La limite délicate de l'interdit par Jeu 15 Déc - 22:16
Comme chaque matin pourtant, Lenore s’était levée aux aurores et avait déjeuné en compagnie lady Greengrass, sa mère, de Marius, son frère, et de lady Amilia, épouse de ce dernier. Contrairement à son habitude, lord Greengrass ne s’était par contre pas joint à eux ce matin-là, trop occupé par les nombreuses affaires que complexifiaient les récents démêlés politiques. Entre deux bouchées, son frère s’était intéressé aux nouvelles du jour et, lorsqu’il eût terminé sa lecture, Lenore avait à son tour consacré son attention aux journaux. On y lisait, entre autres sombres théories, que le récent meurtre de la très jeune lady Lynn Bower aurait été le fait de l’Ordre du Sombral, ce qui était du plus mauvaise augure, pour autant que le fait soit avéré, point sur lequel Lenore restait relativement sceptique. L’Ordre du Sombral n’avait plus fait parler de lui depuis quelques temps déjà, et ne semblait point être lié à la première affaire qui avait concerné les Bower. Et de ce qu’elle avait cru comprendre, celui-ci ne s’était pas fait l’allié des vampires… jusqu’à présent. Ne voulant cependant point davantage s’assombrir l’humeur avec ces considérations de si bon matin, elle avait soupiré, refermé les nouvelles fraîches du petit jour et s’était ensuite affairée à de menues tâches, toutes plus ou moins sans intérêt, à la suite desquelles elle s’était enfin perdue dans un nouveau livre, publié une vingtaine d’années auparavant, La Princesse de Montpensier, qu’elle avait, certes, trouvé révolutionnaire pour son sujet et la façon dont il était traité, mais qui l’avait contrainte à un ennui jusqu’alors inégalé. Tant de niaiseries où se confondaient sans discernement réalité et fiction ne pouvaient décemment être contenues en si peu de pages. Certains auteurs contemporains dont la seule qualité était de s’attirer les faveurs des lecteurs en éveillant en eux les souvenirs de leurs passions ne méritaient pas tout leur crédit qu’on leur apportait. À croire que les désordres des inclinations du coeur seraient l’unique moteur qui anime les décisions des Grands de la bonne société ! Il lui semblait que cela n’avait jamais été aussi faux qu’à l’heure actuelle, où les tensions politiques, les conflits d’intérêts et les arrangements boiteux primaient sur les individus - sauf peut-être chez les Longbottom, ne put-elle s’empêcher de penser. Mais ce seul contre-exemple et les conséquences qui en découlaient suffisaient à prouver que, de manière générale, pas plus chez les sorciers que chez les moldus, Amour n’était raison ni force de loi.
Lasse d’avoir ainsi perdu son temps, bien que non mécontente de n’être plus ignorante du noeud de l’ouvrage, Lenore erra ensuite un moment dans les couloirs du manoir, sans autre but que celui de se défouler les jambes. Après le dîner, l’envie de se dégourdir les membres fut toutefois plus forte que les caprices pluvieux de l’Angleterre, et elle s’autorisa une escapade équestre sous le ciel orageux. Elle vagabonda ainsi longtemps, au grand galop, les cheveux détrempés, sans se soucier de sa santé ni du temps qui passait, en flattant souvent l’encolure de sa monture pour la pousser toujours plus vite, toujours plus loin en se délectant des effluve forts d’une terre labourée par le déluge.
Quand enfin, épuisée et les joues rougies, elle revint de sa promenade, il n’était pas loin de quatre heures, et elle fut accueillie par Winkie, un petit elfe pas plus haut qu’un enfant en bas-âge qui s’empressa de la débarrasser de sa cape détrempée et entreprit de l’aider à se sécher. Mais elle entama à peine ce dernier geste qu’Olik, une vieille créature rabougrie, vint l’informer que son père désirait la rencontrer séance tenante dans le grand salon.
« Informe lord Greengrass que je le retrouverai dès lors que ma tenue sera plus présentable, Olik »
- Pardonnez-moi, Milady, mais le Maître a bien précisé à Olik qu’il insistait pour que vous le rejoigniez aussitôt que vous aurez ce message.
- Rien qui ne puisse attendre ? répondit-elle, le souffle encore court.
- Le Maître a précisé que vous seriez susceptible de répondre cela, mais qu’il tenait à vous voir sur l’heure afin de ne pas davantage reporter l’affaire, continua-t-il du même ton monocorde.
- De quelle affaire s’agit-il, Olik ?
- Olik n’en n’a pas été informé, Milady ».
Après avoir levé les yeux dans un signe de résignation amusée, Lenore congédia l’antique Olik dont l’unique vue suffisait à lui donner la nausée et, d’un geste, se débarrassa de la minuscule Winkie, toujours très préoccupée par l’eau qui s’était lourdement imprégnée dans les vêtements de sa maîtresse. Son père avait toujours eu l’art de faire grand cas des situations les plus banales et de leur donner les couleurs des mystères les plus grandiloquents, ce qui avait plus souvent qu’à son tour amusé la jeune fille qui, inlassablement, s’était à chaque fois interrogée sur la nature de ce qu’il pourrait à nouveau bien sortir de son imagination débordante. Résignée, elle se dirigea donc vers le grand salon, un demi-sourire sur les lèvres, où elle s’apprêtait déjà à aller embrasser la figure paternelle. Mais quelle ne fut pas sa surprise de découvrir qu’à ses côtés, se tenaient lady Brianna, sa tante, et Crestian, son fils, tous deux déjà affublés d’une tasse de thé fumante. Spontanée, comme à son ordinaire dans le cercle familial, elle ne retint pas son agréable étonnement :
« Ma Tante ? Crestian ? Que faites-vous ici ? »
Et alors qu’elle se dirigeait vers eux pour les saluer avec courtoisie mais non sans affection, lord Greengrass complimenta, avec grâce et en bonne et due forme, son accoutrement :
« Lenore, dans quel état te présentes-tu à nous ? »
Certes, son allure n’était pas irréprochable - en plus d’être imbibée d’eau de pluie, sa robe était par endroits tachée de boue et ses cheveux, à moitié défaits, pendaient négligemment sur ses épaules - mais elle n’avait pas été informée d’une réunion familiale et n’avait, lui semblait-il, pas réellement eut l’opportunité d’enfiler quoique ce soit de plus décent.
« Pardonnez-moi, Père, j’ignorais que nous avions des visiteurs, et il m’a été rapporté que vous ne souffririez pas d’attendre davantage »
Dans un geste calme, le patriarche lui signifia que cela n’avait guère d’importance et lui intima de se joindre à eux. Comme elle souffrait déjà des effets de l’humidité, la jeune femme accepta avec bonheur la boisson chaude qui lui était proposée, mais ne s’assit toutefois pas de peur de ressentir davantage la froidure contre sa peau et d’imprégner le velours des sièges d’une déplaisante odeur de cheval mouillé. Sans plus de cérémonies, elle s’enquit donc à nouveau, après avoir exprimé le plaisir que lui procurait la visite surprise des Longbottom, de la raison qui les réunissait aujourd’hui céans, et attendit qu’une aimable parole daigne l’éclairer à ce sujet.
Dernière édition par Lenore I. Greengrass le Dim 18 Déc - 19:11, édité 2 fois
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Re: La limite délicate de l'interdit par Dim 18 Déc - 12:57
Les minutes passèrent dans un silence gêné. Le frère et la sœur firent bien quelques vaillantes tentatives pour engager la conversation, cherchant tant bien que mal à y inclure le cadet du groupe en choisissant des thèmes susceptibles de l’intéresser. Il était cependant clair que le déjà en temps normal peu loquace Auror comptait ce jour-là se limiter à de simples monosyllabes tant qu’on ne lui expliquerait pas la réelle raison de sa présence chez les Greengrass. C’était un comportement assez puéril qui, en temps normal, lui aurait valu plus d’une remarque acerbe de sa mère, mais il fallait croire que cette dernière était elle-même trop préoccupée par la suite de la rencontre pour le sermonner. Ce qui ne faisait rien pour arranger l’inquiétude de l’héritier.
En effet, il avait beau ne pas savoir pourquoi son oncle les avait conviés, lui et sa mère, à prendre le thé en famille, mais, dès que Marcus avait mentionné le nom de Lenore, l’impression désagréable qui s’était emparée de lui à l’annonce de la rencontre n’avait fait que se renforcer. Il n’avait pas eu l’occasion de terminer sa conversation avec sa cousine après l’interruption malvenue – ou avait-elle été bienvenue, il n’aurait su dire – de Marius et il regrettait soudain d’avoir fui ce qui s’était avéré une confrontation bien simple au regard de ce qui s’annonçait de plus en plus comme une « intervention » familiale pour le dissuader d’épouser Passiflore. Un instant il en voulut à Lenore d’être mêlée à cette sombre affaire après lui avoir promis qu’elle ne s’immiscerait pas dans ses histoires de cœur, mais l’arrivée de la jeune femme balaya tous ses doutes. Lenore semblait sincèrement surprise de sa présence et de celle de sa mère, il était donc impossible qu’elle ait pris part à la mascarade que sa mère et son oncle avaient sans aucun doute mis sur pied.
Il l’embrassa donc avec chaleur, content d’avoir – à défaut d’une alliée potentielle – tout au moins une ennemie de moins dans la pièce. « Ennemi est un mot bien fort », une voix à l’intonation traîtreusement similaire à celle de Crestia lui murmura à l’oreille. Pourtant, c’était exactement l’impression qu’il avait : celle d’être acculé par ses plus proches parents qui, plutôt que de se préoccuper de son bonheur, n’avaient que les mots de devoir, famille et responsabilité à la bouche. L’espace d’une seconde, il réalisa l’ironie de la situation. Lui qui avait toujours été le parangon de l’héritier droit dans ses bottes, cherchant toujours à honorer le nom de ses ancêtres, voilà qu’il était désormais en froid avec une partie de sa famille pour des questions de cœur. Lui qui n’avait jamais eu la moindre inclination pour aucun membre du sexe faible lors de ses années à Poudlard, à tel point que Meredith avait fini par lui demander avec la nonchalance qui le caractérisait s’il préférait le sexe fort – un souvenir qu’il préférait enfouir au plus profond de son être – voilà qu’il allait contre tout ce qu’on lui avait appris par amour pour une femme. Vu sous cet angle, il comprenait pourquoi Lenore ou même Lady Susan pouvaient se révéler sceptiques face à la réalité de ses sentiments quand sa bien-aimée possédait du sang de Vélane. Alors qu’il n’avait jamais fait la moindre avance à une femme, il fallait que son premier coup de cœur soit pour une demi-Vélane, créature connue pour sa domination du cœur des hommes. Que Circé pouvait s’avérer cruelle dans ses machinations !
-Bien. Maintenant que nous voilà tous réunis, il n’est pas besoin de retarder plus longtemps le sujet de notre discussion. Brianna, je t’en prie.
Plus que le regard que les deux nés-Greengrass échangèrent, ce fut le fait que Marcus laisse la main à sa sœur qui alluma toutes les alarmes internes de Crestian. Son oncle était un homme politique de talent qui ne faisait jamais rien par hasard. Qu’il ait choisi de laisser à Brianna les rênes de la conversation supposait qu’il considérât que la touche délicate d’une femme était nécessaire pour faire avaler la couleuvre qu’il s’apprêtait à dévoiler.
-Je te remercie Marcus.
La voix de Lady Longbottom était posée, dépourvue de la moindre hésitation, comme si les nerfs qu’elle ressentait concernaient la réaction qu’elle attendait à ses propos et non pas le bien-fondé de ces derniers. C’était exactement la voix qu’elle avait toujours privilégiée lorsqu’elle avait entrepris de remettre un de ses enfants à sa place après une bêtise particulièrement stupide et son fils la reconnut immédiatement comme un signe de très mauvais augure. De plus, l’assurance avec laquelle elle fixa son regard dans celui de sa nièce ne fit qu’augmenter le malaise de son fils.
-Lenore, très chère, de ce que j’ai pu constater, vos tentatives de ramener mon fils à la raison, si elles n’ont pas porté leurs fruits, ont tout au moins eu plus d’effet que toutes mes suppliques.
A ces mots, Crestian se tendit encore un peu plus, le souvenir de la dispute avec sa mère à la suite de l’anniversaire de Maximilian s’imposant vivement à sa mémoire.
-Vous semblez la seule à posséder encore un peu de crédit auprès de Crestian, à l’exception notable de mon mari et de Miss Delacour.
Pour sa défense, Crestian fut agréablement surpris de n’entendre aucune animosité dans la voix de sa mère lorsqu’elle prononça le patronyme de Passiflore. Malgré tout, Lady Brianna continuait d’apprécier la jeune Guérisseuse, elle n’en voulait simplement pas comme bru.
-Votre bon sens compense son obstination et votre réflexion atténue son impulsivité. Qui plus est, votre affection commune est un socle solide sur lequel bâtir une relation toujours plus forte et ce malgré vos divergences d’opinion.
Par la barbe de Merlin, où diable sa mère voulait-elle en venir en couvrant ainsi Lenore de compliments ? Elle l’avait elle-même dit, jusqu’à nouvel ordre, si ses paroles avaient eu plus d’écho chez lui que celles de n’importe qui d’autre, il n’en avait pour autant annulé ses fiançailles.
-Par ailleurs, de ce que Marcus m’a dit, aucun prétendant n’exige pour l’instant votre main. Après mûre réflexion, votre Père et moi avons donc considéré que la solution la plus à même de convenir à tous est de vous fiancer à Crestian. Isobel et moi plaisantions souvent, lorsque vous étiez tous deux des enfants, que votre complicité ferait de vous un parfait couple. Il est temps de mettre cette affirmation à l’épreuve.
Auror
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Re: La limite délicate de l'interdit par Mar 20 Déc - 22:40
Il ne fallut ensuite pas plus de quelques syllabes de la née Greengrass pour suffire à effacer la bonne humeur de Lenore qui dissimula un haut-le-cœur quand elle lui prêta l’intention, mensongère au demeurant, d’avoir voulu interférer dans la vie de Crestian alors même que celui-ci se trouvait avec eux dans le grand salon. Certes, elle ne s’était pas privée de lui donner son opinion concernant ses épousailles à venir, mais en aucun cas elle n’avait comploté pour lui faire renoncer à ces dernières. Elle avait d’ailleurs pâti de ne s’être point pliée aux exigences paternelles en la matière et gardait dans la gorge le goût amer de la réaction de lord Greengrass lorsqu’il avait appris que non seulement Gasby n’avait pas été témoin de son entrevue avec l’aîné Longbottom, mais qu’en plus, elle n’avait point entrepris de le dissuader de ses épousailles avec la Française. Fort heureusement, elle ne lui avait pas rapporté les doléances qu’avait exprimées l’auror à son encontre. Comble de la fortune, elle était même parvenue à couper court à ce compte-rendu forcé d’un baiser calculé sur la joue de son paternel, baiser après elle avait simplement quitté son bureau en haussant les épaules, faisant fi de son humeur maussade. C’est pourquoi, en entendant les paroles de sa tante, Lenore eut envie de nuancer son propos, mais celle-ci ne lui en laissa pas le temps et continua dans sa très notable lancée caudataire.
La seconde réplique de lady Longbottom, bien que flatteuse, ne prédisposa pourtant pas sa nièce à la suite, bien au contraire. Tout en s’interrogeant sur le temps qu’elle avait bien pu passer à ourdir son discours, celle-ci sentait en effet, à la façon dont il était tourné, qu’il avait pour unique but de l’apprêter – comme si elle avait été une petite chose malléable et sans personnalité – au reste de sa répartie, dont elle craignait désormais l’issue : que sa tante et elle se soient toujours voué de l’affection ne l’avait nullement préparée à un tel degré de flagorneries.
Mais le malaise qui emplit subitement son estomac lorsque la lady effleura le sujet d’une relation avec Crestian fut d’une telle intensité qu’elle dû se faire violence pour ne pas rompre son monologue et s’en aller avant même d’en connaître le dénouement. Qu’importe qu’on la prépare précautionneusement à ce qui allait suivre, elle n’était pas à ce point limitée que pour ne pas entendre de quoi il retournait et était certaine de ne pas vouloir en avoir confirmation. Par politesse, sans doute, mais aussi parce qu’elle ne parvenait pas à croire en l’hypothèse saugrenue qui venait de lui traverser l’esprit, elle resta toutefois inébranlable, bien en peine de réagir jusqu’à ce que la matriarche évoque la très brillante idée de la fiancer à nul autre que son propre cousin germain.
Elle resta livide, d’abord, les doigts blanchis à force de trop se crisper sur sa tasse, incapable de choisir entre stupéfaction, dégoût et écœurement, parcourue d’un mélange de sensations indéfinissable, entre frissons pernicieux en vertiges nauséabonds, qui parcourait son corps ruisselant. D’un geste incroyablement lent et calme compte tenu de la situation, elle libéra ses mains de leur proie de porcelaine et les reposa sur ses genoux, sans mot dire, en dévisageant tour à tour l’homme qui l’avait élevée et la femme qui avait grandi à ses côtés. Sentant ses lèvres frémir comme unique manifestation visible de sa répulsion, elle porta son index et son majeur droits devant sa bouche et chercha avec consternation le regard de Crestian. C’est à ce moment que, contre toute attente, elle éclata d’un rire amer et de mauvais aloi. Tout cela ne pouvait être qu’une supercherie, une blague d’un goût douteux, mais rien de moins qu’une plaisanterie déplacée, et elle se trouvait bien ingénue de ne point l’avoir compris auparavant. Comme ils devaient se gausser, tous trois, de la voir ainsi inutilement paniquer !
Cette supposition ne fit pourtant pas longue route dans les méandres des pensées de l’ancienne Serdaigle. Devant les moues interdites de tous, il ne fallut en effet que quelques secondes pour que la méfiance, insidieuse et manipulatrice, ne s’empare à nouveau de chaque parcelle de sa peau.
« C’est une plaisanterie, n’est-ce pas ? », les questionna-t-elle toutefois d’une voix plus grave, mais aussi plus mature qu’à l’ordinaire.
Fébrile, mais encore impassible, elle referma le poing en continua de scruter les éventuelles traces d’amusements sur leurs traits sévères, mais le silence lourd de significations qui s’en suivit se mua en désespoir dans ses rétines tandis que sa mâchoire se faisait lâche. Se pouvait-il que son propre père, lui qui avait toujours été si aimant, la punisse de la sorte d’avoir éconduit l’un ou l’autre prétendant ? Bien sûr que non, aucun aspirant n’avait pour l’instant espoir de l’épouser, puisqu’elle les avait-elle-même repoussés. Mais tout de même, n’était-il pas légitime qu’elle se montre exigeante quant au choix de la personne à laquelle elle serait contrainte de s’enchaîner jusqu’à la fin de ses jours ? Pour un peu, on lui proposerait d’épouser le vieux Janus Gaunt et il faudrait qu’elle ne fasse point la fine bouche ! Mais son propre cousin, aussi bon parti fut-il, c’était au-delà de tout entendement. Comment pouvait-on sincèrement espérer qu’elle accepterait allègrement cette proposition, la bouche en cœur et la langue doucereuse ?
Et pourquoi, Merlin, Crestian ne réagissait-il pas ? Lui qui s’engaillardissait en leur introduisant une vélane comme sa fiancée, que ne s’affirmait-il pas en cet instant où les avait menés son individualisme ? Et puis sa mère, qui visiblement avait autrefois trouvé plaisir à la plaisanterie, où était-elle en cet instant où l’on tentait de sceller son destin à celui d’un homme qu’elle considérait comme son propre frère ? Que n’était-elle pas à ses côtés pour ramener son époux à la raison ? Et que n’était-elle d’ailleurs pas accompagnée de son beau-frère, lord Longbottom qui, très certainement, aurait balayé d’un seul geste mesuré cette insanité ?
Crestian et elle semblaient – et de toute évidence étaient – aujourd’hui privés de leurs plus précieux atouts, mais Lenore n’avait pour autant pas l’intention d’obtempérer. Qu’on effleure encore une seule fois cette ineptie, ne serait-ce que du bout de la langue, et elle qui, en dépit du feu qui l’animait, paraissait encore présentement si solide, ne répondrait plus de rien. Pour la forme cependant, elle tenterait une ultime fois d’éviter cet extrême.
« Père, qu’est-ce que tout cela signifie ? Vous ne pouvez être sérieux. Enfin, c’est tout bonnement ridicule, Crestian est mon cousin. Il semble par ailleurs que vous oubliiez qu’il est déjà fiancé. Et pour votre bonne information, la polygamie ne fait pas partie de nos mœurs. J’en conclus donc que le sujet est clos. »
Le ton était placide et sarcastique, naturellement acerbe et bien trop provoquant, comme de nature quand la jeune femme était contrariée. Ils étaient des gens civilisés, après tout, et n’avaient rien de comparable à ces sauvages qui peuplaient les Amériques. Aussi, pour ajouter au sarcasme qui masquait avec brio son embarras, enchaîna-t-elle sans autre forme de procès et d’une façon instinctivement piquante : « Ma Tante, vous reprendrez bien du thé ?
- Lenore, mon enfant, je vous en prie, soyez raisonnable. Vous qui êtes si exigeante en la matière trouverez en la personne de Crestian un compagnon de vie idéal et un allié de taille. Prenez la peine de le considérer. Crestian est un excellent parti, et vous le savez », daigna enfin, après un soupir, intervenir Marcus du phrasé stoïque du politicien convaincu d’être dans son bon droit.
Un excellent parti. Et son propre cousin ; rien de moins que son propre sang. Et l’idée même que l’on puisse envisager qu’elle consente à le laisser l’approcher un jour la répugnait jusqu’à la nausée. Le flot d’émotions qu’elle contenait bravement battait ainsi ses tempes à cadence sourde, et elle se demanda à nouveau comment l’intéressé pouvait ne point être encore intervenu pour marquer son désaccord, en conséquence de quoi elle fut soudainement prise d’une incertitude irrationnelle :
« Vous étiez au courant ? »
Elle s’adoucit, cependant, à la découverte de son apparence défaite, prenant instantanément conscience de la bêtise d’une telle question au vu de ce qu’elle savait à son sujet. Pour toute excuse, elle lui offrit une œillade désolée avant de reporter son attention à leurs deux parents. Jamais de telles fiançailles n’auraient lieu. Elle n’était, après tout, pas un adversaire à convaincre ni un ennemi à combattre pour le diplomate ; elle n’était rien de moins que sa fille et, parce qu’il s’était toujours montré compréhensif, il saurait écouter les raisons de son refus. Il fallait simplement veiller à ne pas lui laisser l’opportunité de supposer que le contraire soit envisageable.
« Ne vous en faites pas, Crestian, je ne tiens pas à le savoir. C’est un non », continua-t-elle en tournant la tête en direction des deux conspirateurs. « Il ne vous surprendra pas, mais il est catégorique. »
Et comme pour donner du corps à cette phrase qui avait été prononcée avec une dureté que l’on aurait difficilement soupçonnée sous un corps si frêle, Lenore s’empara du breuvage qu’elle avait délaissé et en but une longue gorgée qui devait tant bien que mal apaiser ses tensions.
Dernière édition par Lenore I. Greengrass le Dim 20 Aoû - 13:56, édité 1 fois
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Re: La limite délicate de l'interdit par Lun 2 Jan - 12:37
L’idée même de poser sa main sur sa petite cousine dans un geste dépourvu de la complicité de leur enfance, un geste réservé à l’intimité d’un couple, fut ainsi sur le point de lui causer un haut-le-cœur et ce n’est que par un effort surhumain qu’il contint la réaction instinctive de son corps. Ses joues perdirent cependant le peu de couleur qu’elles possédaient en temps normal. Au loin, il perçut vaguement le rire de Lenore mais fut incapable de la détromper. Il était évident dans les attitudes de leurs parents respectifs qu’il ne s’agissait nullement d’un mauvais divertissement. Pour une raison qui lui échappait totalement Marcus et Brianna considéraient réellement que marier leurs enfants était la solution idéale à tous leurs soucis.
La partie rationnelle de son esprit savait que c’était une pratique si ce n’est courante tout au moins habituelle chez certaines familles particulièrement attachées à la pureté de leur sang. La légende courrait ainsi que les arrière-grands-parents d’Arnald Gaunt étaient frère et sœur. Mais, la différence était immense entre reconnaître à défaut d’accepter une tradition qu’il considérait comme dangereuse et arriérée et se voir soudain forcé à y participer lui-même. Il n’avait jamais réellement accordé de réelle importance à la pureté théorique de son sang, considérant qu’il finirait un jour par épouser une quelconque héritière choisie par ses parents pour la « conserver ». C’était un de ces détails de la vie quotidienne auquel il refusait d’accorder plus d’importance qu’il n’en avait réellement. Son cœur n’ayant jamais éprouvé une quelconque inclination, il savait qu’il serait capable d’accepter la femme qui serait choisie pour lui. Il ferait son possible pour rendre leur union le moins inconfortable possible et, si Circé était bien lunée, peut-être bénéficierait-il de la chance de ses parents et finirait par réellement apprécier sa compagne de vie.
Toute cette minutieuse construction avait cependant explosé en plein vol lorsqu’il avait rencontré Passiflore. La douceur de ses sourires, la joie de vivre dans ses yeux, le satiné de sa peau, tous les éléments qui la constituaient avait ravi son cœur, son esprit et son âme et il était désormais incapable de s’imaginer avec une autre. Il savait pourtant lorsqu’il avait fait sa demande que leur union ne serait pas facile mais il était prêt à se battre pour leur amour. Il n’avait cependant jamais envisagé que d’autres puissent être affectés par leur choix, au-delà de l’opprobre jeté sur une famille dont l’héritier choisissait une demi-Vélane française pour épouse. Il était cependant prêt à renoncer à son titre si cela permettait à tous d’accepter son choix. Ce serait une décision prise le cœur lourd mais une qu’il ne regretterait pas. A l’inverse de ce qu’il ressentait à l’instant. Car, jamais il n’aurait pu ne serait-ce qu’imaginer que Lenore se verrait mêlée à cette sombre affaire. Et de quelle façon !
Ainsi, lorsque sa cousine, incertitude aussi claire que de l’eau de roche dans sa voix, l’interrogea sur sa participation à la mascarade qu’ils étaient tous deux en train de vivre, il lui jeta un regard hagard. Il n’avait même pas la force de paraître réellement incrédule. Car quel droit avait-il de lui en vouloir de le croire impliqué lorsqu’elle devait être aussi démunie que lui face à la situation ? Bien pire que la réalisation que ses fiançailles avec Passiflore étaient soudainement mises de côté, tel le caprice d’enfant qu’elles représentaient sans doute aux yeux des deux né-Greengrass, l’idée que sa propre mère le réduise à un morceau de viande à vendre à la plus offrante avant qu’il ne finisse de lui échapper totalement le révulsait. Brianna qui, malgré toute son éducation Greengrass, avait toujours mis les intérêts de ses enfants avant tout le reste, se révélait soudain sa pire ennemie.
La dernière déclaration de Lenore, remplie d’une détermination sans faille fut ainsi l’élément déclencheur qui le sortit définitivement de la torpeur induite par les implications de la remarque de sa génitrice. Reprenant contenance, il ne perdit pas de temps en énervement futile, comprenant instinctivement que le temps des cris était passé. Il était en territoire Greengrass et c’était donc en tant que tel qu’il allait devoir agir. Il avait beau être le prototype du Gryffondor, impulsif et borné quand il le désirait, grandir parmi tant de Serpentards finissait par avoir une influence même sur le plus excitable des enfants. Il savait donc parfaitement se maîtriser et user de diplomatie le moment venu. Cela lui demandait seulement beaucoup plus d’efforts qu’à la plupart de ses parents, raison pour laquelle il ne s’y adonnait pas aussi souvent.
Se redressant de toute sa hauteur, ce qui, même assis, faisait de lui la personne la plus impressionnante physiquement de la pièce, il plongea son regard profond dans celui de sa mère. C’était elle qui avait entamé la conversation, c’était donc à elle qu’il s’adresserait. Non comme il le faisait dans l’intimité du manoir familial mais plutôt de la façon qu’il employait pour faire comprendre aux suspects les plus récalcitrants que coopérer avec le Bureau était leur seule option viable.
-Ce guet-apens n’est pas digne de vous Mère. Ni de la Greengrass que vous avez toujours été, ni de la Longbottom que vous êtes devenue. Je ne m’attarderais pas sur les implications tout bonnement abjectes que l’union que vous proposez entérinent et me contenterais de vous demander la chose suivante. Etiez-vous si peu sûre du bien-fondé de votre requête que vous avez considéré plus favorable de nous surprendre Lenore et moi ?
Reposant la tasse de thé qu’il tenait entre les mains de peur de la briser d’un coup de magie accidentelle fort inconvenant chez un homme de son âge – telle était la tension qu’il contenait malgré le calme de ses paroles – il poursuivit.
-En mettant de côté l’insulte que vous nous faites à Passiflore et moi-même en balayant nos fiançailles d’un revers de baguette, pensiez-vous sincèrement que vous rapprocher des fanatiques près à briser le tabou de l’inceste vous offrirait les petits-enfants de sang pur dont vous rêvez tant ? Les moldus avec leur religion sont certes dangereux mais l’interdit qu’ils ont porté sur les épousailles au sein d’une même famille font bien plus de sens que vos propos actuels. Sans même évoquer le risque porté par la consanguinité de potentiels héritiers, l’idée même que vous ayez pu considérer un seul instant que je déshonorerais ma cousine en contaminant notre camaraderie d’un relent de lubricité me déçoit plus que je ne saurais l’exprimer.
Et, au-delà du dégoût, c’était bien une peine sans nom qui s’était emparée de lui. Peine qu’il ravala cependant pour porter le coup final. S’il était aussi bon Auror c’était en effet car il savait observer ses environs et user de ses déductions contre ses adversaires. Or, l’absence de son Père était une évidence qu’il aurait fallu être aveugle pour ne pas remarquer. Il prononça donc sa dernière question sans jamais quitter le regard maternel qu’il commençait à voir flancher malgré la lueur obstinée qui y brillait toujours :
-Mais, puisque vous tenez tant à garder les problèmes au sein de notre famille, que pense Père de toute cette mascarade ? Pourquoi n’est-il pas à vos côtés pour vous soutenir ? Si cette conversation était si importante, je suis sûr que, malgré ses nouvelles responsabilités, il aurait trouvé le temps de vous accompagner, n’est-ce pas ?
C’était un pari risqué mais il était quasiment certain que Benedict n’aurait pas accepté une telle ineptie. Au-delà de l’affection réelle qu’il semblait éprouver pour la promise de son fils, ce dernier était certain que l’inceste était un acte qu’il n’accepterait jamais sous son toit. Exactement comme Crestian préférerait encore s’enfuir à l’autre bout du monde avec Passiflore ou même accepter le cœur lourd de se séparer de sa bien-aimée si cela faisait oublier à sa mère et son oncle leur folie passagère.
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Re: La limite délicate de l'interdit par Dim 19 Mar - 19:46
La suite du discours du jeune homme, dont le phrasé pondéré étonnait quelque peu sa jeune cousine qui le connaissait davantage spontané, aborda finalement sans détour l’implication sous-jacente à un tel mariage et qu’on n’osait d’ordinaire aborder si ouvertement, en réaction de quoi la gorge de Lenore se noua si fermement qu’elle fut dans l’incapacité de prononcer le moindre son. Elle eut pourtant voulu marquer son approbation : l’idée même que Crestian, son propre sang, puisse un jour l’approcher la révulsait plus qu’elle ne pouvait l’exprimer et, à en juger par l’incommodité manifeste dans laquelle se trouvait présentement lady Brianna malgré sa disposition fière et résolue, cette révulsion des plus naturelles n’était surprenante pour aucun.
Plus étonnante était par contre l’absence du lord, Benedict Longbottom, dont la responsabilité de marier son fils à sa nièce ne l’aurait en aucune façon éloigné de cette discussion si elle avait eu son consentement, fait que ne manqua pas de relever Crestian, plaçant sa génitrice dans un inconfort croissant. Celle-ci ne perdit pourtant rien de sa dignité et posa calmement sa tasse sur la table qui les séparait, tandis que son frère se redressait discrètement sur son siège.
« Mon cher enfant, croyez bien que l’estime que je porte à Miss Delacour n’est pas feinte, mais elle ne rend cependant pas l’idée d’un mariage avec votre personne acceptable. C’est pourquoi, et vous m’en voyez désolée, vous romprez vos fiançailles avec Miss Delacour car, malgré tout le respect que je lui porte, elles n’ont rien de raisonnables. Vous pouvez affecter l’aveuglement, mais je ne vous crois pas pour autant dupe des incidences qu’une telle union impliquerait, et plus encore dans la conjoncture actuelle. Vous n’êtes pas un quidam isolé, vous êtes l’héritier Longbottom. En tant que tel, vous êtes le témoin et le représentant de notre histoire et de notre noblesse. Vous êtes le devenir de notre famille et il vous faut agir en tant que tel. En cela, votre père, que ses nouvelles occupations accaparent au-delà de l’admissible, soutiendra tout à fait cette initiative et se réjouira de ce que ce léger contretemps soit désormais affaire classée. »
Cette réplique était une insulte aux fiançailles de Crestian, et Lenore était persuadée qu’elle ne ferait pas mouche dans l’esprit de ce dernier, voire même aurait l’effet contraire de celui recherché. Mais la stoïcité avec laquelle elle avait été énoncée, quand bien même il était désormais admis que Benedict Longbottom n’était en rien au fait de l’affaire qui les occupait actuellement, était à ce point sans faille que Lenore fut à nouveau prise d’une nausée trouble : on ne leur proposait pas une union, on la leur imposait. Et la bataille qui viserait à s’en dépêtrer n’en serait que plus ardue. C’est pourquoi il fallait, dès à présent, poser des mots clairs, qui aillent droit au but et ne laissent pas place à l’interprétation ou à la manipulation. Les longs discours ne seraient d’aucune utilité. C’est ainsi, qu’à son tour figée sur son fauteuil, Lenore prit durement la parole, ses lèvres habituellement si joyeuses dessinées dans une opiniâtreté implacable qui, certes, la caractérisait, mais dont elle gratifiait peu souvent ses plus proches parents :
« Sauf votre respect, ma Tante, les contretemps que rencontre la famille Longbottom vous concernent. Je me garderai, pour ma part, de m’en mêler. »
Ses gestes mus par une superbe olympienne, elle prit une gorgée de thé d’une façon qui mimait l’indifférence et, une fois sa tasse reposée sur sa sous-tasse, elle conclut posément, ses pupilles plongées dans celles de Brianna : « Jamais je n’épouserai Crestian ». C’est alors que Marcus, qui avait ces dernières minutes supervisé les échanges en se contentant de les laisser courir, intervint à nouveau, imposant de flegme et de solidité :
« Crestian est un excellent parti, Lenore…
- Certes. Mais enfin, Père, vous ne cautionniez jusqu’alors pas ce genre de mariages contre-nature ! ».
La jeune femme, bien qu’elle se contînt du mieux qu’elle le pouvait, était littéralement révulsée, ce que traduisait ce dernier élan, un rien plus emporté que les précédents. Cet argument, si impulsivement lancé, avait mal masqué le dégoût que lui inspirait la perspective de marier son cousin. Marcus, toutefois, continua sa tirade comme si elle n’avait pas été interrompue par l’intervention de sa fille.
« …et, ne vous en déplaise, je ne vous offre pas l’opportunité de vous prononcer, cette fois. Je ne préconise pas de tels mariages lorsqu'ils ne sont pas nécessaires. Mais force est de constater que Crestian et vous semblez tous deux égarés et avez besoin d'être aidés dans vos choix. »
Ne ressentant visiblement pas le besoin de se justifier davantage à sa fille dont les lèvres tremblaient insensiblement, lord Greengrass se tourna enfin vers son neveu :
« Mes actes, Crestian – et cela Lenore le sait davantage que vous, c'est pourquoi je prends la peine de le répéter aujourd'hui – sont toujours posés dans l'intérêt de ma famille. Elle est, et restera, ma priorité absolue. Il arrive malheureusement parfois qu'en dépit de l'affection que je porte à chacun de vous, ceux-ci ne soient pas aisés. Ils n'en sont pas moins dans votre intérêt. Aveuglés par la fougue égoïste de votre jeune âge, vous peinez à le percevoir aujourd'hui. Mais viendra un jour où vous nous remercierez d'avoir su prendre pour vous les décisions que vous étiez incapables de prendre vous-mêmes. »
Les décisions qu’ils étaient incapables de prendre. Ou bien qu’il était incapable de prendre ? D’aussi loin qu’elle se souvienne, Lenore n’avait en rien été impliquée dans le choix de son cousin, c’est pourquoi elle ne pouvait concevoir aujourd’hui d’en subir les conséquences. C’est ainsi que, sous son échine tendue, le ressentiment commença doucement à se disputer la colère, et la colère le ressentiment. Comme un feu doux encore à peine perceptible, ils se nichèrent dans son estomac et, dans un haut-le-cœur, augmentèrent le sentiment nauséeux déjà précédemment ressenti, ce qu’ignora sans le savoir, mais non moins superbement, le lordship quand, dans mouvement de tête confiant, il s’adressa de nouveau à elle :
« Tu es encore jeune et impétueuse, Lenore, mais tu es également perspicace et lucide. Tu comprendras bien assez tôt, je n’en doute pas. »
Elle se décomposa. Sa jeunesse ne l’empêchait pas d’avoir déjà un avis très tranché sur la question et d’être intimement persuadée que celui-ci n’était aucunement susceptible de se transformer en approbation muette, et elle en voulait à son père de ne vouloir l’entendre alors qu’elle le savait tout à fait apte à le comprendre. Elle en voulait également à sa tante, une femme, de ne point la défendre dans cette situation, et à son oncle comme à sa mère de n’être point présents. Mais surtout, elle en voulait à Crestian, bien qu’elle le sache dans son camp, de n’être pas en mesure de prendre pour lui-même les décisions qui s’imposaient, de penser si égoïstement à sa petite personne au détriment de toute bienséance, de son héritage, de ses proches et de sa famille qu’elle devait aujourd’hui avec lui payer le prix de ses lubies. En proie à cette inimitié nouvelle, elle n’offrait en cet instant pas fière mine. Mais sous l’air misérable que renvoyaient ses habits trempés et ses cheveux qui ruisselaient avec négligence sur ses épaules pétrifiées, brillait dans son regard une force déconcertante, déterminée et combative : sa déception était de taille, mais tout aussi persuadés qu’ils soient de la légitimité de leur démarche, ils ne l’y feraient adhérer. Grandir aigle au milieu des serpents, entendement au milieu de la perfidie, avait d’indéniables atouts dont elle jouerait jusqu’à obtenir gain de cause.
- Spoiler:
- Je m'excuse plus que platement du délai de réponse, Cricrichou. Comme tu as pu le lire, je me suis permis de faire parler Brianna, vu que tu m'en avais donné l'autorisation, mais si ses propos devaient ne pas convenir, je pourrais bien sûr les modifier pour qu'ils collent davantage au personnage
- Rendez-vous ce soir à la taverne (et incognito !)
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Re: La limite délicate de l'interdit par Dim 2 Avr - 13:53
S’il était honnête avec lui-même, il avait toujours su que rien n’était blanc ou noir. Fils d’un Gryffondor mariée à une Serpentard, il avait été élevé dans la nuance à défaut de la tolérance. Ayant fréquenté Harold Flint, le meilleur ami de son père, depuis sa plus tendre enfance, il savait à quel point les apparences pouvaient être trompeuses et un caractère révéler bien plus de facettes qu’originellement supposées. Son entrée dans le Bureau des Aurors n’avait par la suite fait que cimenter cette croyance. Les hommes et femmes qu’il pourchassait n’étaient – quasiment – jamais le mal incarné. Les circonstances de la vie et les choix qu’ils en avaient tiré les avaient seulement menés sur des routes divergentes. Seul, il avait jusqu’alors évité les choix cornéliens. Homme droit et honnête, obstiné et légèrement obtus sur les bords, il avait toujours cru être dans son bon droit et n’avait jamais hésité à se confronter à toute personne s’opposant à sa vision du monde. Mais, pour la première fois de son existence, il était face à une situation où la voie de la justice et la vérité ne lui semblait pas évidente. Il réalisait que l’obstacle face à lui était peut-être plus qu’il ne saurait surmonter. Tout au moins sans accepter pleinement les conséquences du fait de poursuivre dans la voie de son choix seraient lourdes à porter. Très lourdes. Peut-être même trop. Car, pour autant qu’il l’aurait désiré, il ne serait pas le seul à les endosser.
Comme en écho à ses sombres pensées, les paroles de son oncle le laissèrent pantois. En quoi Lenore s’était-elle égarée ? Il ne prétendait pas être au courant des allées et venues de sa cousine mais elle avait toujours été un modèle de prudence et discrétion, malgré une tendance malicieuse. Il avait donc du mal à imaginer qu’elle ait pu s’écarter suffisamment du chemin familial pour se voir ainsi rabrouée par son père. De quel droit Marcus l’incluait-il donc dans une affaire qui ne les concernait que lui et Passiflore ? Accessoirement ses parents, son frère et sa sœur. L’approbation silencieuse de Brianna fut cependant le dernier clou dans le cercueil de sa résolution de faire face envers et contre tout. S’il ne comptait déjà pas emporter sa fiancée en enfer avec lui, il emporterait d’autant moins sa cousine.
La seule alternative qui s’ouvrait à lui pour éviter l’opprobre familiale était de fuir ou renoncer à ses fiançailles. La première option n’en était néanmoins pas vraiment une. Encore moins dans la situation actuelle. Il refusait de déraciner Passiflore après qu’elle se fut tant battue pour retrouver un foyer où elle se sentait chez elle à la suite de la mort de ses parents. Elle avait assez souffert d’une famille désapprobatrice, il ne l’obligerait pas à en fuir une autre. Par ailleurs, il n’était pas un lâche et ferait face à ses problèmes comme l’homme qu’il était. Sans compter qu’il était hors de question qu’il abandonne ses proches face aux dangers grandissants.
Le problème qui se présentait cependant était le suivant : rompre son engagement suffirait-il à ses parents à oublier leur folie passagère ? Il allait devoir briser sa parole auprès de Passiflore – et peut-être son cœur par la même occasion, même s’il préférait presque que cela ne fût pas le cas au vu de la situation – mais il ne romprait pas la promesse qu’il s’était faite de toujours protéger les siens. Lenore ne payerait pas pour ses erreurs, Passiflore était déjà une victime de trop de son aveuglement. Il était ainsi prêt à épouser une autre femme pour libérer sa cousine des chaînes que leurs parents s’apprêtaient à leur imposer à tous deux. Marcus semblait certes décidé à la marier et de cela il ne pourrait rien changer mais il lui éviterait tout au moins l’horreur d’épouser son propre sang. Car, pour autant que sa mère annonçât avec un certain aplomb l’acceptation de son père, il savait qu’il n’en serait rien. Tout au contraire. Benedict n’était pas le plus progressiste des sorciers mais le tabou de l’inceste n’aurait jamais son approbation.
Détournant le regard qu’il avait posé sur son oncle le temps du discours de ce dernier, il accrocha de nouveau les iris grisés de sa génitrice et, sans cacher une once de la souffrance que les paroles qu’il s’apprêtait à prononcer lui provoquaient, il entama la tirade la plus difficile de son existence.
-Mère, mon oncle. J’entends l’affection que vous nous portez et qui vous amène à ce que vous nommez discernement et sagesse et que je ne peux percevoir autrement que comme déraison et perversion. Permettez-moi néanmoins de refuser aussi nettement que Lenore l’union contre nature que vous nous proposez, ou devrais-je dire imposez ?
Fermant un instant les yeux comme pour se donner du courage, il continua sur sa lancée.
-Je reconnais mon erreur et l’aveuglement que mon affection pour Miss Delacour m’a causé. Malgré tout l’amour que je lui porte, le poids de mon nom m’empêche de la prendre pour épouse, je le comprends aujourd’hui à défaut de l’accepter. Je romprais donc nos fiançailles de mon propre chef, ne serait-ce que pour lui éviter une humiliation de plus.
La pointe d’amertume qui perça dans sa voix à l’évocation de la présentation de sa bien-aimée à sa famille disparut aussi vite qu’elle était apparue, remplacée par un ton neutre et quasiment apathique.
-J’accepterais par ailleurs l’épouse que vous et Père considérerez digne de porter vos petits-enfants, Mère. Mais épouser Lenore, il en est hors de question. Je préfère encore renoncer à mon titre.
Un instant, il envisagea cette possibilité. Tout quitter et tenter sa chance aux côtés de Passiflore. Il savait qu’elle l’accepterait avec sa douceur et sa compréhension habituelle. Pourtant, pour aussi dure que la révélation fût, il savait qu’il en serait incapable. Renoncer à son nom, c’était renoncer à ce qu’il était et ce en quoi il croyait. Il était un Longbottom avant tout et, même son amour pour Passiflore, s’effaçait devant l’écrasante puissance de cette émotion.
Bien entendu, une fois marié, il lui serait toujours possible d’espérer une histoire comme celle de ses parents. Mais il n’y croyait pas, tout au plus pourrait-il tenter de rendre son épouse le moins malheureuse possible, lui offrir le peu de liberté que leur statut leur permettrait. Quant à lui, jamais il n’humilierait Passiflore en la considérant comme une simple maîtresse. Et il ne se voyait pas aimer une autre. Quel homme serait-il de toute façon s’il acceptait d’entretenir une femme sans la reconnaître pleinement ? Cela serait indigne tout autant de son épouse légitime que de sa soi-disante amante. Et s’il y avait bien une chose qu’il n’était pas c’était indigne.
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Re: La limite délicate de l'interdit par Dim 20 Aoû - 22:15
Un élan de compassion l’inonda toutefois, lorsqu’elle décela sur le visage de celui auquel on tentait contre son gré de la fiancer, une expression qu’indubitablement il convenait d’associer à l’accablement. Maîtrisé dans un flegme surprenant, ce trouble restait cependant décelable, à moins que l’amitié – fraternité, presque, ce qui rendait le projet de fiançailles d’autant plus avilissant – qui les liait de longue date ne la rende plus réceptive aux émois du jeune homme. Elle ne devait pourtant pas s’attendrir. En de telles circonstances, et comme Crestian aurait dû l’entendre avant même d’envisager introduire une vélane de petite condition dans le cercle familial, tendresse était faiblesse, et l’instance actuelle demandait bien trop d’habileté que pour se laisser aller à de pareils enfantillages. Lenore n’aurait pu prétendre que cela fut simple, mais la légitimité toute naturelle de leur plaidoyer la poussait à accueillir les paroles de l’auror avec un certain apaisement. Le dos droit malgré le feu qui, de rage, se consumait dans l’intimité de ses pensées, elle l’écouta refuser la proposition de leurs deux parents, la qualifiant très congrûment d’idée aussi perverse que déraisonnable. Elle resta coite cependant, lorsqu’il obtempéra en annonçant qu’il romprait ses fiançailles mais, sous le masque inerte de son visage, non sans une évidente pointe d’égoïsme, le soulagement prit le pas sur l’empathie. Rien ne l’avait préparée à ce qu’un tel modèle de détermination et de résilience ne capitule aussi facilement devant un requérant dont il connaissait à ce point les détours. Elle eut voulu lui exprimer que renoncer si tôt dans la procédure était une ineptie, que s’il les laissait ingérer à ce point sa vie, il n’en finirait jamais de courber l’échine ; mais elle se tut, consciente que si la décision ne lui était aisée, elle était néanmoins la plus raisonnable ; celle qui, à long terme, aurait le mérite d’apaiser toute tension. Pour l’avoir vu sa pâmer comme jamais elle n’aurait imaginé qu’il puisse se pâmer, Lenore ne doutait pas que son cousin souffrirait de sa bravoure, mais des chagrins d’Amour tous se relevaient, et elle était intimement convaincue qu’il serait moins douloureux au futur lord de subir une séparation brutale que de porter toute sa vie le poids d’une extravagance de jeunesse. Qu’était-ce qu’après tout que l’amour, sinon le produit de folies éphémères ? Comme bien d’autres avant lui, Crestian se relèverait.
Elle sourcilla malgré tout lorsque celui-ci émit l’idée de renoncer à son titre s’ils devaient se fiancer, et en oublia par là même momentanément la rancune qu’elle entretenait à son encontre. Toute rassurante qu’était cette déclaration pour la tournure que prendrait cette audience, elle n’en soulignait pas moins sa dure réalité, réalité de laquelle les frères Greengrass, sensiblement interloqués, n’étaient bien sûr pas ignorants. Comme pour s’accorder tacitement de la conduite à tenir, tous deux échangèrent d’ailleurs un regard appuyé duquel, bien heureusement, ne transparaissait point l’autosatisfaction. En cela, Lenore fut soulagée que ni l’un ni l’autre ne semble jouir du plaisir malsain qu’aurait pu leur procurer une victoire si sournoisement acquise. En cela, elle les respectait, car c’était là ce qui les différenciait encore de certains grands dont l’extrémisme leur portait à tous préjudice. Non désireuse pourtant de s’attarder sur cette réflexion, la jeune lady crut voir dans cette infime trêve l’occasion de s’en aller. Puisque Crestian consentait à prendre en épousailles une prétendante digne de son rang, il n’y avait plus aucune raison pour que l’on s’entête encore à tenter d’associer davantage son nom au sien que ce n’était déjà actuellement le cas.
« Bien. Puisqu’une solution semble avoir été trouvée, je suppose que cette charmante entrevue touche à sa fin. Si vous le permettez, je vais désormais aller me changer au profit d’une tenue plus décente. Il serait regrettable d’abimer un si beau mobilier, n’est-il pas ? », annonça-t-elle sur le ton banal de la conversation en fixant les tâches humides qui parcouraient çà et là le magnifique tapis brodé qui recouvrait le parquet.
Avec la prestance qui lui était, à force d’évoluer aigle dans un nid de serpents, devenue naturelle, la jeune sorcière se redressa donc, n’accordant aux membres de l’assemblée aucune attention superflue ; pas même à Crestian envers lequel elle ne voulait exprimer pour l’instant, et pour le moins dans de telles conditions, aucune sollicitude. Elle ne fut pourtant pas avancée de trois pas que la poigne chaude mais ferme de son père se referma telle un piège sur son poignet glacé : « Veuillez-vous rasseoir Lenore, cette discussion n’est pas close et il ne me semble pas vous avoir autorisée à nous quitter. »
La manière était calme mais résolue, et leurs pupilles ne se rencontrèrent que brièvement, mais la jeune Greengrass comprit sitôt qu’elle avait commis prodigieuse erreur de jugement en estimant cette bataille si aisément gagnée. Lentement, elle ferma les yeux, prenant sur elle de ne point verbaliser l’aigreur qui lui rongeait l’estomac, et se retourna ensuite placidement pour reprendre la place qu’elle venait de quitter, croisant succinctement les prunelles de Crestian auquel elle renvoya un regard mêlé de ressentiment et de consternation, tandis que le lordship prenait un appui plus confortable sur le dossier de son siège.
« Crestian, je ne peux que saluer le discernement qui vous pousse présentement à reconsidérer votre précédente résolution. J’ai toujours admiré votre bon sens et votre tempérance, aussi n’en n’espérais-je pas moins de vous. En cela, je ne pense rien risquer en avançant que mon sentiment rejoint celui de ma chère sœur ici présente. »
Et tandis qu’il s’interrompait pour laisser à son interlocuteur le temps d’appréhender la teneur de ladite résolution, Brianna posa une main compatissante sur l’avant-bras de son fils, lui susurrant quelque parole d’une voix soudainement maternelle et réconfortante : « Vous faites le bon choix, Crestian, vous le savez ». Et comme elle ne trouvait rien à ajouter d’autre que des œillades compatissantes, Marcus, placide comme en toute circonstance, reprit le cours de la conversation comme s’il n’avait jamais été suspendu : « Il n’en reste pas moins que la décision que nous avons prise au sujet de votre union avec Lenore est une décision mûrement réfléchie qui nous apparaît, au-delà de toute considération, être la plus judicieuse. Aussi, avant d’évoquer des extrêmes tels que renoncer à un titre qui vous revient de plein droit et auquel nous savons tous que vous ferez grandement honneur, devriez-vous sans doute prendre davantage de temps pour l’apprécier sous un autre angle que sous celui de la colère sourde. Lenore est une jeune femme charmante. Et bien que je vous accorde que son tempérament soit parfois trop prononcé, elle possède cependant un esprit vivace et bien fait avec lequel vous trouvez déjà de nombreux terrains d’entente. Nous connaissons à tous deux vos natures résolues, et c’est pourquoi ne vous parlons pas ici seulement d’alliance, Crestian… »
« Nous vous parlons aussi d’affinités. », continua naturellement Brianna. « Réfléchissez un instant. Qui de mieux que Lenore, avec laquelle vous avez déjà noué des liens si forts, pour vous épauler dans la gestion du domaine et des affaires qui seront les vôtres ? Quel meilleur partenaire que cette jeune femme à laquelle vous avez tant confié et avec laquelle vous êtes assuré d’une entente certaine ? Je vous connais, Crestian, je crois suffisamment que pour savoir de vous que vous ne pourrez vous contenter d’une union formelle. C'est pourquoi Lenore, à laquelle vous portez déjà une affection sincère, est, et reste, le meilleur choix. Votre affliction vous empêche de le percevoir aujourd’hui, et c’est pourquoi vous devriez prendre le temps, comme le suggère votre oncle, de reconsidérer cette opportunité de vous épanouir dans un mariage heureux. Vous comprendrez dès lors le bienfondé d’une telle union et nous remercierez d’avoir su voir clair en vous. »
Restée immobile sur sa chaise tandis qu’on palabrait sans plus s’enquérir de son avis sur le sujet comme s’il était acquis qu’elle avait déjà accepté l’infâme arrangement, Lenore avait pâli à vue d’œil jusqu’à n’être plus que le reflet d’elle-même et se concentrait sur ses sensations physiques pour tenter de faire abstraction de la réalité. L’eau âcre qui imprégnait encore sa chevelure désordonnée s’écoulait lentement le long de son cou. Elle sentait chaque goutte, jusqu’à la plus infime, tracer son sillage dans sa nuque et son corsage, mordant à chaque seconde un peu plus sa peau et l’enveloppant d’une froidure humide. Mais elle n’aurait su dire, de ces multiples petites morsures ou de la nausée qui parcourait chacune de ses cellules, laquelle de ces sensations était la plus désagréable. Désormais dépourvue des chaudes couleurs qu’avaient revêtu ses joues lors de sa balade équestre, elle se sentait étrangement désincarnée, comme si cette situation ne la concernait pas. Le contraire était pourtant une évidence, et il était impératif qu’elle fasse à nouveau entendre sa voix sous peine de, malgré elle, consentir silencieusement à cette mascarade :
« Père, ma Tante, pardonnez-moi, mais je n’ai pas bien compris – l’émotion, sans doute – à quel moment vous avez tous deux estimé qu’il n’était plus nécessaire de vous enquérir de mon opinion. Vous vous attelez tous deux tant à convaincre Crestian du bienfondé de votre… initiative que vous en oubliez presque que je suis impliquée dans le contrat que vous souhaitez nous voir contracter… »
Secouée par un haut-le-coeur, Lenore marqua une pause pour reprendre son souffle, refusant toujours d’accorder le moindre regard à son cousin qui se tenait non loin à ses côtés. Que pourrait-elle bien faire, s’ils décidaient de les marier malgré tout, sinon accepter ou fuir ? Si l’idée d’une fugue lui semblait aussi romanesque qu’absurde, elle n’en restait malgré tout la seule échappatoire qui lui venait pour l’instant à l’esprit. Et comme elle n’était pas de nature fuyarde, mieux valait à nouveau batailler en espérant que cela suffise à résoudre le litige qui les occupait ; mieux valait radoter jusqu’à l’épuisement que se plaindre de n’avoir point été entendu.
« Il me semble pourtant évident, au risque de me répéter, que je ne souhaite pas plus qu’au début de cet entretien pâtir des excentricités de l’héritier Longbottom sous prétexte qu’il fut incapable de se choisir un parti convenable. Car ne nous mentons pas, c’est davantage là que se trouve la source de tout ceci que dans notre ‘affection commune’ qui n’était, jusqu’alors pour vous qu’un banal sujet de conversation. »
Tandis qu’un tressaillement contenu parcourait l’échine de la jeune Lady et agitait ses mains tendues, Olik qui était jusqu’à présent parvenu à totalement faire oublier sa présence s’approcha silencieusement du maître des lieux, murmura à son oreille et, quand Marcus acquiesça, se dirigea hâtivement vers une porte qu’il ouvrit avec déférence. Telle une reine en son domaine, lady Greengrass s’avança alors, élégante et calme comme à son habitude, mais ne manquant pas une œillade désapprobatrice en apercevant l’accoutrement de sa fille – dans la pièce où elle les rejoignit avec la grâce et le sourire de l’hôtesse qui accueille ses invités :
« Pardonnez-mon retard, j’ai été retenue par quelque fâcheuse affaire.»
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Re: La limite délicate de l'interdit par Jeu 31 Aoû - 19:36
Un instant, cette nouvelle bassesse indigne des promesses qu’il lui avait faites en demandant sa main, lui parut presque une raison valable de laisser partir la demi-Vélane. Que pouvaient-ils en effet espérer construire ensemble s’il choisissait pour deux à la première difficulté ? La déception dans les yeux de Passiflore à l’annonce de sa défection n’en serait que plus méritée. Pour autant, il était convaincu de faire là le seul choix digne. Si la simple présentation de Passiflore avait causé un imbroglio aussi invraisemblable, il ne pouvait qu’entrapercevoir ce que s’obstiner dans cette voie amènerait comme chagrins à toutes les personnes impliquées. Il était donc temps d’assumer les conséquences de ses actes. Rien néanmoins ne l’avait préparé à l’acharnement avec lequel Marcus et Brianna restèrent campés sur leur position.
Le ton de tranquille évidence avec lequel ils déployèrent leur argumentation le laissa pantois. A quel moment sa trajectoire s’était-elle suffisamment éloignée des leurs pour qu’ils puissent à ce point se fourvoyer sur les penchants de son cœur ? Sa mère en particulier l’ébaubit lorsqu’elle parla de son incapacité à survivre à une union de nom seulement. Comment pouvait-elle partir de prémisses si parfaitement justes pour arriver à une conclusion ô combien erronée ? Qu’il dût se faire violence pour partager sa couche et sa vie avec une inconnue, il n’en doutait pas une seconde, mais jamais ô grand jamais l’idée de remplacer ladite inconnue par sa chair et son sang ne pourrait obtenir son assentiment. Que Lenore fût une partenaire de qualité n’était pas non plus à prouver mais cela n’enlevait rien à sa tare majeure dans la situation présente : ils étaient cousins ! Et tout le temps du monde n’y changerait rien comme il s’apprêtait à l’annoncer à l’assemblée lorsque la Serdaigle le prit de court.
Et, là où les regards courroucés l’avaient à peine effleuré, les durs propos de Lenore le transpercèrent de part en part. A tel point qu’il ne put retenir un regard orageux de son cru. Passiflore n’était pas une excentricité et elle ne le serait jamais. Il se maintint néanmoins coi, sachant pertinemment que s’aliéner encore plus sa seule alliée aurait été d’une stupidité sans nom. Il serait toujours temps de rappeler à Lenore que personne n’était exempt de fautes et qu’elle ferait bien de se le remémorer le jour où elle se surprendrait victime d’une de ses fameuses excentricités dont elle l’accusait aujourd’hui. Car, pour aussi inatteignable que sa cousine aimât à se voir, personne n’était à l’abri des revers de la fortune et il saurait se souvenir de son fiel si un jour leurs positions venaient à être inversées. Non qu’il fût suffisamment vindicatif pour lui refuser son aide mais pardonner ne signifiait pas oublier.
L’arrivée de Lady Greengrass interrompit cependant ses pensées moroses et, en bon combattant, il chercha immédiatement à déterminer dans quel camp la nouvelle arrivée se trouvait. Il lui adressa donc un sourire tendu et déclara sur un ton faussement joyeux :
-Ma tante, vous voici arrivée juste à temps pour assister à la fin de la mauvaise farce concoctée par votre mari et belle-sœur consistant à me fiancer à Lenore ou inversement.
Ignorant les réactions des deux principaux concernés, il se concentra sur Isobel dont l’absence de réaction à l’exception d’un échange rapide de regards avec son mari lui suffit amplement. Elle n’aurait pu être plus explicite si elle avait clamé son approbation. Il connaissait en effet suffisamment sa tante pour savoir lire entre les lignes et, en l’occurrence, quoiqu’elle pensât personnellement de la situation, elle s’était rangée aux côtés de Marcus et c’était tout ce qu’il y avait à en retenir. Il savait par conséquent reconnaître une bataille perdue lorsqu’il en voyait une. S’acharner à essayer de retourner la situation à leur avantage alors que la faction adverse campait sur ses positions était une erreur stratégique qu’il ne commettrait pas. Ce dont Lenore et lui avaient désormais besoin c’était de regrouper leurs forces et d’aller chercher du renfort en la personne de son père. Avant d’envisager une quelconque action désespérée, il lui semblait en effet plus propice de s’informer tout au moins de l’opinion paternelle. Restait à convaincre les présents et plus particulièrement Lenore d’ajourner la conversation.
-Sans vouloir brusquer quiconque, il semble clair que nous n’arriverons pas à un accord. Vous nous – il insista volontairement sur le nous, comme pour appuyer les dires de Lenore sur son implication dans toute l’affaire – proposez gracieusement le temps de réfléchir à votre offre, je le prendrais en ce qui me concerne. Des fiançailles trop hâtivement acceptées m’ont déjà trop coûté, je ne répéterais pas mon erreur une deuxième fois. Et puisqu’il m’a si aimablement été précisé que choisir épouse est une affaire concernant tout le clan, je prendrais le temps de discuter de la chose avec Père avant de vous donner ma réponse définitive. Après tout, il est normal qu’il ait son mot à dire sur la future mère de ses petits-enfants, finit-il avec un sourire d’une froideur fort inhabituelle sur ses traits graciles.
C’est qu’une bataille perdue ne prédisait rien de l’avenir de la guerre et il ne comptait pas abandonner de sitôt.
Auror
Que vois-tu…?
Messages : 732Date d'inscription : 08/07/2013
Age : 33
Habitat : Appartement à Londres
Parchemin Magique
Classe: Sorcier Spécialiste
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): Métamorphose
Re: La limite délicate de l'interdit par Dim 8 Oct - 0:36
Répondant à l’appel de son cher et tendre époux comme un chien à celui de son maître, Lady Isobel les rejoignit et les salua dans les formes mais, au grand regret de sa fille, aucun regard de connivence ne lui permit de la positionner dans un camp plutôt que dans un autre. Quand Crestian accueillit à sa façon la nouvelle venue, l’évidence la frappa pourtant que cette dernière ne la soutiendrait pas dans cette affaire ; la seule œillade qu’elle échangea avec son époux valant, aux yeux de Lenore, bien plus que toute déclaration. Un court instant, la jeune sorcière remit néanmoins en question en sa propre interprétation, essayant tant bien que mal de se convaincre que sa propre mère, celle qui l’avait mise au monde, choyée et éduquée, ne pouvait comploter à son encontre. Mais l’illusion fut bien vite brisée par la main souveraine de Marcus qui, tendue en direction de sa femme, l’invitait à le rejoindre ; et par la posture de celle-ci qui se plaçait debout à ses côtés en témoignage de son indéfectible soutien à la cause de son mari. Tous deux formaient une équipe et se positionnaient comme telle, laissant leur fille coite d’embarras et de ressentiment, tandis que Crestian reprenait la parole.
Ce n’était pas tant qu’elle ne le voulait pas, mais Lenore, bien trop occupée à contenir les frissons – rejetons du froid ou de la colère, elle n’aurait su le dire – qui parcouraient désormais perceptiblement sa mâchoire et ses mains, était incapable de porter la moindre attention aux propos de son cousin, qu’elle entendait sans les écouter vraiment. Toute préoccupée qu’elle était par la géhenne qui l’habitait, elle contemplait sans l’interpréter sa gestuelle presque chimérique qui, à l’instar de celle d’un automate, se découpait par saccades dans un décor nébuleux. Obnubilée par les moindres palpitations de son cœur et les moindres vertiges de son estomac, elle fut néanmoins frappée par le regard orageux du sorcier et par la dureté inhabituelle qui façonnait ses traits autrefois généreux, lesquels l’emplirent malgré elle de compassion. Bien entendu qu’elle avait connaissance de la nature affable de Crestian, elle prit soudainement pleinement conscience de ce que devait représenter pour lui de renoncer à sa destinée pour éviter à Lenore de la remplacer ; et bien qu’elle lui en voulût toujours de n’avoir point eu de discernement dans sa préférence, elle se promit, en temps voulu, de lui apporter le soutien qu’il nécessiterait, si toutefois il l’acceptait encore. Pour l’heure malheureusement, elle ne pouvait rien de plus pour lui. Elle se doutait bien sûr qu’une main tendue séance tenante aurait été appréciée par l’auror et aurait apaisé certaines tensions, mais prendre publiquement le parti de ce dernier ne pourrait que tous deux les desservir. D’une part, s’afficher dans son camp laisserait entendre qu’elle ne prenait pas la pleine mesure de la menace que représentait l’union de l’un des grands héritiers du pays avec une vélane de petites condition et nature. On la jugerait dès lors d’autant plus égarée que, pour des raisons qui lui échappaient, il semblait qu’on la jugeait déjà, et on estimerait probablement davantage encore devoir policer sa vie dans la très louable intention de lui venir en aide. D’autre part, elle n’était pas sans ignorer que l’incompatibilité de caractère suffisait parfois à l’annulation de fiançailles. Au vu de leur passé commun, tissé d’une affection fraternelle sincère, ils avaient donc tous deux intérêt à nourrir, en apparence du moins, des griefs de natures diverses et variées, prémisses de différends de semblance si forte qu’ils ne pourraient être résolus. Tenant compte de ces considérations, leurs proches n’avaient nullement besoin de savoir sa commisération pour Crestian. Sa préoccupation principale, enfin, concernait pour l’heure davantage la trahison de sa génitrice – car c’était bien trahie qu’elle se sentait. Aussi, quand lord Greengrass entreprit de répondre à son neveu sans se soucier de la présence de sa fille, cette dernière lui coupa la parole sans plus d’ornement et s’adressa directement à lady Greengrass, dont elle avait jusqu’alors à peine croisé les prunelles.
« Vous saviez ! », l’accusa-t-elle, sur le ton du reproche, indignée.
« Lenore, il est évident que votre mère et moi-même… », l’interrompit à son tour Marcus.
Le lord était bien trop habitué à orchestrer le rythme de toute conversation que pour se laisser ainsi arrêter, mais la sorcière n’avait en ce moment cure de son ego. Sa perfidie l’avait certes étonnée et blessée, mais pas autant que celle la femme qui l’avait enfantée. En son for intérieur, elle estimait en effet que se rallier de facto à une telle machination sans y adhérer en pensées – car sa propre mère ne pouvait croire, c’était une certitude, au bienfondé de cette entreprise – était bien pire que de la fomenter.
« Vous saviez et vous avez laissé faire, continua-elle d’une voix singulièrement inflexible sans se préoccuper de l’intrusion de Marcus.
- Lenore, je vous en prie, reprit celui-ci d’un accent qui l’aurait fait pâlir la veille encore, mais qui finit cette fois de l’irriter.
- Pardonnez-moi, Père, mais depuis quand mère n’est-elle plus capable de s’exprimer elle-même, elle qui déblatère d’ordinaire si bien ?
- Lenore, ma chère, bien sûr que votre père m’a mise au courant. », intervint enfin Isobel.
Ce n’était là rien qu’elle n’avait déjà appris lorsqu’elle avait surpris l’œillade qu’avait échangée le couple Greengrass, mais cette dernière phrase eu sur Lenore l’effet d’une seconde averse, si glacée qu’elle eut l’impression de vaciller. Plus dépourvue que jamais, elle joignit les mains pour garder un semblant de contenance et la dernière réplique de Crestian prit soudainement corps dans son esprit, dévoilant sa teneur. Alors qu’elle considérait les faces outrées qui la dévisageaient, elle s’accorda mentalement avec lui de l’improbabilité d’une entente. Considérant cela, reporter la conversation, ne serait-ce que pour trouver le temps de s’entretenir seule à seul, lister leurs arguments et établir une stratégie, semblait une décision sage. Lenore, pourtant, savait qu’ajourner serait implicitement consentir et que ses parents interpréteraient ce répit comme un temps d’adaptation. Or, en aucune façon elle ne voulait leur offrir la satisfaction d’une première victoire. Mais il fallait admettre que son esprit était si encombré de pensées parasites qu’elle était bien en peine de percevoir d’autres alternatives.
« Je vois. »
Son expression, soudainement placide, sonna plus comme le glas de la détermination que comme celui de la résignation, et ses pupilles, noires d’inimité, qui fixaient la figure terne de lady Greengrass comme pour la percer à jour, s’assombrirent implacablement quand elle se redressa.
« Nous ferons donc selon la volonté toute diplomatique de Crestian : nous prendrons le temps de considérer votre… injonction. Je ne doute pas que de votre côté, cette période sera bien rentabilisée pour… »
Isobel, qui devinait sans peine le genre d’attaque qui suivrait un énoncé si bien entamé, eut un rictus impatient et s’interposa avant que celle-ci ne soit menée.
« Réfléchissez donc si vous le souhaitez. J’ignore si l’on vous a laissé entendre qu’un délai de réflexion vous serait accordé, mais considérez néanmoins qu’en ce qui nous concerne, notre décision est prise. »
Écœurée, Lenore resta brièvement bouche bée et rit ensuite à son tour nerveusement en se demandant si lady Greengrass imaginait sincèrement qu’une si simple sentence suffirait.
« Mère, vous savez tout le respect que je vous porte à père et vous-même, mais aussi toute mon admiration. Permettez-moi néanmoins de vous exprimer tout le dégoût que m’inspire cette mascarade et la stupéfaction sourde qu’engendre votre inconcevable persévérance. Comment pouvez-vous à la fois vous féliciter du libre arbitre de votre progéniture et à ce point vous ingérer dans ses choix ? Pour votre plus grand mérite, vous m’avez trop bien éduquée que pour pouvoir me forcer à une telle aberration malgré le pouvoir que votre parentalité vous donne sur ma personne. Et si toutefois un quelconque sortilège ou une quelconque magie de votre cru devait me contraindre à porter le nom de Longbottom, sachez que jamais je n’autoriserais Crestian à poser la main sur moi, si tant est qu’une telle folie s’empare de lui. Dussé-je contrarier vos plans, la naissance d’héritiers en serait grandement compromise… Ne vous en déplaise, sous votre tutelle comme dans le mariage, je ne peux me résoudre à ce que mon corps ne soit qu’un vulgaire objet au service de votre politique. »
Après avoir posément mesuré l’étendue de l’affront que sa fille lui faisait délibérément devant assistance, Marcus se leva, s’approcha impassiblement de celle-ci et examina insensiblement ses joues pâles, sa peau humide, sa mine inquiète mais volontaire et ses yeux brillants de verve, tentant de lui rappeler, par sa stature qui dominait la sienne d’au moins une tête, qu’il était unique maître en ces lieux et, après l’avoir jaugée de ce flegme mauvais, la souffleta sans autre forme de procès. Bien qu’elle fût consciente de sa bravade, elle n’eut jamais imaginé qu’un tel coup puisse un jour résonner dans le grand salon. Sous l’effet du choc, qui fit écho depuis son oreille jusque sur les murs en embrassant ses tempes, elle recula de deux pas, apercevant par là même sa tante qui, bien qu’elle se tînt désormais en retrait, portait ses deux mains à ses lèvres scandalisées. Fière en toute circonstance, Lenore redressa néanmoins son échine courbée après quelques secondes d’un silence royal. Le souffle court, elle se retint de porter la main à sa joue plantureusement marquée de feu, et toisa Marcus la bouche serrée dans un travers terrible, retenant à la fois larmes d’indignation, envies de protestations et tremblements de honte.
« Vous reverrez vos positions à ce sujet également, Lenore. »
De toute sa vie, elle n’avait pas le souvenir d’avoir déjà été rudoyée par son père. Peut-être parce qu’elle avait été une enfant sage et sans histoire, malgré un caractère déterminé et une tendance malicieuse, ou peut-être parce qu’il n’était pas dans le tempérament de ce dernier de s’emporter de la sorte. Aussi la sanction résonna-elle en elle comme une commination d’autant plus grande qu’elle était totalement nouvelle. Elle avait conscience pourtant que ce geste était d’une banalité déconcertante et que peu pouvaient se targuer de n’être jamais giflés par leurs parents ou gouvernants, aussi aurait-elle éventuellement pu s’accorder de ce que son père, dans un accès d’une rage incontrôlée, s’essaye en privé à l’exercice. Mais qu’il lui fasse l’affront de la molester en public à un âge si avancé la laissait découragée et coite de consternation. Que cherchait-il, lui qui, dans le cercle familial, était d’ordinaire si complaisant et compréhensif, sinon ne pas flancher, ne point se montrer faible devant une sœur soudainement effacée ? Cette mise en scène n’était de toute évidence qu’un chantage, tout comme sa main était un chantage fait à Crestian pour qu’il se défasse de ses premières fiançailles, et cet exploit qui devait réaffirmer la suprématie de l’autorité paternelle, son point d’orgue. Serait-elle assurée d’un quotidien similaire, fait d’un jeu de pouvoir et de peur, s’ils devaient ne pas flancher à ce à quoi on les enjoignait, elle et celui qu’elle considérait presque comme l’un de ses frères mais dont elle osait désormais à peine capter le regard ?
- Rendez-vous ce soir à la taverne (et incognito !)
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Re: La limite délicate de l'interdit par Jeu 26 Oct - 13:47
Pire encore néanmoins qu’une rupture de la trêve imposée par les apparences, si un membre égaré faisait l’erreur de briser la règle implicite de ne jamais contredire l’un des siens en présence d’un tiers, les conséquences se devaient d’être à la hauteur de l’affront. Ainsi, lorsque Lenore termina sa tirade terriblement provocatrice, c’est avec l’horreur de celui qui sait assister à un désastre qu’il est incapable d’arrêter que Crestian observa son oncle prendre les choses en main. Et quelle main ! Plus violente encore que le claquement qui résonna dans la pièce silencieuse, ou les paroles d’une tranquillité glaçante qui le suivirent, la trace qui rougissait encore la joue de la cadette de l’assemblée une fois l’acte terminé parut aux yeux de l’Auror le témoignage de la limite franchie. Lui qui avait naïvement pensé qu’ils pourraient quitter la pièce avec un zeste de dignité malgré la défaite cuisante que leurs géniteurs respectifs venaient de leur infliger, voilà que la réalité frappait de nouveau à sa porte, et avec insistance qui plus est.
Muet d’horreur, moins face au geste de Marcus que devant le choix de ce dernier d’humilier ainsi sa fille en présence de personnes qui lui tenaient à cœur, il se refusa à croiser le regard de sa cousine, de peur d’y lire une honte dont il n’aurait su que faire. A la place, ses pupilles se déportèrent vers sa mère dont le visage reflétait la même incrédulité interdite qu’il ressentait. Le geste hautement inhabituel chez elle de se cacher le visage des mains, mimique dont elle ne semblait pas même consciente, déclarait à qui voulait le voir, tout aussi bien sa désapprobation de l’attitude fraternelle que son refus de la vocaliser. Un instant, Crestian se demanda si sa mère ne vivait pas en cet instant un flash-back des moins agréables. Car s’il était fort improbable que Marcus s’adonnât régulièrement aux punitions corporelles pour remettre sa progéniture dans le droit chemin, il en doutait nettement moins de la part de Maximilian, surtout une fois sous l’influence de son si cher whiskey.
L’heure n’était cependant pas à s’interroger sur les méthodes d’éducation de son grand-père. Son sang bouillait d’une indignation contenue et il rêvait de dire à son oncle tout le mal qu’il pensait de son action, il savait cependant qu’un mot de travers ou un geste mal interprété ne feraient qu’empirer encore plus une situation déjà bien volatile. S’il paraissait prendre la défense de l’impudence de Lenore, il ne ferait que fournir plus de munitions à leurs adversaires et cela il ne pouvait se le permettre. Il se devait de paraître pleinement maître de ses émotions pour qu’on ne pût plus les retourner contre lui. Il avait retenu la leçon. Le lion est certes impulsif mais il n’en reste pas moins félin et le dicton le disait très bien : chat échaudé craint l’eau. Il ne referait donc point deux fois la même erreur.
-Mon oncle, ma cousine, permettez-moi de vous rappeler tous deux qu’esprit échauffé point ne produit de pensée sensée. Les points de vue ont été annoncés, rien ne sert désormais d’en venir à des démonstrations de force indignes de vos rangs respectifs. Quelle que soit l’issue de cette affaire mérite-t-elle de créer une dissension insurmontable au sein d’une famille unie ? Quelle serait en effet la valeur d’une alliance construite sur des fondements si fragiles ?
Car il ne faisait pas le moindre doute que si Lenore se retrouvait forcée à l’épouser, jamais elle ne le pardonnerait à ses parents.
-Par ailleurs, sans chercher à vous contredire ma tante, que votre décision soit prise ne change rien au fait que celle de Père ne l’est point. Car, là où votre accord marital est louable, Mère ne semble pas avoir daigné utile de s’entretenir avec son époux avant de prendre une décision aux répercussions sans commune mesure pour sa lignée.
Pour sa défense, cette dernière eut la prestance de ne pas rougir face à une attaque en bonne et due forme.
-En effet, ne me dites pas qu’après nous avoir si justement rappelé l’importance du respect des aînés, vous comptez vous passer de l’accord du principal intéressé au choix de la future Lady Longbottom, j’ai nommé Père ?
Revenir à Benedict était une stratégie dangereuse puisqu’elle revenait à critiquer de nouveau la décision des trois Greengrass. Elle lui sembla néanmoins la seule viable puisque ses paroles étaient indiscutables. En effet, quiconque, fut-ce sa bien-aimée épouse, s’imaginait imposer à l’Intendant du Conseil la mère de ses futurs petits-enfants risquait une grave déconvenue. Restait néanmoins à savoir ce que penserait ledit Intendant de toute cette malheureuse affaire.
Auror
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