement compagnie à ses compagnons de chevauchée aussi rapidement. Une lueur de méfiance s’alluma dans son regard, alors qu’un autre membre de l’Ordre de Merlin s’approchait pour le saluer avec les égards dus à son rang. L’invitation réitérée par le sorcier aurait certainement tiré un sourire caustique à Arsène, s’il l’avait entendue. Armel ne laissa rien paraître, mais il n’était pas plus dupe que son frère. Des fonds, voilà ce qu’espérait l’Ordre. Un jouvenceau richement vêtu s’arrêtant sur leur groupe de guérisseurs était une aubaine pour eux.
Cependant, l’invitation était profitable dans les deux sens. Le jeune Rosier n’était pas sot, et il savait pertinemment qu’il ne pourrait rester terré dans une maison irlandaise en attendant que l’orage cesse. Le but de leur départ, contrairement à ce qu’en disait Arsène, n’était pas de se cacher mais d’agir et de restaurer leur nom. Pour ce faire, le premier acte était de se rendre à la rencontre d’un peuple qu’ils ne connaissaient que trop peu, et de se faire connaître positivement d’eux.
L’Ordre de Merlin était une institution importante pour les britanniques et les gaéliques. Il ne pouvait passer à côté d’une visite, quand bien même les Ó Riain méprisaient cette organisation. Ils n’étaient pas les seuls, mais Armel était homme à se faire un avis plutôt qu’à se ranger du côté du premier venu.
Aussi, lorsque Passiflore eut rejoint le rang des guérisseurs et lui adressait un sourire charmant qui eut raison de ses dernières réticences, Armel répondit :
« J’en serai honoré. …Attendez juste un instant ! »
Se rappelant qu’il ne pouvait partir sans en tenir informé son père et son grand-père, il se tourna vers sa monture et alla chercher dans la sacoche accrochée à la selle un petit journal de cuir qui ne le quittait jamais. Il en arracha une page et, s’appuyant sur la selle de sa monture, dicta mentalement un mot à l’attention de ses proches afin de les notifier de son départ pour le siège de l’Ordre de Merlin. Il colla magiquement le papier à la selle de son cheval puis revint au niveau du museau de celui-ci, qu’il empoigna d’une main délicate :
« Rejoins les autres, d’accord ? Je compte sur toi. »
Le jeune homme se décala et son destrier partit d’un pas tranquille, puis d’un trot enjoué lorsqu’Armel lui frappa la croupe.
Rosier se retourna enfin en direction de la demi-vélane et, lui offrant un sourire, il s’approcha de la ronde de sorciers.
« Allons-y. »
Le jeune homme tendit la main et referma ses doigts sur la paume fraîche et délicate de la guérisseuse, puis prit une inspiration en fermant les yeux, juste avant que le tourbillon du transplanage d’escorte ne semble distordre tout son corps.
- Le renard et la rose
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Re: Une sensation de déjà vu par Dim 3 Déc - 23:06
Patiemment, Passiflore Delacour et ses comparses attendirent le jeune Rosier. Quand il les rejoint, la jeune femme saisit sa main et inspira en sentant l’inspiration typique du transplanage. Systématiquement, un frisson lui parcourait le corps et elle s’imaginait les pires désarticulations possibles. Et pourtant, comme à chaque fois, le sol réapparut sous ses pieds, en l’occurrence de l’herbe fraîche et gorgée d’eau de pluie, sans que la moindre douleur ne lui fasse regretter son voyage.
A une centaine de mètres de leur petit groupe, se dressait l’Ordre. Une bâtisse des plus modestes, certes de bonne taille, mais dont les membres rêvaient de pousser les murs en ces temps de guerre. La Vélane et le jeune Rosier emboîtèrent le pas des autres Guérisseurs. Une dépendance, moitié plus petite que la bâtisse principale, se situait à la droite de celle-ci, tandis que l’on devinait les esquisses d’un chantier de l’autre côté du bâtiment.
- Voici l’Ordre ! Présenta la jeune femme d’un geste enthousiaste. A côté, c’est le bâtiment des Guérisseurs. Et là, en construction, une annexe, pour les bureaux.
Ils furent rapidement devant le porche de la bâtisse. Le petit groupe se sépara, la plupart allant vers l’infirmerie tandis que Murray s’arrêtait sur le seuil.
- Je vais faire mon compte-rendu, Passiflore. Je te laisse guider Monsieur. Il s’inclina respectueusement et s’effaça.
D’un geste, la Guérisseuse invita le jeune Français à s’avancer. Ils entrèrent dans le grand hall de l’Ordre. Des Sorciers et des Moldus patientaient sur une poignée de fauteuils, et d’autres, en grande majorité, traversaient la pièce d’un couloir ou d’une porte à l’autre, le plus souvent au pas de course. Murray avait rapidement disparu. Des portraits prenaient place sur les murs, représentant d’anciens, ou d’actuels membres de l’organisation.
- Nous accueillons Sorciers et Moldus, ici, expliqua Passiflore. Ici, les gens viennent pour déclarer des situations de violence, de discrimination, ou pour des renseignements. Beaucoup ont besoin de conseils ou d’être rassurés. Aussi, nous avons des informateurs qui nous permettent d’anticiper des crises ou des débordements.
Elle lui fit emprunter un couloir. Ici encore, ils passaient devant d’innombrables individus, que la Vélane saluait sobrement ou avec chaleur. Ils arrivèrent devant une grande porte en bois sculpté. Délicatement, la jeune femme la poussa. Ils entrèrent dans une grande bibliothèque, dont l’allée centrale distribuait des petites pièces ou alcôves où se tenaient de petites ou grandes tables, surplombées par des étagères envahies d’ouvrages. Des bougies flottaient dans l’air, et la bibliothèque accueillait grand monde. Certains lisaient, mais d’autres grattaient le papier avec des plumes aiguisées. La jeune femme chuchota :
- Nous essayons de nous procurer tous les ouvrages publiés en Europe... Ainsi, nous sommes relativement réputés, et, si l’accès est gratuit, certains étudiants ou particuliers contribuent à l’entretien des livres. Certains mêmes s’occupent des traductions.
Ils empruntèrent un autre couloir, puis arrivèrent, cette fois-ci, devant une modeste porte. Passiflore eut un sourire. Elle toqua trois fois doucement et, n’ayant de réponse, put pousser la porte. Ils entrèrent dans une pièce de taille moyenne, au centre de laquelle trônait une longue table en bois précieux. Aux murs, des tableaux, une fois de plus, mais de grande taille. Au fond de la salle, un feu crépitait dans une cheminée démesurée et, au dessus de cette dernière, une représentation splendide du fondateur de l’Ordre sembla poser ses yeux sur les nouveaux venus.
- Voici la salle du Conseil, souffla la jeune femme, un brin de fierté dans la voie. C’est ici que les membres les plus influents et importants de l’Ordre se réunissent pour organiser la gestion des différentes équipes. C’est ici, également, que l’on prête serment... C’est assez impressionnant, avoua-t-elle avec un sourire, en longeant la table pour ressortir par une petite porte. Je vais vous montrer l’infirmerie, maintenant.
Ils ressortirent de la bâtisse pour entrer dans la seconde, plus petite. L’entrée était singulièrement la même que celle de l’Ordre. Se trouvait juste une grande carte d’Irlande au-dessus du guichet d’accueil. De petites sources lumineuses de couleurs variées ornaient les territoires, et les noms des villes les plus importantes étaient inscrits en lettres calligraphiées.
- Voici notre outil de travail le plus important, ici. Les flammes bleues symbolisent des villes ou villages qui ont été attaqués, où nous sommes intervenus et maintenant hors de danger. En vert, ceux où nous sommes intervenus mais où il y a encore des blessés. En orange, c’est là où nous sommes en intervention...
Elle avait les yeux levés vers le tableau. Trois petits foyers orange brillaient. Kenmare, le village d’où ils venaient, brillait d’un joli vert émeraude.
- rouge, les villages dont on vient d’apprendre l’attaque, dit-elle d’un ton amer. Pour l’instant, nous n’avons jamais eu plus de trois attaques simultanées... Heureusement...
Puis, d’un geste, elle lui montra, de part et d’autres de la carte, deux tableaux sombres. Il y avait des écrits, mais trop petits pour être lisibles depuis l’entrée.
- Et là... Les noms de celles et ceux qui ont été tués depuis le début de cette... guerre, appelez ça comme vous voulez. Vous avez, malheureusement, des membres de l’Ordre, mais aussi des Moldus, des Sorciers, des créatures magiques... La liste est déjà trop longue...
Quelques personnes patientaient dans le hall, des blessés pour la plupart, aussi la jeune femme choisit de ne pas s’appesantir sur le sujet. Elle entraîna le jeune homme dans un dédale de couloir pour le faire finalement rentrer dans une petite pièce humble, composée d’un bureau, de quelques autres meubles et d’une pièce annexe.
- Voici mon bureau, dit-elle d’un ton enjoué cette fois-ci. Je suis désolée, la présentation n’est pas des plus intéressantes... Je peux vous offrir un thé, ou autre chose ? demanda-t-elle en l’invitant à s’asseoir dans l’un des fauteuils devant le bureau. Ou, j’ai peut-être...
Elle alla ouvrir les portes du buffet. Elle y chercha, à tâtons, quelque chose, qu’elle finit par ressortir, fièrement. Modestement, elle lui présenta une bouteille de vin.
- C’est sûrement bien moins bon que ce que vous avez l’habitude de produire et de boire... C’est un vin de chez moi, ajouta-t-elle. De Grasse.
D’un coup de baguette, elle ouvrit la bouteille, qui s’éleva dans les airs pour emplir modérément deux verres de vins sortis d’on ne sait où. Enfin, elle s’assit en face du jeune homme et, avec un sourire, presque impatiente, enchaîna :
- Merci d’avoir pris la peine de venir... Je... Vous allez me trouver étrange mais, accepteriez-vous de me parler de la France et de Beauxbâtons ? Je sais à quel point cela peut être douloureux lorsque l’on vient de quitter le pays d’en parler mais... J’ai rarement l’occasion de croiser des Français, et tout cela me manque...
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Re: Une sensation de déjà vu par Dim 17 Déc - 21:03
Ainsi, lorsque leurs hôtes leur avaient proposé une sortie et qu’il avait refusé, prétextant une situation urgente à régler, Arsène n’avait pas manqué le regard soulagé du fils Ó Riain. Si les siens avaient supporté son énième caprice avec le stoïcisme qui les caractérisaient et avait le don de le faire sortir de ses gongs plus que tout autre chose, leur amphitryon et son descendant avaient paru bien prompts à s’accommoder de la situation. C’est qu’il n’était pas facile à vivre et le savait pertinemment. Il se faisait même un malin plaisir de faire partager ses malheurs à quiconque croisait sa route. L’héritier Ó Riain en particulier s’était révélé une victime de choix. Le pauvre idiot s’était en effet auto-attribué le rôle de professeur es Irlande et passait le plus clair de son temps à essayer d’étaler ses maigres connaissances, au grand agacement du blond.
L’arrivée d’étrangers avait apparemment déclenché chez Ó Riain le goût du récit, lui offrant soudain un semblant importance. Aux yeux méprisants du Bordelais maniéré, il n’était néanmoins rien de plus qu’un Irlandais un peu mieux dégrossi que les autres. Rien qui méritât la suffisance avec laquelle il se comportait. Qui étaient donc ses illustres ancêtres pour qu’il se permette ainsi une telle camaraderie ? Bien entendu, d’un point de vue purement pragmatique, Arsène savait que rebiffer en permanence leurs alliés n’était pas la plus mature des actions mais Armel semblait suffisamment indifférent pour deux. Et puis, seul comptait vraiment le père Ó Riain. Le fils n’était que le surplus avec lequel il fallait composer.
Il avait donc choisi de rester seul, loin des frustrations que ls discussions inutiles que son père et son grand-père aimaient entretenir avec Ó Riain père lui causait. Pourtant, le courant d’air frais qui s’acharnait à venir perturber sa correspondance malgré les lourdes tentures obscurcissant la pièce l’empêchait de profiter réellement du calme que coucher ses pensées sur le papier lui procurait habituellement. Lui dont les pulsions étaient si difficilement contrôlables, il avait découvert dans l’écriture un exutoire inattendu peu après l’attaque de Zélina. Alors qu’on lui avait formellement interdit de répliquer, il avait déversé toute sa colère sur des pages et des pages de parchemin. Bon et quelques vases du coin, mais nul besoin de s’attarder sur cela.
Depuis, dès qu’il sentait la frustration le gagner, il s’enfermait dans la chambre miteuse qu’on lui avait confiée – où donc étaient passés les baldaquins dignes de son rang ? – et écrivait à en briser sa plume. Cela ne calmait pas entièrement sa rage mais lui permettait de cohabiter avec d’autres êtres humains sans exploser à chaque instant. Pourtant ce n’était pas l’envie qui lui manquait. En temps normal, il serait sorti se défouler en courant dans les vignes jusqu’à ne plus sentir ses poumons mais désormais qu’il était en terre inconnue, même cette liberté lui était refusée. Il tournait donc comme griffon en cage, attendant l’occasion propice pour laisser s’échapper toute la colère qui s’accumulait en lui.
C’est pourquoi, malgré son refus de partir en compagnie des hommes de sa famille et de leurs hôtes, il choisit tout de même de quitter le manoir une demi-heure plus tard. Quitte à mourir de froid, il voulait sentir l’embrassade glacée de la bise sur ses joues, se sentir revivre de cette manière. Il aurait bien évidemment préféré l’accolade amicale des rayons du soleil mais il n’avait pas plus de contrôle sur le temps irlandais que sur la direction prise par sa destinée. Une fois certain qu’il ferait le trajet sans ses proches, il partit donc en quête d’un guide pour l’accompagner jusqu’à Kenmare.
A peine arrivé au quartier des serviteurs, on s’empressa de lui fournir l’aide d’un marmiton silencieux. Le trajet se déroula donc un silence bienvenu, les deux hommes n’ayant aucun désir d’adresser la parole à l’autre. Pourtant quelle ne fut pas sa déconvenue quand, à peine un quart d’heure après leur départ, il reconnut la tenue implacable de son grand-père, entouré de son père et des deux Ó Riain. Il aurait aimé pouvoir chevaucher encore un peu. Il s’approcha néanmoins du groupe non sans remarquer l’absence notable de son frère.
-Tu daignes nous faire grâce de ta présence, fils ?
La formulation sarcastique de son père semblait en désaccord avec le ton parfaitement plaisant avec lequel il avait prononcé ses propos mais Arsène savait reconnaître une pique lorsqu’il en entendait une. Arthus était agacé. Rambaut également. Il laissait seulement à son fils le rôle de remettre le mouton noir de la famille dans le droit chemin. Ce dernier n’était cependant pas d’humeur à entrer dans le jeu de son géniteur et se contenta de répondre sèchement.
-Je peux tout aussi bien repartir, Père. Il semble bien que ce soit ce qu’a fait Armel.
-Ton frère est parti au siège de l’Ordre de Merlin pour s’informer un peu plus sur la situation actuelle.
Le sous-entendu « contrairement à toi » était parfaitement audible et ce sans même avoir été prononcé. Un silence pesant s’installa donc, avant qu’Ó Riain, probablement particulièrement mal à l’aise, n’entreprenne de le briser.
-Aingeal, pourquoi ne pas accompagner Arrrzaine jusqu’à son frère ?
L’atroce prononciation de son prénom tira une moue de mécontentement à Arsène qui, par ailleurs, n’appréciait nullement l’idée de voyager aux côtés du fils Ó Riain. Attitude qui semblait réciproque s’il en croyait ses protestations.
-Mais Père…
-Rien ne vous oblige à rester, le ton avec lequel l’Irlandais prononça cette phrase laissait pourtant entendre le contraire, mais vous accompagnerez notre jeune ami jusqu’à son frère. Cela vous fera le plus grand bien d’aller voir de plus près comment fonctionne l’Ordre.
Défait, Ó Riain opina du chef avant de tendre son bras à Arsène, sans même prendre la peine de cacher sa mauvaise grâce. Etait-ce le fait de passer du temps en sa compagnie ou celle de l’Ordre qui rendait si maussade son compagnon, le Français n’aurait su le dire et à vrai dire peu lui importait. Il se contenta donc de laisser l’Irlandais prendre les commandes. Car, si la sensation n’était certes en rien agréable, le transplanage d’escorte avait néanmoins pour grand avantage de n’exiger aucun effort, il suffisait de se laisser porter. Ils arrivèrent ainsi en quelques inconfortables secondes devant les bâtiments de l’Ordre.
A peine ses yeux se furent-ils posés sur les personnes présentes qu’il remarqua comme sa tenue luxueuse jurait affreusement avec les robes simples des membres de l’Ordre. Quant aux accoutrements des quelques moldus présents, la comparaison était tout bonnement ridicule. Il s’apprêtait à en informer sarcastiquement son compagnon lorsque celui-ci le prit de court et déclara que, maintenant que son devoir était fait, il ne voyait nul besoin de continuer à se mêler à la bourbe et ses amants. La phrase laissa Arsène perplexe mais il ne s’en conforma pas. Si Ó Riain tenait à partir, grand bien lui en fasse, il se porterait sûrement mieux en solitaire.
Ainsi, une fois seul, il n’hésita pas un instant avant d’arrêter un Guérisseur pour lui demander s’il avait vu passer son exacte copie. L’homme sembla fort décontenancé par sa demande, à moins que ce ne fut son accent et le renvoya vers l’accueil. Qui portait bien mal son nom étant donné l’incompétence de la sorcière s’y trouvant. Celle-ci fut en effet bien incapable de l’aider. Ce n’est que lorsque la moutarde commençait à lui monter sérieusement au nez à force de côtoyer des incapables qu’un Guérisseur de passage se révéla enfin utile.
-Monseigneur, je vous croyais avec Passiflore. Que faites-vous donc ici ?
Comprenant immédiatement que l’homme le confondait avec Armel, il prit le pli bien aisément.
-C’est de mon frère Armel dont vous parlez. Je suis pour ma part Arsène Rosier et cherche justement à rejoindre mon frère, pourriez-vous me conduire jusqu’à lui ?
Ne laissant rien paraître de sa surprise, l’homme lui adressa le sourire mielleux de celui qui sait reconnaître la fortune et espère en profiter et s’empressa de lui faire traverser mille et une salles avant d’arriver devant une simple porte en bois à laquelle il frappa trois coups. Une voix à l’accent délicieusement familier leur indiqua alors de pousser le battant, ce que fit le sorcier avant de tenir celui-ci ouvert pour permettre à Arsène de passer. Se préoccupant peu de son guide passager, il s’exclama donc, sans même prendre la peine de se présenter ou d’adresser le moindre mot à l’hôte des lieux :
-Alors comme ça on boit en compagnie d’une jolie femme, Armel ? Tu ne perds pas de temps mon frère. Et tu t’adonnes mêmes aux plaisirs de la concurrence, rajouta-t-il en lisant le nom de Grasse sur l’étiquette de la bouteille entre les mains de la belle blonde. C’est qu’on ne peut pas te laisser seul deux minutes.
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Re: Une sensation de déjà vu par Dim 17 Déc - 22:55
Le sourire crispé qu’adressa Armel au guérisseur prenant congé d’eux laissait présager qu’il n’était pas dupe de cette visite touristique. Trop policé pour faire le moindre commentaire sarcastique, il garda le silence plutôt que de faire remarquer son scepticisme.
Son entrée dans le grand hall fut une première surprise, malgré l’à priori sévère qu’il ressentait désormais vis-à-vis de l’Ordre. Il y avait bien plus d’activité entre ces murs qu’Armel ne l’avait présagé. Des gens de toute sorte, mais surtout du rural, attendait là, assis pour ceux qui avaient la chance de profiter du confort sommaire de quelques fauteuils épars.
Il se sentait tendu, à se trouver ainsi si près de moldus. Il se sentait bien moins en sécurité coincé entre quatre murs avec cette espèce qu’au milieu de Kenmare. Il savait, pourtant, moins risquer ici que là-bas. C’était leur proximité qui le dérangeait. Armel n’écouta que d’une oreille distraite Passiflore, attendant de s’éloigner de ces personnages si peu habitués à l’eau que leur puanteur lui parvenait d’ici. Ils ne s’attardèrent pas dans le hall, pour son plus grand soulagement et se retrouvèrent bientôt à traverser laborieusement un couloir. La demoiselle s’arrêtait presque à chaque pas qu’elle faisait, un petit manège qui laissait totalement froid Armel. Ce qui l’intéressait était de connaître les moyens de cet Ordre de Merlin et, surtout, les raisons qui l’animait. Car, à ses yeux, leur mission avait quelque chose de paradoxal. Il comprenait, de ce qu’il avait vu et entendu, que leur but premier était de maintenir la paix entre moldus et sorciers, autant que cela se pouvait. Pourtant, Armel avait le sentiment que l’Ordre maternait les premiers plus qu’il ne protégeait les sorciers. Il se rappela la famille sorcière, en retrait. Une famille éprouvée, ébranlée, qui avait jaugé avec un mélange d’incompréhension et de doutes le guérisseur qui était venu à eux.
Pourquoi aider ces moldus ? C’était la question qu’il avait lu dans leurs yeux. C’était la question qu’Armel continuait à se poser, quand ils arrivèrent enfin à une large porte que Passiflore poussa.
Ils venaient d’arriver dans la bibliothèque de l’Ordre. La pièce était assez vaste et l’impressionna un peu plus que le reste. Entre les étagères débordantes d’ouvrages et les alcôves intimistes où sorciers et sorcières pouvaient étudier en paix, le regard de l’héritier Rosier ne sut plus où se poser. Le nez en l’air, il apprécia avec un intérêt sincère la hauteur des étagères. Alors qu’ils traversaient la bibliothèque dans sa longueur, l’attention du sorcier fut attirée par une vaste section qui embrasa ses iris d’une flamme de convoitise… La section « métamorphose » venait d’apparaître à sa droite et, cette fois-ci, il regretta que son hôtesse ne s’attarde pas davantage.
« Tous les ouvrages européens, dites-vous ? » murmura-t-il, sans se détourner du rayon qui l’appelait. « Si le temps me le permet, peut-être viendrais-je apporter ma modeste pierre à l’édifice. Je ne suis pas mauvais traducteur. »
S’il s’était, dans un premier temps, exprimé d’une voix rêveuse, Armel avait bien vite repris un accent détaché. A peine eut-il finit sa phrase qu’il détourna définitivement son attention des livres. C’était, en vérité, à regrets, mais il venait de se rappeler combien, dans son entourage, on trouvait fatigante son insatiable passion pour la métamorphose. Son frère, dans un élan de morgue dont il avait le secret, n’avait pas manqué de lui faire savoir combien il passait, dans ces moments d’emphase, pour un illuminé. Que cela soit vrai ou non, le français n’était pas venu ici pour partager ses centres d’intérêt.
Une fois sortis de la bibliothèque, Miss Delacour les amena à ce qu’elle nomma « la salle du Conseil ». C’était une salle pourvue d’une certaine allure, il fallait le reconnaître. Les portraits, peints avec grand soin, étaient assez impressionnants, et l’imposante cheminée donnait à l’atmosphère quelque chose d’à la fois chaleureux et solennel. Ce mélange improbable conférait à la pièce une empreinte unique. Maintenant qu’il y prêtait un peu plus attention, il retrouvait cette association paradoxale chez sa guide, qui avait tant de plaisir et de fierté à dévoiler chaque pièce comme on ouvre un écrin.
« Je vais vous montrer l’infirmerie, maintenant. »
Par Flamel, cette visite n’en finissait pas. Le QG de l’Ordre était plus vaste qu’il n’y paraissait, finalement, si bien qu’Armel commençait à trouver tout ça ennuyant. Retenant soupir et protestation, il emboita le pas à Passiflore dans un silence mutique. Pourtant, ce qu’il découvrit dans l’autre bâtiment sortit le français du désintérêt qui avait commencé à poindre. Il s’agissait d’une carte d’Irlande, où apparaissaient les attaques rapportées en différent degrés de couleurs en fonction des interventions ayant déjà eu cours sur place. En plus de Kenmare, trois autres attaques avaient eu lieu. C’était bien plus qu’Armel ne l’aurait présagé. Quant aux noms de ceux ayant péri des violences en Irlande, leur nombre faisait froid dans le dos.
Armel ruminait encore cette vision quand il fut invité à entrer dans la pièce qui clôturait sa visite guidée. Absorbé par ses pensées, il n’avait pas fait vraiment attention à l’endroit où l’amenait la demi vélane, et ce ne fut que lorsqu’elle ouvrit un buffet que le jeune homme se rendit compte qu’ils avaient atterrit dans un espace privé. Le fameux bureau de la guérisseuse.
Son regard surprit descendit sur la bouteille de vin qu’elle lui présentait et, devant ses yeux pétillants, il n’osa qu’un :
« Ah. ».
Du vin de Grasse. Cela ne valait rien, en effet, comparé au vin qui sortait des cépages Rosier. Leur Art était vieux de presque quatre siècles et avait évolué grâce à la magie autant que grâce à l’expérience cumulée. Les Rosier avaient été précurseurs, au point d’être les premiers à avoir offert à la Cour de France un vin dont la finesse naturelle n’exigeait plus qu’on le coupe avec de l’eau, au risque sinon de commettre un sacrilège.
Offrir un vin de seconde catégorie à un Rosier était commettre un impair terrible. Une chance, la demoiselle Delacour ne lui avait pas vendu la piquette comme un vin d’une valeur comparable à celui produit par sa famille. Une chance, aussi, Armel n’était pas aussi intolérant que l’était son frère. Aussi, comme il l’avait fait un peu plus tôt, le français garda-t-il les lèvres fermement closes tandis qu’il accueillait à contrecœur le breuvage. Par ce temps, il aurait par ailleurs préféré un thé, car le froid continuait de lui courir dans les os comme une malédiction, alors même qu’ils étaient protégés entre quatre murs de pierre épaisse.
Mais le vin, le froid, l’étrangeté de ce tête à tête, tout cela n’était que du menu détail comparés aux questions que se posait le français. Il en avait même oublié de s’asseoir, et finit par obtempérer lorsque la demi vélane prit place dans le siège face auquel il se tenait debout. Croisant une jambe au-dessus de l’autre, le jeune noble s’accouda au fauteuil et massa d’un index délicat sa tempe droite, absorbé par les milles et unes choses qui se tramaient dans son esprit. Il allait enfin pouvoir parler de tout ce qu’il venait de voir depuis ce matin, se disait-il. Se préparant à l’interrogatoire qu’il préparait à la membre de l’Ordre, il but une courte gorgée de vin pour s’humecter le palais, ce qui lui tira une moue mi pensive, mi perplexe. Un temps qui permit à la jeune femme de reprendre la parole.
« Pardon ? » s’étonna Armel, d’une voix, quoi que polie, sincèrement surprise.
Etait-il venu ici pour soulager une expatriée du mal du pays ? Il valait certainement mieux cela que de se voir contraint à débourser mornilles et gallions à une fondation dont il se méfiait… Mais Armel avait l’habitude qu’on s’accommode de ses désirs, et non l’inverse. Aussi le renard choisit-il donc une parade :
« Je vais certainement me montrer indiscret mais… si votre pays vous manque tant, pourquoi avez-vous choisi de vous expatrier ici, pour soigner des m… »
Sa question se noya dans le bruit d’un poing que l’on écrase fermement contre une porte. Les lèvres pincées, Armel se détourna de Passiflore pour s’enquérir d’un regard inquisiteur de celui qui osait l’interrompre si sauvagement. La porte s’ouvrit grand, et son pincement de lèvres s’agrandit lorsqu’il vit entrer… nul autre qu’Arsène, et ses gros sabots.
Une flamme s’alluma dans les yeux d’Armel quand le sarcasme humiliant de son frère vint persifler à ses oreilles. Cela ne dura qu'une fraction de seconde, puis ses joues s’empourprèrent légèrement.
« Premier arrivé, premier servi, tu devrais le savoir depuis le temps. Si tu avais arrêté de bouder plus vite, peut-être aurais-tu pu choisir le vin. »
Malgré la sécheresse de la réplique, Armel avait parlé d'une voix douce ponctuée d'un sourire, indiquant même, d’un geste gracieux, un siège à son frère jumeau.
« Miss Delacour, voici mon cadet de quelques heures seulement : Arsène. » puis, s’intéressant à son frère : « Passiflore Delacour est une guérisseuse de l’Ordre de Merlin. Je ne suis pas là pour prendre du bon temps mais pour comprendre les raisons qui poussent une partie des sorciers d’Irlande à rejoindre un Ordre qui favorise la protection des moldus. C’est ce que Mademoiselle, qui nous vient par ailleurs de Grasse, allait nous expliquer en parlant de ses propres motivations. »
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Re: Une sensation de déjà vu par Dim 14 Jan - 23:21
Les quelques mots prononcés, et non achevés, du Rosier, refroidirent presque instantanément la jeune femme. Elle n’eut toutefois guère le loisir de chercher à formuler une réponse des plus neutres possibles que la copie conforme de son interlocuteur, pourtant assis en face d’elle, se présentait sur le perron de son modeste bureau. Il ne s’adressa qu’à son alter ego, qui avait, se rassura-t-elle, l’air aussi surpris qu’elle de le voir débarquer.
Avant de n’avoir pu se lever et se présenter au nouveau venu, Armel Rosier lui avait présenté Arsène Rosier, et ce dernier avait pris place à ses côtés. Les yeux de la jeune femme allèrent de l’un à l’autre une fois, étonnée de constater peu de différences qui lui permettraient, sans un regard aiguisé, de distinguer les deux frères. Elle garda la réflexion pour elle-même, et prit la parole :
- Bienvenue à vous en Irlande. Je suis heureuse de vous accueillir au sein de l’Ordre de Merlin.
La Vélane s’éclaircit ensuite la gorge. L’Ordre avait souvent affaire à des septiques, voire des personnes hostiles à ce qu’eux considéraient comme leur vocation. Passiflore évitait d’ailleurs ce genre de confrontation en temps normal, craignant le face à face avec des avis contraires et arrêtés sur le sujet. Elle hésitait sur la démarche à suivre avec les deux frères, puis choisit la carte de l’honnêteté, comme dans la plupart des situations, à dire vrai.
- Je ne dirai pas que nous favorisons la protection des Moldus... Nous considérons qu’à l’instar des Sorciers, en ces temps de troubles, ils doivent être aidés lorsqu’ils en ont le besoin. Nous avons choisi de ne pas faire de distinction entre les individus lors de nos interventions sur le terrain ou lorsqu’ils se présentent ici, à l’Ordre.
Ils n’étaient, bien sûr, pas accueillis partout à bras ouverts. Combien de membres avaient du rebrousser chemin ou transplaner précipitamment devant des personnes hostiles ? Cela faisait des lustres qu’ils avaient arrêté de compter.
- A ce propos, il n’y a pas que des Sorciers qui œuvrent pour l’Ordre. Nous avons aussi des membres Moldus, bien qu’ils soient plus rares. Ces choix-là sont bien évidemment décriés et vivement critiqués par certains membres de la communauté sorcière, à notre plus grand regret...
Elle inspira, les yeux baissés un instant sur son verre de vin, qu’elle fit tournoyer délicatement. Il n’avait pas la même saveur ici que chez elle, à Grasse, au milieu des champs inondés par le soleil. Elle eut beau chercher à se remémorer les goûts qui lui plaisaient tant, rien n’y fit. Elle reposa finalement le verre pour regarder à nouveau les deux frères, attardant son regard sur Armel :
- Je reviens un instant sur ce que vous disiez il y a quelques minutes. Vous alliez me demander pourquoi j’avais choisi de m’installer ici.
Elle eut un sourire amusé.
- Quand je suis arrivée, cela faisait près de deux mois que le soleil n’avait pas posé ses rayons sur le pays. Il faisait froid, humide, et les jours étaient très courts. J’avais quitté la France, Grasse, Beauxbâtons et mes amis parce que je n’y étais plus en sécurité. Je peux vous assurer que le choc a été pour le moins brutal... Mais les Irlandais furent parmi les personnes les plus accueillantes qui m’eurent été de rencontrer. Sorciers, comme Moldus. Alors oui, mon pays me manque, et c’est pourquoi je prends plaisir à vous accueillir à mon tour aujourd’hui, à échanger dans notre belle langue, et à me questionner sur la situation dans mon pays.
D’un geste, elle rabattit une mèche de cheveux d’or derrière son oreille.
- Je me doute bien que vous n’êtes pas ici par choix... Que si le départ et le voyage ont été difficiles, c’est l’arrivée qui est la partie plus complexe de ce changement de vie. Vous avez certainement laissé beaucoup de vous en France, et le plus dur c’est de construire quelque chose de nouveau dans un pays où tout vous est étranger...
Elle avait prononcé ces quelques mots sans condescendance ou sollicitude, mais avec douceur. Elle se revoyait, quelques années en arrière, complétement perdue et abattue. Ce souvenir, aujourd’hui, la faisait sourire, mais la situation lui avait bien tiré des larmes au début.
- J’ai parcouru l’Irlande avec la Guérisseuse qui m’a formé pendant des mois. Nous nous sommes, bien sûr, également rendues en Angleterre et en Ecosse, mais c’est vraisemblablement en Eire que je me suis sentie pour la première fois chez moi. Quant à mon choix d’intégrer l’Ordre, il remonte à quelques mois seulement, et dans des circonstances que l’on pourrait qualifier de... particulières.
Un frisson la parcourut en repensant au monstre de Londres et de ces moments passés. Elle chassa le souvenir d’un battement de cils.
- Quand cela m’a été proposé, j’ai accepté immédiatement... C’est une façon alternative d’exercer mon métier, je rencontre beaucoup de gens très intéressants et... je partage les valeurs de l’Ordre et de ses meneurs actuels.
Elle eut un sourire. Elle n’avait guère plus à dire sur le sujet, tout avait été dit. Elle n’aurait jamais intégré l’Ordre s’il n’y avait pas cette clause de non distinction des individus.
- Je pense avoir assez parlé de l’Ordre et de moi, acheva-t-elle. Elle les regarda tous deux, et, avec un sourire, leur demanda : alors, que comptez-vous faire en ces belles terres irlandaises ?
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Re: Une sensation de déjà vu par Jeu 1 Fév - 20:12
Prenant sur lui pour ne pas se laisser si facilement décontenancer, Arsène s’installa donc sur un des sièges vides, écoutant Armel faire les présentations, pourtant quelque peu inutiles s’il était tout à fait honnête. Après tout, il voyait difficilement ce qu’aurait pu être d’autre qu’une Guérisseuse la femme face à eux. Mais peu importait, il s’agissait d’une simple convention sociale. Il se contenta ainsi d’adresser un sourire poli à la jeune femme lorsqu’elle lui souhaita la bienvenue à l’Ordre. Etait-il réellement vraiment le bienvenu ? Probablement pas. Il s’était en effet invité seul. Non que cela le dérangeât le moins du monde, habitué comme il l’était à vivre au gré de ses désirs auxquels les autres n’avaient d’autre choix que de s’adapter. C’est pourquoi, une fois installé, il commença à écouter d’une oreille distraite les propos de sa compatriote, s’attardant plus sur les roulés de son parler si typique du sud-est que sur le contenu de ses paroles.
En France, son patriotisme primaire l’aurait amené à mépriser cet accent si proche et pourtant si différent du sien, mais si loin de la douceur aquitaine, le moindre rappel de sa terre natale lui réchauffait doucement le cœur et il se surprit à éprouver un a priori favorable envers ladite Passiflore de par sa simple ascendance. Ainsi, plus elle parlait, plus il portait d’attention à la teneur de son discours. Et s’il trouva d’une bienveillance proche de la naïveté bête et stupide la position de l’Ordre, il se garda bien de le faire savoir. Il fut cependant fortement intrigué par la découverte que des Moldus acceptaient de se lier publiquement aux affaires de l’Ordre. Voilà qui pouvait se révéler fort utile. Il n’avait en effet pas oublié l’influence que de bonnes alliances chez les sans pouvoir pouvait offrir. Il fut un temps pas si éloigné où l’essentiel de leur clientèle dégainait plus facilement l’épée que la baguette. Et s’il savait parfaitement que cela n’était plus aussi aisé depuis que la stupidité congénitale parant les couleurs de la dévotion religieuse s’était emparée des couronnes européennes, il n’en était pas pour autant encore prêt à tirer un trait définitif sur cette potentielle manne de richesse. Qu’il rêvât de voir le sang des agresseurs de Zelina coulait n’y changeait rien. Ce n’était pas leur sang qui rendait leur attaque inqualifiable, c’était l’audace qu’ils avaient eu de s’approcher d’une Rosier en se considérant supérieurs. Personne, qu’il fût Moldu ou Sorcier, n’était supérieur à un Rosier. Personne.
Le passage sur la chaleur irlandaise le laissa complètement froid. Il avait déjà pu constater la tendance grossière aux accolades hors de propos de leurs hôtes, cela ne faisait pas pour autant d’eux des personnes dignes d’intérêt. Il aurait mille fois préféré quelqu’un de moins expansif mais dont les gestes révélaient le respect qu’il portait à une famille de leur rang. Non pas qu’Ó Riain père et son épouse n’aient pas fait tout leur possible pour les accueillir au mieux de leurs maigres moyens mais rien ne remplacerait le luxe duquel ils venaient. Ce que lui rappela amèrement la remarque de Passiflore sur la difficulté de l’adaptation à l’exil.
Comme la jeune femme l’expliquait bien, pire encore que les regrets laissés derrière soi, c’était l’incapacité à trouver sa place dans un nouvel endroit qui rendait la situation si souvent insupportable. Aucun de ses repères habituels n’était là pour l’aider à surmonter sa colère. Tout comme il ne pouvait partir se balader dans les vignes pour se ressourcer auprès des ceps centenaires, il ne pouvait pas non plus transplaner jusqu’à sa salle d’escrime préférée pour ébaubir quelque novice de ses prouesses ou se consoler dans les draps d’une belle de passage. Rien ne lui était plus permis pour calmer ses passions internes et tous ceux qui le côtoyaient savaient à quel point cela pouvait se révéler dangereux. Tel l’animal rongeant son frein, il devenait chaque jour plus sarcastique, enchaînant les piques assassines à défaut de pouvoir réellement faire exploser toute sa colère dans un geste purificateur. Heureusement pour les présents, la chevauchée pour rejoindre les siens avait évacué une partie de son mal être et il était prêt à faire l’effort d’être supportable à défaut d’être cordial.
-C’est bien là toute la question Mademoiselle. Père et Grand-Père aiment à faire croire qu’ils ont un plan très précis de leurs faits et gestes depuis notre arrivée, qu’ils ne se sont pas contentés de quitter toutes leurs possessions sur la promesse d’alliances ancestrales qu’ils découvrent désormais bien moins sûres qu’ils ne l’espéraient mais s’il y a une chose que ni mon frère ni moi ne sommes c’est idiots. Nulle difficulté à réaliser donc que si notre départ était bien planifié, depuis notre arrivée sur ce charmant rocher, comment cela l’ironie se percevait trop dans ses propos ?, nos très chers aïeux naviguent à vue. Reste donc à chacun à choisir sa voie et c’est bien là que le bât blesse, n’est-ce pas Armel ?
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Re: Une sensation de déjà vu par Dim 18 Fév - 20:46
Toute la différence entre lui et Arsène résidait en sa capacité à faire abstraction et se focaliser sur l’essentiel plutôt que sur les épines acérées qui venaient pernicieusement griffer son égo. Et c’est ce qu’il fit, en reportant toute son attention sur Passiflore Delacour.
Il l’avait très bien dit, et si la guérisseuse ne l’avait pas compris, sûrement Arsène, qui le connaissait bien mieux, pouvait comprendre la nature de ce regard absorbé, de ce mouvement de doigts délicat sous son menton, de cette moue entre la rêvasserie et la curiosité. Armel était là pour se faire un avis. Et de ce que dirait Passiflore dépendrait son opinion sur l’Ordre de Merlin.
Pour l’heure, les paroles, nombreuses et manifestement honnêtes de la jeune femme donnaient au Français une impression dubitative. Sans l’ombre d’un doute, l’Ordre de Merlin vivait dans une jolie utopie. Une utopie où la tolérance, où l’entraide parviendraient à retourner le destin de pays courant vers le chaos. Un discret sourire amusé glissa sur les lèvres d’Armel, lorsqu’il imagina, en comparaison, une ménagère rassembler les maigres biens qu’elle pouvait emporter tandis que sa maison brûlait. Sourire qui décrut lorsqu’il se rendit compte que c’était l’exacte attitude qu’il avait eu avant de quitter à jamais la demeure familiale. Tout rassembler pour essayer d’en perdre le moins possible. Mais la perte était là, il n’y avait aucune parade possible. L’on pouvait se consoler en sauvant les meubles, cela n’empêchait pas de voir un pan entier de sa vie s’effondrer dans un nuage de cendres et de braises. Son regard jusqu’alors ouvert quitta pour la première fois les yeux de Passiflore, à l’instant même où elle embrayait sur les choix douloureux que les deux frères avaient eu à faire. Comme pour se prémunir de la peine et du regret qu’il commençait à éprouver, le jeune homme décrocha, préférant goûter au vin aimablement offert plutôt que de faire à Passiflore la politesse de l’écouter jusqu’à la fin.
La boisson était une bien piètre consolation, qui lui laissa un arrière-goût fade. Non pas parce qu’il estimait sa qualité médiocre — si, bien sûr qu’il l’estimait médiocre — mais parce qu’il avait l’envie subite de se lever et profiter de la beauté de la nature sous un soleil d’or pour chasser au loin l’aigreur menaçant de le saisir. Hélas, il n’y avait pas le moindre soleil sur cette île. Par ailleurs, quitter subitement cette conversation aurait été bien trop impoli de la part d’un jeune homme aussi éduqué.
Cette rêverie inopinée laissa tout le loisir à son alter ego de répondre à Miss Delacour. Sa voix claire, haute et princière s’éleva et ramena Armel à lui, qui écouta en pinçant des lèvres les propos à la limite de la désobligeance qu’il osait proférer à l’encontre de leurs parents, cela en face d’une parfaite inconnue. Préserver les apparences, était-ce si compliqué ? Si Armel ne commençait pas à douter lui-même de la maîtrise qu’avaient les chefs de famille sur l’avenir, il aurait sûrement coupé court d’une façon ou d’une autre à cette conversation trop proche de dériver. Pour autant, les paroles de son frère faisaient assez écho en lui pour qu’il se contente de le regarder avec un mélange de désapprobation et de doute.
« Il convient... » commença-t-il d’une voix lente, bien plus basse et mesurée que celle d’Arsène, « …d’écouter et d’observer avant de s’offrir le luxe d’un choix. Pour l’heure, nous ignorons presque tout de l’Histoire, de la politique, de la culture de cette île et nous ne pouvons transposer des modèles que nous tenons pour acquis dans un environnement presque diamétralement opposé à notre Aquitaine natale. »
Les yeux dans le vide et l’index toujours posé sur le tracé de sa mâchoire, il semblait parler à la fois pour tout le monde et pour personne.
« Du temps, c’est hélas ce dont nous manquons tous. L’Irlande elle-même semble précipitée dans des évènements et des changements susceptibles de transformer son avenir. Son émancipation elle-même est quelque chose de tout à fait inattendu, qui peut se révéler une aubaine pour nous autant qu'un problème supplémentaire. »
Ramenant enfin son attention sur Passiflore, il lui adressa un sourire.
« Vous répondre est aussi compliqué que la question est simple, comme l’a si bien résumé mon frère. Mais, vous qui parlez notre langue et entendez notre culture, et qui avez l’avantage sur nous d’une plus longue expérience de la vie irlandaise, peut-être saurez-vous nous avancer un peu plus en… »
Par la barbe de Merlin, c’était une marotte ! A l’instant où des coups frappés sur la porte interrompirent pour la deuxième fois Armel, celui-ci roula des yeux et fit un geste à la fois résigné et méprisant de la main, tandis qu’il s’accoudait à son siège.
L’instant d’après, la porte s’ouvrit et un protecteur de l’Ordre pointa le bout de son nez par l’interstice.
« Excusez-moi, Messieurs… Miss, les guérisseurs sont tous appelés à l’infirmerie. C’est… C’est une urgence. »
Le garçon, un jeune homme certainement récemment sorti de Poudlard, avait l’air profondément mal à l’aise face au regard inquisiteur des deux frères braqué sur lui. Ses joues très pâles — signe évident que quelque chose n’allait pas — se parsemèrent de quelques tâches roses.
« Si… Si vous avez quelques compétences en soins, Messieurs, vous êtes les bienvenus. »
Aussitôt, le regard d’Armel s'ancra dans celui de son frère. L’exact regard qui forçait toujours Arsène à suivre Armel et qui leur avait d’ailleurs valu l’acquisition de Babak : l’appel de la curiosité, de l'aventure. Combien y avaient-ils de guérisseurs présents, ici ? Si même eux, qui n’avaient rien à voir avec l’Ordre, étaient appelés en renfort, c’était que ce qu’il y avait à l’infirmerie valait le coup d’œil. Pourvu d’un regain d’énergie, Armel sauta sur ses pieds et suivit le mouvement, tout en sirotant son verre de vin.
Le protecteur qui les guida leur fit une explication à la fois nerveuse et précipitée :
« La Fédération Magique D’Irlande vient de nous transférer de toute urgence un sorcier du nom d’Ulter McGrath, herboriste renommé à Belfast. De drôles de rumeurs couraient sur lui, je n’ai pas tout compris, mais toujours est-il que l’Addanc l’a suspecté de fomenter certains raids contre des villages moldus. Il avait l’air instable mentalement et malade, et avant qu’ils aient pu en tirer quelque chose, il est tombé dans un genre d’inconscience. Maintenant, il est… Enfin, vous verrez. Les potions ne lui font rien, pas plus que les sorts de soins basiques. »
Un drôle de spectacle les accueillirent lorsqu’ils pénétrèrent l’infirmerie. Trois des cinq guérisseurs encore présents dans le QG entouraient un lit en psalmodiant des incantations qui faisaient luire de lueurs étranges leur baguette magique. Les deux autres discutaient précipitamment entre eux, apparement incertains quant à la décision à prendre. Quelques pas en retrait, un vieil homme, que Passiflore savait être Barnabas Bird, se frottait pensivement la barbe en regardant le lit avec un mélange d’inquiétude et de gravité. Enfin, sur le lit, un sorcier convulsait, saignait du nez, roulait tellement des yeux qu’on n’y devinait plus que le blanc. Ses lèvres noircissaient et ses veines alentours se teintaient de bleu, comme si quelque chose en lui se manifestait, s’échappait, nécrosait la chair et les muscles de cet orifice. Il y avait à parier que seules les incantations retenaient une progression fulgurante de la chose.
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Re: Une sensation de déjà vu par Jeu 1 Mar - 14:26
Quant à trouver une activité en Eire, cela risquait d’être pour le moins complexe. La vigne n’appréciait pas vraiment l’humidité constante et le manque de soleil caractéristique de l’île. Le l’Irish whiskey, pour sa part, était généralement l’œuvre de vieilles familles qui en gardaient jalousement non seulement le secret de préparation, mais aussi les droits de créations... La Vélane pouvait toutefois présumer que ses deux invités avaient d’autres cordes à leurs arcs que la fabrication du vin. Cependant, elle avait beau fouillé dans ses souvenirs, elle n’arrivait pas à se souvenir s’ils avaient un domaine de prédilection dans la pratique des arts magiques.
S’il y avait bien une chose qui, en revanche, lui revenait bien à l’esprit, c’était la différence flagrante des caractères des jumeaux. Elle n’osait sourire en les observant, de peur de blesser des hôtes, mais elle imaginait sans trop de difficultés les joutes verbales qui devaient animer les longues journées pluvieuses du pays. Alors justement que le dénommé Armel s’apprêtait, après de longues phrases, à lui poser une question, on frappa à la porte. Les coups étaient hésitants, mais rapides. Elle fronça les sourcils, et son impression première de « il se passe quelque chose » se confirma lorsqu’elle aperçut le visage éloquent de Cavendish, apprenti de longue date, récemment intégré à l’Ordre.
Il n’avait ouvert la bouche que la jeune femme s’était levée prestement. Que pouvait-il encore bien se passer ? Certes, Merlin leur avait accordé quelques jours de repos, mais l’Ordre en avait besoin de davantage pour que ses équipes soient encore pleinement opérationnelles. Il était tôt, encore, dans la journée, pour craindre une attaque récente, mais tard pour que des nouvelles d’une attaque nocturne ne leurs parviennent. Les patients qu’elle avait aperçus en arrivant ne montraient pas de signes de dégradation importante, ce ne pouvait être l’un d’eux qui décompensait brusquement. Non, ce devait être autre chose.
Un frisson la parcourut au nom de Mc Grath. Qui ne le connaissait pas, en Eire ? C’était un excellent herboriste, et nombres des mélanges et cataplasmes qu’utilisaient les Guérisseurs de cette époque provenaient de sa boutique, de ses livres, ou encore des étudiants que Mc Grath lui-même avait formés. La jeune femme avait entendu les rumeurs qui circulaient à son sujet, mais elle n’y avait guère prêté attention, préférant attendre que ceux qui en avaient la compétence rendent leur avis.
Elle était arrivée à la hauteur de Cavendish quand ce dernier invita les Rosier à se joindre à nous. La Vélane haussa un sourcil interrogateur. Elle acquiesça d’un hochement de tête, invitant les deux frères à se hâter. Sans un mot, elle écouta les informations que le jeune Guérisseur avait à leur donner sur ce cas de dernière minute, arpentant les couloirs d’un pas vif. Ils pénétrèrent dans l’infirmerie, Cavendish derrière la Vélane.
La présence de Barnabas Bird attira l’attention de la jeune femme, et l’inquiéta d’autant plus, lorsque ses yeux s’arrêtèrent sur ses collègues. Murray, Burke et Loughran. Elle retient une grimace en voyant ce dernier. Il était le seul « expérimenté » du groupe qu’ils composaient, et ce n’était malheureusement pas le meilleur. Elle s’approcha cependant, afin de mieux voir l’homme souffrant. Ce qu’elle constata lui fit froncer les sourcils. Hulter Mc Grath se nécrosait de l’intérieur, et ses trois collègues le maintenaient en vie grâce à des efforts coûteux, ainsi que les montraient leurs visages fermés et concentrés par l’effort. Combien de temps pouvaient-ils tous tenir ainsi, Mc Grath comme les Guérisseurs ?
Aussi, elle leur épargna des questions qui pourraient les distraire et s’approcha de Barnabas Bird. Elle s’inclina poliment, et présenta brièvement les deux frères :
- Messieurs Armel et Arsène Rosier, Lord Bird, dit-elle, en montrant successivement les jumeux. Si leurs arts peuvent nous aider, ils ont accepté de se joindre à nous. Cavendish nous a expliqué... Vous avez des informations supplémentaires ? Qui voudrait du mal à Hulter Mc Grath, au point de...
Elle s’arrêta, regardant le vieil homme. C’était pire qu’un meurtre rapide et bref. Celui ou celle qui avait fait ça devait avoir une sacrée dent contre l’herboriste, ou devait vouloir attirer l’attention et marquer les esprits. Barnabas Bird secoua négativement la tête.
- Hélas non, Miss Delacour. Vous connaissez l'herboriste je suppose, mais pour la situation en elle-même... Le peu d’informations que nous avons, nous les tenons de l’ADDANC. Mc Grath et moi-même avons eu l’occasion de... confronter nos points de vue plus d’une fois, mais, en dehors de ses convictions, c’est un brave homme. J’avais entendu dire qu’il perdait un peu ses esprits, ces derniers temps...
Cela n’alla pas pour rassurer la jeune femme. L’état dans lequel se trouvait le malade ne pouvait que lui faire penser à un empoisonnement ; des troubles aussi importants et marqués, avec une faible chance de survie... Il n’avait pu contracter une maladie lambda et dépérir du jour au lendemain. Ce qui inquiétait d’autant plus la Vélane, c’était qu’il n’ait rien pu faire pour lui-même. Avait-il senti le poison, si son ennemi le lui avait fait ingérer ? Elle espérait que non, à vrai dire. Si Hulter Mc Grath lui-même n’avait pu trouver antidote à son mal, ce n’était pas la petite équipe qu’ils constituaient qui le pourrait...
- Nous allons faire de notre mieux, souffla la Vélane, en retroussant les manches de sa robe jusqu’à ses coudes.
Elle eut un regard vers ses confrères, qui ne vacillaient pas. L’état de l’homme semblait stationnaire, mais ils ne pourraient guère le maintenir ainsi longtemps. Elle s’approcha de lui, veillant à ne pas gêner les sorciers qui oeuvraient autour. Elle inspira, et fronça aussitôt le nez. Beaucoup avaient beau répété que la mort n’avait pas d’odeur, la nécrose était, à son avis, celle qui s’en approchait le plus. Mêlée au sang, cela donnait un parfum pour le moins...
Le corps entier de Mc Grath semblait soumis à des crampes et contractures ; il frémissait et était parfois pris de soubresauts. La sueur perlait çà et là, et, par moment, un gémissement faible sortait de ses lèvres. Ce fut après l’un d’eux, plus déchirant que les autres, que Passiflore leva les yeux vers l’homme. Le visage de Mc Grath était déformé par la douleur. Ses yeux étaient clos, et la jeune femme l’en remercia silencieusement. Les regards implorants et paniqués l’empêchaient souvent de réfléchir. Sa gorge avait pris une teinte presque noirâtre, mais il parvenait encore à respirer. D’un geste, la jeune femme fit venir Cavendish, pâle et presque aussi tremblant que le malade.
- S'il te plait, amène des linges, pour éponger tout ça. Nettoie lui le visage, mais fais attention de ne pas toucher son sang. Protège toi.
Elle sortit sa baguette et, d’un geste fluide, effleura le bout de ses doigts jusqu’au coude, le bras gauche, puis le bras droit. Ses mains et ses bras semblaient recouvertes d’un léger voile transparent, à l’instar de gants invisibles et légers. Si ses premiers soupçons se concrétisaient, il y avait fort à parier que l’homme avait été victime d’un empoisonnement... Mais lequel, là résidait le mystère, et très probablement sa survie. La jeune femme n’avait guère l’envie d’y succomber également.
Barnabas Bird s’approcha des deux Français. Le vieil homme, l’air soucieux, eut un regard vers les Guérisseurs et le malade.
- Messieurs, si l’un de vous a les savoirs nécessaires, l’Ordre de Merlin vous demande votre aide. Mes Guérisseurs peuvent maintenir, mais pour combien de temps, cet homme en vie. Miss Delacour a, je le présume, les mêmes soupçons que moi, mais plusieurs cerveaux valent mieux qu’un pour déceler le mal dont il est saisi...
Elle présenta à nouveau sa baguette et, d’un geste sûr, déchira la veste et la chemise de l’homme, pour laisser apparaître son cou, son torse et ses bras. Une grimace tira un instant les traits de la jeune femme. La nécrose se propageait, à petit feu. Le corps entier semblait contrôlé par les spasmes. Dans l’urgence, mais avec toute la délicatesse qui lui était propre, elle inspecta le buste de l’homme, à la recherche d’une altération de la peau, si minime soit-elle. Avec l’aide de Cavendish, qui semblait avoir compris ce qu’elle cherchait, ils débarrassèrent l’homme de ses chausses et de ses bottes.
- Rien, souffla la jeune femme, amère, entre ses dents. Pas la moindre trace de morsure, de plaie ou de brûlure qui pourrait justifier le mal de cet homme.
Cavendish sembla sous le point de fondre en larmes, mais se contint et couvra l’homme d’une couverture. Passiflore se maudit elle-même, regrettant son assiduité relative lors des cours et conférences sur l’art des potions.
- C’est un empoisonnement du sang, mais avec quelle substance... Il pourrait s’agir d’un venin, mais extrait et concentré, de sorte à ce que ses effets soient majorés...
Ses confrères secouèrent négativement la tête, comme pour exprimer qu’ils n’avaient pas la moindre idée de ce dont il pouvait s’agir. Barnabas Bird ne sembla pas avoir non plus l’illumination dont ils avaient besoin. Elle tourna la tête vers les deux frères :
- Une idée, Messieurs, d’une substance hémotoxique nécrosante ?
S’ils trouvaient ce qui était à l’origine de l’état de Mc Grath, ils pouvaient le sauver, à la condition, bien évidente, d’avoir un antidote correspondant. Ce qui n’était, il fallait l’avouer, pas vraiment gagné...
Guérisseuse
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Re: Une sensation de déjà vu par Dim 29 Avr - 20:43
Ils emboîtèrent donc le pas des membres de l’ordre sans mot dire, trop impatients de comprendre ce qui se déroulait sous leurs yeux. Or, les quelques explications du protecteur n’étaient clairement pas suffisantes pour cela. Un herboriste apparemment soupçonné d’attaques contre des moldus s’était effondré ? Difficile de croire que la raison soit autre chose que magique si tous les Guérisseurs étaient convoqués. Mais alors quel rapport avec ses activités contre les moldus ? Il était en effet peu crédible que les Gardiens s’adonnent soudain à la magie pour s’en prendre à leurs ennemis alors que les bûchers leur plaisaient tant. Non, quelque chose clochait et c’était bien ce qui inquiétait tout le monde. Et excitait Arsène. Car il avait une empathie limitée sauf avec les gens qui comptaient réellement pour lui et, dans le cas présent, la curiosité l’emportait nettement sur la compassion.
Pourtant quand ils découvrirent l’état de la victime, la pitié s’empara un instant de lui avant qu’il ne se reprenne. Tout d’abord, même s’il ne souhaitait à personne une mort aussi atroce que l’agonie dans laquelle l’homme se trouvait clairement, il n’avait aucun attachement avec ce dernier, il ne verserait donc pas de larmes s’il venait à passer la baguette à gauche. Par ailleurs, s’il voulait être d’une quelconque utilité – bien qu’il doutât fortement de servir à quoi que ce soit si des Guérisseurs expérimentés se révélaient incapables d’agir – mieux valait garder la tête froide. Un peu comme leur compatriote qui se lança immédiatement au travail.
Arsène observait, intrigué, son travail. S’il avait sans difficulté reconnu que les trois autres Guérisseurs au travail cherchaient à contrer l’action du poison tuant à petit feu leur victime, il se demandait ce que cherchait Passiflore Delacour. Jusqu’à ce qu’il voie le jeune homme venu les chercher l’aider à déshabiller l’herboriste. Ils cherchaient une morsure, une piqûre ou quelque autre blessure expliquant la manière dont le poison avait été injecté. Mais n’en trouvèrent apparemment pas. Ce qui surprit grandement le Français. Car, si ses cours de Potions commençaient à remonter quelque peu, il avait toujours apprécié cet art finalement si proche de la confection d’un bon vin. Il fallait savoir doser correctement les ingrédients ou un mauvais mélange transformait le plus divin des nectars en poison imbuvable. Or, le seul souvenir qu’il avait de substances attaquant directement le sang humain était le venin des vipères, d’où sa surprise face à l’absence de morsure. Il partagea néanmoins l’information avec les présents. Même sans morsure, peut-être qu’on avait simplement forcé l’homme à en ingurgiter, mieux valait donc dire tout ce qu’il savait. Au pire, cela se révèlerait inutile. Au mieux, cela amènerait l’un des Guérisseurs à la révélation dont ils avaient besoin pour sauver l’herboriste.
-A ma connaissance, seul le venin d’une vipère non dilué et utilisé en grande quantité pourrait avoir cet effet. De là à savoir comment il a été ingéré, je ne suis ni Guérisseur ni Maître des Potions. Quant à sauver le Sieur MacGrath, à moins que l’un d’entre vous ne possède un bézoard, je ne vous serais malheureusement pas d’une grande utilité.
Restait néanmoins son frère. C’était après tout lui le cerveau atypique de la famille, l’inventeur insatiable de choses inutiles. Alors certes, il était plus adepte de la Métamorphose que des Potions mais peut-être aurait-il soudain l’idée de génie qui prouverait cette intelligence supérieure qu’il aimait tant afficher de manière soi-disant discrète.
- Le renard et la rose
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Re: Une sensation de déjà vu par Lun 30 Avr - 23:45
Il n’était pas insensible, pour autant. En témoignait sa main droite venue s’accrocher au bras de son jumeau, comme s’il recherchait par son contact le soutien qui lui ferait supporter cette vision proprement horrifique.
Arsène avait toujours été le plus courageux. Bien naturellement, tout l’agacement et toute l’exaspération qu’il avait ressenti à l’encontre de son frère s’était évanouie face à cette situation où, sur le coup, Armel se sentait parfaitement inutile. La présence de son frère à son côté lui donnait la force de soutenir la vision de cet homme qui, sans un miracle, allait mourir dans l’heure qui venait.
Aussi, quand Barnabas Bird vint demander leur aide avec beaucoup de solennité, Armel se redressa et se recomposa un visage.
« Eh bien… » balbutia Armel, d’une voix trop basse pour qu’on l’entende vraiment.
En toute logique, la guérisseuse était partie sur l’idée d’un empoisonnement mais, immédiatement, la théorie déplut à Armel. Il ne sut dire, d’abord, pourquoi. Les sourcils froncés, il écoutait la guérisseuse et lui retourna un regard éperdu lorsqu’elle employa des termes techniques. Un véritable charabia pour le jeune français.
Son frère y alla de son commentaire, lequel parla très justement de bézoard.
« Le bézoard fut naturellement notre première tentative, répliqua l’un des guérisseurs. Il a été sans utilité. Aussi doutons-nous… »
Il ne termina pas sa phrase, reprenant ses incantations en voyant que cette pause, pour aussi courte fut-elle, était suffisante pour que la nécrose se répande sur la mâchoire du malheureux herboriste.
« Ce n’est pas un poison. » acheva Armel, à la place du guérisseur.
Il avait à présent dépassé son frère et sa magnifique baguette ouvragée prolongeait sa main gauche. Il s’avança vers le lit d’appoint, d’abord avec hésitation, puis avec un peu plus de détermination lorsque les responsables l’y autorisèrent d’un regard.
D’un index, le jeune homme ouvrit la bouche du malade et observa la nécrose à l’intérieur de sa bouche. Il se pencha, sentit son haleine avec application, souleva ensuite ses paupières puis se recula, pensif.
« Je ne suis pas guérisseur, mais je crois que vous faites fausse route. »
Armel eut une petite moue gênée à l’attention de Passiflore, comme s’il s’excusait de remettre en cause son jugement.
« Étant donné que seules des incantations ralentissent les symptômes, ce n’est pas un empoisonnement classique, et je serai prêt à penser qu’il s’agit d’un sortilège… ou… pire. »
Passant sa main libre sur son menton, le jeune homme considéra pensivement leur patient. Cela lui rappelait quelque chose. Ulter MacGrath… Ulter MacGrath…
« MacGrath… J’ai un correspondant italien qui connaît très bien l’homme. Il va exclusivement à Belfast pour certains de ses ingrédients car il n’y a que MacGrath en qui il a confiance pour la qualité de certaines herbes. Raison de plus qui me fait penser qu’il ne peut avoir été empoisonné. Ce serait comme tenter de tromper un fléreur ! Il y a quelque chose qui ne colle pas… Vous disiez tout à l’heure qu’il était suspecté d’agir pour les partisans du Sang-Pur ? Mon ami est un mutmag qui n’a jamais eu à se plaindre de l’ouverture d’esprit de MacGrath… »
Si l’herboriste avait changé de bord, c’était tout récent. Un air troublé sur le minois, Armel regarda successivement Arsène et Passiflore, espérant de l’un d’entre eux — ou des deux — une réflexion supplémentaire pour enrichir la sienne.
- Le renard et la rose
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Messages : 23Date d'inscription : 15/07/2017
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