Ce souvenir qui me hante. par Lun 20 Fév - 23:57
- Il suffit. » La voix de Lady Black était lasse, fatiguée. Au milieu du grand salon, la veuve se frottait avec douceur les yeux, lentement découragée par la situation. Cela faisait trois jours à présent que sa petite-fille avait disparue dans la nature, et trois jours qu’elle entendait les mêmes récits malheureux de ses serviteurs. La petite créature, aux mots de sa maîtresse, s’était penché dans un silence apeuré, saluant aussi bas que cela était possible, avant de sortir de la pièce, tandis que Gony prenait la relève, venant soutenir avec une loyauté exemplaire la veuve accablée. Minuscule et très vieux, l’humanoïde avait la peau tombante et les articulations noueuses, pourtant son œil restait vif et son ouïe demeurait sans faille. D’un petit geste précis de la main, il prépara une tasse de thé sur le plateau qu’il venait d’amener, avant de venir l’offrir à Cathleen Black.
« Nous finirons par la retrouver, Madame. Lady Elya finira par faire une erreur et se montrer.
- Je vous demande justement de la retrouver avant qu'elle ne commette une erreur. Ramenez-là au manoir avant que quelqu'un d'autre ne le fasse. D’un geste raide de la main, Cathleen refusa la tasse que lui tendait Gony, avant de se lever. Lady Gaunt sera là d'une minute à l'autre, nous prendrons le thé ensemble dans le petit salon. »
Le visage de l’elfe de maison sembla esquisser un semblant de sourire à la stipulation de la visite d’Alceste. Reposant la tasse de thé sur le plateau, il s'exprima avec lenteur, une pointe d'espoir dans sa voix traînante.
« Lady Gaunt sera surement annonciatrice de bonnes nouvelles. Gony va attendre Madame à la porte. »
Cathleen espérait de tout son être que les dires de la créature se révéleraient justes. Retrouver Elya avant que la nouvelle de sa fugue ne se répande dans le monde des sorciers s’avérait essentiel pour l’avenir de la famille Black. Si les autres familles venaient à douter de l’éducation qu’elle était apte à apporter à de jeunes enfants, elle perdrait leur soutien concernant sa candidature pour le rôle de directrice de Poudlard. Elya, quant à elle, perdrait le luxe d’un mariage en bon et due forme qui lui assurerait un avenir certain. Pourtant, la veuve ne pouvait le nier, une troisième raison s'ajoutait à celles-ci. Perdre un autre enfant était une douleur qu’elle refusait de vivre à nouveau. Portant machinalement une main à son ventre, la Lady se tourna vers le portrait de Cyrus Black, aujourd’hui vide. Drew était né alors qu’elle n’avait que dix-huit ans. Un magnifique petit garçon qui aurait dû devenir l’homme de la famille, à l’heure actuelle, si elle ne l’avait pas déshérité. Quelques années plus tard, à l’aube de ses vingt ans, l’enfant qu’elle avait mis au monde avait poussé son premier cri, un cri faible, un cri malade. La petite fille était morte quelques jours plus tard, laissant dans son départ prématuré une mère effondrée et un père fuyant. Cyrus avait surmonté l’épreuve en s’éloignant, Cathleen, elle, n’y était jamais vraiment parvenue. Toutes ses autres tentatives pour mettre au monde d’autres enfants, d’autres jeunes Black s’étaient révélées infructueuses. Elle avait perdu deux enfants, et s’était révélée incapable d’en avoir d’autres. Aujourd’hui, la veuve était déterminée à ne pas perdre ceux qui étaient encore sous sa responsabilité. Quoi qu’il lui en coûte.
Époussetant machinalement sa robe immaculée, la dame quitta la grande pièce pour se diriger jusqu’au petit salon où Lady Black recevait toujours son amie. Les murs étaient couverts d’une épaisse tapisserie qui donnait à la pièce une atmosphère chaleureuse, encourageant la confidence. Car il serait aujourd'hui question des confidences que Carey avait, de toute évidence, pu offrir à sa tante. Cathleen avait préféré demander de l'aide à Alceste pour interroger sa petite-fille, car elle savait que cette dernière avait toujours maintenu un profond respect, ainsi qu’entretenu une certaine peur, envers Lady Gaunt. Il lui était alors plus aisé de la pousser à parler. Il était aussi une nouvelle fois question de camoufler la nouvelle. Si Cathleen s’était présentée elle-même à Poudlard pour parler à sa petite-fille, les autres familles auraient prêté à cette rencontre une dimension toute autre que Cathleen souhaitait éviter. La présence d’Alceste Gaunt à Poudlard, quant à elle, soulevait de rares questions emplies de mystères. Les rumeurs qui courraient à ce sujet seraient éphémères, sans grand intérêt.
La veuve n'eut pas le temps de s'installer qu'un elfe vint à sa rencontre pour lui annoncer l'arriver de la mère des serpents. La ponctualité d'Alceste était une marque de respect étonnamment agréable par les temps qui couraient et Cathleen apprécia d'autant plus que sa patience commençait lentement à s'ébranler. Debout au milieu du salon, elle se redressa en prenant une légère inspiration, et tenta de camoufler derrière un visage impassible la pointe d'anxiété qui grandissait en elle. Si Alceste avait tenue à la rencontrer pour lui parler, il était évident qu'elle avait appris quelque chose de la bouche de Carey. C'était une certitude à double-tranchant et Cathleen espérait bien que cela lui permettrait de remettre la main rapidement sur l'héritière, au lieu d'être annonciateur d'une mauvaise nouvelle. Aussi, lorsque son amie d'enfance et plus grande alliée entra dans la pièce, Cathleen l'observa avec attention alors qu'elle l’accueillait chaleureusement, cherchant à déceler les raisons qui l'amenaient ici dans son regard gris.
« Alceste, ma chère amie, je suis heureuse de vous retrouver. Prenez place, je vous prie, vous savez mon manoir et mes serviteurs vôtres. »
Dernière édition par Cathleen Black le Dim 16 Déc - 23:08, édité 1 fois
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Re: Ce souvenir qui me hante. par Sam 11 Mar - 14:05
Alceste n’en souffrait pas. Elle n’avait jamais éprouvé grand plaisir à accueillir les appétits de son époux, et jugeait l’exercice désormais inutile à présent qu’elle n’était plus fertile. Si elle n’avait désormais plus l’âge de saigner, elle avait, dans le plus grand secret, mit fin elle-même à sa fécondité au travers d’un poison de sa propre invention. Le désir d’enfant avait disparu avec la naissance de Despina. Il avait s’agit de sa dernière épreuve, d’une ultime souffrance que la sorcière n’avait plus désiré éprouver de nouveau. Elle avait assez enfanté, d’enfants morts-nés comme d’autres bien vivants, assez souffert des fausses-couches et de leur lot de sang et de jugements. Pourtant, l’angoisse d’avoir commis une terrible faute l’avait hantée quand elle avait découvert le rejet de son héritier envers les autres femmes. Son fils n’était plus un jouvenceau depuis longtemps, et seul son laxisme était responsable du célibat tardif de Janus. Elle n’était jamais parvenue à se résoudre à lui imposer une épouse, malgré l’intransigeance qu’elle s’infligeait à elle-même au sujet de ses devoirs. Il n’y avait que Janus pour profiter de l’extrême bienveillance d’Alceste. Hélas, son désir de voir son fils accompli, pourvu d’un parti digne de sa stature et pour lequel il éprouverait assez de fierté avait mis en péril la lignée des Gaunt. Arnald, pour sa part, répugnait à imaginer que son fils épouse une femme dépourvue du don de Salazar. Mais cette femme n’était manifestement pas encore née, et le temps pressait.
Ce rejet d’Arnald leur avait sûrement sauvé la mise. Elya avait été promise à leur fils, et la jeune femme était en train de trahir toutes les valeurs de sa famille, au point de s’oublier elle-même dans une quête absurde. Une telle infamie aurait été un poids lourd à porter. Cela s’était déjà produit, dans un passé qui n’était pas si lointain, et Alceste avait pu voir les terribles conséquences engendrées par la rébellion d’une seule femme.
Mais, cette nuit, quelques heures après une visite à Poudlard, un nouvel avenir se dessinait, prenant forme autour du visage encore juvénile de la dernière héritière Black.
Alceste aurait dû s’en réjouir et dormir paisiblement, assurée de l’avenir des Gaunt. Pourtant, elle était longtemps demeurée immobile dans son lit, les yeux rivés sur un plafond qu’elle distinguait à peine. Elle devrait convaincre Arnald du bienfondé de ce mariage. Mais, surtout, le temps approchait où elle devrait laisser le flambeau à une femme plus jeune et plus jolie. Cette seule pensée lui donnait l’impression de se tenir au bord d’un précipice sans fond. C’était pourtant dans l’ordre des choses, mais l’idée de voir tous ses sacrifices soldés par sa mise à l’écart lui semblait si profondément cruelle qu’elle n’était parvenue à trouver le sommeil que quelques heures seulement avant que l’aube ne la surprenne.
Aussi, lorsque l’après-midi approcha de sa fin, ce fut avec des cernes grises qu’aucune potion de beauté ne parvint à camoufler qu’elle s’habilla pour visiter Cathleen Black. Elle n’était parvenue qu’à avaler un repas frugal. Celui-ci s’était soldé par la dure réprimande d’un de ses elfes qui, voyant le peu d’appétit de sa maîtresse doublé de son expression soucieuse, avait cru bon de s’inquiéter de son état et l’inviter à manger davantage.
Son corset serré l’étouffait plus que d’habitude. Malgré les potions qu’elle prenait, elle voyait, en regardant ses mains, une peau trop fine, des doigts trop noueux, des veines trop visibles ternir leur dos de sillons bleus. Dans le tain de sa glace, alors qu’elle nouait d’un sort ses longs cheveux bruns, elle voyait un visage rigide, vieillissant, repoussant, quand bien même il reflétait le faciès d’une femme sans âge dont la peau lisse semblait pareil à du marbre savamment sculpté. Pendant un instant, la colère flamba avec force dans son ventre jusqu’à rougir ses pommettes puis, dans un geste las, la Maîtresse des Serpents passa ses doigts glacés le long de son visage, tout en expirant longuement. Vieillir la répugnait. La perspective de sa mort n’était rien comparée à l’inévitable flétrissement de sa chair. Cet avenir impossible à déjouer lui paraissait d’autant plus réel face aux décisions qui se prendraient bientôt. Alceste se sentait comme au cœur d’une pièce de théâtre dans laquelle elle ne pouvait faire autrement que de réciter le texte qu’on lui avait fait apprendre, quand bien même celui-ci la pousserait jusqu’en dehors de la scène. Elle n’avait d’autre choix que d’agir comme elle l’avait toujours fait : en affrontant sa destinée.
La ponctualité était une qualité qu’Alceste se faisait un devoir de respecter lorsqu’il s’agissait de rencontrer son amie d’enfance. À l’heure pile, la sorcière apparut devant le portail du manoir Black, qui s’ouvrit devant elle pour accueillir la vieille amie qu’elle était. Le pas sûr, elle traversa l’avant-cour qu’elle connaissait si bien mais n’eut pas besoin de frapper qu’un elfe lui ouvrait déjà. À la fois fébrile, impatient et soulagé, le petit être s’empressa de débarrasser l’invitée de sa cape et la précéda jusqu’au petit salon où les deux ladies avaient coutume de s’entretenir.
L’accueil bienveillant que lui fit sa plus grande amie tira l’empoisonneuse de ses considérations les plus sombres et, s’avançant vers son hôtesse, elle lui prit la main avec une chaleur qu’elle réservait à bien peu d’élus.
« Le plaisir est partagé, mon amie. J’ai toujours grand plaisir à me voir accueillie entre ces murs qui recèlent tant de souvenirs. »
Dans un même mouvement, les deux femmes s’installèrent l’une en face de l’autre. À peine furent-elles assises que Gony servit le thé avec un savoir-faire digne de tout britannique. Cependant, lady Gaunt n’attendit guère que sa tasse fut remplie pour parler. Elle ne pouvait qu’imaginer l’impatience et l’inquiétude de son alliée, et elle ne voulait pas lui infliger davantage de tourments.
« Vous devez, à raison, être impatiente d’entendre ce que j’ai à vous dire, aussi je ne puis vous infliger plus longtemps cette attente. J’amène, je l’espère, de bonnes nouvelles, d’une certaine manière. Je pense que nous pouvons retrouver Elya grâce à la fidélité de votre dernière petite-fille. »
Gony la regardait avec de grands yeux. Il avait prit dans ses deux mains minuscules la tasse de lady Gaunt et celle-ci tremblotait au rythme de son corps chétif lorsqu’il la lui tendit à bout de bras. Avec un bref regard pour l’elfe, Alceste en prit possession tout en rassemblant les mots qu’elle avait préparé à l’attention de son amie d’enfance.
« D’après lady Carey, votre héritière aurait appris de source inconnue la survivance de son père. Il semble qu’elle ait nourri le projet de le rencontrer, quand bien même sa cadette n’a su dire si elle a pu le faire effectivement. Vous… possédez certainement davantage d’informations que moi quant aux phénomènes entourant la rébellion de la jeune femme. » Pendant un instant, Alceste hésita, cherchant la façon la plus délicate d’aborder le sujet. « Je n’ai, pour faire le jour sur cette histoire, que le souvenir de cette conversation que nous avons eue, des années auparavant, et cette demande que vous m’avez faite au sujet du bâtard Bower. C’est, il me semble, cependant assez pour me laisser croire qu’il est au cœur de cette affaire, de même que Drew. Nous avons là deux pistes susceptibles de nous mener jusqu’à Elya. »
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Re: Ce souvenir qui me hante. par Jeu 10 Aoû - 3:20
Les lèvres closes, elle attrapa avec délicatesse la tasse de thé que lui tendait Gony sans même s’en rendre compte. Son dos scrupuleusement droit, elle tint sa tasse, incapable de la porter à ses lèvres, pendue à celles d’Alceste, déjà pleine de détermination pour la suite. Jusqu’à ce que le titre de son fils ne sorte de la bouche de son amie. Son visage resta neutre, alors qu’elle se perdait dans le fil de ses pensées, prenant dans le discours d’Alceste toutes les pièces qui manquaient au tableau.
Drew. Drew Acturus Black. Là était la raison qui avait poussé Elya à mentir, partir en escapade avec un homme et se mettre inutilement en danger par la suite. C’était là le secret de la Serdaigle, celui qu’elle avait défendu corps et âme. Là aussi était la raison de la venue de Devin Bower jusqu’à son manoir, fier comme un hippogriffe, arrogant traître. Ses mots résonnaient dans sa tête avec une clairvoyance insupportable à présent. Et votre empire s’effondrera sous le poids de la seule erreur que vous ayez jamais faite. Elle se revit, des années en arrière, repoussant avec fureur et fermeté la seule décision qui aurait préservé sa famille de la trahison, pour le seul espoir irréel de ne pas perdre pour toujours ce qui était déjà perdu. Sa gorge se serra alors que ses muscles semblaient s’ankyloser sous le poids de la culpabilité. Sa faiblesse concernant son fils unique lui avait fait perdre sa petite-fille, et mis en danger sa famille. L’espoir pourtant brillait encore au sein de la fidélité dont avait fait preuve Carey, alors qu’elle avait été tourmentée en secret par sa sœur et ses idées révolutionnaires. Une certaine fierté perçait en Cathleen, bientôt submergée par la culpabilité qui s’écoulait en elle.
La veuve chercha les indices qui pouvaient confirmer - ou infirmer - la théorie apportée par Alceste, dans les rares propos et les agissements d’Elya ces derniers mois. Elle savait que sa petite-fille n’avait pas perdu sa virginité auprès du bâtard Bower – ayant pratiqué elle-même la vérification après avoir constaté que son ventre ne s’arrondissait pas – et avait remis en question depuis quelques temps son idée première concernant une escapade de jeunes gens en amour. Elle éprouvait beaucoup de colère et de honte pour Elya, mais elle avait espéré qu'au moins la jeune femme était plus intelligente que cela. Mais aucune autre raison n’avait percée dans son esprit, et faute d’autres pistes, aujourd'hui, elle était bien obligée de croire en celle-ci, malgré ses craintes. Il était temps de réparer son erreur, et aujourd'hui, ni son irrationnel amour de parente, ni la douleur ne pourraient l'en empêcher. Elle lui avait laissé une chance, et il l'avait à nouveau trahi.
Alors que sa décision la remplissait d'une orgeuilleuse tristesse, elle concentra à nouveau son attention sur Alceste, qui releva dans ses paraphrases le peu d'informations que Cathleen avait consenti à lui offrir. Reposant lentement sa tasse encore remplie de son thé, Cathleen chercha ses mots. Elle se savait devoir des explications à son amie concernant le bâtard Bower et sa demande particulière. Bien qu'elle savait leur amitié sincère, elle ne doutait pas de la droiture d'esprit d'Alceste. Terrer délibérément des informations dans le but de préserver une alliance depuis longtemps décidée pouvait relever de la trahison. Il lui fallait alors utiliser les mots justes.
« Je vous suis reconnaissante, ma chère amie, pour toute l'aide que vous m'apportez. Le temps est venu pour moi de réparer mes erreurs du passé. Et voici la première que je souhaite expier auprès de vous, Alceste, car je n'ai pas eu la force de vous exprimer mes craintes, il y a de cela quelques mois. Cathleen prit une inspiration légère, laissant planer un instant le silence, avant de se confesser. Voilà ce que je sais concernant la fuite d'Elya. Lorsque, en novembre, je pensais cette dernière partie pour l'Allemagne, Lord Bower est venu me trouver en ma demeure afin d'obtenir de moi l'appui qu'il lui manquait afin de devenir intendant. Pour cela, il m'a révélé qu'Elya n'était pas arrivée, comme cela était prévu, à Cassel et qu'elle avait fui en compagnie de son bâtard vers une destination inconnue. J'ai d'abord cru, comme vous devez le croire, que cela n'était que folie de jeunesse. La raison de la réclusion de ma petite-fille était donc liée à cette idée. Ces trois mois ont passé, et je vous prie de me croire, je l'ai observé chaque jour, chaque instant, afin de m'assurer que sa faute ne s'était pas transformé en péché. Vérification a été faite, et bien que celle-ci m'indiquait sa préservation, le doute a persisté jusque là, faute de trouver une raison logique à ses actes. Vous m'offrez là une preuve supplémentaire qu'au moins, elle a su préserver son intégrité, à défaut d'être loyale envers sa famille, et juste envers votre fils. »
Marquant une pause, la veuve fixa son amie, sincèrement inquiète de ses réactions. Elle se savait en tort et espérait ardemment que le lien les unissant toutes deux saurait faire son oeuvre pour cette épreuve.
« Je ne saurai vous demander de ne pas récuser cette promesse que nous nous sommes faites concernant notre premier enfant à marier afin d'unir nos familles. Car votre fils mérite un parti digne de lui, et bien qu'il soit pour moi l'espoir de voir ma première petite-fille graciée de ses péchés par l'influence qu'il aurait pu avoir sur elle, je n'oserai lui imposer ce devoir, comme je n'ose vous l'imposer à vous. Vous êtes seule décisionnaire. »
Cathleen avait toujours tenu en haute estime l'éducation qu'Alceste imposait à ses enfants, et elle avait rêvé de voir Janus reproduire ce qu'il connaissait sur sa future femme, afin de réussir là où elle-même, alourdie par son amour pour sa descendante, avait échoué. Elle n'avait pas été assez forte, pas assez stricte, trop permissive, face à elle. Si Alceste réfutait ce mariage, alors il lui faudrait trouver un autre homme assez fort pour discipliner la dissidente, et la tâche n'était pas aisée.
« Je ferais surveiller Portree, afin d'appréhender le retour d'Elya. Si elle a fait la connaissance de son géniteur, peut-être cherchera-t-elle à obtenir son soutien dans sa fuite. Le manoir Bower est aussi sous surveillance actuellement, bien que je ne puisse être sûre d'intercepter le moindre signe concernant Elya. Je dois reconnaître que ce traître use d'une magie protectrice remarquable. Le chemin de Traverse, l'allée des Embrumes et chaque endroit qu'elle avait l'habitude de traverser est régulièrement fouillé, mais je crains manquer d'yeux et d'oreilles actuellement. » Ses elfes travaillaient ardemment, usant de leur magie ancienne pour se faufiler dans les lieux sorciers à la recherche de la potionniste, mais Cathleen devait reconnaître qu'ils ne pouvaient pas couvrir chaque lieu à chaque moment de la journée. Elle avait besoin d'aide, sans possibilité d'en demander vraiment, de crainte de révéler la trahison de la jeune femme au reste des familles sorcières.
« Quant à mon fils... Je n'ai d'autres choix que d'agir comme j'aurai dû agir il y a de cela des années. Pour sa trahison à l'égard de la seule condition qui faisait de lui un homme vivant, il me force à agir comme je l'avais promis. »
La voix profondément lourde de la sentence qu'elle s'apprêtait à déclarer, Cathleen conclut, le coeur serré par ce que ces mots provoqueraient : « Je ferai tuer Drew. »
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Re: Ce souvenir qui me hante. par Jeu 24 Aoû - 18:31
Si Alceste Gaunt avait accordé à Cathleen Black le privilège d’accéder à d’improbables requêtes sans lui imposer de telles contraintes, c’était seulement en l’honneur de la profonde amitié qui les unissaient depuis Poudlard. Cathleen l’infaillible ne l’était pas tant, mais qui l’était vraiment ? La fourchelang elle-même n’était pas blanche de toute erreur, et la plus flagrante était visible par tout un chacun. Le célibat tardif de son fils faisait jaser et seule la crainte qu’inspirait le trio Gaunt retenaient les langues de persifler d’outrageantes élucubrations.
Malgré l’exceptionnelle indulgence dont elle couvrait son aînée, Alceste n’en demeurait pas moins impatiente de connaître enfin les implications de tout ce que Cathleen lui avait demandé. Les idées qu’elle avait pu se faire à propos de la requête très particulière de son amie l’horrifiait et elle craignait, en cet instant, de les voir confirmées. On ne demandait pas la mise à mort d’un jeune héritier, quand bien même il fut un bâtard, sans motivation sérieuse. Aussi, lorsque lady Black prit la parole, Alceste ne put s’empêcher de se tendre, car ses paroles révélaient ce qu’elle redoutait. Cathleen avait omis des informations que le devoir aurait dû lui garder de taire. Prenant une inspiration silencieuse, la Maîtresse des Serpents se maintint droite dans son fauteuil et immobile, prête à recevoir les informations qu’on lui avait tues jusqu’alors.
Lorsque la mention de lord Bower vint caresser les oreilles de la lady, celle-ci changea instantanément d’expression. Son visage, que les potions de beauté rendaient excessivement lisse et blanc, sembla s’émacier à force de se tendre. La veine de sa tempe forma un petit gonflement sous sa peau de marbre, et ses mains, fines et noueuses comme des serres, se crispèrent l’une à la hanse de sa tasse, l’autre à l’accoudoir. Jamais Alceste n’aurait pu s’imaginer que son amie lui aurait tu l’odieuse visite. Cela, plus que la fuite révélée d’Elya en compagnie du fils Bower, relevait de la faute grave, ou du signe indéniable d’une perte de confiance.
Pendant quelques instants, les paroles de Cathleen étaient devenues incompréhensibles. Elles passaient dans son esprit sans que son cerveau n’y attache de sens tandis qu’elle pâlissait à vue d’œil, tout en perdant le contact visuel avec son alliée.
Combien de coups d’avance avait pu jouer ce sournois de Bower tandis que ses ennemis ignoraient tout de la situation dans laquelle il avait placée le nom des Black ? Bien sûr, Cathleen était une femme puissante et entourée, elle n’était pas une victime démunie. Mais la situation que lui avaient imposé les Bower avait de quoi l’affaiblir et détourner son attention. Lady Black était une adversaire redoutable. Le traître et son bâtard cherchaient certainement à la détruire, en l’isolant et en l’humiliant. Un pli mauvais dessina les lèvres de la lady, tandis que son esprit reprenait le fil de la conversation. La colère faisait frémir chacune de ses entrailles, mais conserver son immobilité l’empêchait d’exploser pour l’instant. Jusqu’à ce qu’une phrase vienne interrompre soudain la roue endiablée qui nourrissait sa frustration.
Cathleen avait pris sa décision. Elle voulait faire tuer Drew. Tuer son fils. L’image de Janus s’imposa instantanément à l’esprit d’Alceste et la gorge de la sorcière se serra instantanément. Jamais Alceste ne pourrait se résoudre à une telle sentence à l’encontre de son propre sang. Son fils, qu’elle avait eu tant de peine à avoir, pour qui elle avait subi tant de souffrances et perdu tant de sang, le précieux, l’unique héritier des Gaunt… Quel sacrifice avait fait Cathleen ! Quel sacrifice faisait-elle encore ! Elle avait, depuis longtemps déjà, cédé l’héritage de son propre fils à son neveu Orion. L’extrême rigueur des Nott choquait encore parfois la demi Selwyn qu’Alceste était. La famille était son moteur. Elle torturerait, tuerait, brûlerait le monde pour ses enfants. Pour son fils, tout particulièrement. C’était la un fossé de taille entre Cathleen et elle.
« Les Bower sont donc à l’origine de cette débandade. »
Lady Gaunt marqua une pause pendant laquelle elle ramena lentement sa main libre sur la porcelaine chaude de sa tasse.
« Pourquoi ne m’avez-vous rien dit de tout ceci ? »
La voix était plus forte qu’à l’accoutumée. Il était palpable, pour qui connaissait les fureurs d’Alceste Gaunt, que celle-ci se retenait face à Cathleen Black. L’omission était telle qu’elle relevait à ses yeux du mensonge, et le sentiment de trahison était d’autant plus fort que la décision que venait de prendre Cathleen lui semblait terrible. Alceste n’avait guère de pitié pour les traîtres. Cependant, entendre une mère condamner son fils était toujours choquant. Quant à Elya, elle n’avait pour elle aucune sympathie, mais plutôt une antipathie féroce motivée par la jeunesse doublée d’insolence de l’intéressée. Cependant, il était dorénavant clair que la peur n’était pas une solution pour faire rentrer Elya dans les rangs. Qu’engendrerait la mise à mort d’un père qu’elle venait tout juste de retrouver, si ce n’est la conviction d’appartenir à une famille désunie et répressive ?
« Peu importe. » coupa Alceste en levant la main, retenant son aînée d’émettre la moindre justification. Un tel acte d’autorité ne lui était encore jamais arrivé face à Cathleen, mais en un éclair, sa vision de son amie d’enfance s’était métamorphosée.
« Vous êtes en colère et vous agissez sous le coup de l’impulsion. Sauf votre respect, je crois que vous avez tort. Vous jouez ce faisant le jeu qu’espère vous voir prendre Bower. D’abord en me mentant, puis ensuite en vous en prenant à votre propre sang. A moins de la briser, Elya ne sera jamais rien d’autre qu’une ennemie si vous l’enfermez dans un cercle de peur et de haine à votre encontre. Et je ne veux en effet pas d’une taupe au sein de ma propre famille, si par chance Janus concède à revenir sur son avis concernant votre héritière. »
Lorsque les deux sorcières étaient jeunes, jamais Alceste n’aurait imaginé parler sur un tel ton à Cathleen. Son admiration était presque doublée de crainte, impressionnée qu’elle avait toujours été par le charisme, l’astuce et le sang-froid de la vipère. Cependant, les temps avaient changé, et, comme le lui avait dit Cathleen, le soir où elles s’étaient rencontrées pour la première fois, elle était désormais Lady Gaunt, la Maîtresse des Serpents, la mère des héritiers de Salazar Serpentard. Elle était le roc des Gaunt, mais également de tous leurs alliés et, en faillissant, Lady Black la rappelait à son devoir. On avait toujours compté sur son intelligence et sa sournoiserie. Elle était réputée pour tempérer la wyverne qu’était son époux avant qu’il ne commette l’irréparable. Aujourd’hui, elle se trouvait face à une autre espèce de dragon, d’autant plus terrible qu’elle était avant tout une femme.
« N’oubliez jamais que je suis votre amie, Cathleen, et que le devenir de votre maison m’importe autant que celui des Gaunt et des Lestrange. Bower s’en prend à vous et tente de vous isoler, c’est évident. Nous ne le laisserons pas vous prendre ce qui vous est cher. Si j’étais vous, j’empêcherai Drew de faire quoi que ce soit d’inconsidéré. Il a toujours tremblé devant vous, c’est bien la raison qui l’a retenu en exil tout ce temps, sans qu’il ne cherche ne serait-ce qu’une fois à voir ses propres filles. Faites lui comprendre que personne ne risque rien tant qu’il reste à sa place, et ramenons Elya parmi-nous. Elle comprendra par la même occasion pourquoi son père n'est pas digne de prendre votre suite. Sûrement serait-il sage qu’elle soit tenue éloignée de vous, cependant. Ainsi, elle n’aura pas l’occasion de gangréner l’esprit bien fait de sa sœur. Une autre éducation lui serait, par ailleurs, peut-être plus profitable. Je crains que les émotions qu’Elya suscitent en vous n’altèrent votre jugement. Je ne peux vous cacher que je ne porte guère votre petite-fille en haute estime, contrairement à Carey qui vous ressemble chaque jour un peu plus, mais je m’efforcerai de me montrer neutre. »
C’était la proposition qui lui paraissait la plus raisonnable. Alceste prenait sur elle pour proposer d’accueillir en son domaine une créature en laquelle elle n’avait nulle confiance. La tentation d’en faire la servante de la demeure serait grande, mais elle ne garderait cette humiliation qu’en dernier recours. Son antipathie pour l’enfant ne devait pas l’éloigner de l’objectif premier : ramener Elya Black à la raison. Ils avaient bien assez d’ennemis, bien assez de traîtres à combattre pour ne pas faire naître des dissidents dans leurs propres foyers. La potion serait certainement difficile à boire pour Janus, mais Alceste réalisait à présent qu’elle n’avait guère le choix, à moins que son amie ait un plan plus efficace à lui proposer.
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Re: Ce souvenir qui me hante. par Dim 27 Aoû - 9:12
Si Elya finissait, comme cela était prévu, par être liée à la famille Gaunt, la fierté de leur nom était assurée. Carey pourrait alors être mariée à son cousin, afin de faire perdurer, par ses héritiers, le nom et la branche qu’ils représentaient. De cinq ans son cadet, le petit Sirius était tout indiqué pour être un bon parti. À cela, Orion ne s’opposait pas. Après tout, elle avait fait de lui l’héritier du nom. C’était ses plans, ses ambitions pour sa famille. La pérennité de son nom passait bien avant le moindre sentiment envers celui à qui elle avait donné la vie.
Son regard était à présent ancré dans celui d’Alceste, tout empli de la détermination qu’elle s’insufflait « pour l’honneur », « par devoir ». Cela lui dévorait tant l’esprit que, lorsque son amie parla, le son de sa voix lui parut irréel, comme s’il n’avait aucun sens. Pourtant, à sa deuxième prise de paroles, les mots tout comme la colère qui se cachait derrière dissipèrent immédiatement toute pensée concernant Drew. Cathleen avait anticipé cette réaction et s’apprêtait déjà à répondre lorsque, sans aucun ménagement, Alceste la coupa net. Dans un léger mouvement de tête, la veuve Black exprima malgré elle son étonnement face à l’intonation employée par sa cadette. Elle n’avait plus entendu ce ton autoritaire depuis des années, des décennies, et cette attitude la renvoyait à la jeune fille qu’elle avait été, il y a bien longtemps, et qui se faisait reprendre par ses aînés. Elle détestait cela, mais était bien trop étonnée pour exprimer la moindre colère. En lieu et place de cela, elle écouta, crispée par le comportement d’Alceste face à elle.
La veuve n’avait point eu besoin de l’intervention de son amie pour comprendre les intrigues de Bower. La situation, si elle n’avait été aussi morbide, aurait même pu paraître cocasse : la vie d’une fille contre la vie d’un fils. Chacun avait été mis en échec. Et la partie continuerait. Impassible, Cathleen écoutait sans dire un mot les propositions de lady Gaunt, alors qu’elle réfléchissait à la façon dont elle comptait discipliner la Serdaigle. Elle manquait d’imagination face au comportement qu’elle devait adopter face à elle et trouvait la suggestion d’Alceste encourageante, tout en trouvant contrariant la condition que cette dernière lui imposait
« Vous avez raison sur bien des points, Alceste. Sur Bower, sur Elya et sur mes émotions. Il est vrai que la perte d’un nouvel enfant pourrait causer un profond tort à ma réputation et à celui de ma famille, et cela me fait, je le concède, agir avec empressement et colère. D’autant que le défi que m’impose ce Bower me pousse à agir, à bien des égards, de manière téméraire. Je vous présente mes excuses les plus sincères pour le tort que je vous ai fait. »
Elle accorda un mouvement de tête à la serpentarde, signant ainsi de ce geste le pardon qu’elle lui demandait. Mais lorsqu’elle reprit la parole, sa voix était autoritaire, son regard plus sombre. Elle avait pris sa décision.
« Mais vous semblez oublier la promesse que j’ai fait à mon fils, il y a de cela quatorze ans. Je lui ai accordé une faveur alors que j’aurai dû l’éliminer au moment même où j’ai appris sa faute. Aujourd’hui je constate avec tristesse les conséquences d’une telle indulgence de ma part, et je refuse de commettre à nouveau une telle erreur. Si je lui laisse la vie, alors il n’aura plus de raison de me craindre, car je ne serai plus qu’une faible mère à ses yeux. C’est là une nécessité, pour le devenir de ma maison. Je ne laisserai pas l’histoire de ma famille être marquée par la honte d’un enfant Black incontrôlable. »
Sa gorge était sèche. D’un geste lent, se concentrant pour contenir sa colère, Cathleen porta sa tasse à ses lèvres et en bu quelques gorgées. Elle comprenait que la décision pouvait mettre en émoi son amie, elle qui avait perdu tant d’enfants. Elle-même ne s’était jamais remise de la mort de sa fille.
« Néanmoins… Je ne peux qu’approuver votre proposition concernant Elya. Pour le bien-être de Carey, et pour l’éducation que vous pourriez imposer à sa sœur. Je ne doute pas de votre talent pour remettre sur le droit chemin cette enfant. Et si la décision du mariage revient à votre fils, alors je vous laisserai le temps de lui parler. Pour l'heure cependant, je crains que le principal problème reste l'absence de signes de vie d'Elya. Grâce à vous cependant, je sais où diriger mes recherches. Mais je ne pense pas qu'attendre qu'elle se montre soit le meilleur des choix. Je dois la pousser à moi, sans éveiller les soupçons du peuple. »
Cathleen dirigea la conversation vers un autre sujet que celui de son fils, proposant à Alceste d'entrer en contact avec le directeur de la Gazette du Sorcier afin de faire passer un message à la jeune potionniste, dans l'espoir que celle-ci la lise.
« Peut-être avez-vous une idée de ce qui pourrait l'attirer sans que cela ne développe sa haine ? Je vous sais ingénieuse pour ce genre de situation. »
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Re: Ce souvenir qui me hante. par Mar 31 Oct - 21:48
Malgré l’ombre dans ses yeux, lady Gaunt ne laissa rien paraître de sa lassitude et de sa rancune quand Cathleen concéda à s’excuser. C’était, cependant, la gorge un peu nouée qu’elle observa son amie s’éloigner un peu plus en confirmant la mise à mort de son propre fils.
Comment pouvait-elle dire cela sans sourciller ? Et, d’elle, que pensait-elle ? N’était-elle, dans l’œil de Lady Black, qu’une « faible mère » ? Peut-être était-ce le cas, après tout. Peut-être aurait-elle dû se montrer plus sévère et plus dirigiste avec Janus. Sûrement n’en seraient-ils pas là aujourd’hui. Heureusement, la maîtresse des lieux ne lui donna pas l’opportunité de reconnaître ses responsabilités dans l’affaire qui les réunissaient, lui reconnaissant même les qualités nécessaires pour arranger le caractère d’Elya. Compte tenu de l’opiniâtreté que la sorcière avait pressenti chez cette première, elle n’en était pas si certaine, mais au moins aurait-elle eu le loisir de mieux connaître son ennemie si elle ne parvenait pas à la ranger à sa cause.
« L’attirer serait certainement plus efficace que d’aller la chercher, en effet. Difficile de savoir où elle se trouve à présent. Si elle est aussi astucieuse que je le présume, nul ne doit connaître le secret de sa cachette au moment où nous parlons. »
L’idée qu’émit la matriarche Black prit cependant de cours Alceste. Elle n’avait pas pensé à la possibilité d’entrer indirectement en contact avec elle, et cela lui paraissait à la fois insolite et incertain. La Gazette pouvait en effet servir d’intermédiaire, mais il n’était pas certain qu’Elya ait accès au journal ou ne prenne la peine de le lire, bien qu’il paraissait plutôt cohérent pour une jeune fille en fugue de se tenir du mieux qu’elle pouvait informée de ce qui se passait autour d’elle. L’idée n’était finalement pas si bancale, à condition cependant de trouver matière à attirer Elya, mais aussi à faire parler les gens afin que le message arrive d’une manière ou d’une autre à l’enfant Black.
Cathleen avait sans l’ombre d’un doute les moyens de graisser la patte du directeur de la Gazette, et entretenait sûrement des relations plus cordiales avec lui qu’Alceste qui, pour sa part, ne portait pas l’individu dans son cœur. Elle n’avait pas la position au Conseil pour se faire craindre de lui et n’avait, en conséquence, aucun moyen de pression fiable pour faire son jeu avec la Gazette. C’étaient là des compétences que possédaient cependant son amie d’enfance, compétence qu’elle mettrait au service de leur épineux problème dès que l’idée brillante leur viendrait.
L’idée. C’était ce qui venait faire défaut, et c’était ce que demandait Cathleen à Alceste, non sans flatter son ego en lui rappelant la finesse de ses stratagèmes. La flatterie laissa bien indifférente Alceste qui, pour l’instant, se sentait plutôt démunie en matière de rouerie.
« Je dois vous confesser, Cathleen, que je ne sais trop ce qui pourrait forcer Elya à revenir vers vous de son plein gré, compte tenu des circonstances… Je ne la connais pas autant que vous la connaissez, et tout ce que je vois, pour l’heure, est la perspective de faire appel à ce qui semble la guider ces dernières semaines : son cœur. »
Marquant une pause pensive, Alceste but distraitement une gorgée de son thé, évaluant les possibilités qui s’offraient à elles. Il était trop dangereux de faire croire en l’agression de Cathleen ou en une quelconque maladie, car cela risquait d’affaiblir bel et bien l’une des Sang Pur les plus respectées de leur génération. Le moindre signe de faiblesse d’une veuve seule, sans héritier mâle, était l’aubaine pour les rats de s’infiltrer dans le navire. Or, il était absolument inenvisageable de laisser paraître une telle faille chez la plus puissante alliée de la famille.
« Faire courir la rumeur d’un mal ayant frappé Carey me paraît profondément humiliant… vos enfants ne doivent pas sembler exposés au moindre mal. Peut-être a-t-elle cependant un cousin, une cousine à laquelle elle tient tout particulièrement ? Une amie, peut-être, dont les terribles malheurs pourraient la pousser à revenir auprès de vous ? Une personne susceptible de subir un mal causé par nos ennemis, afin de lui rappeler à quel genre d’engeance elle semble davantage se fier qu’à sa propre famille ? »
C’était, pour l’heure, le plan qui lui paraissait le plus cohérent. Il leur fallait cependant trouver la personne, et un évènement assez terrible pour qu’il fasse jaser dans tout le pays.
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Re: Ce souvenir qui me hante. par Mar 31 Juil - 0:43
Alors, Cathleen Black reprit son air royal, balayant d’un regain de fierté les faiblesses dont elle avait fait preuve. Pour l’heure, il lui fallait se concentrer sur Elya, ainsi que sur la confiance ébranlée d’Alceste. Car il était évident que son amie voyait en son silence une trahison difficile à pardonner. Et si la veuve aurait préféré ne pas composer avec les sentiments de la mère des Serpents tout de suite, préférant se concentrer sur le sort d’Elya et celui de Lord Bower, elle comprit au regard sombre de Lady Gaunt qu’elle n’aurait pas d’autres choix. Il lui fallait être délicate, réorienter le sujet afin d'apaiser son amie, lui faire voir le bien fondé de ses agissements et lui faire oublier le mot "trahison". Aussi, lorsque Lady Gaunt fit des propositions, Cathleen ne les écouta que d'une oreille, déjà préoccupée par la voie qu'elle devait emprunter pour atteindre le pardon de son amie de toujours.
« Il me semble qu’elle est en très bon terme avec Magnus, votre neveu. Peut-être trouvera-t-il le moyen d’entrer en contact avec elle et d'obtenir des informations. Elle doit aussi sans doute avoir des amis en commun avec le bâtard Bower, ils étaient après tout dans la même maison à Poudlard. La surveillance du manoir Bower pourrait ainsi porter ses fruits de cette façon-là. Nous pourrions commencer par cela. »
De toute évidence, son esprit n'était plus à la recherche de solution pour Elya. Cathleen souhaitait au plus tôt réconforter Alceste afin de ne pas laisser le moindre malaise étendre son ombre sur leur alliance. Elle marqua donc une pause, durant laquelle elle but une longue gorgée de son thé, avant de reposer lentement sa tasse et de faire face à Alceste, fixant son regard sombre dans le sien. Sa voix était calme et elle parla sans empressement, à l'image de l'aînée qu'elle était.
« Je vois vos tourments Alceste, et je comprends votre divergence d’opinion face ma décision. Cela est affaire de fierté et je suis la première à en éprouver de la rancœur, aussi bien envers Bower qu’envers Drew. L’Irlandais s’est montré plus grand adversaire que je ne voulais bien l’admettre et j’ai fait de notre confrontation une affaire personnelle, persuadée que je pourrais m’occuper de lui sans aide. J’ai été orgueilleuse, comme vous m’avez toujours connue. Quant à mon fils… Vous connaissez mon histoire, et je connais la vôtre, vous savez tout ce que cela me coûte d’agir et je sais l’écho que cela peut déclencher en vous. Je vous présente mes excuses pour les affres que cela éveille dans votre esprit. C'est pourquoi je ne demande ni votre soutien, ni votre aide, car je ne souhaite pas vous causer le moindre mal. » Malgré la douleur et la sincérité de ses propos, Cathleen gardait une expression neutre que ni la souffrance ni l’embarras ne vinrent déformer. Car, elle le savait, si elle baissait les yeux maintenant, elle serait incapable de les relever.
« Vous êtes ma plus grande alliée et ma seule véritable amie. J’espère que mes choix ne causeront pas de tort à notre union. Ne pensez plus à mon enfant, pensons aux vôtres, et au petit être que porte votre fille et qui aura besoin de votre éducation. »
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Re: Ce souvenir qui me hante. par Jeu 2 Aoû - 23:34
C’était au nom de cette amitié et de l’égard qu’Alceste avait pour Cathleen que la première ne fronça pas des sourcils quand la seconde suggéra l’intervention d’un autre membre de la famille d’Alceste.
Magnus était certes plus docile que l’était Janus, et avait effectivement un bon contact avec la jeune héritière Black. Néanmoins, sa tendresse pour son neveu l’invitait à une certaine circonspection. La Maîtresse des Serpents n’avait aucune envie que l’héritier de son frère se mette dans une situation qui s’était déjà révélée fortement périlleuse. Bower fils avait largement démontré ses capacités à se défendre, au point qu’elle même en avait fait les frais. Certes, le coup qu’il lui avait répliqué avait été largement soutenu par un charme pluricentenaire que même une sorcière de son acabit ne pouvait contrer, mais il avait eu la présence d’esprit d’y faire appel, alors que tout l’entraînait vers le désespoir et la capitulation.
Elle avait reconnu la rage du sang-mêlé. Une rage incontrôlable, capable de tout détruire sur son chemin. La mise à mort de sa sœur sous ses yeux ne l’avait pas mis à genoux. Elle l’avait relevé, plus puissant et violent qu’Alceste ne l’aurait soupçonné. Pour aussi jeune était-il, il était dangereux. Et, s’il était avec Elya, Alceste n’était pas certaine que Magnus fasse le poids. Sous-estimer le fils du nouvel héraut d’Irlande était une grave erreur. Erreur qu’il lui avait démontré, à elle comme à Kenneth, un vampire pourtant vieux de plus de deux siècles.
Elle allait répliquer, inconsciente des désirs que nourrissaient pour l’heure Cathleen. Elle n’en eut cependant pas l’occasion. Avait-elle montré trop ouvertement son désaccord ? Alceste l’ignorait. Elle n’avait pas eu l’impression de changer de visage, mais Cathleen la connaissait depuis assez longtemps pour reconnaître les aléas de ses humeurs. Lady Gaunt ne put s’empêcher, pour autant, de lui retourner un regard dans lequel se reflétait une certaine surprise.
Sa respiration devint plus pénible à la mention, bien qu’indirecte, des nombreuses douleurs qu’avait vécu l’épouse Gaunt avant d’enfin parvenir à mettre au monde son fils, puis sa fille. Sa poitrine se souleva visiblement, et elle détourna les yeux pour ne pas détourner la tête. Une règle implicite, dans le cercle restreint du clan, voulait le sujet proscrit. C’était un tabou qui avait cours depuis la mort de son acariâtre belle-mère, Shauna Gaunt. Il y avait à parier qu’il était directement lié aux nombreuses humiliations que celle-ci lui avait fait subir à ce propos, de son vivant.
Lorsque la fourchelang ramena son regard gris tempête sur son amie d’enfance, elle paraissait aussi imperturbable qu’elle. Les souvenirs avaient beau flotter dans son esprit, saupoudrée d’une douleur familière, la sorcière ne montrait pas plus d’émotion que n’en montrait la veuve Black. Son masque imperturbable ne dura qu’un temps, cependant.
De prime abord, Alceste ne sembla pas comprendre de quoi parlait soudainement Cathleen. Une moue interrogative passa sur son visage tandis qu’elle abaissait doucement la tasse qu’elle s’apprêtait à porter à ses lèvres. Puis, une lueur de compréhension irradia ses prunelles et son visage se décomposa. Figée, la sorcière ressemblait plus que jamais à une représentation d’elle-même, sculptée et peinte dans le marbre. Despina, enceinte ? Ses joues excessivement blanches se mirent à rosir et elle baissa les yeux sur son thé, dont elle but une longue gorgée. La main qui tenait sa soucoupe, elle, tremblait.
« Oui, c’est une nouvelle qui réjouit autant votre famille que la mienne. Nous espérons tous depuis bien longtemps voir naître l’héritier Nott. »
Sa voix, un peu plus aigüe qu’à l’accoutumée, trahissait les émotions que la lady réfrénait en ce moment même. Despina, enceinte… Évidemment, elle était la dernière à en avoir été informée. Sa fille avait dû prendre grand soin à ce que sa mère reste dans l’ignorance.
La répartie de la Maîtresse des Serpents sonnait incroyablement creux. Elle s’était laissée avoir par la surprise, si bien qu’elle n’eut pas besoin de regarder Cathleen pour savoir que sa réaction l’avait trahie. De nouveau, Alceste baissa les yeux sur sa tasse. Un soupir effleura à peine ses lèvres.
« Transmettez mes félicitations à votre neveu. Et demandez lui de veiller à ce que Despina se ménage un peu. Ma fille a encore trop à prouver pour accepter le repos que tout guérisseur lui prescrirait, cela contre tout bon sens. »
Elle marqua une pause, observant distraitement un portrait accroché au mur, qu’elle ne voyait pas vraiment. Puis, elle revint à Cathleen, une lueur d’inquiétude au fond de ses yeux pâles.
« Puis-je compter sur vous pour prendre soin d’elle comme vous avez pris soin de moi avant sa naissance ? »
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Re: Ce souvenir qui me hante. par Jeu 6 Sep - 6:22
Aussi, lorsque Cathleen vit se succéder succinctement l’étonnement, la compréhension et la colère sur le visage lisse de son amie, elle redouta d’abord la réaction de cette dernière avant même de comprendre la raison de ces expressions. Cela était pourtant évident, connaissant la relation que Despina entretenait avec sa mère.
Cathleen avait appris la nouvelle de la bouche de son cousin, le père de Lowell. La jeune femme avait attendu longtemps avant d’enfin tomber enceinte. Cela n’avait rien de vraiment étonnant, dans la famille, il fallait le reconnaître. Mais cela avait tout de même fait naître la rumeur que la Gaunt était incapable d’enfanter. Une vraie réjouissance, pour les partisans de l’Ordre de Merlin, qui voyaient là l’extinction de la famille Gaunt. Car Janus restant célibataire malgré son âge avancé, beaucoup s’imaginaient qu’il serait trop vieux, le jour de son mariage, pour concevoir le moindre enfant, vu le temps que cela prenait de voir s’installer un bébé dans le ventre des femmes du clan. Aussi, aux premiers signes visibles de cette grossesse, toute la famille avait été mise au courant de cette bonne nouvelle tant attendue. Sauf Alceste, de toute évidence.
Sa main tremblait. Cathleen devina bien facilement la colère qui se cachait derrière ce reflexe. Elles se connaissaient depuis assez longtemps pour le comprendre. Se connaissaient-elles depuis suffisamment longtemps pour qu’Alceste se permette de retourner tout le petit salon sous le coup de sa colère ? Étonnamment, c’était une question à laquelle Lady Black ne saurait répondre. Un long moment, la matriarche préféra rester silencieuse, se demandant quelle était la meilleure réaction à adopter.
Impassible, elle faisait tourner sa cuiller dans son thé d’un geste las du doigt, alors qu’une réflexion malheureuse et quelque peu honteuse traversait son esprit : aucune mère n’était infaillible. Car d’une toute autre façon qu’elle-même, Alceste avait commis les mêmes erreurs avec ses enfants. Laisser trop de liberté à son premier né, le laissant encore célibataire à 36 ans alors que cette histoire de mariage aurait pu être réglé un an plus tôt, et été trop restrictive avec sa deuxième, dégradant significativement leur relation, au point que sa fille unique lui cache sa grossesse. Quelle tristesse.
Cela était d’autant plus triste qu’une explication simple s’imposait naturellement. Elles étaient toutes les deux des figures de force et de pouvoir, deux femmes respectées et fières et auxquelles rien ne résistait. Deux femmes poussées par la fierté de leur combat qu’elles menaient contre vents et marées. N’était-ce pas là l’image qui correspondait le mieux à Despina et Elya, chacune à leur façon ?
« Votre fille et ses descendants bénéficieront toujours de ma protection. Je veillerais à ce que cette grossesse soit menée à terme dans les meilleures conditions. »
Elle n’était pas en position de prodiguer le moindre conseil à Alceste, pas alors que son fils était un parjure et sa petite fille en fuite. Après tout, qu’aurait-elle pu dire ? « Renouez le lien entre vous et votre fille » ? « Reprenez le contrôle de sa vie » ? Aussi malvenu que futile. Alceste était une femme fière qui acceptait difficilement les conseils, particulièrement depuis que sa belle-mère, si despotique, avait rendu l’âme.
Une amère mélancolie s’emparait de la veuve. Leurs belles années à Poudlard étaient si loin derrière elles. Leur complicité, leurs promesses, la confiance aveugle qu’elles s’étaient toujours accordé s’étaient effrités tout au long des années, entre les obstacles de leur vie, leur fierté grandissante, leurs responsabilités, leurs échecs. Chacune s’était progressivement fermée, se réfugiant dans une armure infranchissable. L’amie avait laissé place à l’alliée.
« Je suis navrée de vous l'apprendre, Alceste. Sincèrement. Si je puis vous offrir mon aide, sachez que ce sera toujours avec plaisir. »
Il lui était difficile d'offrir plus que cela. La mère des serpents n'avait nul besoin d'une épaule sur laquelle pleurer, ni de conseils malvenus, quand bien même ils auraient été avisés. La colère d'Alceste grondait, et Cathleen, dans son mutisme, lui offrait le choix : s'exprimer ici, face à elle, ou s'éclipser pour laisser sa rage éclater sans témoin. Il était de toute façon inutile de la retenir en se lançant dans un discours qu'elle savait inutile par avance. Autant lui laisser, comme elle l'avait pris depuis son sermon et malgré tout ce que cela coûtait à Cathleen, le dessus sur leur conversation.
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Re: Ce souvenir qui me hante. par Jeu 4 Oct - 17:57
On la croyait à la fois folle et insubmersible. Violente et terriblement froide. Peu de gens imaginaient lady Gaunt ressentir la moindre émotion, si ce n’était une fierté dévote éprouvée pour son fils.
Peut-être que personne n’avait voulu se faire porteur d’une nouvelle susceptible de déplaire à la maîtresse des serpents. Il n’en demeurait pas moins que c’était bien injuste. Elle avait tout donné pour le succès de sa famille. Au point de s’oublier, d’ignorer chacune de ses douleurs, même lorsqu’il s’agissait d’expulser de son ventre une mer de sang emportant dans son crachin un petit corps mort.
Avait-elle espéré une récompense ?
« Navrée ? »
Le sourire qu’Alceste retourna à son amie d’enfance avait quelque chose d’inquiétant. Il ressemblait à une fêlure.
« Il me tarde d’être enfin grand-mère. Je serai comblée lorsque Janus se décidera enfin à concevoir un héritier. »
Grand-mère… L’âge pesa terriblement sur les épaules de lady Gaunt. Elle inspira, puis se pencha pour poser sa tasse sur la table devant elle. Puis, elle se leva de son fauteuil et croisa les bras sous sa poitrine, se détournant un moment de Lady Black. Son regard, qui n’avait pas encore recouvré sa fierté coutumière, tomba sur le sol, disparaissant sous une cascade de cils noirs.
« Oui, je me réjouis de savoir ma fille fertile. Je me sens néanmoins trahie par les miens, qui n’ont pas jugé utile de m’informer de la nouvelle. Arnald… »
Elle s’interrompit. Depuis son mariage, Alceste n’avait plus prononcé un seul mot contre son époux, pas même en privé, auprès de celle en qui elle avait à priori le plus confiance. Depuis plusieurs mois, la frustration et la rancœur la rongeaient, néanmoins. La façon dont son époux l’ignorait, la méprisait depuis qu’elle avait pris une initiative jugée comme un revirement. « Trop douce ». Ce terme était venu à la bouche de ce maudit Crowlore, mais elle avait davantage été blessée lorsque son époux lui avait reproché, de la même façon, de s’adoucir.
C’était un signe de faiblesse. En quelques semaines, ses partisans étaient devenus ceux de son fils et de Despina. Arnald ne le lui pardonnait pas, car quand bien même il était loin d’être réfléchi, il savait que si son épouse tombait de son piédestal, il tombait avec elle. Il se souciait seulement de son propre pouvoir, si bien qu’il s’était allègrement fichu, jusque là, des rebuffades de Janus à l’idée du mariage. La matriarche avait le sentiment de porter le poids de sa famille sur ses seules épaules. Mais elle était lasse.
Alceste avait traversé le salon dans un silence seulement entrecoupé du claquement de ses talons sur le sol. Elle considérait à présent l’horizon par la fenêtre devant laquelle elle s’était arrêtée. Depuis le sommet où le manoir se trouvait, elle percevait très nettement les modestes habitations de Loutry-Sainte-Chaspoule. Leur toit sombre s’illuminait sous les rayons orangés du soleil couchant.
« Le crépuscule tombe, mon amie. »
Elle marqua une légère pause, puis tourna la tête en direction de l’intérieur du salon.
« Il me faut marier Janus. Il est temps qu’il affronte ses devoirs comme nous l’avons tous fait. Il est essentiel que la prochaine génération grandisse ensemble. Cela facilite les unions, ou épargne les choix difficiles… »
La sorcière se retourna complètement et posa les yeux dans ceux de son alliée. Elle décroisa les bras puis s’avança de quelques pas.
« Néanmoins, j’aimerais revenir sur mon sentiment à propos de l’union entre Elya et Janus. Je vous ai exposé l’opinion de Janus en éludant ce que je pense vraiment, et j’oublierai mon devoir d’amie en me taisant davantage. Je… »
Alceste hésita. La bouche entrouverte, son regard se perdit un instant.
« Je ne pense pas qu’Elya et Janus parviennent à s’accorder. J’ai eu l’occasion d’étudier toute la différence de caractère entre Elya et Carey. Elya est trop frontale. Elle sait habilement user du double discours, or Janus n’est pas le genre d’homme à se laisser berner par de tels faux semblants. Il n’y aurait qu’un rapport de force, entre eux, et je pense sincèrement qu’il pourrait finir de façon funeste pour votre petite-fille. Par ailleurs, peut-être serait-elle moins récalcitrante à l’idée de revenir si on lui promet un mariage avec un parti qui serait mieux susceptible de lui convenir. Vous me disiez qu’elle s’entendait avec mon neveu ? »
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Re: Ce souvenir qui me hante. par Lun 15 Oct - 21:08
Malheureusement, ceci était un moindre mal. Car il lui fallait le reconnaître, la fugue d’Elya menaçait de perturber plusieurs de ses projets, chaque jour un peu plus que le précédent. Et si elle avait, jusqu’à présent, garder espoir que la Serdaigle serait vite retrouvée, un doute s’insinuait lentement dans ses veines maintenant qu’elle savait Drew impliqué dans l’équation. L’amour que la jeune fille portait sans aucun doute à son père devait, à ses yeux, effacer facilement les pêchés de ce dernier et la rendre bien plus prudente. La faute qu’elle commettait allait inévitablement entacher la réputation de Cathleen. Le seul pouvoir que la veuve avait sur la situation à présent était de minimiser les éclats que provoquait Elya.
D’autant qu’Alceste avait entièrement raison. La prochaine génération devait arriver en même temps. La grossesse de Despina marquait le point de départ de cette future descendance et il était grand temps que les femmes de la famille assurent le futur.
« Je vous remercie de votre sincérité, Alceste et je ne peux qu’approuver votre pensée. Je ne souhaite pas qu’une mésentente entre nos enfants unis jette le déshonneur sur la famille Gaunt. La voix de la matriarche était profonde, calme, tandis que son regard intense était toujours fixé sur la Mère des Serpents. À présent que ses plans avaient changés, elle était impatiente de voir ces nouvelles unions naître. La pérennité de la branche des Blacks que je représente m’aveuglait tant que je n’ai pas su voir l’évidence. Il est à présent clair que l’union de nos maisons ne peut se faire qu’à travers Carey. Vous et votre fils m’honoreriez en acceptant sa main. »
L’image de Carey portant l’héritier Gaunt s’imposa avec force dans l’esprit de Cathleen. Elle était tout indiquée pour ce rôle, agile, réfléchie, loyale, forte. Quant à Elya, une union avec le fils Lestrange apaiserait sans doute ses démons, d’une façon plus douce mais aussi plus efficace qu’une union avec Janus, tout en assurant la pureté de leur lignée et la réputation de leur famille. La proposition d’Alceste était brillante.
« Je serai aussi honorée d’unir Elya à la famille Lestrange, si Lord Lestrange votre frère accepte cette union. S'il y est favorable, alors je trouverai le moyen de faire parvenir l'information à ma petite-fille. »
Se levant à son tour, Cathleen avança de quelques pas afin de se rapprocher d'Alceste. L'observant ainsi, elle repensa à la jeune Lady qu'elle avait connu à Poudlard, déjà fière et obstinée, à laquelle Cathleen avait insufflé la sagesse et la prestance qui lui faisait défaut dû à son jeune âge. Aujourd'hui, écoutant les conseils avisés de Lady Gaunt, la veuve se sentait comme si elle était la cadette et non plus l'aînée. Bien que légèrement blessée dans son égo, la potionniste se sentait reconnaissante envers son amie, bien au-delà des mots.
« Je vous suis reconnaissante, Alceste. Sincèrement. D'un signe de tête appuyé, Cathleen exprima un "merci" qu'elle ne sut prononcer, puis prit une légère inspiration. Ne perdons pas plus de temps. Marions-les dès cet été, lorsque Carey finira ses études, tout comme vous et moi avons été unies à nos maris à notre sortie de Poudlard. Il est temps d'accueillir la prochaine génération. »
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Re: Ce souvenir qui me hante. par Sam 27 Oct - 15:41
Il y avait un point commun entre Elya et elle, se dit Alceste alors que Lady Black s’apprêtait à répondre. Ni l’une ni l’autre ne pliait face à la violence. Si la jeune femme avait réellement été du côté de sa famille, elle aurait été une alliée redoutable. Une sorcière de la trempe et de la puissance de Despina en personne. Voilà pourquoi Alceste s’en méfiait viscéralement.
Solennellement, Alceste hocha la tête. Oui, Carey était bien mieux indiquée pour Janus. Certes, la différence d’âge était marquante, mais c’était là un avantage. Tandis que Janus prenait de l’âge, Carey avait la fraîcheur d’une femme qui vient tout juste de s’épanouir. Un bouton de rose grand ouvert, prêt à offrir le terreau fertile de son calice à la pérennité d’un nom pluricentenaire.
« Lugus autant que Magnus seront enchantés par cette proposition, soyez-en sûre. » s’avança Lady Gaunt tandis que son amie se levait pour la rejoindre.
Elle leva les yeux sur la sorcière, laquelle la dépassait sans trop de difficulté, mais ne sembla pas s’en sentir diminuée pour autant. Son allure petite et frêle avait longtemps été un fardeau, mais aujourd’hui, elle était parfaitement indifférente à cette faille de son anatomie. Par ailleurs, la reconnaissance qu’elle lut dans les yeux de Cathleen éveillait au contraire un sentiment de grandeur. Voir ses propositions reçues aussi positivement lui donnait la sensation de reprendre le contrôle, de garder la maîtrise et le cap alors que l’océan se déchaînait tout autour du navire. Il se couchait, tanguait, grinçait, se voyait parfois submergé d’eau glacée, mais tant que ces mêmes eaux ne l’emportaient pas vers leurs profondeurs, Alceste avait encore l’espoir de mener sa famille jusqu’à bon port.
Bien sûr, elle se sentait parfois proche d’abandonner. Le fardeau de son titre devenait de plus en plus lourd à porter. Face aux résistances, aux rebuffades, aux médisances et au scepticisme de quelque-uns des siens, la tentation était un peu plus grande chaque jour de quitter le navire et les laisser livrés à eux-mêmes. Eux qui pensaient faire bien mieux qu’elle. Qui se sentaient si supérieurs à elle. Cela faisait peut-être un peu trop longtemps que la Maîtresse des Serpent n’avait plus rappelé qui elle était. Mais ces mariages, que Cathleen l’enjoignait à mener le plus rapidement possible, étaient l’occasion de rappeler par qui tenaient les liens du clan.
Ses yeux en amande reflétaient la satisfaction d’un commandant qui se sait suivi et approuvé. La sorcière tendit la main, puis attrapa celle de son amie. Celle de Cathleen était fraîche, la peau détendue dans celle étonnamment ferme et lisse de la fourchelang, et tandis qu’elle l’empoignait, elle sentait, contre les capteurs particulièrement sensibles de sa peau, le témoignage du temps écoulé depuis cette époque mentionnée par Lady Black.
Sa main tenait fermement celle de Cathleen. Ce n’était pas une poigne d’amitié ou de tendresse entre deux femmes, mais celle bien plus déterminée et guerrière d’une sorcière qui, à travers ce geste, renouvelait ce pacte, cette promesse qu’elles s’étaient faites toutes deux, bien des années auparavant, afin que rien ni personne ne sépare le nom des Black de celui des Lestrange.
« Organisons une célébration pour annoncer ces bonnes nouvelles au clan. Il a plus que jamais besoin de signes forts d’union et de fraternité. Soyons le modèle de cohésion et de grandeur tandis que les autres, au-dehors, se dispersent ou s’effondrent. »
Qu’importaient les dissensions et les rébellions. Ce qui comptait était de maintenir l’ordre et les deux femmes avaient de l’expérience en la matière. Le modèle qu’elles représentaient devait absolument perdurer et déteindre sur les futures générations.
- Maîtresse des poisons
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Parchemin Magique
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