Voyage jusqu'au bout de la nuit par Dim 11 Déc - 13:47
Dans les rues pavées aux abords de King's Square, un grand roux en tenue de voyage fit volteface. Cette voix suave, trop caressante, lui avait semblé familière, assez pour que son cerveau attribue immédiatement la notion de danger à cet appel.
La nuit gagnait du terrain sur le jour et les premières étoiles apparaissaient tandis que les commerçants fermaient boutique et les piétons s’empressaient de regagner leur domicile. Dans quelques instants, les Gardiens sillonneraient les rues en masse dans l’espoir d’arrêter autant de sorciers qu’ils le pouvaient.
La main sur le pommeau, l’épée légèrement tirée, Duncan remarqua enfin la silhouette qui se détachait de l’obscurité naissante. Un visage très pâle, des yeux qui luisaient comme du verre sous l’éclat de la lune.
Elle était accoudée contre la vitrine d’un barbier et s’en détacha avec cette langueur qui la caractérisait, pour marcher à pas gracieux et sûrs vers l’intéressé.
« Ils t’ont finalement envoyé, toi aussi… »
Cette voix retourna le ventre de l’écossais et il serra les dents, ainsi que la garde de son épée. Il savait qu’il ne pourrait pas s’en servir contre elle et que, quand bien même il essayait, la nuit venue, elle était bien assez rapide pour éviter le coup.
« Fenella… »
La créature de la nuit grimaça en parvenant à la hauteur de Duncan. Elle n’aimait pas son prénom, elle ne l’avait jamais aimé.
« Tu n’aurais pas dû quitter tes îles verdoyantes, Duncan. Certains ont manqué de discrétion au sujet de ton arrivée, ce n’est qu’une question de nuits avant qu’ils ne viennent faire de toi qu’une lampée… »
Au sourire qu’elle arborait, Fenella « La Rousse » avait l’air de trouver cette information amusante. Bizarrement, Lamont ne goûtait pas aussi bien la plaisanterie.
« Tu devrais savoir, et de source sûre, que je ne suis pas si facile à boire… ! Qu’est-ce que tu fais là, Fanny, comment tu m’as trouvé ?
— Ton esprit agité s’entend arriver à des lieues à la ronde ! Je n’ai eu qu’à m’attarder sur tes pensées pour tout savoir… ! Je m’en suis fait une telle joie que je me suis empressée de te trouver.
— Une semaine, tout de même, tu as mis bien du temps pour un vampire, répliqua Duncan avec une pointe raillerie.
— Hélas, je n’entends pas dans ta voix le plaisir que j’ai à te retrouver… Tu es toujours si tendu lorsque nos chemins se croisent, ça m’attriste. »
La main de la vampire effleura la joue de Duncan, et celui-ci tourna la tête, trop fier pour reculer, mais peu friand de ce contact glacé.
« C’est peut-être parce qu’à chaque fois que je te croise, il s’ensuit une catastrophe !
— Je dirais plutôt que je m’invite entre deux ennuis. Tu n’as pas besoin de mon intervention pour les trouver. D’ailleurs, j’ai entendu dire que tu allais voir Ewald… Méfie-toi, c’est un long voyage… Il se pourrait que tu n’arrives jamais à bon port. »
Le sourire qu’elle arborait jusqu’alors se mua en une moue sournoise. Duncan savait ce qu’elle espérait, et cela ne lui plaisait pas du tout.
« Je serai entre de bonnes mains, paraît-il. D’ailleurs, je te déconseille de me suivre, à moins que ta vie d’immortelle ne te lasse déjà ?
— Duncan ! s’exclama-t-elle, les yeux arrondis de stupeur. Tu me menaces ? Et moi qui ne souhaites que ton bien !
— Je t’avertis, voilà tout ! Et puis, je sais que tu n’attends que ma mort, alors, te savoir dans les parages a une fâcheuse tendance à me crisper.
— Oh, mon ange, bien sûr que non, je ne veux pas ta mort… Je ne la laisserai jamais te prendre… »
De nouveau, elle minauda, et de nouveau, Duncan s’échappa à cette main qui cherchait à le caresser.
« Et puis, je n’ai pas besoin d’être à proximité pour te surveiller… Il me suffit de tendre l’esprit pour capter tes songes comme s’ils me parlaient au creux de l’oreille. Nous nous reverrons, mon chéri. En attendant, continue à ne dormir que d’un œil, Dieu sait quand ils choisirons d’en finir avec le moldu insolent qui ose les regarder dans les yeux. »
Tout en parlant, Fenella reculait, jusqu’à ce que l’obscurité ne fasse d’elle qu’une forme incertaine. Alors, dans un petit rire plein d’amusement, elle disparut, ne laissant derrière elle qu’un petit nuage de fumée noire, inodore. Duncan rangea son épée. Derrière lui, il entendit des pas qu’il reconnu sans mal comme ceux de soldats. Les Gardiens reprenaient leur ronde, et il s’était attardé plus que de raison à la nuit tombée. Il était temps de retrouver l’auberge accueillante vers laquelle il marchait avant d’être interrompu par la vampire.
La nuit avait été difficile pour Duncan, qui s’était interdit de fermer l’œil. Ce n’était pas tant la peur d’être lâchement surpris dans son sommeil qui l’inquiétait que le voyage de nuit qui se profilait, et qui s’avérerait difficile s’il ne s’adaptait pas à un mode de vie plus adapté à celui de son escorte. Car, contre toute attente, ce n’étaient pas des sorciers qui avaient été chargés de le protéger, mais des vampires. Longbottom, qu’il avait rencontré quelques jours plus tôt, estimait certainement que cela était plus prudent, et Duncan abondait en son sens. Pour avoir eu un maigre aperçu du comportement des sorciers en Angleterre, Duncan comprenait qu’ils étaient aussi dangereux pour lui que les vampires rebelles ayant eu ouïe de son débarquement sur la perfide Albion.
La vampire, Isabella ou Isabelle peut-être, un drôle de nom quoi qu’il en soit, était aux yeux de l’écossais une compagnie plus fiable. Il ne la connaissait pas personnellement, mais il savait quel était son rôle au sein du clan d’Ewald. Pour ainsi dire, elle était une collaboratrice.
Aussi, alors que son magnifique étalon isabelle galopait vers l’extérieur de Londres pour rejoindre, sous le crépuscule, l’église près de laquelle ils avaient rendez-vous, Duncan était exempt de la moindre appréhension.
Malgré tout, il s’était vêtu d’un épais pourpoint de cuir renforcé sous un manteau de voyage court, mais assez ample pour lui permettre de rester libre de ses mouvements. Il avait caché dans ses bottes à entonnoir une fine dague, courte mais aiguisée, soucieux de ne pas se trouver démuni s’ils venaient à être pris en chasse et qu’il perdait sa précieuse claymore, portée dans son dos.
Le haut toit de l’édifice religieux se devina sous les roseurs d’un ciel s’assoupissant, et Duncan se redressa sur sa monture, qui ralentit l’allure. Il flatta son épaisse et longue crinière noire, tout en cherchant du regard la vampire. Puis, relevant les yeux vers les derniers rayons de soleil, il réalisa son avance et arrêta son cheval aux abords de l’église. Mettant pied à terre, il noua les rennes de son cheval au portillon de fer qui encerclait le cimetière et traversa celui-ci, pour pénétrer dans l’église.
L’édifice, à cette heure, était déserté, et Duncan en profita pour se délasser les jambes sur un banc. Fermant les yeux, il écouta le silence apaisant de la vieille dame de pierres, prêt à sauter sur ses jambes lorsqu’un bruit trahirait la présence de celle qu’il attendait. Mais, en attendant, il croisa jambes et bras, non sans avoir posé auparavant son imposante épée à sa droite.
- Pourtant, la diplomatie, ça a jamais été mon truc…
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Re: Voyage jusqu'au bout de la nuit par Sam 17 Déc - 1:10
Cette mission de long voyage requerrait beaucoup de discrétion, ce pourquoi elle opta pour des vêtements confortables et passe-partout. Un ensemble deux-pièces avec une chemise blanche à manches longues, un pantalon de cuir brun assoupli par l'usage mais solide par sa qualité, et sur ses épaules une courte veste de cuir sans prétention, des bottes de voyages en cuir, un chapeau aux longs bords et un manteau de voyage à capuche constituaient son habillement. Délicatement, elle saisit la petite bague de laiton du XVe siècle, qu'elle glissa autour de son annuaire libre. En dépit de l'apparente simplicité de la mission, la vampire se rendit vers leur râtelier d'armurerie alors que la lumière du jour commençait à décroître - au travers des rideaux voilant la fenêtre et le soleil - et saisit avec vivacité son équipement le plus courant : tout d'abord sa fidèle arbalète soigneusement entretenue, son carquois généreusement garni de flèches solides et tranchantes à souhait, qu'elle porta sur son dos et son épaule, ses deux pistolets à mèche qui vinrent rejoindre leur holster respectif sur chaque côté de ses hanches. Ensuite, elle ajouta à sa ceinture son épée courte, qu'elle aiguisa après un bref examen avant de la remettre à son fourreau puis dans son dos, avant de compléter son équipement par la bonne présence de ses deux dagues aiguisées dans leur gaine respective, aux côtés des pistolets. Une petite besace rassembla l'essentiel du nécessaire dont elle aurait besoin pour le voyage... dont quelques fioles ensorcelées par des connaissances françaises pour contenir du sang, et en préserver un moment la fraîcheur. Ses "rations d'urgence", des fois qu'elle ne puisse pas se rassasier à certaines étapes du voyage. Après tout, l'escorté devait être amené sain et sauf auprès d'Ewald, il serait de fort mauvais ton de l'abîmer de quelque manière que ce soit.
- Bonsoir, chère Isabelle ! Où vous rendez-vous donc à une heure aussi tardive ?
- Bonsoir Jeanne. Que voulez-vous, le devoir nous appelle ! Je vais devoir m'absenter quelques jours pour un travail, auriez-vous la bonté d'en aviser Philippe, à Camelot ? Vous me rendriez un très grand service.
- Accomplissez alors votre mission avec fierté et droiture ! N'ayez crainte, je préviendrais votre frère et nul gredin ne viendra importuner ces lieux en votre absence ! Que le Seigneur veille sur vous !
Ses yeux bleus se posèrent un bref instant sur son interlocutrice... la femme-chevalier peinte sur l'oeuvre d'art qui trônait fièrement dans leur salon. Peinture du XVe siècle, il représentait une pucelle en armure, les traits faciaux très simplifiés par l'art de l'époque, le visage plutôt fin dressé vers le ciel, le regard décidé et inspiré, et les cheveux bruns coupés en bol, fièrement dressée sur son destrier aussi blanc que n'était éclatant son étendard. L'image, oeuvre sorcière, se mouvait pour la regarder, épée solidement tenue en main, la saluant d'un geste de tête, avant de reprendre sa posture initiale. Il n'en existait que trois exemplaires au monde, et tous enchantés par l'une des plus grandes enchanteresses françaises de l'époque : Jeanne d'Arc en personne, à l'époque où elle dirigeait Beauxbâtons. Le premier se trouvait dans le bureau de la direction de l'école de magie française, le deuxième dans les appartements de Gilles de Rais et le troisième en ces lieux, accroché à une place stratégique dans leur salon. Ils pouvaient communiquer entre eux, et ainsi la Pucelle d'Orléans avait été investie d'une partie de la personnalité de sa créatrice réelle, et pouvait transmettre des messages aux propriétaires des différents tableaux aux propriétés très peu connues. Elle s'était assurée un peu plus tôt dans la soirée d'avoir rassasié sa soif de sang, afin d'être tranquille un bon moment.
Ajustant son manteau de voyage sur ses épaules, elle ferma la porte du logis à clé sur chacune des serrures complexes de sécurité, songeant à l'ironie involontaire de la gardienne du tableau. "Que Dieu veille sur elle", hein... cela allait être difficile maintenant qu'elle était une créature de la nuit, mais l'intention était appréciée. Tranquille et assurée, elle dressa avec soins ses boucliers d'occlumancie pour restreindre sa legillimencie, toutes deux naturelles à son état vampirique depuis ces deux derniers siècles, bientôt deux derniers siècles et demie. Sa tenue n'attirant pas l'attention de son entourage, elle se glissa comme une ombre parmi la foule londonienne, se remémorant les termes du contrat tout en restant très vigilante à ses alentours. Duncan Lamont donc, un écossais moldu qui s'était voué à la chasse des créatures maléfiques... voilà qui allait ramener une certaine mélancolie de son ancienne profession. Peut-être serait-il de bonnes compagnie, cela égaillerait un peu le long voyage mais elle ferait avec sinon. À cette heure où le jour allait laisser le pas à la nuit, elle pouvait presque ressentir la présence de "semblables" disparate. Mais elle ne ressentait aucune crainte, très confiante en elle-même et assurée de ses propres compétences, elle resta seulement vigilante.
Si elle avait été quelques secondes surprises par la requête, avec du recul elle en comprenait la raison : maintenant que les relations entre sorciers et moldus étaient plus envenimées encore, et celles avec les vampires toujours complexes, une escorte vampirique semblait être une bonne option pour dissuader ses semblables de vouloir s'en prendre à sa "charge" pour le voyage. Elle détenait notamment quelques atouts dans sa manche : si elle était effectivement une vampire, elle avait la mémoire et les acquis d'une chasseuse de créatures magiques de sa vie humaine précédente, et notamment de traque des vampires. Un paradoxe dont Philippe et elle s'amusaient grandement encore de nos jours, notamment quand ils se rappelaient leurs souvenirs révolus de la première moitié du XVe siècle. Elle ne serait pas mécontente cependant d'avoir l'occasion de remettre à leur place des vampires ne sachant pas respecter leur place, et quant aux sorciers qui oseraient s'approcher de manière hostile... disons que cela fera de bonnes carafes de liquide vital, à l'instar d'une bonne bouteille de vin ou d'une gourde de voyage. Elle était certes neutre, mais pas stupide.
Sa destination arrivait dans son champ de vision, tout était calme à première vue. Parfait, les choses se déroulaient comme prévu pour l'instant. Sa démarche était assurée et sans empressement excessif, et elle remarqua un équidé attaché aux portes du cimetière jouxtant l'édifice religieux. L'animal, à son approche, se tendit, raclant le sol d'un de ses sabots, la tête dressée et les oreilles couchées. Bon instinct de survie, apprécia-t-elle avec amusement en détournant ses pas vers l'édifice religieux. Les ressentis de l'humain lui parvenaient en effluves, et aussi ouvrit-elle presque silencieusement la porte de l'édifice. Il n'y avait personne d'autres qu'un être humain à moitié allongé sur un banc d'église, chose qui aurait sans doute exaspéré un religieux s'il avait été surpris, avec une imposante épée posée sur le côté. Pourtant, de ce qu'elle percevait, l'humain était sur ses gardes, précaution qui l'amusait grandement et qu'elle appréciait pourtant : ce n'était pas un débutant, voilà qui serait mieux pour le voyage. S'avançant dans la pièce à pas feutrés, elle gagna aussi silencieusement que possible et s'arrêta à deux pas en arrière de lui, croisant ses bras avant de prendre la parole à voix basse, du timbre posé et assuré emprunt d'un bref accent français :
- Que de préoccupations semblent vous traverser, malgré la paix de ces lieux consacrés !
Se tournant vers lui, elle releva quelque peu son chapeau à larges bords pour révéler son visage fin et dessiné, le teint pâle de lys et les yeux d'un bleu clair et vif qu'elle partageaient avec son frère, pour qu'il puisse l'identifier. Rompue aux bonnes moeurs, elle inclina légèrement sa tête en courte salutation, reprenant à voix basse :
- Bonsoir monsieur Lamont. Isabelle Du Val, votre contact. Votre sens de la ponctualité est admirable, bien qu'il n'était guère prudent d'arriver trop tôt en un lieu aussi isolé dans les temps qui courent. Avez-vous rencontré quelque désagrément depuis votre arrivée en ces terres ?
- Chasseuse de vampires criminels
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Re: Voyage jusqu'au bout de la nuit par Sam 17 Déc - 14:34
L’écossais prit une grande inspiration, remontant ses bras croisés sur sa poitrine, puis laissa aller sa tête en arrière. Il devait calmer son esprit, mais le souvenir de Fenella tournait dans sa mémoire comme le fantôme d’un autre âge. Chacune de leur rencontre était douloureuse pour le chasseur, rappel brûlant de cette époque où ses doigts délicats exhalaient la douce chaleur d’un corps vivant. L’homme pensait chaque fois avoir fait son deuil de ce temps lointain et révolu, mais quand elle venait le surprendre, rappelant sa surnaturelle survivance, elle réveillait en lui la nostalgie d’une époque où elle avait été humaine.
Des années auparavant, il s’était inquiété de ce qu’elle devenait, de ce qu’elle faisait. Il avait craint sa perdition, son malheur, sa solitude. Aujourd’hui, plus rien de cela ne le tourmentait, car il avait comprit que la vampire aimait son état et n’éprouvait aucun regret d’avoir perdu la vie qu’elle avait eu, avant son trépas. Cela n’apaisait pas la douleur que son visage réveillait en lui.
Les portes de l’église balayèrent la nostalgie de Duncan en grinçant sur leurs gonds. L’écossais ne bougea pas mais ses sourcils se froncèrent en signe de l’attention qu’il porta aux pas à peine discernables qui avançaient dans l’allée. Délicats comme si les semelles des bottes se contentaient d’effleurer le sol plutôt que de s’y poser, ainsi semblable à la discrétion naturelle des créatures de la nuit, Lamont devinait par le silence enveloppant les autres mouvements de l’arrivant qu’il s’agissait bien de son contact et non d’un prêtre frappé d’insomnie. Son esprit plus éveillé que laissait paraître sa posture nonchalante chercha à capter l’aura de la vampire pour mieux la localiser dans l’espace, mais il ne la sentit vraiment que lorsqu’elle parvint dans son dos, juste avant qu’elle n’ouvre la bouche pour s’adresser à lui.
Une voix mélodieuse, agréablement féminine, qui s’exprimait dans un anglais difficile à comprendre pour le gaélique qu’il était. Il y avait dans son phrasé un accent qui n’avait rien de britannique et, l’espace d’un instant, Duncan maudit ces fichus anglais qui l’avaient affublés d’une guide étrangère tout comme lui. C’était bien sa veine, lui qui peinait déjà à comprendre et parler correctement l’anglais !
Duncan ouvrit les yeux et sauta sur ses jambes avec plus de souplesse dans la détente que sa carrure, plutôt carrée, l’aurait laissé présagé. Oh, pour un écossais de Portree, il n’avait rien d’une masse de muscles comme son ami sorcier Owen, qu’il surnommait affectueusement « le Demi-Géant », mais ses épaules et sa posture indiquaient sans ambages que l’homme était rompu à la pratique des combats. Tandis qu’il s’était redressé, il avait glissé sa main droite en direction de sa claymore et, à présent debout devant la vampire qui découvrait son visage, il fit un moulinet de poignet en ramenant l’arme dans son dos, pour l’y ranger dans son fourreau.
De l’autre main, il attrapa une petite fiole bleue dans une poche de poitrine et dévissa le bouchon de liège d’un coup de dents avant d’en avaler le contenu. Une potion polyglotte, dont il estimait, compte tenu du langage relevé de la jeune femme, avoir un besoin urgent.
Un sourire franc et amusé arqua ses lèvres et dérida ses traits quand il entendit la réprimande camouflée de la vampire. Ah, ces créatures surnaturelles ! Tout comme les sorciers, elles avaient l’art de se montrer un petit peu trop maternelles envers les pauvres humains dépourvus de pouvoirs magiques, comme s’ils n’étaient que des pièces de viande sans ressources, des proies guère plus menaçantes que le cheval l’attendant au-dehors. C’était toujours un peu vexant, mais Duncan s’était assez assagi pour ne plus s’en offusquer comme à ses vingt ans.
« Madame ! » salua le moldu en mimant la courbette de la vampire, sans parvenir à la même aisance. Lui n’était pas habitué à faire tant de cérémonies, mais il avait cru comprendre que les gens par ici étaient assez chatouilleux avec la politesse.
La voix de Duncan avait les chaudes intonations de son île natale, un peu rocailleuse et abrupte comme l’étaient les falaises écossaises, mais elle était animée, vive et alerte. Seul le mauvais temps, en Écosse, pouvait être considéré comme glacial. Jamais ses habitants.
« Rien de directement dangereux à signaler, bien qu’une connaissance m’ait mis en garde à propos du peu d’entrain de « vieux amis » à me voir fouler le sol anglais. Les nouvelles vont vite, apparemment. »
Avec un petit haussement de sourcils enthousiaste, il ajouta :
« Il va falloir être prudent ! »
Le voyage, en vérité, aurait pu être bien plus court et bien moins dangereux, si Duncan avait accepté le transplanage d’escorte qu’on lui avait proposé. Il avait expérimenté une fois ce petit tour de magie et l’expérience avait été si désagréable pour lui qu’il s’était juré de ne plus jamais subir de nouveau cet effroyable mode de déplacement. Il ne comprenait pas comment les sorciers faisaient pour supporter le transplanage. Sûrement, de part leur constitution physique, supportaient-ils mieux le choc, mais Duncan, lui, en avait été malade. Il aurait offert un bien piètre spectacle s’il avait été saluer le roi vampire en lui vomissant sur les souliers.
« Je vois que vous êtes équipée ! Je devrais sûrement me procurer un de ces pistolets, mais j’ai un amour tout particulier pour ma bonne vieille épée. » ajouta-t-il en tâtant la garde de son arme, qui dépassait au-dessus de ses épaules.
« Si vous êtes prêtes, je le suis aussi. »
Sur cette déclaration, il attendit qu’Isabelle consente à leur départ pour lui emboîter le pas.
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Re: Voyage jusqu'au bout de la nuit par Jeu 19 Jan - 0:06
Elle ne put contenir l'ombre d'un sourire franchement amusé en décelant la maladresse dans sa salutation. Quelque chose chez l'humain l'attendrissait dans sa gaucherie, ou en tout cas l'amusait beaucoup, mais elle en appréciait en tout cas l'effort. Oreilles très attentives comme le reste de ses sens non seulement à son interlocuteur mais aussi à leurs environs, elle écouta avec attention sa réponse, et fut surprise de ne pas reconnaître l'accent qui imprégnait son dialecte, qui ne semblait pas vraiment anglo-saxon à vrai dire. Chaud, rocailleux et abrupt, mais son timbre vif et dynamique trahissait une énergie indéniable, et qu'elle appréciait d'une certaine manière. Son expression se fit plus sérieuse, bien que toujours très assurée, à ouïr ses propos, et l'un de ses sourcils s'arqua avant de se froncer quelque peu. Ses craintes se confirmaient, et elle pesta en pensée contre le manque flagrant de discrétion des godons :
- Le manque de discrétion de nos... interlocuteurs me consterne, bien qu'il ne me surprenne guère hélas. C'est fâcheux, mais disons que cela animera quelque peu notre traversée ! Vous n'imaginez pas à quel point les nouvelles circulent vite, monsieur Lamont, dans cette contrée tout comme dans nos cercles particuliers. Vous semblez suffisamment aguerri pour faire face à d'éventuelles embuscades, il nous suffira d'ouvrir l'oeil et le bon !
Isabelle était habituée dans ses missions à rencontrer moults d'embuscades de diverse importance et de diverse nature, aussi n'était pas plus inquiète que de raison. Mais aurait-elle su, elle aurait été nettement plus stricte sur la négociation du contrat ! Bah ce qui était fait était fait, et au moins l'escorté semblait plutôt sympathique bien qu'insouciant jusqu'à maintenant. Alors qu'elle faisait volte face pour l'inviter à lui emboîter le pas, elle tourna sa tête vers lui et darda ses yeux d'un bleu vif vers son interlocuteur, lui retournant un sourire amusé, découvrant un peu ses dents :
- Et je vous retourne le compliment. Cette "vieille épée" des vôtres me semble être de très bonne facture à vue d'oeil, et entretenue avec grand soin. Il n'est pas difficile de reconnaître ici un connaisseur. Je comprends votre dilemme, l'un de mes amis rencontre la même difficulté que vous et je n'ai jamais su pour ma part me défaire de mon arbalète. Rustique, robuste mais d'un indéniable tranchant.
La vampire se contenta d'approuver simplement de la tête et se tint légèrement en retrait de quelques millimètres de l'humain, par précaution, et tous les sens aux aguets alors qu'ils quittaient les ombres rassurantes de l'édifice religieux pour regagner la rue londonienne et récupérer la monture qui avait été attachée non loin. Tant bien que mal pour sa relative patience elle attendit que l'humain se hisse sur le destrier - dont elle s'amusa grandement de la méfiance toute instinctive à son égard - et se rappela une dernière fois du tracé qu'elle ferait cheminer à son accompagnateur. Bien qu'elle ne se risquerait pas à emprunter des sentiers trop escarpés et trop aventureux dans la forêt, il lui semblait préférable d'éviter les voies principales des grands chemins, beaucoup trop évidents pour leurs éventuels poursuivants. Le réseau des chemins secondaires, plus longs certes et demandant quelques détours, lui semblait être la meilleure opportunité en l'état actuel de la situation, sans alerter trop leurs éventuels opposants, elle comptait bien leur compliquer la tâche. Une fois la créature contrôlée par la bride des mains de son propriétaire, elle demanda à voix basse et curiosité honnête :
- Au vu de la position de vos... "amis", il me parait fort surprenant qu'ils ne vous aient proposé une route plus sûre et surtout beaucoup plus rapide, au vu des moyens dont ils disposent. Au moins vous aurez l'opportunité de voir du pays, nous risquons de traverser une bonne partie de ces terres pour atteindre notre but.
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Re: Voyage jusqu'au bout de la nuit par Dim 12 Fév - 16:45
Parvenus à l’extérieur, il ne lui fallut guère longtemps pour dénouer les rênes de sa monture et monter sur le dos de celle-ci. Par automatisme, il rajustala sangle de la selle, écoutant d’une oreille les remarques de son guide.
Ses ennemis, lui rendre service ? Duncan fronça les sourcils sans comprendre. A qui diable la vampire faisait-elle référence ? La subtilité lui échappait, et il fallut qu’il se répète intérieurement la phrase de son interlocutrice pour en conclure qu’elle parlait très certainement des sorciers qui l’envoyaient en territoire vampire, plutôt que de ceux qu’il avait nommé un instant auparavant.
« Oh ! » s’exclama-t-il lorsqu’il pensa avoir saisi les paroles de sa vis-à-vis. « Pour quelqu’un comme moi, les moyens restent limités. Et croyez bien que je préfère cent fois braver les dangers d’une route gardée par les sbires d’un roi despote et les criminels de tous horizons que de subir une fois de plus le transplanage d’escorte ou le voyage en portoloin. »
Duncan talonna sa monture, vaguement gêné de voir que la vampire avait choisi de courir la campagne à pieds. Il avait beau avoir profité d’une éducation assez sommaire en matière de rapports hommes / femmes, il trouvait malséant ce rapport de force que cette différence impliquait entre eux. Mais, pis encore, Duncan se figura qu’ils n’allaient pas avancer bien vite.
« Je sais les vampires rapides et endurants, mais je dois vous prévenir, Machar est particulièrement véloce. »
Machar, c’était ainsi qu’il avait choisi de prénommer sa monture, dont l’ancien nom, trop anglais, l’indisposait. L’étalon s’engagea dans un petit trot souple et pourtant nerveux, signe que le cheval avait des fourmis dans les membres, lui aussi.
« C’est assez rare de voir un vampire privilégier des armes de ceux de mon espèce à ses capacités physiques. Pourtant, j’ai l’impression que vous étiez sorcière, autrefois, n’est-ce pas ? Si cela n’avait pas été le cas, j’imagine que vous ne vous seriez pas étonnée de me voir emprunter des modes de déplacement que je contrôle… et qui ne soit pas néfastes pour mon corps et mon esprit ! »
Ce disant, Duncan tapota chaleureusement l’encolure de son destrier, qui y répondit d’un hennissement étouffé.
La pudeur anglaise n’aurait certainement pas permis à un mortel de poser des questions si directes et curieuses à un congénère immortel, mais Lamont n’avait pas l’habitude de garder ses interrogations pour lui. Il n’aurait rien moins supporté qu’un long voyage parcouru dans un silence gêné, quand bien même à sa place, beaucoup en aurait fait le choix. La prudence aurait peut-être value qu’ils se taisent et demeurent à l’affût, mais l’écossais doutait d’être assez en danger pour se résigner à une telle mesure.
Il n’était pas à proprement parler un ennemi à abattre. Certes, il avait déjà dû se résigner à exécuter des vampires. Cela était arrivé deux fois, et avait fait comprendre aux autres que, bien qu’il ne fut pas sorcier, il avait de la ressource, et connaissait assez bien leur espèce pour savoir quand les surprendre.
Le savoir de Duncan en la matière dépassait largement celui de ses congénères moldus, et même celui de beaucoup de sorciers. Il était amusant de constater, d’ailleurs, à quel point ces derniers pouvaient être ignorants en matière de créatures magiques, à partir du moment où ils ne se sentaient pas directement concernés par leur cas. Lamont entendait souvent les sorciers critiquer l’ethnocentrisme de leurs pairs dépourvus de magie, mais ils ne valaient pas bien mieux en la matière. Même les sorciers ouverts et tolérants qu’étaient les habitants de Portree éprouvaient un très faible intérêt pour tout ce qui dépassait la situation moldue ou sorcière. La raison, pour ceux-ci, n’était pas ce sentiment de supériorité qu’on retrouvait chez bon nombre de leurs compatriotes, mais un sens pratique qui ne leur permettait pas de s’intéresser à autre chose qu’à la bonne marche de leur microcosme. Une attitude qui leur avait été bénéfique, jusqu’à aujourd’hui. Et qui, naturellement, poussaient les proches de Duncan à s’interroger sur les raisons, pour un moldu, d’un tel attrait envers les créatures vampiriques. Des raisons, le concerné s’était toujours abstenu d’en donner, quand bien même les MacFusty lui avaient plusieurs fois posé franchement la question. Il estimait que ses motivations ne regardaient que lui. C’était un secret qu’il préférait garder pour lui seul.
- Pourtant, la diplomatie, ça a jamais été mon truc…
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Re: Voyage jusqu'au bout de la nuit par Mar 25 Avr - 5:48
- N'ayez crainte, je ne compte pas effectuer ce long trajet à pied. Nous ne pouvons souffrir la moindre lenteur au vu du long chemin qui nous attend. J'attends que nous ayons quitté les murs de cette ville pour appeler ma propre monture, elle n'aime guère se présenter sous les feux du jour et les yeux des mortels. Avez-vous déjà vu la mort de vos propres yeux, messire Duncan ?
Il était important que la vampire soit assurée sur ce propos, qu'il ne soit pas surpris le cas non-échéant qu'il ne puisse voir de ses yeux mortels la sombral qui la porterait pour une grande partie du trajet, bien qu'elles devraient fouler les chemins terrestres plutôt que les chemins célestes au vu de l'espèce simplement équine du destrier de son escorté. Suivant une foulée vive et pourtant à l'amplitude aisée et vive, elle garda une oreille tournée vers son interlocuteur alors qu'ils se dirigeaient peu à peu vers les portes menant vers l'extérieur de la cité en laquelle ils se trouvaient. Il était curieux assurément, pour un être humain qui plus est non-sorcier, voilà qui était étrange et fascinant tout à la fois. Ses questions pourtant étaient emplies de bon sens appréciable, qui était l'une des plus belles qualités des moldus vis-à-vis de leurs confrères et consoeurs du monde sorcier. Avec une ombre de sourire, elle concéda au vu de sa bonne humeur présente à répondre en partie à ses interrogations, lui répliquant de son habituelle voix posée et assurée :
- Rare en effet, mais j'ai pu constater au cours de mon existence leur efficacité, simple mais impossible à renier. Il n'est pas sage à mes yeux de vouloir reposer uniquement sur les arts de la magie pour aspirer à repousser les créatures de la nuit dont je fais désormais partie. Les armes me servent de complément aux capacités physiques de notre espèce... et comme effet de surprise. Vous n'étiez pas très loin de la vérité, Sir Duncan. Fut un temps lointain, j'ai été sorcière de sang mêlé, instruite aux cultures des deux mondes par mon mentor. Mais tout cela remonte bien à plusieurs siècles désormais... des temps anciens, comme diraient les moldus de nos jours.
Son cher frère et époux, et elle avaient toujours eu à coeur de ne pas privilégier l'une de leur culture sur l'autre, afin de pouvoir en tirer les avantages réciproques et ainsi de mettre en place une certaine complémentarité outre une discrétion accrue au cours de leurs déplacements, en tant que connaisseurs des moeurs et traditions des deux sociétés. Isabelle reprit bientôt la parole, pour relancer l'esquisse de conversation avec son escorté et, en partie, ne pas attirer l'attention par un silence trop suspect au cours d'un déplacement en tandem comme celui qui serait le leur jusqu'au terme de leur voyage, long et périlleux, vers les terres où l'autorité d'Ewald était la plus perceptible :
- Vous-même êtes un élément intriguant. Vous avez connaissance de contacts bien placés des contrées éloignées des terres moldues, et en dépit de votre équipement et de votre allure trahissant l'expérience dans le combat contre les créatures non-humaines, vous faites preuve d'une amabilité très appréciable à notre égard. Voudriez-vous donc me parler un peu plus de votre expérience passée ?
- Chasseuse de vampires criminels
Que vois-tu…?
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Parchemin Magique
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