Du subtil art d'être une famille par Mer 17 Aoû - 17:53
Plus encore, cette journée était l’une des rares où elle aurait l’occasion de passer quelques instants en compagnie de son cousin, Crestian, sans que tous deux ne soient entourés d’une foule d’individus, proches ou étrangers, qui les empêchent de discuter librement comme ils le faisaient encore étant adolescents.
Pour autant, son cœur n’était pas aussi leste et exempt de tourments qu’elle l’aurait souhaité. Les murs d’un manoir tel que celui des Greengrass répercutaient sans cesse l’écho des messes-basses qui s’y chuchotaient, et Marcus avait appris – elle ne voulait pas savoir comment – que son unique fille avait pour projet de rencontrer l’auror. Comme les menus événements sont toujours affaires d’état dans les grandes maisons, cette nouvelle avait valu que le lord en informe sa bien-aimée sœur, mère dudit cousin. L’idée, sans aucun doute, lui avait fortement déplu. Qu’allait donc faire une Greengrass si bien élevée dans le plus strict respect des traditions et de son rang en compagnie d’un homme qui s’apprêtait à salir le sien en faisant d’une hybride de nationalité étrangère au sang des plus commun sa femme et légitime épouse ? Cette histoire allait au-delà de l’entendement. Sans doute, et cela Lenore l’imaginait sans difficulté aucune, avait-il tenu à convaincre sa sœur d’empêcher son fils d’entrer à nouveau en contact sa digne progéniture. Certainement Brianna en avait-elle été émue, voire peut-être même choquée, et avait-elle plaidé en faveur de son fils. De cette discussion était né l’accord suivant : Lenore serait en droit de revoir une ultime fois Crestian, en échange de quoi elle serait chargée de le pousser à renoncer à son mariage à venir. Puisque tous deux entretenaient une relation presque fraternelle, la jeune femme semblait le relais idéal des exigences du reste de la famille. Si d’aventure Crestian venait à refuser ce que les yeux si doux et implorants de sa cousine, relayés par de duveteuses paroles, lui quémandaient, alors les deux jeunes gens devraient consentir à se dire adieu. Voilà comment une rencontre qui se voulait amicale et familiale était devenue un petit complot, comme il en est de nombreux dans toute famille.
Bien sûr, Lenore n’avait pas apprécié se savoir une fois de plus épiée et gouvernée, bien qu’en cela, elle n’était pas surprise. Mais elle abhorrait davantage devoir transformer un moment d’intimité en négociation éhontée. Crestian, qui n’avait bien sûr pas été informé de la chose, serait déçu qu’elle soit bien malgré elle le relais des perfidies familiales et la source d’un chantage impudent. Pour leur bien commun, elle serait pourtant bien tenue de l’en informer.
Malgré ceci, la jeune femme souriait. Qu’importe les fourberies de leurs parents car, pour l’heure, la perspective de quitter de l’enceinte de la propriété, plaisir trop peu souvent accordé, l’emplissait d’un contentement juvénile. Et comme, quelle que soit l’issue de leur tête-à-tête, elle n’avait nullement l’intention de se conformer à la volonté parentale en ne revoyant plus son ancien camarade de jeux, elle estimait que la situation n’était, après tout, pas scandaleusement dramatique.
S’il fallait évoquer un drame, Lenore aurait davantage mentionné l’ordonnance royale publiée quelques jours auparavant et qui faisait scandale dans la communauté sorcière. Si la fille Greengrass, persuadée de longue date que des mesures similaires finiraient par être prises par ce pleutre de monarque effrayé par des pouvoirs dont il ne dispose pas, n’avait pas été stupéfaite par celle-ci, elle en avait néanmoins été plus que passablement irritée. Comme tout un chacun, elle attendait désormais fébrilement que surviennent de nouveaux drames, car il était certain que la riposte, probablement violente et sanglante, ne tarderait pas. Comme maints autres hommes politiques, son père passait d’ailleurs désormais la majorité de son temps cloîtré dans son bureau. Les allées et venues se faisaient ainsi plus nombreuses que de coutume, à la différence près que personne ne restait pour dîner.
Elle soupira. La circonstance n’était pas propice à se ternir l’esprit davantage et les répits se faisaient trop exceptionnels que pour ne point en profiter. Sans plus attendre, elle enfila ses gants et se dirigea vers le grand hall où Marius l’attendait déjà et où un elfe l’aida à se parer de sa cape. Ils transplanèrent enfin, ne laissant derrière eux que quelques tourbillons d’un faible vent.
Ils arrivèrent finalement dans une petite cour isolée pavée de pierres inégales, où ils vérifièrent n’avoir point été remarqués. Bien que leur présence en ces lieux n’avait rien d’illégal, transplaner était désormais – comble du ridicule – un acte passible de prison. Et bien que jamais ils ne se résoudraient à se repentir auprès de la couronne ou de l’Église et à abandonner leur baguette à ces misérables qui tremblaient de peur à l’idée qu’ils puissent oser s’en servir, ils n’en restaient pas moins méfiants.
Se repentir. Lenore se demandait comment une haute autorité quelconque avait pu avoir la grotesque chimère de demander à des êtres de se repentir de leur nature intrinsèque comme s’ils pouvaient en faire abstraction. Jamais, de son vivant, ils ne la verraient commettre une telle abomination. Dans de telles conditions, l’acte de transplanage, en plus d’être moins théâtral et moins noble que celui d’arriver en calèche, était donc risqué, mais elle considérait davantage risqué pour son bien être de se défaire du peu de libertés dont elle jouissait. Son esprit de contradiction avait été critiqué par ses deux parents lesquels, bien qu’en accord avec le principe, estimaient dangereux qu’elle ne camoufle davantage ses opinions dans des lieux publics. Malgré l’inquiétude de ceux-ci, elle avait néanmoins cru percevoir une rare étincelle de fierté dans les yeux de son père. C’est cette étincelle, sans doute, qui l’avait convaincu de laisser sa fille prendre ce risque inutile, moyennant que Marius l’accompagne jusqu’au-devant des appartements de Crestian – une femme, seule, quelle abomination ! – et moyennant la présence discrète d’un de leurs elfes de maison qui aurait pour mission de la « protéger » et ne devrait, quant à lui, pas la quitter d’un iota.
La jeune lady Greengrass n’était pas dupe : outre assurer sa protection, l’elfe Gasby évait également la délicate besogne de la chaperonner et de rapporter son entrevue avec Crestian à son maître. C’est pourquoi elle lui avait préalablement sommé de ne point s’avancer dans l’appartement de Crestian plus loin que dans l’entrée. Elle ne pouvait néanmoins s’empêcher de s’interroger sur la manière dont la petite créature gèrerait les deux ordres contradictoires qui lui avaient été donnés.
Pour l’heure, cependant, c’est accompagnée de son escorte que la sorcière se tenait devant la porte de l’antre de Crestian Longbottom. À même le bois, une petite main grisâtre tambourinait avec une retenue polie, marque de toute sa déférence.
Dernière édition par Lenore I. Greengrass le Jeu 15 Déc - 18:07, édité 1 fois
- Rendez-vous ce soir à la taverne (et incognito !)
Que vois-tu…?
Messages : 319Date d'inscription : 13/10/2015
Age : 35
Parchemin Magique
Classe:
Branche:
Spécialité(s): N/A
Re: Du subtil art d'être une famille par Ven 19 Aoû - 13:07
Crestian ne reconnaissait plus son logement dans l’endroit aseptisé qu’il avait récupéré depuis son retour : aucune fissure aux murs, pas la moindre tâche sur le sol, et une nouvelle couche de peinture qui supprimait tout le charme de l’endroit. Pour le jeune Auror qui avait précisément choisi l’appartement parce qu’il sentait que des gens y avaient vécu, c’était une nouvelle catastrophe qui venait se superposer à la première. Le meublé n’avait jamais exsudé un caractère particulier, son locataire n’y résidant pas assez souvent pour cela - trop occupé qu’il était par son travail -, mais l’héritier aimait le calme qui s’en dégageait et lui permettait de laisser ses soucis quotidiens à l’entrée. Or, juste au moment où ces derniers avaient augmenté de manière si exponentielle qu’il préférait encore ne pas en faire la liste – l’ordonnance royale, la soirée chez les Bower, la présentation catastrophique de Passiflore à sa famille, … – son sanctuaire lui était arraché brutalement et le fac-similé qu’on lui rendait n’était qu’une pâle copie sans âme.
Décidé à ne pas se laisser abattre par les circonstances – il était un Longbottom par la barbe de Merlin ! – il avait néanmoins tenté de remédier au désastre en changeant la disposition des meubles de manière à rendre l’endroit moins froid. Mais, après une matinée complète à faire voler ceux-ci dans toutes les directions, force était de constater qu’il ne réussirait pas à retrouver l’ambiance qu’il avait perdue. Il s’était donc résigné à reprendre l’organisation première des lieux bien qu’elle ne suffît pas à le satisfaire. Malheureusement, il n’avait plus le temps de continuer à se préoccuper de ces détails car son invitée serait bientôt là et les relations avec la partie Greengrass de la famille étaient déjà suffisamment tendues pour éviter d’accueillir Lenore dans un appartement sens dessus-dessous.
A vrai dire, il avait été surpris lorsque la jeune fille l’avait contactée pour lui proposer de se retrouver tous deux, loin des oreilles indiscrètes de leurs familles respectives pour discuter tranquillement. Car, si elle avait été un des rares soutiens que lui et Passiflore avaient rencontré chez les Greengrass lors de l’anniversaire de Maximilian, elle n’en avait pas pour autant caché sa surprise voire son incompréhension devant son choix d’épouse. Il ne s’attendait donc pas à ce qu’elle cherche activement à le revoir après une telle débâcle. Cependant, en y réfléchissant bien, l’attitude de sa cousine n’était pas si inhabituelle. L’ancienne Serdaigle avait toujours été d’un naturel curieux et n’aimait rien tant que découvrir les raisons profondes derrière les actions de ses proches. Sans compter qu’elle ne s’était jamais laissé dicter sa conduite par quiconque et le fait de lui rendre visite malgré son nouveau statut de quasi paria était probablement l’occasion parfaite de prouver à son père qu’il ne la contrôlait pas autant qu’il l’aurait désiré.
L’esquisse d’un sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme en se remémorant les diverses aventures que lui et sa jeune cousine avaient pu connaître dans leur enfance. Ils avaient beau avoir cinq ans de différence, le caractère aventureux de Lenore les avaient tout de suite rapprochés. Là, où il n’avait jamais eu d’affinités particulières avec Marius qui était pourtant plus proche de son âge, Lenore et lui avaient immédiatement accroché. Tandis que Crestia restait enfermée à lire des grimoires bien trop avancés pour son âge, parfois rejointe en cela par Marius, Crestian et Lenore partaient à la découverte des secrets des manoirs Longbottom et Greengrass. Non pas que leurs frère et sœur respectifs ne les rejoignaient jamais dans leurs aventures mais ils étaient moins prompts à l’appel de l’inconnu.
Le son du heurtoir le tira de ses rêveries éveillées et, après avoir rangé quelques dossiers qui traînaient parterre d’un coup de baguette, il se dirigea vers la porte qu’il ouvrit sur les deux aînés Greengrass ainsi qu’un elfe de maison. La présence de Marius ne le surprit pas outre mesure, sachant pertinemment que jamais Marcus ne laisserait la prunelle de ses yeux se déplacer seule, encore moins par les temps qui courraient. Il sera donc la main donc de son cousin après avoir baisé celle de sa cousine et leur fit signe d’entrer.
-Marius, Lenore, c’est un plaisir de vous voir tous les deux. Marius, resterez-vous avec nous le temps d’une tasse de thé ?
-Non merci, c’est gentil mais j’ai d’autres engagements. Lenore, je passerai te chercher dans trois heures.
Et, après avoir déposé un léger baiser sur la joue de sa sœur, il quitta les lieux. Crestian se tourna donc vers sa cousine et lui indiqua un des divans pour qu’elle y prenne place. Il constata non sans agacement que l’elfe de maison ne repartait pas avec Marius – son oncle lui faisait-il si peu confiance ? – et pour éviter de laisser son irritation prendre le dessus, il reconcentra son attention sur Lenore.
-Je peux te proposer du thé vert, du thé au jasmin, une infusion à la camomille, à moins bien sûr que tu ne préfères quelque chose de plus fort ?
Le tutoiement était revenu naturellement désormais qu’ils étaient seuls. Il avait beau avoir vouvoyé Marius quelques secondes auparavant seulement, il n’avait jamais réellement été capable de s’adresser autrement à Lenore lorsqu’ils n’avaient pas de compagnie. Leur complicité n’était certes plus ce qu’elle avait été il fut un temps mais cela ne signifiait pas pour autant qu’il allait en revenir à des conventions sociales sans aucun sens.
Auror
Que vois-tu…?
Messages : 732Date d'inscription : 08/07/2013
Age : 33
Habitat : Appartement à Londres
Parchemin Magique
Classe: Sorcier Spécialiste
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): Métamorphose
Re: Du subtil art d'être une famille par Sam 20 Aoû - 17:59
Tout à sa bonne humeur qu’elle ne voulait quitter, elle sourit naturellement lorsque le sorcier se baissa sur sa main pour la saluer avant de le saluer en retour, et même encore lorsque Marius refusa la tasse de thé qui lui était proposée. Si elle savait que son frère ne se serait pas plu à rester en leur compagnie en ce moment et en ces circonstances, elle savait pareillement que ses paroles n’étaient en rien une excuse, bien qu’il ne l’avait pas informée de la teneur de ses propres occupations.
Ses traits se figèrent néanmoins lorsque son aîné marqua son intention de venir la rechercher endéans les trois heures, puisqu’il avait en effet été convenu qu’elle le recontacterait en temps voulu. Cette simple remarque, à laquelle elle se retint de justesse de réagir, lui donnait le sentiment que, d’une quelconque façon, Marius cherchait à lui montrer que lui aussi avait autorité sur elle, chose qu’il n’aurait probablement pas faite si cela n’avait été en présence Crestian. Il lui rappelait ainsi qu’elle ne se trouvait là qu’en raison de la clémence familiale et lui rappelait par là même de s’en tenir à ce qui avait été convenu. Une injonction discrète, masquée dans la douceur d’un baiser affectueux. C’était finement joué, mais non moins palpable ni pour autant apprécié.
Cependant que son frère s’en allait, Gasby la débarrassa de sa cape et alla se poster près de la porte d’entrée, oreilles dressées, pendant que Crestian l’invitait à s’installer et lui laissait le choix entre différentes boissons. Jetant un regard circulaire sur l’appartement de Crestian récemment rénové, Lenore s’avança dans celui-ci d’un pas à la fois assuré et calme et entreprit d’ôter ses gants pour se mettre plus à l’aise.
- Non merci, il est encore tôt. Je ne voudrais pas prendre les mauvaises habitudes de notre grand-père.
Complice alors même qu’ils n’avaient plus passé de temps seul à seule depuis de nombreux mois, elle offrit un furtif clin d’œil à son cousin et déposa ses gants sur le guéridon le plus proche.
- Un thé vert sera parfait, merci.
Elle contourna ensuite celui-ci et prit place dans le fauteuil désigné par le jeune homme en attendant que celui-ci mette l’eau à bouillir et revienne avec le thé. Elle hésita un instant à lui proposer l’aide de Gasby – quitte à ce qu’il les observe, autant qu’il serve – mais elle savait que Crestian nourrissait une certaine fierté de son émancipation, raison pour laquelle elle se retint. Elle s’accorda, pendant ce temps de sursis où son cousin s’affairait en cuisine, le loisir de détailler la décoration. Mis à neuf, l’appartement de Crestian semblait ne plus être le sien. Elle n’avait mis les pieds que quelques rares fois dans l’ancienne version de son antre mais, sans trop savoir dire pourquoi alors que les meubles se trouvaient tous scrupuleusement à la même place qu’ils l’étaient auparavant, elle avait le sentiment que celle-là lui appartenait un peu plus que celle-ci. Sur son bureau un portrait des cinq Longbottom faisait toujours la discussion à ses nombreux dossiers, et au-dessus de l’âtre trônait en effet toujours fièrement les armoiries de sa famille. Mais quelque chose, elle ne savait quoi, manquait au tableau. Et pour bien connaître la personnalité de l’auror, elle était persuadée qu’en ces lieux, il se sentait désormais un rien dépossédé de lui-même.
Toute perdue qu’elle était dans l’observation des menus détails du salon, elle sursauta quand Crestian revint lui offrir une tasse d’un thé fumant dont elle s’empara avec précaution – sa nature un tantinet maladroite lui avait valu parfois quelques mauvaises surprises.
Le jeune Longbottom avait quant à lui pris place face en face d’elle mais, plutôt que de lui porter de l’attention, il considérait dubitativement la petite créature qui baissait le regard en se sentant ainsi jaugée. Lenore, qui ne manquait rien de la scène, poussa alors un léger soupir et pivota sur elle-même :
- Gasby ?
L’elfe eu un frisson et s’avança d’un pas un triturant nerveusement ses doigts, et Lenore se demanda soudain quelle peur elle pouvait bien inspirer à la créature, elle qui avait toujours été si douce à l’égard de celle-là et de ses congénères. Malgré cela, elle répéta son nom d’un ton à la fois plus ferme et plus dur, et le petit être consentit enfin à lever ses grands yeux globuleux dans sa direction. Certaine de préférer affronter les fureurs de son père que de se sentir épiée tout au long de sa conversation, Lenore fit glisser alors ses pupilles jusqu’à la cuisine et l’elfe, comprenant cet ordre silencieux, se crispa. D’une petite voix retenue, il osa cependant prendre la parole :
- C’est que le maître a ordonné que Gasby…
Pour seule réponse, Lenore pencha davantage la tête en direction de la pièce que venait de quitter Crestian et l’elfe alla se réfugier dans celle-ci avant d’en fermer la porte. La jeune lady savait qu’il n’était pas très convenable de s’autoriser ou d’autoriser ses serviteurs à se déplacer chez autrui sans y avoir été invité, mais elle savait que Crestian préfèrerait lui aussi la tranquillité et ne s’en formaliserait pas. Et tous deux, après tout, étaient bien au-delà de nombre de conventions lorsqu’ils se retrouvaient en tête à tête. C’est ainsi que, pour couronner cette petite scène, Lenore leva sa baguette et insonorisa le salon. L’elfe, bien sûr, était apte à passer au-delà d’un sort aussi basique que celui-là, mais elle était persuadée qu’il n’oserait outrepasser son ordre au profit d’un ordre qui lui avait été donné la veille par un lord actuellement absent. Elle devrait toutefois s’assurer, à leur retour, que son père ne tourmente le serviteur à outrance, car elle pensait que, de cela, nombre de sorciers auraient été mieux avisés de s’abstenir.
Ceci étant fait, elle rangea sa baguette et focalisa à nouveau son attention sur son parent.
- Je sais à quoi tu penses, mais tu as tort : ce n’est pas à toi qu’il ne fait pas confiance. Toi, tu as déjà tout montré et il présume déjà savoir qui tu es. Non, c’est à moi qu’il ne se fie pas. Je ne suis pas aussi bien dressée qu’il l’aurait souhaité, probablement.
Déridée par ce dernier constat, elle leva les yeux au ciel et étouffa un léger rire dans une gorgée de thé.
- Quoi qu’il en soit, nous pourrons désormais parler librement.
Elle posa enfin sa tasse à côté de ses gants et dévisagea Crestian d’un œil à la fois chaleureux et vif, comme pour mieux sonder ses pensées. Elle eut finalement, envers lui, un élan fraternel sincère :
- Comment vas-tu ? Je me fais du souci pour toi.
La question était simple mais Ô combien spontanée et, sous ses apparences banales, elle traduisait une réelle inquiétude. Elle imaginait sans peine que Crestian la soupçonnerait d’évoquer ainsi sa nouvelle conquête. Ce n’était pas le cas, ou seulement vaguement. À ce sujet, la façon dont s’était déroulé l’anniversaire de Maximilien, leur grand-père, était davantage source de préoccupations. De même, elle avait connaissance des désagréments qui avaient été liés à son appartement. Mais bien au-delà de ça, elle savait qu’il avait été présent au procès duquel avait découlé cette abomination d’ordonnance royale et qu’il cultivait probablement, à l’issue de celui-ci, une forme de colère. De même, sa profession le mettait au devant de toutes les conséquences directes du procès ; et il ne faisait aucun doute que les individus les plus zélés, s’ils ne s’étaient pas déjà insurgés, étaient en passe de le faire. Dans ces conditions, il était évident que quantité de travail s’accumulait au bureau des aurors et que leur sécurité était moins assurée que de coutume.
- Rendez-vous ce soir à la taverne (et incognito !)
Que vois-tu…?
Messages : 319Date d'inscription : 13/10/2015
Age : 35
Parchemin Magique
Classe:
Branche:
Spécialité(s): N/A
Re: Du subtil art d'être une famille par Mar 23 Aoû - 23:14
Néanmoins, pour le moment, bien moins que les goûts de son grand-père en matière d’alcools, c’était le manque évident de confiance de son oncle qui dérangeait Crestian. En effet, lorsqu’il revint avec deux tasses de thé fumantes, il ne manqua pas la présence silencieuse mais pourtant ô combien parlante du petit elfe servant de chaperon à Lenore. Bien entendu, il n’avait pas imaginé une seconde que l’être disparaîtrait le temps qu’il prépare le thé mais une partie irrationnelle de son esprit s’était attendu à ce qu’il se rende au minimum invisible. Mais non, il semblait bien que le petit serviteur eût pour ordre de superviser l’échange de manière aussi évidente que possible.
Heureusement Lenore prit bien vite les choses en main et lui intima de quitter les lieux. Un début de rébellion sembla sur le point de se déclencher mais un regard appuyé suffit à faire flancher Gasby. La jeune Greengrass entreprit ensuite d’expliquer à son cousin qu’il n’était pas présent pour garder un œil sur lui mais sur elle. Les arguments qu’elle présenta firent réfléchir l’Auror qui réalisa, une fois de plus, la chance qu’il avait d’être né de sexe masculin. La liberté accordée aux femmes était parfois si limitée qu’il ne savait comment les dames de caractère qu’il était habitué à côtoyer supportait un tel carcan.
-Comment vas-tu ? Je me fais du souci pour toi.
La question le prit par surprise. Il était habitué à se faire du souci pour ses proches, pas tellement à ce que la réciproque soit vraie. Il savait que sa mère s’inquiétait en permanence pour lui et son père mais c’était un de ces faits qu’on acceptait comme une réalité immuable et avec laquelle on apprenait à vivre. A l’exception de Brianna, il n’avait jamais eu l’occasion d’être suffisamment proche de grand monde pour que ceux-ci puissent se préoccuper de son bien-être. Ou plutôt non, il n’avait simplement jamais réalisé à quel point les gens autour de lui pouvaient se soucier de lui. Crestia, à sa façon, s’assurait de garder constamment un œil sur lui. Benedict exigeait en permanence un rapport détaillé de chacune de ses missions, pour aussi bénignes qu’elles eussent été. Quant à Passiflore, elle vérifiait toujours discrètement son état de santé lorsqu’ils se voyaient. Cela faisait néanmoins partie intégrante de son quotidien et il n’avait par conséquent jamais vraiment fait attention à ces petites attentions de tous les jours. Face à l’inquiétude palpable de Lenore, il prit cependant conscience de son manque de considération pour ses proches et se promit de changer son attitude à partir de cet instant. Et il allait commencer en étant honnête avec sa petite cousine.
-Très franchement, j’ai connu de meilleurs jours. Entre les sorciers rêvant d’en découdre avec les sbires royaux et les appels de citoyens inquiets par ce qu’ils prennent pour des membres de l’Inquisition en patrouille près de chez eux, le Bureau est submergé sous les demandes. Plus personne ne sait vraiment où donner de la tête. Et ce d’autant plus depuis que Père a assumé officieusement la suite de Bartholomew Prewett. Harold Flint fait de son mieux pour assumer son nouveau rôle de Directeur temporaire du Bureau mais, pour sa défense, je doute que même Père serait capable de faire front à la vague incessante d’affaires en cours. Bien évidemment le fait qu’il nous soit officiellement interdit de pratiquer la magie dans l’exercice de nos fonctions n’arrange rien.
Retenant un soupir las, il se passa la main dans les cheveux dans un geste plus nerveux que pratique étant donné son absence de frange.
-Jusqu’ici les hommes du roi n’ont pas eu le courage d’empêcher ouvertement notre travail mais notre autorité n’est plus reconnue dans les milieux mixtes et il devient de plus en plus difficile d’agir sans rencontrer d’obstacles sur notre route. Pas plus tard que la semaine dernière, deux collègues ont perdu la trace d’un revendeur de potions mortelles car un groupe d’Inquisiteurs a remarqué leurs baguettes et ils leur ont intimé l’ordre de renier leur magie sous peine d’être arrêtés. Le temps de se défaire des gêneurs, le suspect s’était échappé depuis longtemps. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Comment veut-on qu’on fasse correctement notre travail quand le simple fait de tenir sa baguette à la main est passible d’emprisonnement ?
Son débit ainsi que son pouls s’étaient accélérés sur la fin et il fit un effort sur lui-même pour se calmer. Il prit donc une grande inspiration, humant les senteurs apaisantes de son thé, avant d’en boire une gorgée bien chaude qui finit de détendre ses muscles involontairement crispés.
Dernière édition par Crestian Longbottom le Dim 25 Sep - 16:35, édité 2 fois
Auror
Que vois-tu…?
Messages : 732Date d'inscription : 08/07/2013
Age : 33
Habitat : Appartement à Londres
Parchemin Magique
Classe: Sorcier Spécialiste
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): Métamorphose
Re: Du subtil art d'être une famille par Sam 24 Sep - 22:40
Visiblement surpris par l’inquiétude de la fille Greengrass, il y répondit néanmoins longuement, sa respiration s’accélérant à mesure qu’il revenait sur les conséquences qui avaient récemment découlé de l’ordonnance royale interdisant l’usage de la magie. Lenore, qui connaissait son cousin plutôt taciturne, fut surprise par un tel débit et une telle loquacité, mais elle ne le souleva pas, préférant laisser à Crestian tout le loisir de s’exprimer librement.
Lorsqu’il eut enfin terminé son discours, les joues légèrement rosies et la gorge sèche, elle goûta sa boisson sans le quitter des yeux, la tête légèrement penchée vers la droite, un sourire réconfortant sur les lèvres.
- Nous savions qu’un tel jour arriverait, n’est-ce pas ?
Incroyablement flegmatique, elle marqua une brève pause, comme pour peser la valeur de ses mots à venir.
- En ce qui me concerne, je n’en n’ai malheureusement jamais douté. Cela fait des mois – oserais-je dire des années ? – que les signes précurseurs d’une telle décision s’accumulent : le spectateur même le moins aguerri savait que Jacques Stuart n’a jamais eu l’intention de maintenir une paix relative entre nos deux communautés, mais nous réagissons pourtant aujourd’hui comme si nous étions surpris. C’est édifiant.
Une césure ponctuée d’un léger soupir interrompit sa tirade, césure durant laquelle elle examina un peu plus intensément le jeune homme dont le rythme cardiaque ne s’apaisait qu’insensiblement et dont les mains ne retenaient que péniblement leur nervosité.
En cet instant, elle songea à lord Longbottom, son oncle et le père de Crestian, dont elle savait qu’il endossait déjà, bien qu’officieusement, des fonctions de gouvernances désormais tout autres que celles d’un simple auror, quand bien même il avait jusqu’alors été chef de son bureau. Elle n’avait pas été particulièrement surprise d’apprendre sa montée en grade : son parent était un homme de poigne et de caractère respecté – et objectif, qui plus est – et beaucoup devaient se réjouir que cette succession officieuse n’ait pas échu à un autre. Elle rassembla ensuite ses souvenirs concernant Harold Flint qu’elle avait déjà eu l’occasion de brièvement croiser chez les Longbottom alors qu’elle leur rendait une visite de courtoisie. Cet homme, second de son oncle, lui avait semblé être de carrure stable. Traître à son sang, de ce qu’elle en savait, mais cohérent avec la représentation qu’elle s’était forgée des aurors. En tant que second avéré de son oncle, elle ne doutait pas qu’il soit à la hauteur de son rôle. Les circonstances, cependant, ne rendaient pas sa tâche aisée et tout bon auror qu’il était, son cousin, comme d’ailleurs les autres membres du bureau et, plus largement, tous les sorciers des îles britanniques, en subissait les conséquences.
À nouveau, et contre toute attente, les lèvres de Lenore s’étirèrent dans un sourire alors qu’elle observait Crestian. Celui-ci n’avait jamais eu d’ambitions démesurées pour lui-même. Bon nombre de jeunes hommes au futur prometteur auraient cherché à tirer profit de conjectures défavorables pour se hisser à de plus importantes responsabilités. Crestian, au contraire, se préoccupait davantage de la qualité de son travail que, pour des raisons évidentes, il n’était plus en mesure d’assumer correctement. Soucieux de bien faire, il s’appliquait, comme il l’avait toujours fait, du mieux qu’il pouvait dans une neutralité que Lenore, plus réaliste, trouvait presque attendrissante. Cette volonté et cette disposition d’âme, la jeune femme les avait toujours appréciées. Aussi, quand il étouffa ses tensions dans une nouvelle lampée de thé, elle eut subitement envie de le rassurer comme une mère son enfant et elle décida de revenir sur les conditions rigides qui paralysaient son activité. En dépit des consignes qui lui avaient été données, elle reprit ainsi son propos d’une voix calme et apaisante. Les fiançailles de son vis-à-vis avec une semi-vélane, pour aussi malvenues qu’elles soient, étaient, en cet instant, le cadet de ses soucis.
- Ça n’en n’est bien sûr pas moins regrettable. Tout un chacun sait les risques que vous encourrez. Vous enjoindre de vous priver de votre outil de travail est à l’image de la coiffe de cet inepte souverain : d’une innommable et incompréhensible absurdité. J’avoue malheureusement me sentir bien désarmée : quand bien même je voudrais trouver les mots qui allègeraient un tant soit peu tes épaules, je suppose qu’à force de trop rester cloîtrée dans mon univers restreint, j’en serais bien incapable. Je ne peux que constater et m’indigner. C’est d’une utilité !
Elle prit a son tour une gorgée de thé, soudainement désemparée face au constat de son inanité.
- Je ne crois pas te l’avoir déjà dit, mais tu as toute mon admiration, Crestian, pour ne point te complaire dans le confort qui t’est si facilement accessible et oser agir concrètement.
Tout en plongeant finalement ses yeux dans ceux profonds de son cousin, elle se demanda comment un tel chaos serait géré à l’avenir. S’il était indubitable que la majorité des sorciers n’obtempèreraient pas sans mot dire, il semblait bien plus inévitable encore que les aurors, bien en mal d’agir sans leur arme de prédilection, trouvent rapidement une parade à cette royale ineptie. Ce pensant, l’image saugrenue de Crestian coursant l’épée à la main un quelconque scélérat de haut vol encombra succintement son esprit et illumina ses pupilles d’une lueur franche et déridée. Aussi posa-t-elle enfin cette question qu’elle savait être aussi facile que naïve :
- Je n’ignore pas que cette… contrariété est partie prenante de votre quotidien. Alors d’avance, pardonne-moi si je parais ingénue, mais comme je soupçonne que vous n’avez pas l’intention de vous priver de vos baguettes et comme votre profession me semble assez risquée sans devoir craindre être emprisonné pour avoir voulu la pratiquer correctement, j’ose néanmoins me demander : comment envisagez-vous de gérer concrètement cette folie à l’avenir ? Et toi plus encore, que comptes-tu faire ?
Ce disant, Lenore s’était redressée sur son siège, rapprochant inconsciemment son buste de celui du jeune homme. Les mains crispées sur tasse encore brûlante, elle s’imagina soudain mille situations où, privé de sa magie, celui-ci se retrouvait impliqué dans maint danger de nature inédite ou, pire, détenu dans un cachot pour avoir voulu venir en aide à autrui. Cette vision, toute fictive qu’elle était, lui noua l’estomac tant et si bien qu’elle en eut soudainement un sentiment de nausée, sentiment qu’elle contint toutefois dans une moue roidie.
- Rendez-vous ce soir à la taverne (et incognito !)
Que vois-tu…?
Messages : 319Date d'inscription : 13/10/2015
Age : 35
Parchemin Magique
Classe:
Branche:
Spécialité(s): N/A
Re: Du subtil art d'être une famille par Dim 9 Oct - 18:17
-Je ne peux pas t’expliquer précisément ce que nous avons prévu pour des raisons évidentes mais sache que des mesures d’urgence ont été prises. Des membres du Département de Recherche Magique du Bureau travaillent depuis longtemps sur une variante du sort de Détournement d’attention qui n’affecterait que les moldus. Il suffirait alors d’en recouvrir nos tenues et nous pourrions opérer en paix.
A vrai dire, l’idée de créer un sortilège capable de viser spécifiquement une partie de la population le mettait mal à l’aise car Circée savait qu’entre de mauvaises mains, il pourrait faire des ravages. Néanmoins, à situation désespérée, solutions critiques. En effet, l’usage trop fréquent du sort de Désillusion le rendait moins efficace, ce qui empêchait de l’utiliser au quotidien. Quant au sort de Détournement d’attention simple, il était tout bonnement inutile puisqu’il empêchait même les suspects et les témoins de fixer leur attention sur les Aurors.
Pour l’instant, le sortilège Repousse-Moldu comme ses créateurs l’avaient dénommé n’en était qu’à la phase de conception mais, au vu de la situation politique, ils promettaient de le mener jusqu’à celle de test au plus vite. Un instant Crestian se demanda s’il avait bien fait de mettre la fille de Marcus Greengrass, fervent admirateur des Blacks, au courant de cette avancée mais il repoussa bien vite cette pensée. Il avait toute confiance en Lenore, jamais elle ne trahirait sa confiance pour des considérations politiques qui ne la concernaient que de loin. Par ailleurs, si pour l’instant la nouvelle n’avait été annoncée qu’à un petit groupe de personnes au sein du Bureau (les Aurors - parmi lesquels se trouvaient Crestian - choisis pour tester le sortilège dès sa finalisation), il savait pertinemment que, dès que le sort serait distribué largement aux membres du Bureau, il ne resterait pas secret longtemps. Surtout que les Gaunt avaient suffisamment de supporters chez les Aurors pour apprendre ce dont ils avaient besoin. Enfin, il serait bien temps de se préoccuper de ce problème le moment venu. Pour l’instant, il y avait bien assez à faire avec le présent avant de craindre de possibles futurs.
-L’un dans l’autre, il semblerait que les seules options que nous laissent Stuart et l’Inquisition soit la guerre ou la dissimulation. A vrai dire, aucune ne me plaît – de quel droit nous obligent-ils à nous replier sur un monde étriqué ? – mais la seconde est la seule qui ne causera pas la mort de centaines d’innocents. Notre peuple n’est pas assez puissant pour supporter un conflit ouvert avec la couronne, pour autant qu’oncle Marcus et ses alliés le pensent. Combien devraient mourir avant qu’un des deux camps accepte sa défaite ? Sans compter que je serais bien incapable de prédire un vainqueur. Nous avons la magie mais ils ont les armes à feu et un réel avantage numérique.
Auror
Que vois-tu…?
Messages : 732Date d'inscription : 08/07/2013
Age : 33
Habitat : Appartement à Londres
Parchemin Magique
Classe: Sorcier Spécialiste
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): Métamorphose
Re: Du subtil art d'être une famille par Lun 17 Oct - 23:10
L’auror ne semblait toutefois pas rassuré. Connaissant sa nature débonnaire, sa cousine se doutait qu’il craignait les possibles dérives liées à l’utilisation d’un sortilège de détournement d’attention quand, pour sa part, elle en percevait surtout les avantages. Car s’il était vrai, qu’à mauvais escient, un tel enchantement pouvait s’avérer aussi dévastateur que bénéfique, il en allait de même pour toutes les formes de magies. La menace potentielle n’était donc pas tant liée au charme en lui-même qu’à ceux qui le manipulaient. C’est pourquoi, Lenore voyait en la perspective une indéniable bonne nouvelle. Elle permettrait aux aurors d’exécuter leurs missions en toute quiétude en donnant peut-être même aux moldus le sentiment qu’ils se plient à leurs exigences. L’idée que des sorciers puissent jamais baisser la tête et faire profil bas devant des êtres dépourvus de pouvoirs lui était, certes, nettement déplaisante, mais que cela préserve un tant soit peu les leurs suffisait à rendre celle-ci acceptable. Il s’agirait donc désormais de voir si les résultats obtenus rejoindraient ceux escomptés.
Quelle que soit l’issue de tout ceci, Lenore se sentait flattée par la confiance que le jeune homme plaçait en elle en lui dévoilant de tels secrets, et elle avala difficilement une gorgée de sa boisson en songeant à quel point il serait déçu en apprenant la vile besogne qui lui avait été confiée. L’espace d’une seconde, elle envisagea d’ailleurs d’en venir directement au fait, mais Crestian reprit sa réplique là où il l’avait laissée et confirma ce qu’elle avait présupposé : le stratagème qui était sur le point d’être mie en place lui déplaisait. Il n’en restait néanmoins pas moins celui qui offrait les meilleures promesses d’accalmie, pour peu que l’on considère que la conjoncture actuelle n’était déjà pas l’antichambre d’une guerre en bonne préparation et que tous n’aient point déjà placé leurs pions sur l’échiquier des îles britanniques.
Cette pensée lui rappela les parties d’échec qu’elle avait souvent menées avec Maxwell. Elle se remémora les déplacements calculés des pions, lesquels s’avançaient sournoisement pour ne laisser derrière eux que quelques poussières grises, témoins de l’ancienne magnificence de leurs adversaires. Certaines parties l’avaient d’avance perdue : aculés, ses pions s’étaient retrouvés en nombre si réduits qu’il en était presque devenu ridicule d’insister et pourtant, un simple coup bien placé avait retourné la situation au point de faire des désignés perdants les vainqueurs effectifs de la partie. Le nombre n’était, en définitive, qu’une donnée parmi d’autres.
En cas de guerre ouverte, Lenore supposait davantage les sorciers capables de l’emporter que ne le faisait Crestian. Certes, les moldus leur étaient supérieurs en nombre et, certes, ils avaient inventé la poudre noire, mais si vraiment d’aucuns pensaient encore qu’elle prévalait sur leurs sortilèges les plus virulents ou les plus… explosifs, rien n’interdisait aux sorciers d’apprendre à s’en servir. Nul doute, de surcroît, qu’une fois magiquement détourné, elles seraient amplement supérieure aux armes moldues. L’avantage numérique, comme aux échecs, n’était quant à lui qu’un infime paramètre de l’équation à l’heure où les plus grandes excentricités – arbres mouvants, statues offensives, imperios de masse, pluies torrentielles, et bien d’autres encore – étaient concevables. Si Moïse, seul sorcier face à d’innombrables moldus, était parvenu à faire croire aux Égyptiens qu’un dieu lui avait ordonné de délivrer ses frères de l’esclavage et, comble de joie, les en avait effectivement extraits après avoir répandu sur les champs et les habitations du Nil les pires catastrophes, elle ne doutait pas qu’un peuple entier de sorciers parviendrait à s’affranchir de l’oppression de la couronne. Du sang, il y en aurait, et la bataille ne serait pas aisée mais, à l’image de son père, Lenore croyait sincèrement en leurs chances de victoire. Contrairement à lui, elle estimait par contre que tout devait être fait pour éviter d’en arriver à de telles extrémités. Mais au rythme où s’envenimaient les choses, elle se demandait bien combien de temps la lutte pourrait être repoussée. Ce fut du reste ce questionnement qui franchit spontanément la barrière jusqu’alors close de ses lèvres :
« Tu crois encore sincèrement qu’un conflit peut être évité ?»
Ce disant, elle leva les yeux vers son cousin et le dévisagea, un demi-sourire sur les lèvres.
« Entendons-nous bien. Je ne partage pas toujours l’avis de père et je ne pense pas plus qu’auparavant que la guerre soit, dans l’absolu, une bataille louable. Mais nous en sommes arrivés à de tels extrêmes que j’en viens à me demander ce qui est vraiment bon. Je doute que nous puissions un jour faire volte-face et nous comporter comme si tout cela n’avait jamais eu lieu – pour autant, au demeurant, qu’une telle volonté émane jamais de l’une des deux parties. Parfois, quand l’infection est trop prononcée, la seule solution saluvre est de crever l’abcès pour la laisser s’écouler et faire place neuve à une chair saine. J’ai parfois le sentiment qu’à trop retarder l’intervention, nous ne faisons que repousser celle-ci dans des confins qui la rendront hautement plus pénible. »
Sans cesser de détailler Crestian, elle haussa les épaules et soupira pour atténuer une moue désolée. Les options que leur laissait Stuart, outre l’acceptation et l’obéissance, ne lui apparaissaient pas aussi dichotomiques qu’il ne les présentaient car, à moins d’avoir massivement recours au sortilège d’amnésie – qu’un monarque qui s’octroyait le droit divin accepte de libérer de son joug une partie de ses sujets était de l’ordre des divagations – les moldus ne s’arrêteraient probablement pas en si bon chemin. Or, se faire totalement oublier de ceux-ci serait une entreprise titanesque que, pour des considérations déontologiques, beaucoup de bien-pensants refuseraient de tenter. Dans ces conditions, il lui apparaissait que guerre et dissimulation iraient cruellement de pair.
« Cette avancée est de très bonne augure, et si elle vous permet ne serait-ce que de travailler plus sereinement et plus efficacement, elle est déjà une occasion de se réjouir. Mais je crains malheureusement que ce ne soit pas suffisant… »
Pour masquer les réflexions dans lesquelles elle s’enfonçait un peu plus, elle se leva, contourna son siège et s’empara de la théière en murmurant un « si tu le permets » avant de se servir elle-même une deuxième tasse de thé, geste qu’elle n’avait que rarement l’opportunité d’effectuer par ses propres moyens. Elle et Crestian étaient suffisamment proches que pour ne pas s’encombrer d’un surplus de manières et de conventions et l’elfe était très bien à végéter en cuisine. Sa tasse à nouveau pleine, elle se retourna en direction de son parent et, sans se rassoir, opta pour une conclusion simpliste, consciente que tous deux pourraient débattre des heures entières sur le problème sans jamais vraiment entrevoir de dénouement valable ni jamais être entièrement d’accord ni sur le fond ni sur la forme.
« Enfin, je suppose que tout cela ne me concerne pas », sourit-elle aimablement en gratifiant son vis-à-vis d’un clin d’œil qui, sans rien en dire, signifiait qu’elle n’en pensait pas le moindre mot.
Si conflit il devait y avoir, elle serait bien en peine de garder son avis pour elle-même, quand bien même il ne serait pas entendu. La guerre n’était-elle pas, après tout, et même à des degrés d’implication variables, l’affaire de tous ? Il semblait en tous cas bien difficile à la fille Greengrass de ne point se montrer tourmentée par les litiges d’États quand ils se donnaient des allures de croisades divines.
Dernière édition par Lenore I. Greengrass le Lun 7 Nov - 17:23, édité 1 fois
- Rendez-vous ce soir à la taverne (et incognito !)
Que vois-tu…?
Messages : 319Date d'inscription : 13/10/2015
Age : 35
Parchemin Magique
Classe:
Branche:
Spécialité(s): N/A
Re: Du subtil art d'être une famille par Dim 23 Oct - 16:05
Pourtant, jour après jour, ses illusions s’effritaient au contact de la dure réalité. Et l’espace d’un instant, il s’autorisa à trouver une certaine logique dans les propos de sa cousine. Avant de les réfuter aussitôt, fût-ce dans l’intimité de ses pensées. S’il paraissait facile d’utiliser la métaphore médicale de l’abcès sur le point d’exploser, il était tout de suite moins simple d’envisager la suite. Car, une fois que la plaie se mettait à suppurer, encore fallait-il posséder le pansement nécessaire pour la protéger le temps qu’elle cicatrise. Et quelle était dans le cas présent ledit pansement ? Il avait beau imaginer sans difficulté la bataille, ses suites étaient bien plus floues. Car le pouvoir montait vite à la tête des gagnants et, comme le disait si bien Lenore, il était souvent impossible de revenir en arrière une fois une action de cette envergure entamée. Le danger était alors celui d’arriver à une nouvelle tyrannie, inversée par rapport à la présente. C’était après tout ce que désiraient la plupart des extrémistes Sang-Purs : un monde dominé par des sorciers à l’ascendance irréprochable qui n’hésiteraient pas à remettre à leur place tout personne considérée comme inférieure. Or, une fois débarrassés du vernis de bonnes manières impliqué par une cohabitation forcée avec un pouvoir moldu, qu’est-ce qui les retiendrait de passer des simples dénigrements verbaux aux attaques physiques ?
Si ses cours d’Histoire de la Magie lui avaient appris une chose c’était qu’attaquer avec le prétexte d’avoir été provoqué était l’excuse la plus vieille au monde. Et, s’il était impensable de se laisser maltraiter sous prétexte de ne jamais s’abaisser au niveau de son adversaire – il laissait ce genre d’inepties aux chrétiens avec leur manie de « tendre la deuxième joue » –, savoir doser sa réponse était une tâche certes difficile mais essentielle. Car si, sous prétexte de légitime défense, vous finissiez par écraser votre adversaire, cela ne vous avançait à rien. Pire, cela faisait de vous le « méchant » de l’histoire. Or, Crestian n’était pas prêt à passer de la tyrannie du Stuart à celle des Gaunt.
Lenore choisit néanmoins de ne pas poursuivre la discussion sur ce sujet, prétextant une fausse modestie qui lui seyait bien peu et tira un sourire amusé à son cousin. La cadette des Greengrass était en effet tout sauf prompte à taire ses opinions. Elle avait simplement la bonne éducation et l’intelligence de savoir lorsque celles-ci avaient la moindre chance d’être écoutées. Et, en l’occurrence, elle avait décidé que l’occasion n’était pas la plus propice à un débat productif. Un observateur peu aguerri aurait d’ailleurs pu considérer qu’elle cherchait ainsi à éviter de s’embrouiller avec son cousin puisqu’il était peu probable qu’ils arrivent à une solution les satisfaisant tous deux. Un compromis peut-être mais c’était là leur maximum puisque, pour tout l’amour qu’ils pouvaient se porter, leur éducation et leur façon d’envisager le monde faisaient d’eux des êtres aux avis très distincts. Ce qui ne les avait cependant jamais empêchés de débattre allègrement par le passé. Le jeune Auror se demanda donc s’il y avait une autre raison derrière le silence de Lenore.
Ayant cependant suffisamment de savoir-vivre pour ne pas mettre sa cadette dans l’embarras en pointant du doigt son attitude inhabituelle, il se contenta de s’enquérir à son tour de son état, sachant parfaitement qu’un silence bien dosé était parfois plus puissant que le meilleur des Véritasérum au moment d’obtenir des aveux. Un esprit chargé de secrets était bien lourd à porter et savoir offrir à quelqu’un la possibilité de se décharger dans une oreille attentive et une bouche bien scellée – deux qualificatifs qu’il pensait représenter honorablement – pouvait porter ses fruits. En d’autres termes, plutôt que de forcer les confidences, il s’agissait de laisser à l’autre le choix de parler quand il le désirait. Par ailleurs si Lenore choisissait de faire preuve de sa discrétion habituelle, il avait confiance en ses capacités à lire entre les lignes pour tenter de deviner ce qui dérangeait la jeune fille. Il n’était pas formé aux techniques d’interrogation pour rien et avait appris à lire dans chaque geste et chaque intonation bien plus que ce que ses vis-à-vis ne désiraient lui apprendre. Or, s’il n’utilisait jamais ses talents à mauvais escient – autrement dit s’il ne se permettait pas d’en faire usage en dehors de son travail – s’il considérait que la situation le requérait, à savoir qu’un de ses proches n’osait lui faire part d’un problème grave, il n’hésitait pas à y recourir.
-Et, alors, qu’est-ce qui te concerne en ce moment ?
Auror
Que vois-tu…?
Messages : 732Date d'inscription : 08/07/2013
Age : 33
Habitat : Appartement à Londres
Parchemin Magique
Classe: Sorcier Spécialiste
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): Métamorphose
Re: Du subtil art d'être une famille par Mar 8 Nov - 15:14
Un soupir retenu et elle se décrispa néanmoins, offrant un demi-sourire navré, prémisse d’excuse, à son interlocuteur.
« Je… Tu ne dois pas m’en vouloir », souffla-t-elle posément avant de contourner le siège qu’elle venait de quitter et de s’y assoir à nouveau pour faire face à l’auror.
« Bien sûr tu pourrais, et il serait logique que tu le fasses, cependant… »
Ne sachant par où commencer et se sentant soudainement coupable de se trouver là pour les mauvaises raisons, elle marqua une pause et s’octroya une gorgée de thé qui, en lieu et place de l’aider à trouver les mots adéquats, lui brûla sensiblement la gorge. Alors qu’elle avait pour habitude d’exposer spontanément sa disposition franche et sincère, la jeune lady, qui savait l’importance de bien doser son propos, se demandait actuellement comment ne pas davantage blesser son cousin qu’il ne l’avait déjà été à l’occasion de l’anniversaire de leur auguste grand-père.
« La vérité est qu’en comparaison des palabres que nous venons de tenir, peu de faits me concernant valent la peine qu’on y porte réellement de l’intérêt. Je pourrais te dire que je m’ennuie parfois ou encore que je me suis récemment découvert une aversion profonde pour un plat écossais, le haggis, mais ce serait un peu stérile, j’imagine. »
Le souvenir de l’odeur forte de cette panse mal préparée titilla ses narines et elle se mordit la lèvre inférieure en retenant un rire gêné pour ne point plus exprimer son dégoût ou son embarras. Enfin, elle prit inspira profondément, se débarrassa de sa tasse sur la table voisine et joignit ses mains sur ses genoux. Et comme elle ne trouvait pas de bonne façon de continuer à marteler le clou qu’ils avaient déjà précédemment enfoncé, elle décida finalement d’aller droit au but. Il lui semblait inutile, après tout, de faire grand mystères de ce que Crestian était apte à lui-même deviner.
« Le fait est que je ne suis pas ici sans raison. Tu auras naturellement noté la désagréable mais non anodine présence de mon vénérable chaperon. Père souhaite qu’il lui rapporte notre entrevue car il m’a expressément chargée de… de te faire entendre raison concernant tes récentes… fiançailles. »
Elle voulut ajouter que ce motif n’était pas celui pour lequel elle l’avait initialement contacté, que cette proposition n’avait eu pour source que le désir de passer un peu de temps en sa compagnie ; elle pensa lui expliquer que c’est en apprenant qu’ils avaient convenu d’un rendez-vous que Marcus s’était empressé de la charger de cette déplorable mission, mais elle n’en fit rien. Elle supposa que le malaise qui lui embrasait ses joues était suffisamment visible que pour ne point s’encombrer de la gêne supplémentaire de n’être pas capable de garder personnelles ses propres correspondances. Elle espérait de même inconsciemment que le sorcier qui lui faisait face serait suffisamment fin analyste que pour prendre lui-même conscience du fâcheux concours de circonstances qui l’avait menée à lui faire part des desseins du paternel. Elle aurait bien sûr idéalement dû s’en tenir à ce qui avait été convenu et ne point révéler à Crestian que cette initiative n’était pas la sienne, mais elle préférait toutefois rester honnête à son encontre : bien qu’elle considérait que le mariage à venir n’était pas de bon augure – et de cela elle ne s’en cacherait pas, en aucun cas elle ne se permettrait d’ingérer les décisions de son aîné. Partager son opinion était une chose, se permettre de l’enjoindre de quoi que ce soit en était une autre. Et quand bien même son avis ne serait qu’un souffle inaudible à son entendement, elle continuerait d’entretenir, à son égard, la même affection juvénile qu’elle lui avait toujours portée. C’est d’ailleurs pourquoi elle continuait de supposer que l’honnêteté restait la carte la plus louable à jouer. Qu’importe que lord Greengrass le lui somme, elle ne jouerait pas le jeu de la manipulation avec ses proches. Et qu’importe également que Crestian blâme désormais sa présence, elle aurait au moins le sentiment d’être en accord avec elle-même et trouverait, lorsque le patriarche la gourmanderait, de quoi garder la tête haute et soutenir le regard glacial qu’il savait si bien lui réserver en cas de désaccord. Ce regard, elle le connaissait bien, mais il n’égalait pas celui de déception qu’elle craignait de rencontrer chez son vis-à-vis. Elle releva la tête cependant et, tout à son observation, capta des siennes les pupilles limpides de l’héritier Longbottom et, dans l’attente d’une parole, ne les quitta plus.
- Rendez-vous ce soir à la taverne (et incognito !)
Que vois-tu…?
Messages : 319Date d'inscription : 13/10/2015
Age : 35
Parchemin Magique
Classe:
Branche:
Spécialité(s): N/A
Re: Du subtil art d'être une famille par Dim 13 Nov - 19:09
Brianna avait en effet pris comme un affront personnel les remarques acerbes des femmes de sa famille, et cela se ressentait sur ses relations avec son fils aîné. Ainsi, pendant la période où ils avaient de nouveau vécu sous le même toit après trois ans de séparation, mère et fils qui avaient pourtant toujours été d’une grande tendresse l’un envers l’autre à défaut de posséder une réelle complicité – ils étaient trop différents pour cela – avaient vu s’instaurer une certaine distance entre eux.
Personne ne savait vraiment lequel des deux avait initié la querelle silencieuse mais elle était bien présente, c’était un fait indéniable. D’un côté, Crestian reprochait à a mère de ne pas l’avoir décemment soutenu dans cette épreuve difficile. De l’autre, Brianna critiquait son héritier dont elle avait espéré plus de bon sens. Il aurait été ô combien plus simple qu’il comprenne qu’amour de jeunesse et mariage étaient deux choses bien distinctes, mais les Longbottom étaient connus pour leur entêtement et Crestian en était un parfait exemple. Il se refusait donc à faire la moindre concession. Bien entendu, tout aurait été plus aisé si Brianna avait pu démontrer les défauts évidents de Passiflore à son héritier mais ces derniers étaient bien élusifs. C’était d’ailleurs bien cela qui l’avait empêchée de se ranger pleinement du côté des siens lors de la soirée fatidique. Si les remarques de son père lui avaient paru des plus sensées, les attaques désobligeantes de sa mère avaient blessé son amour-propre. Après tout, c’était sa capacité à protéger le fruit de ses entrailles qui avait été si cavalièrement critiquée.
L’un dans l’autre, le refus des deux Longbottom d’arriver à un compromis était la raison de leur semi-dispute actuelle et l’idée d’être embarqué dans une situation du même acabit avec Lenore faillit tirer un soupir à Crestian. Il n’était pas d’humeur à se quereller avec sa cousine favorite mais la gêne de cette dernière lui faisait pressentir qu’il ne lui serait probablement pas offert d’autre alternative. Il l’écouta donc la mort dans l’âme, déjà prêt à défendre l’honneur de sa fiancée face à la litanie de reproches que la jeune femme ne tarderait certainement pas à lui faire. Pourtant, lorsque Lenore termina sa confession, il fut surpris par ses propos et ne put retenir une sorte de petit rire incrédule.
Voilà qu’il vivait une situation pour le moins cocasse. Son oncle s’imaginait-il réellement qu’il changerait d’avis sous prétexte que c’était la Greengrass à laquelle il portait la plus grande affection qui le lui demandait ? Quelle naïveté ! Or c’était là une émotion qu’il n’était pas courant d’associer au nom de Marcus Greengrass. Pourtant, force était de constater qu’il l’avait grossièrement sous-estimé, à moins qu’il n’ait surestimé les talents de négociatrice de sa propre fille. Cette dernière, quant à elle, semblait à l’inverse extrêmement consciente de ses limites. Ne voulant pas la laisser plus longtemps dans l’inconfort, il la rassura donc sur son absence d’agacement à son encontre.
-Tu n’as pas de souci à te faire sur mes sentiments envers toi. Il serait aussi malvenu de ma part de m’en prendre au messager qu’il n’a été de celle d’oncle Marcus de te mettre dans la position inconfortable de la chouette.
S’attachant un instant à observer la forme des ombres que les rares photos accrochées formaient sur les murs par ailleurs d’un blanc éclatant, il poursuivit non sans s’enfoncer un peu plus dans son sofa, signe de sa grande lassitude.
-Si je n’avais pas été bien éduqué, je t’aurais intimé de répondre à ton père que je ne suis pas un enfant capricieux à qui il s’agit de faire entendre raison mais un homme adulte capable de prendre ses propres décisions. Je pourrais même rajouter qu’il est de très mauvais ton de s’immiscer dans les affaires entre un homme et son fils sachant que Père soutient ma décision mais je ne le ferais pas.
Le ton sarcastique de ses dernières paroles pouvait sembler déplacé mais Lenore le connaissait suffisamment pour savoir que le sang des Greengrass coulait également dans ses veines et avec lui une capacité de réplique acerbe dont il usait rarement mais toujours avec verve.
-A la place, je me contenterais de te dire de m’excuser auprès de lui. Je ne désirais pas nécessairement être celui qui lui fît découvrir que la vie est constituée d’inconvénients et de variables qui ne suivent pas toujours le chemin que l’on désirerait mais ainsi est faite l’existence et il convient de s’en accommoder. A moins de désirer vivre bien des déconvenues.
Réalisant en cet instant que, pour autant qu’il ait promis de ne pas s’en prendre à elle, c’était exactement ce qu’il était en train de faire puisque jamais elle ne pourrait rapporter ses paroles à Marcus sans risquer un incident familial de proportions titanesques, il planta de nouveau son regard dans le sien et posa la question qui était la seule à réellement le tourmenter.
-Et toi, dans toute cette histoire, que penses-tu de ma promise ? Sois honnête. Je sais que notre union ne te ravit pas mais, concrètement, que lui reproches-tu ? J’aimerais comprendre pourquoi Passiflore ne semble suffire à personne. En quoi Proserpine Carrow est-elle un parti plus digne ?
Malgré la sincérité de sa question, il ne pouvait s’empêcher d’être provocant, choisissant volontairement le nom de la plus désagréable des héritières Sang Pur à marier. Il espérait néanmoins que Lenore saurait passer au-delà de son amertume pour lui répondre aussi sincèrement que possible.
Auror
Que vois-tu…?
Messages : 732Date d'inscription : 08/07/2013
Age : 33
Habitat : Appartement à Londres
Parchemin Magique
Classe: Sorcier Spécialiste
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): Métamorphose
Re: Du subtil art d'être une famille par Dim 27 Nov - 18:46
Il eut d’ailleurs rapidement fait de lui laisser entendre qu’il ne la blâmait nullement – ce dont elle fut soulagée – préférant exprimer ses griefs contre la personne du lord anglais, ce qui donna soudainement à Lenore le très désagréable sentiment de n’être qu’une poupée corvéable à souhait. D’une part, son père se permettait de la mandater pour sa cause et de transformer ainsi une visite de courtoisie en délégation diplomatique et, d’autre part, l’idée ne semblait même pas effleurer son cousin qu’en dehors du message dont elle elle avait été nommée porteur, elle puisse avoir elle-même initialement pris l’initiative de cette rencontre dans le simple but de passer du temps en sa compagnie. Elle ne se retint donc que de justesse de s’enfoncer à son tour dans son fauteuil pour exprimer à son tour son accablement. Au lieu de cela, sa réponse au discours du jeune homme fut donc de rester droite et neutre, prête à endurer les blâmes qui traversaient déjà les lèvres de son vis-à-vis. Qu’elle fasse étal de sa vraie personnalité dans le cercle familial ne signifiait aucunement qu’elle ne doive rester digne et fière quand des reproches lui étaient faits ou étaient énoncés à l’encontre de son père. Elle eût toutefois un demi-sourire narquois lorsque Crestian usa d’une habile, mais non moins sarcastique, prétérition pour la régaler d’un message qu’il affirmait ne pas vouloir lui transmettre. Il n’était pas dans les habitudes de l’auror de persifler, mais il avait de toute évidence été à bonne école. Lui qui se targuait de n’être point né Greengrass avait hérité bien plus de traits de de sa belle-famille qu’il ne l’admettrait jamais. Elle s’imagina ainsi un instant transmettre à Marcus les bons vœux de son filleul tels qu’ils avaient été prononcés, et se demanda combien de temps il mettrait à intervenir personnellement dans cette affaire. Sa fille n’était que la manière douce, le parler sincère à l’inquiétude louable, et mieux valait sans doute que Crestian le comprenne.
Il la surprit toutefois en adoucissant soudainement le velouté de sa voix, délaissant par là même le ton acerbe qui animait jusqu’alors sa langue sardonique. Désormais provoquant, il abandonna la raillerie au profit d’une nouvelle coquetterie, témoin de son agacement mais néanmoins bien mal amenée. Lady Proserpine Carrow était issue d’une noble lignée et cela suffisait à en faire un parti acceptable, ce dont l’héritier Longbottom avait tout à fait conscience, et son caractère acrimonieux et hautain n’était en aucun cas un critère qui puisse changer cet état de fait. Certes, Lenore pour avoir éconduit son jeune frère, Arion Carrow, personnage âcre au tempérament aussi limité que hâbleur – quitte à l’introduire à un être altier, Odin, l’héritier de la famille, eût été un meilleur choix – entendait le dégoût que lui inspirait lady Carrow. mais elle songea, en retenant un sourire, que sauter un repas ne condamnait pas à se contenter de pain sec. Comme Crestian n’avait probablement pas été informé de cet épisode et comme il eût été malvenu de comparer son amour de jeunesse à du pain rassis, Lenore s’abstint toutefois de le lui faire remarquer et s’assouplit quand il sollicita, déconcertant de candeur, un avis sur la demoiselle. Ce qu’elle pensait de miss Delacour ne semblait pas d’une importance capitale dans l’affaire en cours, mais puisqu’enfin l’occasion lui était offerte de donner son avis à ce sujet, elle ne ferait pas à Crestian l’affront de détours manipulateurs. Elle sembla réfléchir un court instant et, sans le quitter des yeux, entama une réponse calme et posée, en parfaite opposition avec l’attitude inquiète qu’elle avait affichée un instant auparavant, mais qui devait, ne serait-ce que de loin, rassurer Crestian sur les intentions de sa famille, tout comme répondre au ton âpre qu’il avait employé pour s’adresser à elle.
« Je crois, et pardonne-moi ce détour, que tu fais en partie erreur au sujet de père. Il n’a pas le fond aussi mauvais que tu veux bien te le figurer. Vous vous ressemblez d’ailleurs plus que tu ne le crois lui et toi. Bien que lui ait au moins la franchise d’assumer sans détours les requêtes dont il me charge d’être l’intermédiaire. »
Elle n’en voulait pas à Crestian d’avoir réagi de la sorte, et même le concevait tout à fait, mais trouvait un peu facile de percevoir autrui comme intrinsèquement mauvais et d’indirectement se placer ainsi dans la position facile de la blanche colombe de toutes part attaquée par de vils rapaces. La vérité était que les choses n’étaient pas si simples, et que c’est avec nuances qu’elles devaient être traitées. Certes, Marcus n’était pas exempts de défauts, mais elle ne pensait pas que Crestian, malgré tout le respect qu’elle lui portait, le soit davantage. Et requérir de lui qu’il renonce à ses fiançailles n’était pas moins égoïste qu’imposer à sa famille le déshonneur d’un tel mariage. Certes, l’auror serait celui qui devrait le plus assumer cette décision, mais cela ne signifiait pas pour autant qu’il serait seul à en subir les conséquences. Faire partie d’une famille et hériter de son patrimoine comme de sa richesse signifiait, par essence, que des intérêts purement individuels ne pouvaient davantage compter que ceux des autres membres ou de leur ensemble. Tout était une question de mesure. Or, dans la situation qui les occupait actuellement, aucun parti ne semblait vouloir l’admettre et tout semblait s’agencer de telle sorte que la victoire reviendrait à celui qui rendrait en premier les armes. Cela n’avait pourtant jamais été aussi faux. Quoi qu’il advienne désormais, les uns devraient assumer les pensées et les actes de l’autre : que Crestian se marie au détriment des siens nuirait à ceux-ci, mais qu’il abandonne ses idées d’engagement dans l’intérêt de la communauté leur ferait porter à tous la culpabilité de son désengagement. Dans cette situation, sans doute aurait-il été plus facile d’admettre qu’aucun ne se verrait couronner vainqueur et qu’il faudrait faire des concessions. Lenore, toutefois, savait que Crestian attendait d’elle une réponse d’un autre acabit et décida donc de ne momentanément pas s’attarder sur ce point, qui avait cependant désormais le mérite d’avoir été sous-entendu.
S’apprêtant donc à répondre aux questions qui le préoccupaient réellement, elle le gratifia d’un regard appuyé orné d’un sourire en coin et inspira avant d’entamer la suite de sa réplique :
« En ce qui concerne plus spécifiquement Miss Delacour, la raison pour laquelle celle-ci ne suffit à personne ne t’es pas inconnue, Crestian, et je crains devoir te décevoir en ne t’apportant pas une réponse neuve ou rassurante. Il ne s’agit pas de ses qualités intrinsèques, tu le sais, mais bien de ce qu’elle est : une jeune Française sans titre, d’origine modeste et de sang mêlé. »
Ce disant, Lenore ne cilla ni ne quitta Crestian des yeux. Elle eût voulu le rassurer d’une parole en sa faveur, le conforter dans ses choix, mais elle ne trouva pas la force de feindre sa réplique.
« Très honnêtement, je crois que personne n’a cure de ses attributs ou de ses facultés. Je ne doute pas qu’elle en soit dotée, mais en l’épousant tu corromps à tout jamais le sang de la lignée Longbottom. S’il ne s’agissait que d’exotisme ou encore d’origines modestes… mais c’est bien plus que cela : elle n’est ni pure de sang ni noble. Aux yeux des nôtres, elle ne fait que cumuler les… tares. »
Afin de détailler davantage son cousin et de percevoir sur son visage les signes d’un éventuel énervement, Lenore marqua une pause. Elle aurait d’autant plus voulu n’avoir à jamais s’exprimer de la sorte qu’elle était persuadée qu’elle eût pu estimer Passiflore Delacour en d’autres circonstances, mais sa sincérité lui semblait néanmoins la meilleure forme de respect. Et comme son discours n’était ni agressif ni emporté, elle supposait que le principal concerné saurait ne pas lui tenir rigueur de n’être pas hypocrite.
« En ce qui me concerne, je ne puis faire aucun reproche personnel à Miss Delacour. Elle semble bien élevée, bien que non initiée à nos usages, et de ce que j’ai cru comprendre relativement douée dans son art. J’émets cependant une réserve quant à sa nature. Tu sais que je puis admettre les qualités d’autrui quelque soit la couleur de son sang, aussi j’aurais probablement pu, outre les considérations que je viens d’énoncer, ne pas penser grand mal de ta promise. Mais tout de même, Crestian… une vélane ! Comment as-tu pu penser qu’une vélane puisse jamais être acceptée dans la famille, quand bien même ses origines modestes le seraient ? Et comment peux-tu d’ailleurs être certain que son affection ne soit pas feinte, puisqu’il semble s’agir de cela ? »
Dans les grandes familles telles que les leurs, le sentiments ne justifient à eux seuls nullement de contracter un mariage. Mais essayer de convaincre, par des arguments rationnels, un être intimement persuadé d’être dans son bon droit n’était pas la façon la plus fine d’arriver à ses fins, tout simplement car les deux parties communiquaient à des niveaux diamétralement opposés. C’est pourquoi Lenore, bien qu’elle ne se sentait pas aussi affectée par les décisions de son parent que ne l’étaient par exemple ses grands-parents, choisit de s’attarder sur le sujet, bien peu commun dans son univers, de l’inclination, sujet auquel Crestian aurait aisément pu lui rétorquer qu’elle ne connaissait rien.
« Entendons-nous bien. Je n’ai jamais rencontré de vélane auparavant, aussi je n’affirmerai rien à ce sujet pour l’instant. Mais il semble néanmoins légitime que je m’interroge à ce propos, n’est-ce pas ? »
La sensiblerie n’était pas son domaine mais était un point suffisamment important aux yeux de Crestian que pour être abordé indépendamment des autres. En outre, mélanger pommes et poires et ne point nuancer son propos le ferait apparaître comme un bloc compact, indistinct et indigeste aux yeux de son cousin, ce qui n’était nullement une solution.
- Rendez-vous ce soir à la taverne (et incognito !)
Que vois-tu…?
Messages : 319Date d'inscription : 13/10/2015
Age : 35
Parchemin Magique
Classe:
Branche:
Spécialité(s): N/A
Re: Du subtil art d'être une famille par Dim 11 Déc - 20:52
La jeune Greengrass avait en effet tout à fait raison. Non pas tant sur ses similarités avec son oncle – s’il aimait l’homme, il n’appréciait que très peu le politicien – mais sur le fait qu’il avait agi comme un enfant capricieux qui, incapable de contrôler ses émotions, passait sa colère sur la seule innocente de l’histoire. Et ce très précisément après lui avoir promis qu’il ne s’en prendrait pas à elle. C’était indigne d’un Longbottom et il voyait d’ici le regard plein de reproches de son père s’il venait à apprendre cela. Surtout que Benedict condamnait quiconque était trop prompt à juger sans s’être suffisamment informé. Et on ne pouvait pas réellement dire que Crestian eut pris le temps de chercher à comprendre les opinons de Marcus. Il s’y opposait, un point c’est tout. Or, sa mère en possédait des similaires et il était plus amène vis-à-vis de cette dernière, preuve que ses émotions dirigeaient encore bien souvent son jugement.
Il ne s’attarda cependant pas sur la question - se promettant de laisser au moins le bénéfice du doute à son oncle lors de leur prochaine rencontre - car Lenore entama ses explications. Sans même s’en rendre compte, à peine commença-t-elle son discours, que sa posture physique dévoila inconsciemment son attitude défensive. Les paroles de sa cadette ne furent pourtant en rien une surprise mais le ton d’évidente simplicité avec lequel elle présenta les manques de Passiflore irritèrent au plus haut point l’Auror. Il aura voulu l’arrêter, lui dire que ce n’était là que sottises d’un autre temps, mais il se retint, la laissant continuer. Après tout, n’était-il pas celui qui avait exigé son honnêteté ?
Pourtant, plus elle déployait l’argumentation qu’il n’avait cessé d’entendre toute son adolescence, plus l’irritation grandissait. Le « sang » des Longbottom, comme si cela signifiait quoique ce soit ! De quel droit lui imposait-on les attentes de toutes les générations avant lui ? Avait-il demandé à naître héritier ? Certainement pas. Et il ne comprenait pas qu’il lui soit interdit de choisir sa propre voie sous prétexte qu’il était Longbottom et pas simple sorcier. Soudain, l’idée de claquer brusquement la porte au nez de sa famille et de s’enfuir loin au bras de Passiflore lui parut bien alléchante. Il n’était pas le seul héritier potentiel, ils n’avaient qu’à reporter leurs espoirs sur Cyriac !
Pourtant, à peine cette idée saugrenue lui eût-elle traversé l’esprit qu’il la chassa aussi vite. Il était hors de question de se défaire de ses problèmes sur les épaules de son frère. Sinon, il ne vaudrait pas mieux que tous ceux qui voulaient décider à sa place. Sans compter qu’il aurait été franchement naïf d’imaginer une seconde que son casse-cou de cadet puisse se révéler un meilleur héritier que lui. Certes Cyriac était bien plus à l’aise en société que son aîné, mais il ne possédait pas une once de la sérénité nécessaire pour gérer les affaires d’une famille. Là où son bon sens et sa loyauté sans faille en faisaient un être humain de qualité, Crestian doutait sincèrement que son frère soit fait pour une carrière à responsabilités. Non pas qu’il en soit incapable mais il était un esprit bien trop libre pour cela. Lui n’aurait certainement pas hésité à tout lâcher pour partir à l’aventure avec sa bien-aimée. Crestian, lui, ne pouvait qu’y rêver. La réalité le rattrapait en effet toujours. La réalité et sa fichue conscience. Car, que pourrait-il bien offrir à Passiflore une fois délesté de son nom et de sa fortune ?
Par ailleurs, l’idée de quitter son poste d’Auror ne lui plaisait nullement. S’il y avait bien un endroit où il se sentait à sa place, c’était au Bureau. Qu’il fut sur le terrain ou derrière sa table à essayer de comprendre une enquête, les doutes le quittaient. Pas besoin de réfléchir à ce qu’il fallait dire à un suspect : l’action suffisait. A l’inverse, les propos de Lenore le ramenaient à la complexité de la politique. Le temps de l’enfance était définitivement terminé. S’il choisissait de quitter Passiflore, il mettrait son cœur à la porte – et serait incapable de se regarder dans la glace après avoir trahi la confiance d’un être d’une telle pureté. S’il optait plutôt pour les épousailles, il s’aliénerait une grande partie de famille, pour ne pas dire de la société sorcière. Aucune des deux alternatives n’avait d’issue parfaite. Et pourtant il devrait faire face aux conséquences.
Ce à quoi il n’était pas prêt à être confronté cependant c’était l’opinion de Lenore sur les Vélanes. Celle-ci n’était pourtant en rien contraire à son éducation. Tous les enfants sorciers grandissaient en écoutant des histoires sur les hommes qui perdaient tout, jusqu’à la raison, pour la beauté des yeux d’une Vélane. Néanmoins, l’idée de comparer les tentatrices de ces histoires d’enfance avec Passiflore lui hérissait le poil et cela se remarqua tout de suite dans son froncement de sourcils et le croisement inconscient de ses bras. Il n’était peut-être finalement pas si près que cela à entendre la « voix de la raison ». En effet, les remarques de sa cousine avaient beau être parfaitement rationnelles, il était amoureux et c’était avec son cœur qu’il réagissait désormais dès que le nom de sa fiancée était prononcé. Habitué à faire face à une hostilité latente dès qu’il annonçait sa volonté d’épouser la Française, il en était devenu presque incapable de réfléchir posément à la situation.
Il se mordit donc la lèvre pour ne pas répondre de manière acerbe à Lenore. Il se déchargerait peut-être par-là de tout ce qu’il avait sur le cœur mais il risquait aussi fortement de perdre une alliée précieuse. Lenore avait beau ne pas approuver sa décision, elle lui avait déjà annoncé que jamais elle ne s’interposerait entre lui et Passiflore. Passer sa mauvaise humeur sur elle serait donc non seulement injuste mais totalement contreproductif. Car, puisqu’il avait déjà décidé d’aller jusqu’à l’autel et au Diable les opinions arriérées de quiconque s’y opposerait, il allait avoir besoin de tous les soutiens possibles. Non pas tant pour lui, il se savait capable de remettre les langues de vipère à leur place, mais il craignait pour l’intégrité physique et psychologique de Passiflore en ces temps troublés. A tel point qu’il se demandait parfois s’il ne serait pas plus responsable de couper tous les ponts avec elle. Sauf que la simple idée de se séparer d’elle lui était physiquement douloureuse et qu’il préférait encore s’enfuir avec elle et la protéger de son corps que de la laisser partir seule.
Il en était là de ses pensées moroses lorsque le bruit de coups contre sa porte le tira de sa rêverie et, profitant de l’occasion pour échapper à la réponse qu’il devait toujours à Lenore, il se dirigea vers l’entrée. De l’autre côté de la porte, il tomba sur Marius et se demande soudain combien de temps s’était écoulé depuis son départ pour qu’il soit déjà de retour. Quoiqu’il en fut, l’occasion était trop belle de se laisser plus de temps pour réfléchir aux remarques de Lenore, il lui fit donc signe d’entrer.
-Marius. Je peux te proposer quelque chose à boire ou vous allez repartir de suite ?
Il choisit le tutoiement cette fois-ci pour tenter d’apaiser les tensions possibles entre frère et sœur, il craignait en effet que Lenore n’apprécie que très peu l’arrivée avancée de son aîné. Car maintenant qu’il regardait sa montre, cela ne faisait même pas une heure et demi qu’elle était là, alors que Marius avait clairement annoncé revenir dans trois heures.
-C’est gentil mais des affaires urgentes requièrent notre retour précipité. Lenore, prends tes affaires, Père nous attend.
Le ton était calme mais l’ordre n’en était pas moins un. Crestian choisit donc d’aider Lenore à se rhabiller plutôt que de laisser à l’elfe de maison qui avait fait sa réapparition dès qu’il avait entendu la voix de son maître la possibilité de le faire. Cela lui permit de glisser discrètement à l’oreille de la cadette Greengrass, pas mécontent d’obtenir ainsi un répit.
-Discussion à poursuivre
Auror
Que vois-tu…?
Messages : 732Date d'inscription : 08/07/2013
Age : 33
Habitat : Appartement à Londres
Parchemin Magique
Classe: Sorcier Spécialiste
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): Métamorphose
Re: Du subtil art d'être une famille par Jeu 15 Déc - 17:57
La jeune lady, pourtant, ne se surprenait pas que ce dernier n’accueille pas chaleureusement ses paroles, pour sincère qu’elles étaient. Caché derrière ses grands principes et ses attitudes chevaleresques, l’ancien Gryffondor était en effet resté un garçonnet impulsif, immature parfois, incapable de peser, malgré sa formation d’auror, la mesure des décisions qu’il prenait. Non pas qu’il n’aie pas conscience de leur impact, mais sa nature trop débonnaire occultait sa vision de la réalité, lui laissant trop souvent croire que tout irait pour le mieux, que le monde s’accorderait de ses grands principes. Le monde, pourtant, n’avait cure des sentiments d’un jeune homme non accompli, aussi aristocrate fut-il. Bien davantage que l’individu, c’était le système qui importait, l’ordre établi des choses qu’un coeur généreux à lui seul ne pouvait envisager de perturber.
Si l’amoureux était idéaliste, sa cousine était d’une autre trempe : réaliste, cynique même parfois ; de bonne disposition, mais réfléchie à l’excès, comme d’avance désabusée par ce que l’univers était en mesure de lui offrir. C’est pourquoi elle eut soudainement envie de le sermonner comme un enfant capricieux. Car qu’était-ce, sinon du caprice, qu’épouser une femme au mépris des intérêts de sa famille et du bien être des siens ? Que son oncle accepte le mariage de son fils ne signifiait pas qu’il s’en réjouisse ni même qu’il soit une bonne chose pour autant. Mais les Longbottom, père et fils, peut-être parce qu’ils avaient sous leur commandement le bureau des aurors, avaient cette fâcheuse tendance à croire qu’ils pouvaient à eux seuls se défaire du carcan qui avait été dessiné pour eux bien avant leur naissance. Et Crestian, en particulier, avait cette malheureuse propension à ne brandir son héritage en étendard que quand celui-ci magnifiait ses actes, et à s’en dépêtrer quand celui-ci ne s’accommodait pas de sa personnalité trop encline à certaines puérilités. Longbottom quand cela l’arrangeait - « C’est indigne d’un Longbottom », répétait-il souvent - mais bien moins quand cet état de fait en rien ne l’accommodait. C’est ainsi que celui qui s’appliquait à porter secours à la veuve et l’orphelin, à défendre autrui des des larcins, complots et autres manigances en tout genres, en venait même à oublier qu’en épousant une simple sorcière, il mettait l’intégrité de celle-ci dans un danger qui, dans le contexte actuel, ne cessait de croître. Il en avait pourtant, Lenore en était persuadée, une conscience acerbe, mais il se persuadait, pour apaiser sa conscience tourmentée, que son corps façonné au combat serait un rempart suffisant contre le venin d’une noblesse au bord de l’implosion. Mais sur ce point où il préférait ses seuls intérêts à court terme au mépris même de ceux de la sorcière qu’il idolâtrait et de la famille qui l’entourait, son égoïsme se jouait subtilement de lui, et c’est pourquoi elle eut soudain, sans trop envisager la manière, envie de le protéger de lui-même. Sans même avoir aucune idée des mots qu’elle prononcerait, elle ouvrit donc la bouche, mais à peine eut-elle esquissé une syllabe que des coups en provenance de la porte d’entrée résonnèrent dans la pièce, et que Marius, l’air pressé, fit son apparition, l’enjoignant d’une parole de quitter les lieux.
Le déplaisir de la Serdaigle ne fut pas si apparent que ne l’avait été celui de son cousin, mais elle l’exprima bien mieux :
« Depuis quand père a-t-il besoin de moi pour ses affaires, Marius ? »
Cette interruption la surprenait au plus haut point. Quel sujet pouvait bien requérir que Lord Greengrass coupe court à une discussion qu’il avait lui-même choisie de chapeauter ? Et que lui valait d’envoyer son fils, lui-même alors occupé à son propre travail ? Elle eut peur, un instant, que la chose ne soit en réalité d’une surprenante gravité, et son coeur manqua un battement vertigineux avant de s’apaiser en constatant que les traits fins de son frère ne souffraient aucun tracas visible. Sa frustration reprenant alors le dessus, elle faillit s’opposer à l’injonction qui lui avait été si doucement donnée, répliquant qu’elle n’avait pas eu le temps d’entretenir de réelle discussion avec son interlocuteur, mais la présence de l’elfe, d’ores et déjà à ses talons, et de la main dudit interlocuteur qui enfilait déjà sa cape sur ses épaules bloqua toute tentative de sédition. Elle capitula donc aussi simplement que cela, sans plus de mots mais les sourcils froncés, en ravalant comme elle le pouvait une contrariété qu’elle ne manquerait pas d’exposer au chef de famille. Et alors qu’elle finissait de se vêtir dans une flegme des plus surprenantes et que Crestian lui glissait une parole à l’oreille, elle se retourna vers lui, le dévisagea et lui accorda un sourire clair. Conscient du répit qui lui était accordé, l’auror semblait soulagé. Et comme Lenore ne voulait énoncer devant son frère aucune des répliques plus ou moins justes que cela lui inspirait, elle posa, tel une promesse, un léger baiser sur la joue de son cousin et le gratifia d’un regard éloquent. Et sans mot ajouter, elle récupéra ses gants et s’en alla, la mine fière, une petite créature craintive de pâtir de son inutilité collée à ses jupons.
- Rendez-vous ce soir à la taverne (et incognito !)
Que vois-tu…?
Messages : 319Date d'inscription : 13/10/2015
Age : 35
Parchemin Magique
Classe:
Branche:
Spécialité(s): N/A
|
|