Aux confins des terres par Lun 30 Jan - 14:22
Assise sur son lit, les mains posées sur le matelas, elle restait pourtant impassible, concentrée sur les allées et venues du manoir, attendant le moment idéal pour se lever et, discrètement, quitter sa chambre, depuis laquelle elle ne pouvait transplaner, les endroits du manoir où cet acte magique était permis étant strictement limités à l’entrée du domaine, au grand hall et aux chambres et bureaux de Maximilian, Marcus et Marius. Traverser le couloir qui la mènerait à l’escalier le plus proche ne serait pas problématique : il lui suffirait d’attendre que les elfes aient quitté les lieux et, si d’aventure elle venait à rencontrer âme qui vive, il lui serait aisé de prétexter avoir eu besoin de se dégourdir les jambes pour faire passer l’épouvantable mal de tête qu’elle avait simulé moins d’une heure auparavant pour couper court à une soirée qui avait si bien commencé qu’elle ne pouvait que s’éterniser. Mais il lui serait bien plus compliqué d’expliquer sa présence dans la réserve par laquelle elle avait décidé de sortir. Quitter le manoir par le hall principal était l’option la moins suspecte, mais elle augmentait considérablement les chances d’être repérée. Dans l’aile qu’occupaient ses parents et elle-même, deux salons donnaient également sur le parc, mais le risque d’y croiser autrui n’était pas bien moins élevé que dans le grand hall. Les options les plus accessibles, car les moins éloignées de ses appartements, restaient donc la cuisine et la réserve. La première n’étant jamais bien longtemps vide de serviteurs, elle avait naturellement choisi la seconde option, et vérifiait actuellement mentalement la faisabilité de son plan ; simple, de prime abord, mais non exempt de risques. Si elle venait à faire la moindre erreur, celle-ci pourrait être préjudiciable autant à elle-même qu’à sa famille ou encore à la jeune personne qu’elle s’apprêtait à rencontrer, et en aucun cas elle ne se pardonnerait une bavure qui mette en péril l’intégrité ou l’honneur de ses proches. Elle devrait donc agir vite et bien.
Une heure passa dans le silence le plus complet, heure durant laquelle elle se concentra sur les ombres qui défilaient parfois devant sa porte. Quand le pendule sonna le dixième coup de la soirée et qu’elle fut certaine que toute la maisonnée, excepté lord Greengrass dont elle savait qu’il veillait tard dans son bureau, était, si pas endormie, affairée dans ses propres appartements, elle se redressa, se vêtit d’une robe de chambre anthracite, glissa calmement une bourse de cuir éraillé dans sa poche et parcourut les couloirs dans l’impassibilité la plus complète. Par l’effet d’une chance qu’elle ne s’expliquait pas, elle déboucha ainsi dans la réserve sans avoir eu à se cacher du moindre passage, et elle se retrouva perdue dans le froid piquant des nuits anglaises en moins de temps qu’il ne lui en aurait fallu que pour prononcer « nox ». Sans sortir sa baguette de peur d’attirer l’attention sur ses déplacements, elle se dirigea donc tous sens en alerte vers un grand chêne au tronc large où elle aimait à se cacher étant enfant, et derrière lequel elle se tapit une fois de plus, bien que dans un but bien différent cette fois. Sans se presser mais sans s’éterniser non plus, elle se débarrassa de sa tenue de nuit au profit d’une autre, plus confortable et plus adaptée à la situation et qu’elle trouva dans la minuscule bourse qu’elle avait emmenée avec elle : un pantalon sombre et une simple chemise sans apparat apparent, qu’elle couvrit d’une longue cape d’apparence humble et discrète. Tout en caressant la propriété de ses iris cuivrés, elle noua ensuite ses cheveux au niveau de la nuque, s’encapuchonna et, après avoir débarrassé l’herbe gracile des traces de son passage, transplana jusqu’en Cornouailles, où elle espérait qu’elle la retrouverait. Entreprendre cette sortie sans être certaine qu’elle ne débouche sur une réelle rencontre était un risque qu’elle était prête à prendre pour aider la fugitive à faire face à la situation dans laquelle elle se trouvait, quelle qu’elle soit. Et malgré la peur qui lui tenaillait si férocement l’estomac – à moins que celui-ci ne soit creux ? Elle n’avait après tout rien avalé depuis le début de matinée – outrepasser les limites de l’interdit lui procurait un sentiment d’excitation totalement inédit. Elle n’avait pas souvenir, de sa vie, d’avoir jamais désobéi ou d’avoir outrepassé les règles de façon à ce point démesurée, et commencer à affirmer son indépendance en retrouvant une jeune noble dont elle savait qu’elle avait, aux yeux des siens, gravement fauté, était sans commune mesure. Cela étant considéré, et au vu de ce qu’elle avait appris des missives que lui avait adressé Magnus Lestrange, il lui faudrait rester sur ses gardes.
Il y avait pourtant peu de chance que qui que ce soit ne pense à chercher deux anciennes Serdaigles en Cornouailles, perdues entre deux rochers de Land’s End. Les lieux était peu commun pour des retrouvailles secrètes, mais Lenore ne doutait pas que son amie avait aisément compris la teneur de ses mots. Elles avaient souvent désiré, toutes deux, après avoir écouté les innombrables récits de leur compagne de dortoir, Eloyce Koch, une fille humble aux traits sympathiques, visiter un jour cet endroit où seule la liberté semblait régner en maître. Tout habituées qu’elles étaient à l’ambiance calfeutrée de manoirs luxueux, elles avaient rêvé, en écoutant la passion de sa voix, des immenses étendues teintées de bleu et de vert où s’arrêtait la terre et commençaient les mers, fenêtres ouvertes sur le monde où seuls résonnaient les cris des grands vents. Adolescentes idéalistes absorbées par leurs chimères et que tout enfermait, elles en avaient rêvé et s’étaient promises de s’y rendre le jour venu. Il y avait là une petite auberge tenue par les parents d’Eloyce et qu’il leur faudrait trouver sans jamais s’y être rendues, ce qui serait la plus grande difficulté. Quant à l’heure, leurs obligations scolaires les avaient petit à petit amenées, chaque jeudi, à outrepasser le couvre-feu pour s’attarder sur quelques devoirs d’astronomie après lesquels elles avaient pris pour habitude de discuter longuement, à l’abri des oreilles indiscrètes, alors confortablement endormies ; et si l’horaire n’était pas précis, elles sauraient s’attendre l’une l’autre. C’était évident, l’ancienne collégienne n’avait pu que comprendre ses allusions.
Pour l’heure cependant, ces questions n’avaient plus lieu d’être, car il lui fallait au plus vite repérer l’auberge qui avait bercé tant d’histoires quelques années auparavant. Eloyce avait souvent évoqué les falaises où l’on entendait, depuis l’endroit, se fendre l’écume. Elle se dirigea donc naturellement vers le sommet où elle trouva certes des falaises, mais rien d’autre que de la roche et de la végétation. Il lui semblait pourtant avoir pris suffisamment de hauteur que pour détecter la moindre lumière, aussi commença-t-elle à regretter son initiative quand ses recherches s’avérèrent aussi infructueuses que ses premiers patronus. Elle ne se découragea pas pour autant et, bien que leur amie commune avait décrit l’endroit comme relativement isolé, s’avança vers un hameau lorsqu’elle en perçut finalement les lueurs. Elle rencontra là, après avoir été hélée par un quidam à la démarche chaloupée, un vieillard ivre qui la répugna plus qu’elle n’aurait pu le décrire mais qui, par chance, lui indiqua la seule auberge – visiblement également une taverne – du coin. Elle emprunta enfin un petit chemin qui la mena vers une chaumière miteuse de laquelle s’échappait une faible musique et sur laquelle se balançait avec fureur l’enseigne qui lui indiqua que, par un miracle digne des plus folles histoires, elle avait atteint sa destination. Non sans avaler difficilement sa salive, elle baissa sa capuche sur son visage dans l’espoir qu’elle la protégerait des regards indiscrets ou même de celui d’Eloyce si, par malchance, elle devait se trouver là, et poussa la porte pour découvrir un lieu boisé, chaleureux mais qui empestait un mélange d’alcool et de bois mouillé. Par chance, seules cinq personnes fréquentaient alors l’endroit : le tenancier – probablement le père Koch, trois ivrognes occupés à se conter des histoires dans un coin isolé, et un homme seul qui contemplait ces derniers d’un air absent, une chope à moitié pleine à la main. À moins qu’elle n’ait usé de polynectar, la sorcière n’était donc pas encore arrivée. Mais parviendrait-elle seulement à trouver l’endroit ? La chance qui l’avait elle-même menée jusqu’en ces lieux avait été particulièrement insolente, et rien ne garantissait que son amie en bénéficierait également. Mais elle était allée bien trop loin que pour se laisser gagner par ce genre de doutes, aussi elle se dirigea instinctivement vers la table la plus isolée où elle prit place pour attendre la venue de celle qu’elle attendait. La gorge sèche, elle commanda une boisson lorsqu’on vint la trouver et, les mains jointes, le menton baissé, guetta la porte d’entrée dans l’espoir que celle-ci s’ouvre enfin sur Elya Black.
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Re: Aux confins des terres par Jeu 24 Aoû - 3:42
Elle s’était aussi longuement questionnée sur le sort de Drew, tout en souffrant de ne pouvoir agir pour lui. La peur de le mettre plus en danger qu’il ne l’était déjà prenait le dessus chaque fois qu’elle imaginait des solutions pour le contacter. Et s’il apprenait sa fuite, comment réagirait-il ? Si elle priait Merlin pour qu’il ne quitte jamais son île, une minuscule part d’elle, pourtant, espérait le voir accomplir son devoir de père.
À ces tourments s’ajoutait l’image d’Aïlin, impérissable, s’imposant inlassablement à son esprit. Elle aurait aimé l’oublier, effacer son visage, ne plus entendre sa voix. Mais il était là, toujours, tout autour d’elle. Elle se demandait quotidiennement ce qu’il avait décidé de faire. Retourner auprès de son père, ou continuer dans sa fuite. Et ses paroles la hantaient encore, frappant inévitablement son esprit, alors qu’elle se demandait qui de lui ou de elle avait raison. Vous n’auriez pas dû partir. Elle était incapable de se départir de la colère qui soufflait en rasades brûlantes dans son esprit, alors qu’elle refusait de lui trouver des excuses concernant sa trahison. Malgré tout, elle n’avait aucune envie de se venger. A quoi bon, après tout, alors que rien ne pouvait être réparé. Elle aspirait uniquement à l’oublier, lui et le mal qu’il lui avait fait.
Dans un long soupir, Elya se retourna dans son lit et se reconcentra sur sa rencontre avec Lenore, le lendemain soir, alors même que le visage d’Aïlin flottait encore dans son esprit. La lettre de la Greengrass avait trouvé un écho en elle. Elle lui avait redonné confiance, et même si elle n’en avait jamais vraiment douté, l’avait rassurée sur leur amitié. Les nombreux souvenirs de Poudlard lui revinrent en mémoire lorsque, dans un détournement seulement compréhensible par elles seules, elle l’invita à la retrouver en Cournouailles. La potionniste n’était pas encore certaine que s’y rendre était une bonne idée, bien qu’elle n’avait pas remis en question son départ vers le sud dès le lendemain midi. Prendre autant de risques et partir si loin lui faisait peur, d’autant qu’elle ne savait pas encore de quoi elles allaient parler. Il lui semblait, à présent que l’échéance approchait, que lui parler de sa situation et des actions futures qu’elle envisageait n’était que peu souhaitable pour Lenore. Il était hors de question qu’elle l’enrôle, même malgré elle, dans une situation délicate qui embarrasserait son amie. Elya partait avec l’unique idée de rassurer la jeune Greengrass et s’enquérir de sa vie actuelle. Une simple rencontre amicale. Sur cette décision stricte qu’elle s’imposa, Elya ferma les yeux, et trouva le sommeil quelques minutes plus tard.
Couper ses cheveux était une épreuve bien plus facile qu’elle ne le pensait. Non pas qu’elle était incroyablement douée pour enchanter des ciseaux, et se faire une coupe digne de ce nom avait été une affaire qui lui avait pris plusieurs heures, mais psychologiquement, couplé à une nuit réparatrice, cela lui fit du bien. À ses pieds, de longues mèches noires s’étalaient, dessinant une curieuse impression de renouveau, tandis que ses cheveux venaient à présent caresser de leur pointe ses épaules. Subtil changement que le manque de temps l’obligeait à revêtir. Dans le laboratoire, tout à son rythme, un chaudron plein de polynectar était en préparation, mais pour l’heure, cette petite transformation lui convenait très bien. En attendant, elle gardait avec soin les vêtements récemment abandonnés par le propriétaire des lieux afin de cacher son identité au mieux et au plus tôt. Pour la soirée, il lui faudrait se contenter de ce qu’elle avait. Elle revêtit alors une longue et très simple robe, de toute évidence de moindre qualité et aux couleurs foncés et compléta son déguisement du jour par une potion aux vertus éclaircissantes à base de paille d’orge, de feuille de treille et de pain-de-pourceau qu’elle laissa reposer jusqu’au soir sur ses cheveux.
Lorsque s’approcha l’heure du départ, Elya observa la couleur légèrement dorée de sa chevelure qui finissait la métamorphose de son visage. L’effet partirait avec quelques soins et était parfait pour la soirée. Car après tout, les deux jeunes femmes devaient se retrouver dans un lieu si loin de toute rumeur qu’il lui était difficile de croire qu’on la reconnaitrait là-bas. Au dernier moment, elle enfila enfin une longue cape noire sous laquelle elle dissimula son visage et sortit de la cabane qu’elle verrouilla avec un soin particulier. Quelques secondes plus tard, elle transplana dans un plop sonore vers le sud de l’île principale.
Cornouailles. Land’s End. Eloyce n’avait pas menti, l’endroit était merveilleux. Il l’était tant qu’Elya prit une poignée de secondes pour admirer, du haut de la falaise ou elle avait atterrie, la mer capricieuse dont elle ne discernait, dans l’obscurité du début de nuit, que les mouvements les plus amples. Le bruit que celle-ci faisait en s’échouant rageusement sur les rochers éveilla en Elya un étrange sentiment, entre l’apaisement et la détermination, alors qu’elle fermait les yeux pour mieux l’entendre, et sentir le vent salin s’échouer sur son visage. Dans un soupir inaudible, elle les rouvrit et observa autour d’elle. A bonne distance, quelques lueurs se détachaient de l’immense étendue d’herbes qui caractérisaient l’endroit, comme promis par la fille Koch. Elle n’était pas certaine que sa destination se trouvait là, mais faute de choix, s’y avança avec une prudence exagérée. Elle découvrit rapidement un village, fort heureusement peu étendu, et commença à le parcourir dans l’ombre de sa cape, évitant et ignorant les habitants, rares à cette heure, qui marchaient encore dans les rues. Il y avait peu de chance pour que ce village fut le bon, et pourtant, une fois devant le panneau indiquant le nom de l’auberge tenu par le père Koch, Elya devait se rendre à l’évidence. Peut-être que sa chance tournait enfin. Juste avant d’entrer dans la bicoque, la Serdaigle se rendit compte du rythme incontrôlable de son cœur. Elle était à la fois angoissée et excitée de retrouver son amie, alors que leur dernière rencontre remontait à plusieurs mois à présent.
Les clients étaient peu nombreux. Trois se trouvaient au bar, et seulement deux étaient assis à une table. Il lui fut aisé de reconnaître son amie, attablée dans le coin le plus isolé de la taverne. Le contexte lui paraissait absurde, à présent qu’elle y faisait face, et un sourire teinté d’amusement étira ses lèvres alors qu’elle s’approchait de Lenore.
« Je pensais ma chance insolente, je vois que tu en as eu tout autant que moi. Quel drôle d’endroit pour te retrouver. »
Après un sourire chaleureux et l’accueil de Lenore, Elya s’installa à la table et, à l’image de son amie, commanda une boisson lorsque le barman vint à sa rencontre, attendant sa retraite pour s’adresser à nouveau à la Serdaigle.
« Je ne pensais pas que ma lettre nous amènerait ici, pour être honnête. Je dois bien avouer que je t’aurai bien défendu de faire le voyage, si je ne connaissais pas ta détermination et ton audace. J’espère cependant sincèrement que cela ne t’attirera pas d’ennuis. »
Elle chuchotait presque. Il y avait bien peu de personnes présentes et leur position par rapport aux autres clients leur permettait facilement la confidence, pourtant, elle sentait ses sens en ébullition alors qu’elle jetait de fréquents et discrets regards en coin aux personnes présentes. L’homme isolé était celui qui lui paraissait le plus dangereux, quand bien même il semblait saoul et absent. Avaient-elles vraiment la moindre chance d’être suivies ou reconnues dans un tel endroit ?
Dernière édition par Elya Black le Sam 7 Oct - 23:05, édité 1 fois
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Re: Aux confins des terres par Lun 25 Sep - 21:54
Ces questions la tourmentaient depuis plus d’une heure déjà lorsque la lourde porte de l’endroit s’ouvrit dans le désintérêt le plus total, déversant sur le sol un vent salin et découvrant une longue et fine silhouette encapuchonnée qui, après une brève hésitation et au grand soulagement de Lenore, vint la rejoindre d’un pas discret. Enfin, la jeune Greengrass s’autorisa un sourire lorsque, reconnaissant son amie, cette dernière souligna l’incroyable chance qui leur avait permis de se retrouver si facilement dans l’établissement Koch.
« Qui l’aurait cru ? », la questionna-t-elle en réponse à son constat, une lueur amusée dans ses pupilles donnant la réplique à celle qui illuminait celles, bien plus sombres, de la jeune Black. « Nous, ici... Oserais-je dire… “enfin” ? »
Elle marqua une pause alors que l’ancienne Serdaigle prenait place en face d’elle, considérant la situation dangereuse et absurde qui les rassemblait si loin de leurs demeures par une nuit si noire, mesurant l’ampleur de son soulagement ; les craintes qu’elle avait avec brio étouffées au sujet d’Elya refaisant malgré elle surface sous la forme d’innombrables questions dont il faudrait inévitablement l’assaillir.
« J’étais certaine que tu viendrais. », lui confia-t-elle dans un souffle comme pour lui témoigner de l’infaillibilité de leur ancienne camaraderie. Moins qu’elles y parviendraient cependant, et bien moins encore qu’un jour, ces lieux tant idéalisés abriteraient effectivement leurs confidences, tout éloignées qu’elles étaient de ce qu’elles avaient imaginé lorsqu’elles n’étaient que de simples collégiennes. Que se passerait-il, si on devait les trouver toutes deux ici, filles de riches et puissantes familles, l’une en fuite, l’autre en parfait désaccord avec son influente parenté ? Rien de bon ne sortirait, à l’évidence, d’une telle contingence, mais rebrousser chemin dès lors qu’elles étaient arrivées à ce stade de leur entreprise s’avérerait être un acte des plus grotesques qui n’aurait d’autre conséquence que de manifester de la faiblesse de leur jugement. Bien heureusement, l’éventualité de croiser âme connue en ce hameau isolé restait peu probable. Aussi Elya, qui n’avait pu qu’estimer les risques encourus et conclure qu’ils n’étaient point aussi élevés qu’ils ne l’auraient été à se rencontrer en plein cœur de Londres, commanda-t-elle également un breuvage lorsque le tenancier s’approcha, prenant ensuite le soin d’entamer la conversation, et Lenore profita de ce qu’elle faisait référence à son caractère audacieux pour mieux la détailler. Si elle n’avait eu aucun mal à la reconnaître avant même d’avoir vu son visage – son maintien élevé et sa démarche fière la trahissaient malgré elle – elle avait de suite été frappée par son teint émacié, sa corpulence amaigrie et la coupe de ses cheveux qui aurait fait s’époumoner d’horreur et d’indignation la vieille Cathleen Black – image qui ne manqua par ailleurs pas de dérider Lenore. Il ne lui avait pas fallu une seconde pour appréhender la gravité des difficultés dans lesquelles s’était embourbée l’héritière Black, qu’elle aurait pu deviner en fuite sans autre indice que l’aspect aussi inattendu qu’inquiétant dont elle se parait. N’était-ce ironiquement pourtant pas celle-ci même qui venait d’aborder les soucis que cette entrevue pourrait attirer à la fille Greengrass ? Rien, lui semblait-il, pas même un mariage avec son sang, ne pourrait égaler l’apparente difficulté de sa situation, ce qu’elle ne manqua pas de souligner :
« Des ennuis ? De nous deux, je ne crois pas être celle qui soit la plus en difficultés, ni celle qui s’expose le plus en s’affichant ici. »
Elle n’était pas tout à fait persuadée que cette dernière assertion fut vraie, car que misait encore une personne qui avait déjà tout perdu, ou presque ? Que le mauvais bougre la surprenne en compagnie d’Elya Black et elle subirait sans doute des remontrances similaires aux siennes. Mais quelles étaient-elles, au juste, ces remontrances ? Les deux missives que lui avaient adressées Magnus Lestrange lui faisaient redouter le pire, quand bien même elles étaient très vagues en termes de contenu. Elle n’avait d’ailleurs pas encore répondu au lord qui semblait nourrir tant d’inquiétudes au sujet de la fugueuse, préférant ne point s’empêtrer dans des supputations douteuses avant même d’avoir eu l’opportunité d’en informer Elya, au risque de les compromettre l’une et l’autre. Oui, prendre aussi hasardeusement contact avec la petite-fille Black était imprudent, mais quel autre choix avait-elle si elle ne voulait se trahir elle-même en n’honorant pas leur amitié ? Considérant les années qui l’avaient vue croître, elle était prête à intervenir en sa faveur, comme elle pensait qu’Elya le ferait également pour elle ; et elle n’était pas si sotte qu’elle ne puisse seule mesurer l’ampleur de ses actes et assurer ses arrières. Comme elle ne souhaitait toutefois point faire part de cette réflexion à la sorcière, Lenore prit le parti d’aborder un tout autre sujet, bien plus badin mais qui aurait, elle l’espérait, le mérite de provisoirement détendre l’atmosphère en rappelant leur ancienne complicité :
« Cette couleur te va très mal au teint », annonça-t-elle avec autodérision dans un demi-sourire que rehaussaient l’éclat de ses prunelles rieuses.
C’était une remarque futile et inutile. La vérité était qu'elle n'avait cure de la nouvelle coupe de sa comparse et que cette dernière le savait. Elle avait pourtant espéré que cette apparente banalité l’éloignerait un instant de l’incommensurable réalité. À l’inverse de l’effet escompté, celle-ci pesa pourtant avec conviction sur ses épaules comme le glas d’un temps révolu où toutes deux se contentaient de jus de citrouille épicés et de banalités insouciantes. Ses lèvres s’étirèrent avec franchise pourtant, dans une douceur nostalgique qu’il n’était pas coutume de la voir s’apprêter. Elles ne pouvaient plus longtemps esquiver les discussions fâcheuses, quand bien même elles auraient espéré les tenir éloignés de leurs vies respectives quelques années supplémentaires. C’est pourquoi, elle trancha finalement dans le vif, sans détour cette fois, parlant bas, à l’instar d’Elya, dont les œillades inquiètes lancées à la cantonade révélaient l’extrême vigilance.
« Des ivrognes ; des illustres anonymes perdus dans un hameau inconnu de tous. Sois sans crainte, personne ne nous reconnaîtra ici. »
Elle avait parlé doucement, empreinte d’une conviction qu’elle voulait sans faille, témoignant d’un calme étonnant compte tenu des circonstances. Après s’être repue d’une nouvelle gorgée d’ale qu’elle avait pris la peine de doucement savourer, et avant même de s’enquérir de ce qui avait mené son amie à se débarrasser de sa longue chevelure ébène et des supposées fautes qu’elle avait commises, elle reprit tout naturellement le cours de sa parole là où elle l’avait interrompu :
« Je ne pense pas qu’il soit utile de te demander si tu vas bien, et c’est pourquoi je me permets de te poser si directement cette question : que puis-je faire pour t’aider, Elya ? »
Dernière édition par Lenore I. Greengrass le Jeu 23 Nov - 9:35, édité 1 fois
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Re: Aux confins des terres par Jeu 23 Nov - 5:38
Le sourire de Lenore faisait naître en Elya un voile d’optimisme. Elle était là, comme elle l’avait toujours été, éloignant comme aucune autre n’aurait pu le faire la solitude dans laquelle la Black s’était enfermée. Sur son propre visage naissait alors un regard plein de reconnaissance sourde, lorsque la voix de son amie résonna enfin à ses oreilles, après des mois de silence.
Elle n'avait pas changé. Pourtant, tout dans son attitude laissait entrevoir la force qu'elle avait acquise au fil des mois. Lenore aussi avait vécu, grandi et appris et son visage affichait une sagesse nouvelle, celle des jeunes femmes de son rang, rappelant à l'espionne que le temps tournait encore, en dehors des murs du laboratoire. Chacune, à leur manière, avaient fait leur propre chemin dans la vie, de manière plus ou moins chaotique.
Pourtant, elles étaient là, toutes les deux, comme si finalement rien ne s'était passé depuis leur dernière rencontre. Pourtant les risques étaient bien réels, malgré ce qu'en disait Lenore, et Elya se contenta d'un regard plein de sous-entendu pour toute réponse. Il lui semblait bien plus dangereux de tomber dans le déshonneur plutôt que de s'y enfoncer un peu plus. C'était cependant un discours qu'elle n'était pas prête à tenir, pas alors qu'elle avait fait venir la serdaigle jusqu'ici. Lenore ne rebrousserait de toute façon pas chemin maintenant, pas à présent qu'elle s'était enfui de chez elle pour la soirée.
« Tu te trompes, ce n'est pas cette couleur qui ne me va pas au teint, mais mon teint qui ne va à aucune couleur ! » sourit Elya tout en pensant que cela était tristement vrai. Et si elle savait que son physique importait peu à Lenore, elle savait aussi qu'il était inquiétant et soulèverait chez son amie des questions. Elle vit d'ailleurs, à l'imperceptible changement de regard de Lenore, que celles-ci ne tarderaient pas à s'abattre, l'obligeant bientôt à revenir sur ces insupportables moments qu'elle avait vécu. Pourtant, comme un animal en cage, tout cela ne demandait qu'à sortir, à se libérer, et elle savait que l'écoute de Lenore la soulagerait d'un poids, sans que toutefois sa fierté ne puisse encore se résoudre à l'accepter.
Déformation professionnelle ou simple névrose, et malgré la menace imminente des propos qu'elle redoutait vifs et francs de Lenore, elle ne pouvait s'empêcher de lancer des regards inquiets à l'assemblée -pourtant bien peu nombreuse- qui habitait les lieux, de manière aussi discrète que possible. Si Lenore affirmait qu'ils n'étaient qu'ivrognes, son expérience personnelle lui laissait entrevoir les possibilités qu'un tel comportement pouvait couvrir. Son mentor et estimé collègue Wayland, lui avait d'ailleurs prouvé à bien des reprises qu'un bar, aussi peu fréquenté soit-il, était toujours plein de surprises.
« Je ne suis pas sûre que le fait que ce soient des ivrognes soit vraiment rassurant, tu sais. » siffla-t-elle entre ses dents, alors qu'elle se reconcentrait sur Lenore, tentant tant bien que mal de ne pas paraître davantage hors de propos dans un lieu aussi peu habitué à une telle présence.
Elle porta alors son breuvage à ses lèvres, goûtant à l'amertume de la bière qu'on lui avait porté et se retenant de grimacer. Si c'était loin d'être sa boisson de prédilection, elle prit tout de même le temps de la déguster quand Lenore reprit la parole, afin de se laisser le temps d'y réfléchir. Et si elle aurait bien pris le temps de vider entièrement son verre pour ne pas parler tout de suite, Elya finit tout de même par le reposer après la deuxième gorgée, préférant le silence à la fausse dégustation. Son regard passait sur le visage de Lenore avec une soudaine gravité, mentalement écartelée entre le besoin de préserver la serdaigle et la certitude absolue que celle-ci ne tolérerait pas d'être préservée.
« Je me suis promis hier soir que cette conversation resterait légère, avec pour seul objectif de te rassurer. Mais tu ne te contenterais pas d'un simple "je vais bien, ne t'en fais pas", n'est-ce pas ? »
Un soupir lui échappa alors qu'elle observait plus intensément Lenore. À quoi bon, après tout, venir jusqu'ici si c'était pour tenter de la protéger. Un instant, une seconde à peine, elle regretta d'avoir repris contact avec son amie, avant qu'une vérité déconcertante ne s'impose à son esprit : Lenore était une jeune femme forte et fière, non plus une enfant. Elle savait mesurer les risques à prendre et Elya savait, comme une évidence, qu'elle était réellement prête à l'aider.
Pourtant, au désespoir de sa cause, Elya ne vit aucune solution. Quelle aide pourrait lui apporter Lenore alors qu'elle-même ne savait pas comment s'aider ? La tristesse et la peur s'étaient allié pour créer en elle un gouffre qui absorbait tout ce qui avait un jour fait d'elle la jeune femme fière que son entourage connaissait. Aujourd'hui, elle aspirait juste à ne pas entraîner les personnes qu'elle aimait dans ce même gouffre. Et voilà qu'elle était incapable de faire face à Lenore !
« En toute honnêteté, Lenore, et bien que cela m'harasse, il y a bien peu d'actions qui pourraient améliorer ma situation. En tout cas, rien qui ne t'attirerait pas d'ennuis. Néanmoins... »
Elle marqua une pause. Il y avait bien des noms qui tournaient dans son esprit, sans qu'elle ne soit sûre de pouvoir vraiment agir avec ces personnes. Certaines tout simplement car elles ne souhaitaient pas la moindre interaction avec elle. Carey restait muette, Aïlin s'était éloigné. Son Père, lui, devait à tout prix rester loin du continent. Quant à ses autres alliés... Elle pensa à son cousin, lequel avait toujours été un complice loyal lorsqu'ils étaient plus jeunes. De là à prétendre qu'il lui fournirait des informations concernant sa famille, il y avait une belle différence. Du reste, elle avait repris contact avec Cecilia et Lord Longbottom, et ne tarderait sans doute pas à faire sa place dans ce qu'elle redoutait devenir une guerre, d'une façon ou d'une autre.
« Penses-tu que ton jeune frère encore à Poudlard pourrait t'informer si d'aventure il entendait parler de visiteurs que ma sœur aurait pu recevoir ? » Elya marqua une pause durant laquelle elle baissa un instant les yeux, avant d'afficher un air inquiet. « J'ai bien peur qu'elle ne donne une bonne raison à notre grand-mère de s'en prendre à notre père. Et je ne suis pas sûre qu'elle l'épargnera cette fois. »
Lenore connaissait sa situation familiale et tout le poids de cette révélation devait lui paraître clair. Néanmoins, avant de lui laisser le temps de poser la moindre question, et toujours à voix basse, Elya continua de but en blanc, malgré le remord qui s'emparait de sa gorge.
« Il faut aussi que tu saches que ma famille est très probablement à l'origine de l'attaque perpétrée à l'encontre des Bower. »
Elle sentait qu'elle aurait été incapable de l'avouer si Lenore avait repris la parole. La honte, que la trahison d'Aïlin n'avait pas estompé, était toujours terriblement douloureuse. Mais Lenore devait être au courant de ce dont la famille Black était capable, afin qu'elle puisse juger de la situation dans son ensemble. Après tout, la Greengrass prenait des risques pour elle.
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