Fuite vers l'Écosse par Sam 31 Jan - 0:19
Les deux hommes avaient mis du temps à préparer ce voyage, autant pour assurer leur sécurité respective que celle d'Elya et de Drew Black. L'attente, surtout tant qu'il n'avait eu le droit de donner de nouvelles à son amie, avait été difficile. Terriblement difficile. Il avait craint, plus d'une fois, qu'elle cède à l'impatience et s'aventure seule dans une entreprise improvisée et risquée. Mais, comme lui, elle avait tenu bon. Aïlin espérait que cette patience serait récompensée. Qu'elle trouverait son père, et qu'ils ne subiraient pas, pour cela, de lourdes conséquences. Car ce désir, si simple, si naturel, pouvait être sévèrement châtié par la famille de la belle potionniste. Drew était un traître à son sang, et Cathleen Black entendait bien que son fils n'exerce plus jamais le moindre pouvoir sur ses filles.
Malgré leurs préparatifs, leur plan n'était donc pas exempt de dangers. D'autant qu'Aïlin avait conscience d'avoir pactisé avec une personne aussi fourbe que l'était l'entourage d'Elya. Devin n'avait rien à gagner à trahir son fils, cependant. C'était tout du moins ce dont se persuadait Aïlin. L'occasion de semer le trouble parmi les partisans de la théorie du sang-pur était trop belle.
S'empressant de rentrer au chaud, Aïlin s'épousseta de la neige à moitié fondue et s'avança dans le salon principal, dont les grandes portes de chêne étaient ouvertes pour l'occasion. Son père, royal comme à son habitude, l'attendait, assis dans son fauteuil fétiche. Pour une fois, il tournait le dos à l'âtre, tandis qu'il touillait pensivement son thé.
« Je suis prêt, père. »
Le lord n'acquiesça pas tout de suite. Il se contenta de poser un long regard sur son héritier, avant d'enfin déclarer :
« Espérons-le. Rappelle-toi bien de ce que je t'ai dis. Tu ne dois pas commettre la moindre erreur. Tiens t'en à ce que tu dois faire, et aies le discernement de ne pas céder au moindre débordement. Tu le nies, mais je vois l'éclat dans tes yeux lorsque tu parles d'Elya Black… …et même lorsque son nom est cité. Ce n'est qu'une femme, Aïlin. Je t'autorise à faire cela pour elle car mon instinct me dit que nous en serons récompensés, mais il demeure que tu ferais mieux d'agir pour les bienfaits que tu apporteras à ta famille plutôt qu'à ton cœur. Les femmes sont des êtres ambivalents, changeants, auxquels on peut moins se fier qu'à un chrétien. »
En une poignée de secondes, Devin avait eu le don d'entamer sévèrement l'enthousiasme et la joie de son fils. Le regard de celui-ci se durcit tandis que son visage se fermait, contenant la colère que lui inspiraient les paroles du père. Que pouvait bien connaître Devin des femmes, lui qui n'avait jamais eu le goût à s'intéresser à la moindre d'entre elles, pas même à son épouse ? Il était certes fort pour se poser en donneur de leçons, mais sur le sujet, Aïlin pensait être bien plus avisé que lui.
« C'est une amie et une égale, ni plus, ni moins. Mes raisons, je les partage avec vous quoi que vous en pensiez, rétorqua l'alchimiste, bravant le regard scrutateur du lord.
- Parfois, Aïlin, tu ne mens pas aussi bien que tu le penses. Va maintenant, et tâche de ne pas nous attirer d'ennuis.
- Si vous me le permettez, père, j'ai une dernière chose à faire avant de partir.
Devin roula des yeux tout en levant une main impuissante de l'accoudoir sur lequel elle reposait :
- Oui, oui... Va dire au-revoir à ta sœur. Puisque c'est par les sentiments que tu la tiens si bien. »
Une nouvelle vague d'exaspération traversa Aïlin, mais il se contenta de tourner le dos. Après avoir quitté le salon, il gravit les escaliers et traversa les couloirs encore plongés dans l'obscurité, les lumières faiblardes de quelques rares chandelles s'allumant seulement à son passage. Il s'arrêta à la porte de la chambre de Lynn et frappa deux petits coups du revers de l'index, avant d'entrer dans la chambre encore nimbée de ténèbres. C'est à peine s'il discerna le mouvement des draps quand il pénétra la chambre, mais le Serdaigle savait que sa cadette l'avait bien entendu. Sans bruit, il s'installa sur le bord du lit et se pencha vers elle, pour poser un rapide baiser sur sa tempe.
« Je pars. Je reviendrai dans quelques jours. Prends patience et d'ici là, fais attention à toi. Je me souviens de notre accord, mais ne fais rien d'imprudent. Je ne serai pas là pour te protéger et je veux te retrouver entière à mon retour. »
Il attendit que sa sœur lui promette de rester prudente pour se détourner et quitter la chambre. Il n'avait plus de temps à perdre, à présent. Il devait retrouver Elya. D'un pas rapide, il traversa le manoir et le quitta sans un regard en arrière, pour monter dans la voiture qui le conduirait à la jeune femme.
Le voyage ne dura pas longtemps. C'était l'avantage de ce moyen de locomotion, propre aux Bowers depuis qu'un de leurs ancêtres l'avait enchanté pour qu'il n'ait plus besoin de chevaux pour se déplacer. Un sort et la pensée suffisait à faire en sorte d'aller d'un point à un autre à une vitesse effroyable, qu'on ne ressentait pourtant pas lorsque l'on était à l'intérieur du fiacre.
Le cœur d'Aïlin s'emballa lorsqu'il vit par delà la fenêtre la maison de granit dans laquelle il s'était déjà retrouvé avec Elya. Son laboratoire était le seul endroit qui lui avait paru véritablement sûr, mais le danger réel avait surtout été le départ d'Elya de la demeure Black. Ils avaient tout planifié, soigneusement, afin que son départ n'attire pas la méfiance. Du temps, il en avait fallu pour contrer les espions de Cathleen, qu'il fussent elfes ou sorciers. Car, si la raison donnée à cette chère Lady avait été la nécessité d'aller à la rencontre d'un client, ils avaient dû s'assurer que personne ne suivrait Elya, ni ne parviendrait à découvrir la vérité. Officiellement, la jeune femme se trouvait actuellement en Allemagne, depuis trois jours déjà. Trois jours qu'elle avait dû passer seule ici, cloîtrée. Il ne fallait pas qu'on puisse faire trop facilement le lien entre leur départ respectif. Aussi avaient-ils dû prendre le large à quelques jours d'intervalle.
Bien sûr, l'on risquait de découvrir la vérité, en cherchant bien. Mais les précautions prises leur permettaient de conserver une longueur d'avance. D'autant qu'à ce qu'il savait, Cathleen ignorait que sa fille l'avait rencontré en-dehors des remparts de Poudlard. Il ne pouvait s'empêcher, cependant, d'imaginer la maison vide et cela lui causait une vive angoisse.
L'alchimiste descendit du fiacre et serra sa cape autour de son cou pour affronter le vent, plus violent encore qu'au nord, mugissant autour de la bâtisse. D'un pas ralenti par le souffle glacé, il alla jusqu'à la porte d'entrée et l'ouvrit avec un peu trop de fracas, pour la refermer avec difficultés. Transi par le froid autant que par la nervosité, il se retourna mais n'eut pas à parcourir longtemps le salon des yeux pour la voir. Aussitôt, le sourire qu'il retenait depuis son lever illumina son visage pâle. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, il l'avait rejointe, mais s'interrompit au moment où il allait la serrer dans ses bras. Avec un léger embarras, il s'inclina.
« Votre carrosse est apprêté, Madame. »
Se relevant, Aïlin lui jeta une œillade complice. « Je suis soulagé de vous trouver là. C'était la partie de notre projet qui m'inquiétait le plus. Mais vous devez être pressée de sortir enfin de ce cloître. Couvrez-vous bien, il fait un froid mordant au-dehors et je doute que le temps soit plus clément là où nous allons. »
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Re: Fuite vers l'Écosse par Sam 7 Fév - 1:06
"Carey,
Je t'écris ces quelques mots pour te donner des nouvelles avant de ne plus le pouvoir. Comme tu le sais, je pars dès aujourd’hui pour l'Allemagne à la rencontre d'un client de marque. Je m'y prépare depuis plusieurs jours maintenant mais à présent que sonne l'heure de mon départ, l'angoisse commence à me saisir. C'est la première fois que je quitte le manoir pour plusieurs jours depuis que j'ai quitté Poudlard, et l'idée de me retrouver seule dans un pays inconnu me chamboule. Si la barrière de la langue n'est pas un problème - nos cours de langues intensifs vont enfin me servir ! -, travailler avec un client étranger m'effraie, d'autant que le but de mes travaux n'est pas des moindres. J'espère que cette coopération se passera sans accroche et que je sortirai enrichie de cette expérience. Car le temps est venu pour moi, tout comme Cathleen à son époque, de me faire connaître en dehors des limites de notre beau pays. Sans doute y trouverai-je de quoi satisfaire ma curiosité, en plus de quelques contrats intéressants.
Je te renverrai un hibou lorsque je serai de retour. L'heure tourne, et voilà qu'il me faut déjà te laisser. Le voyage sera long, mais je promets de revenir vite. Nous passerons les fêtes de Noël ensemble. En attendant, je te souhaite bon courage pour tes dernières semaines de cours.
Affectueusement,
Elya."
Reposant sa plume, la potionniste relut son parchemin attentivement, afin d'être sûre que ces mots seraient compris par sa soeur et uniquement par elle. Sa suspicion et sa méfiance s'étaient accrues depuis sa première discussion avec l'héritier Bower concernant ses retrouvailles avec son Père. Son coeur battait plus fort que jamais à quelques minutes à présent de son départ car elle savait qu'elle prenait un risque, avec cette lettre. Les échanges qu'elle avait avec Carey étaient rares et inhabituels, suspects, aux yeux de Cathleen, et Elya ne serait pas étonnée d'apprendre que sa grand-mère interceptait son courrier. Mais elle avait promis de prévenir la serpentarde de son départ pour l'Écosse, et elle ne romprait pas sa promesse. Carey saurait décrypter ses mots, c'était une certitude. Quant à Cathleen, cela était improbable.
« Mademoiselle Black, il est l'heure. Sully peut aider mademoiselle Black ? »
Un soupir s'échappa des lèvres de la belle à l'annonce de l'elfe. Oui, il était temps. Lentement, les mains tremblotantes, l'espionne enroula son parchemin et le scella avec une petite cordelette, avant de le tendre à Sully.
« Tiens, c'est une lettre pour Carey. Envoie-lui ce soir. »
Elle se tourna ensuite vers sa malle qui semblait bien suffisamment grande pour contenir l'équivalent de plusieurs jours de vêtements. Pourtant, l'héritière Black avait dû employer un sortilège d'extension pour y faire entrer toutes ses affaires, et malgré cela, elle avait eu du mal à la fermer. Un sourire amusé lui étira les lèvres lorsqu'elle pensa à la réaction que pourrait avoir Aïlin en découvrant cela et elle se surprit à chercher une excuse à lui donner. Elle n'en trouva cependant aucune et se contenta de penser qu'elle pourrait aisément lui cacher. De toute façon, elle n’avait pas d’autres choix. Il lui fallait partir à présent, comme cela était convenu.
Lentement, la peur au ventre, elle se leva et s’apprêta de sa chaude cape d’hiver. Il était temps d’affronter Cathleen une dernière fois avant d’être enfin libérée d’elle pour quelques jours. D’un sort, Elya envoya sa malle dans le hall et, après avoir pris une grande inspiration, se dirigea à son tour vers les escaliers menant à l’entrée.
Du haut de ceux-ci, la potionniste eut tout le loisir d’admirer l’air froid et mauvais de sa grand-mère. Était-elle suspicieuse ? Sans l’ombre d’un doute. Mais Elya avait une confiance aveugle en Aïlin, et ce dernier avait tout prévu, de sorte que rien ne pouvait les trahir. D’un pas impérial, une main glissant lentement sur la rampe et le regard fermé à toute émotion, l’espionne descendit les escaliers, attendant avec appréhension qu’enfin résonne la voix de Lady Black. Mais il n’en fut rien. Arrivée en bas des marches, les deux femmes se jaugèrent un instant. Sous le malaise, et contre toute attente, ce fut à Elya d’engager la conversation qu’elle avait tant redouté.
« Je suis prête, madame.
- Il vaut mieux, oui. Car ce n’est pas uniquement ta réputation qui est en jeu, mais celle de ton nom. Et je n’accepterai aucune bavure. »
Les yeux d’Elya se baissèrent lentement, pour cacher à la veuve Black toute trace du mensonge que la jeune femme s’apprêtait à prononcer.
« Je le sais, madame. Je ne souhaite pas vous décevoir.
- Bien. Va maintenant. Oh et, Elya ? »
La jeune femme qui avait amorcé un premier pas vers la porte s’arrêta net, le cœur battant et le regard interrogateur.
« Quoi qu’il se passera durant ce voyage, je le saurai. Il vaut mieux pour toi que tu te tiennes tranquille. »
Un long frisson parcourut le dos de la belle, partant du bas de celui-ci pour venir mourir sur sa nuque raidie. Cathleen savait se faire craindre. Elya la fixa un instant, avant d’approuver d’un signe de tête, se répétant mentalement que tout allait bien se passer. Elle était une espionne après tout, elle connaissait le métier et savait comment détourner les potentiels suiveurs. Il lui fallait seulement arriver au laboratoire d’Aïlin sans attirer les regards. Une fois là-bas, elle n’aurait plus rien à craindre.
« Au revoir, madame. »
Sur ces derniers mots, la sang-pur se détourna définitivement du regard de Cathleen pour se diriger avec une hâte parfaitement camouflée vers la porte. Il lui fallait de l’air, le plus vite possible. Mais elle ne s’accorda une longue inspiration que lorsqu’elle vit le fiacre derrière les grilles au bout du chemin. Sa malle la suivant docilement derrière, elle s’avança vers la voiture, retenant un sourire d’étirer ses lèvres rouges. Devant elle, les grilles s’ouvrirent lentement, puis la porte du fiacre à son tour alors que le cocher se saisissait de sa malle en la gratifiant d’un « bonjour » au fort accent allemand. Elya lui fit un signe de tête et grimpa dans le fiacre, attendant avec une impatience mal camouflée qu’enfin les chevaux soient fouettés et qu’ils cavalent loin d’ici. Lorsqu’enfin son désir fut exhaussé, Elya posa son front contre la vitre tremblotante et se laissa bercer par la douce euphorie qui la saisissait. Un rire léger et cristallin fit tressaillir ses lèvres pendant un court instant, avant qu’elle ne se ressaisisse et se redresse bien droit sur son assise. Elle n’avait fait que la moitié de la première partie de leur plan. Pour la suite, il fallait attendre encore un peu.
Le chemin fut long, et le soleil déclinait petit à petit. Ils traversèrent quelques villages, s’arrêtèrent une vingtaine de minutes pour s’alimenter avant de reprendre la route vers le sud. Elya devenait de plus en plus impatiente et stressée. Elle devait prendre le bateau à une heure bien précise afin d’arriver en Allemagne le lendemain. Ou plutôt, c’est ce que Cathleen devait croire. Sur un sentier clairsemé d’arbres, à la lueur de la lune, le fiacre ralentit, et une ombre monta à l’intérieur tandis qu’une autre descendait, suivit par une malle. Le spectacle ne dura qu’une poignée de secondes, et aussitôt qu’elle était apparue, la deuxième ombre s’évapora dans la nuit. Elle avait réussi, Elya avait réussi à échanger sa place avec une autre, à qui elle avait offert polynectar, cheveux et vêtements. Le cocher lui avait lancé un sourire complice et elle avait transplané le plus rapidement possible, pour réapparaitre à des centaines de kilomètres de là, en Irlande.
Des dizaines de gouttelettes d’eau salée portées par le vent virent s’échouer sur son visage aussitôt qu’elle foula du pied la terre d’Irlande. La potionniste resta plusieurs secondes plantée-là, savourant cette première victoire, avant de se diriger en courant, le visage éclairé par un grand sourire satisfait, vers le laboratoire d’Aïlin qui se trouvait juste en face d’elle. Libre, elle était libre, enfin ! Les larmes lui montèrent aux yeux alors qu’elle entrait pour s’enfermer à double-tour dans la cabane au bord de la falaise. Il ne lui fallait plus qu’attendre trois jours l’arrivée de Bower pour que le voyage reprenne.
Ces derniers-jours enfermée seule dans cette minuscule maisonnette l’avaient rendu folle. Elle avait tournée en rond comme un lion en cage, incapable du moindre mouvement, après avoir vainement tentée de se détendre. L’échange avec son père l’obsédait, et elle retournait dans sa tête l’image qu’elle s’en faisait encore et encore. Lorsqu’enfin arriva le soir où Aïlin devait arriver, elle avait tout préparé. Elle avait rangé le désordre qu’elle avait fait, notamment dans la salle de bain, avait rebouclé sa valise avec beaucoup plus de difficulté que la première fois, et s’était chaudement habillée et élégamment maquillée et coiffée. Deux heures avant l’heure prévu, elle s’était assise dans le fauteuil, avait allumé une bougie et avait attendu. Et attendu, et attendu. Au bout d’une cinquantaine de minute, Elya s’était levée et avait fait les cent pas. Elle avait de nouveau fait le tour de la cabane afin d’être sûre de ne rien avoir oublié et s’était rassise. Les larmes menaçaient de perler à ses yeux, et à quelques dizaines de minutes de l’arrivée de Bower, elle fut prise d’une crainte sans nom, qui lui donna l’envie de rebrousser chemin. Elle n’avait plus envie d’y aller, plus envie de rencontrer son Père absent. Au fond, c’était Carey qui avait toujours eu raison. Il ne leur avait rien apporté et sans doute ne leur rapporterait-il jamais rien. La jeune femme avait longtemps médité ces pensées, les amplifiant chaque minute un peu plus, jusqu’à se convaincre qu’elle devait tout annuler.
Jusqu’à ce que la porte ne s’ouvre.
D’un bond, Elya se leva pour faire face à Aïlin. Son cœur battait plus fort que de raison, et elle l’observa quelques secondes, le regard absent, les lèvres entrouvertes. Elle le fixa, interdite, perdue dans ses pensées, jusqu’au moment où il se retourna, lui offrant le plus beau des sourires. Aussitôt, un soupire de soulagement lui échappa et elle lui sourit en retour. Comme c’était agréable de le voir. Croisant ses mains sur sa robe, elle le fixa, apaisée par sa présence, ses sordides pensées à présent bien loin de son esprit. Lorsqu’il amorça une étreinte, ses joues rougirent et elle ne bougea pas, gênée par la situation. Heureusement, il se reprit vite et se courba devant elle, lui décrochant un nouveau sourire. Enfin, ils allaient pouvoir s’évader vers les contrées sauvages des Hébrides.
« Je suis heureuse de vous voir aussi, ces trois derniers jours ont été un véritable supplice. »
Au conseil d’Aïlin, Elya se saisit de sa chaude cape d’hiver et d’une écharpe dont elle s’apprêta avec hâte. Elle tapota ensuite sa lourde malle pour que celle-ci se charge seule dans le fiacre de l’héritier Bower, lançant à ce dernier un regard en coin, attendant une remarque de sa part. Elle prit pourtant le dessus en prenant la parole avant qu’il ne le puisse.
« Je suis prête. Je vous en prie, ne me faites pas attendre plus longtemps. »
Elya avait à moitié chuchoté ces mots. Elle jeta un regard complice à l’alchimiste, attendit son accord et lui emboita le pas pour sortir affronter le froid. Il était temps. S’engouffrant dans la voiture, elle s’étonna de l’absence de chevaux et attendit qu’Aïlin entre à son tour dans l’habitacle pour lui poser la question.
« Utiliseriez-vous des sombrals ? Ce n’est pas très discret, une voiture qui avance sans chevaux, dans les villages moldus. »
Elle se fichait pourtant éperdument des moldus, à ce moment précis. Le voyage allait sans doute être long, mais au bout l’y attendait son Père. Elle avait tant espéré cette rencontre qu’à présent qu’elle pouvait presque la toucher du doigt, cela semblait irréel. Ses mains tremblotaient d’impatience et de peur et elle se terra dans le silence.
Elle ne pouvait plus reculer, à présent. Le coche s’élançait à travers le paysage d’Irlande et Elya observa celui-ci par la fenêtre pendant de longues secondes. Au bout d’un moment, elle se tourna vers Aïlin et décida de confier son sentiment à ce dernier dans un murmure tremblant.
« Je dois vous avouer que je suis effrayée à l’idée de rencontrer mon Père. Que va-t-il bien pouvoir penser de moi ? »
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Re: Fuite vers l'Écosse par Sam 7 Fév - 17:50
Sous la carapace de glace de la sang-pur, l'alchimiste avait, ce jour-là, découvert une toute autre façade. Sa douceur, sa fragilité, les délicatesses de son caractère s'étaient révélées, entraînant Aïlin à reconsidérer son jugement sur Elya. Elle était loin d'être seulement une sorcière fière, aux répliques acérées. Elle était bien plus que cela. Car elle était aussi une fille qui souffrait de l'absence d'un père, une femme dont les seuls repères ne cadraient pas avec l'esprit libre et indépendant qui l'animait. Cela plaisait à Aïlin. Il éprouvait l'envie de l'épauler, d'aider l'aigle à sortir d'une cage dans laquelle il n'avait pas sa place.
« Je suis heureuse de vous voir aussi, ces trois derniers jours ont été un véritable supplice.
- Ils l'ont été pour moi aussi. Vous savoir enfermée ici, sans pouvoir vous rejoindre, m'a plongé dans des abîmes de désespoir. D'autant que lord Bower a tenu à me surveiller de très près avant d'enfin m'accorder le départ. Nous voilà récompensés, cependant. »
Lorsque la potionniste, couverte de sa cape, l'enjoignit à ne pas rester plus longtemps dans la demeure, Aïlin passa devant et lui ouvrit la porte, pour la sceller d'un sortilège tandis qu'Elya marchait jusqu'à la voiture. Contrairement à la jeune femme, il n'avait guère eut le temps de voir son corps emmagasiner un peu de chaleur, et c'est avec un léger soupir qu'il fit face au vent douloureux d'être si froid, pour grimper à son tour dans le fiacre. La porte claqua et Aïlin redressa sa baguette magique, concédant un regard amusé à Elya quand elle s'interrogea sur ce qui menait le fiacre.
« Nous ne possédons pas de sombrals. Ce fiacre est tiré par quelque chose de bien plus sûr et de bien plus rapide : un enchantement. »
Aïlin ne tarda pas à illustrer son propos. Il se détourna d'Elya, le temps de se concentrer sur leur destination, et leva très légèrement sa baguette. Une aura ocrée irradia cette dernière et le fiacre se mit en branle, s'élevant dans les airs pour filer à une vitesse telle qu'ils dépassèrent bientôt les nuages les cachant jusqu'alors au soleil. Une fine pellicule de neige couvrit la voiture, le bois craqua, mais ce furent les seuls signes qu'ils avaient subi un changement de pression atmosphérique. À l'intérieur, le froid mordant de la neige n'avait pas de prise. En quelques secondes, les paysages irlandais ne furent plus qu'un souvenir balayé par la vision subjuguante de l'Atlantique, allongé sous leurs pieds.
Songeur, Aïlin observa l'océan, jusqu'à ce qu'un nuage blanc le prive de sa contemplation. Alors, il cala son dos bien droit contre le siège, tournant la tête vers l'intérieur de la voiture pour observer la Serdaigle. Ses mains fines étaient serrées sur ses jambes et il pouvait sentir sa nervosité comme si elle était palpable. Une nervosité qu'Aïlin partageait, mais pour d'autres raisons. Bien qu'elle se fut amoindrie, elle ne l'avait pas complètement quitté. Il n'était pas en paix. Il savait qu'il ne le serait pas tant qu'il serait certain de se savoir à l'abri de toute entrave. Rien ne leur disait que des proches de la famille Black ne les attendaient pas aux Hébrides, pour les prendre la main dans le sac. Qu'adviendrait-il alors ? Sûrement le pire, pour Elya autant que pour lui.
Cathleen n'aurait aucune pitié pour le sang impur qu'il était, en revanche, il n'osait se présenter ce qu'elle pourrait faire à sa petite fille en recevant la confirmation de son mensonge. Elle avait déshérité son propre fils pour avoir seulement eut des rapports avec une moldue, puis l'avait banni d'Angleterre avec l'interdiction formelle de revoir un jour ses filles. Au moins ne semblait-elle pas disposée à ôter la vie à un membre de sa famille, mais en ces temps de forte radicalisation, qui savait si Lady Black ne pouvait pas revenir sur sa clémence ?
Une clémence qui avait intriguée Aïlin depuis qu'il avait entendu le récit de Drew Black. Une clémence de laquelle le jeune Bower avait voulu discuter avec son père, sans que celui-ci ne daigne s'y intéresser. Le lord avait balayé d'un geste de la main l'incompréhension de son héritier, la misant sur un orgueil de femme, celui-là poussant souvent ces dernières à conserver la vie de qui les a blessé pour les faire davantage souffrir de leurs erreurs. Aïlin, cependant, n'était pas sûr d'être de cet avis. Sa propre mère ne brillait pas par sa présence, mais elle avait une propension à lui pardonner qui semblait incomber à toutes celles qui avaient enfanté. Il était difficile d'imaginer Cathleen clémente, mais il fallait reconnaître que Drew aurait pu subir bien pire qu'un exil. Les alliés des Gaunt faisaient leurs propres lois et ne s'embarrassaient pas de procès.
Le regard qu'Elya lui retourna éloigna Aïlin de ses songeries. Revenant à l'instant présent, il leva ses yeux dans ceux de sa compagne de route et reçut sa question avec un certain embarras. Il ignorait quoi lui répondre, exactement, même s'il était certain qu'Elya ferait une impression positive à son père. Pour sa part, Aïlin était persuadé que la beauté et le charisme de son enfant époustouflerait le lord déchu. Il savait que le sorcier n'avait cessé de l'aimer, elle et sa sœur et que seul le rejet pourrait décevoir cet amour, sans pour autant l'annihiler. Mais comment le dire à Elya ? Comment lui prouver que ce qu'il pouvait dire n'était pas un mensonge voué à la rassurer ? C'était là tout un art, avec lequel Aïlin n'était pas très à l'aise. Alors, il étendit plutôt sa main vers celle de la potionniste et la serra doucement, sans s'en emparer.
« Vous n'avez rien à craindre de son jugement, Miss Black, je vous le jure. Il a laissé derrière lui une enfant qu'il chérissait profondément, et il aimera tout autant la femme qu'il retrouvera. Seul un homme indigne ne saurait éprouver de fierté à vous avoir pour fille. »
Ses doigts glissèrent sur la peau encore chaude de la potionniste, jusqu'à la quitter. Déjà, les nuages se rapprochaient de la voiture. Ils s'apprêtaient à atterrir. Aïlin ne sut si la nervosité de son interlocutrice était contagieuse ou non, mais son ventre se crispa légèrement quand il devina, par-delà la fenêtre, l'archipel des Hébrides sortir de l'océan en des centaines de fragments de terres flottantes. L'archipel, vu du ciel, était toujours aussi splendide, même sous la pluie qui battait son plein.
« Nous arrivons. Il y a une auberge à Portree, nous y séjournerons au moins la première nuit. Il y a à parier que le clan McFusty serait ravi de nous offrir l'hospitalité. Votre père est proche d'eux et ils me sont reconnaissants d'avoir tenu ma promesse et respecté la dépouille de la dragonne dont je vous ai offert le cœur. Cela dit, je dois vous prévenir qu'ils sont loin de vivre dans l'une de nos somptueuses demeures anglaises. Le château qu'ils possèdent est davantage habité par les chaporouges que par eux, les trois quarts du temps, et ils ne s'accordent à le rendre habitable que pour y accueillir les plus démunis, lors des hivers trop rudes. Alors, si une forte concentration d'écossais en une seule et même demeure ne vous indispose pas, nous serions parfaitement à l'abri chez eux, le temps de notre séjour. »
Aïlin lui laissait le choix. Il savait que trop bien à quel point les manières rudes du clan et la voix prenante du patriarche pouvait indisposer, quand on était habitué à la solitude et au calme. La seule chose lui tenant à cœur était de demeurer aux côtés d'Elya, qu'importait si cela fut dans une auberge pleine de voyageurs ou au milieu d'une bruyante famille écossaise.
D'un mouvement de baguette, Aïlin fit ralentir la voiture. Ils étaient proches d'aborder l'île quand une ombre coupa soudain le flot de lumière emplissant le fiacre. La pluie cessa de frapper le toit de bois une fraction de seconde mais ils se sentirent légèrement déviés par un souffle de vent. Un sourire, vrai et heureux, ourla les lèvres d'Aïlin quand il devina ce qui venait de les survoler.
« Bienvenue aux Hébrides, Elya. »
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Re: Fuite vers l'Écosse par Mar 15 Sep - 15:55
Heureusement, Aïlin avait ce quelque chose bien à lui qui, sans qu'on ne puisse l'expliquer, insuffla un peu de courage à la belle. Le contact de sa peau encore froide sur la sienne, son regard s'emparant du bleu troublé de ses yeux, même si ses paroles ne suffirent pas à convaincre la jeune femme, ils réussirent tout de même à apaiser quelque peu son cœur. Baissant pudiquement la tête, Elya sourit, un instant silencieuse, avant de relever timidement les yeux vers l'alchimiste, le remerciant silencieusement, les échos de ses mots résonnant dans son esprit. Seul un homme indigne ne saurait éprouver de fierté... Mais quel genre d'homme était Drew ? Un exilé, sans héritage et sans famille. Que savait-elle de plus ?
« Nous arrivons. »
Relevant la tête, l'héritière Black vérifia par la fenêtre du fiacre les dires d'Aïlin. Des dizaines d'îles se dessinaient à présent dans le bleu de l'océan, bien visibles malgré la pluie battante. Un instant, Elya se perdit dans la contemplation de l'archipel, oubliant pour une seconde la peur qui la tenaillait, avant que la voix d'Aïlin ne la ramène lentement à la réalité.
Vivre dans le manoir MacFusty ... L'idée ne lui avait pas traversé l'esprit, et elle s'était imaginé prendre une chambre à l'auberge jusqu'à la fin du séjour, afin de ne pas déranger les gardiens des dragons noirs. D'autant plus qu'elle n'était pas certaine de tenir plusieurs jours dans l'inconfort et le manque d'intimité que représentait à ses yeux le manoir d'une famille exposée quotidiennement à une vie rude et pleine de danger. Mais elle savait aussi qu'il serait difficile de refuser leur hospitalité si ces derniers leur proposait.
« Je suppose que vivre avec des écossais doit être cent fois moins pénible que de vivre sous le même toit qu'une famille de radicaux. lança-t-elle avec une œillade complice en direction de Bower. Mais je ne voudrais pas déranger le clan MacFusty, ils doivent avoir assez de travail avec les dragons noirs. Enfin... Nous verrons bien. » conclut-elle finalement, un sourire timide sur les lèvres.
Le stress à nouveau se faufila dans ses entrailles lorsqu'elle sentit la voiture ralentir. Ils y étaient presque, et son Père n'était plus qu'à quelques miles d'elle. Elle commençait à se perdre à nouveau dans ses pensées quand l'ombre gigantesque recouvrit le ciel et les plongea, l'espace d'une seconde, dans une légère obscurité. Le sang de la belle ne fit qu'un tour lorsque le fiacre fut légèrement dévié par le courant d'air qu'avait déplacé la bête en passant au-dessus de leur tête, et elle se crispa de surprise. La seconde d'après, le cœur battant, elle lança un regard à Aïlin, son visage dégageant à la fois la peur et une satisfaction d'enfant. Un dragon ... Au fond d'elle, Elya espérait avoir l'occasion d'approcher les fameux Noirs des Hébrides pendant son séjour. Après tout, c'était l'occasion où jamais.
Une fois la surprise passée, la Black, après un regard gêné vers Aïlin, reprit un air faussement détaché et légèrement supérieur, comme pour reprendre contenance après ce voyage. Ses yeux pourtant fouillaient le ciel de manière méthodique, avec l'espoir d'apercevoir ne serait-ce que l'aile d'une de ces dangereuses créatures.
Mais elle ne vit rien, et bientôt, la voiture se posa au sol dans un bruit sec et avec une légère secousse. Ils étaient arrivés. Dehors, la pluie tombait légèrement moins drue que lorsqu'ils étaient en chemin, mais de nombreux habitants semblaient ne pas s'en soucier. La rue dans laquelle ils finirent par arriver après avoir atterri non loin du port pour rejoindre l'auberge, valises à la main, étaient remplies de voyageurs et de marchands dont les échoppes étaient, pour la plupart, directement ouvertes sur la rue. Nombre d'entre elles vendaient des poissons de toutes tailles et toutes couleurs, quand d'autres se spécialisaient dans les accessoires de pêches ou d'autres choses, plus classiques, comme les vêtements. Elya ne s'attarda pourtant pas sur la rue marchande, pressée de rejoindre l'auberge afin de se sécher et de déposer sa valise qui, malgré tous les sorts de légèreté possible, pesait bien trop lourde pour elle. Elle accéléra donc le pas, poussant Bower à en faire de même. Malheureusement, malgré tous ses efforts, quand enfin ils arrivèrent à destination, les cheveux d'Elya étaient déjà trempés, goûtant sur ses épaules et trempant un peu plus sa cape. Elle allait devoir passer un bon moment à les démêler et les sécher correctement. Mais elle ne se plaignit pas auprès d'Aïlin et réussit même à aborder un sourire jusqu'à leur arrivée devant l'accueil de l'auberge.
Alors qu'Aïlin s'occupait de réserver les chambres, les présentant sûrement comme frère et sœur comme cela avait été entendu, Elya observa autour d'elle. L'endroit était plutôt miteux, assez mal entretenu et poussiéreux. Et les rares personnes présentent dans la pièce parlaient forts et les hommes ressemblaient davantage à des ours qu'à des êtres humains. Ils étaient bien loin de la haute société d'Angleterre ou d'Irlande, et Elya ne se sentait pas particulièrement à l'aise ici. Quand Aïlin se retourna vers elle, l'héritière Black lui retourna un sourire crispé, pressée de se retrouver seule dans sa chambre. Qu'est-ce qui lui avait pris de venir ici ?
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Re: Fuite vers l'Écosse par Lun 21 Sep - 21:38
Il vit, sur son profil opalescent, l’éclat de ses grands yeux troublés aller de visage en visage, tandis que des hommes braillards, attablés autour de pintes de bière, conversaient avec forces gestes. Déjà, des regards commençaient à se tourner vers elle, regards dans lesquels la beauté de la jeune Black fit s’allumer une flamme d’avidité. D’un pas vif, Bower la rejoignit et, d’une main ferme, l’attrapa à la nuque.
« On y va. » ordonna-t-il, sur un ton qu’il n’avait jusqu’alors jamais employé avec elle. « Et ne regarde pas ces gens de cette façon, par Merlin. »
Sa main, possessive, s’était posée dans la cambrure dorsale de la potionniste, et il la guidait dans les escaliers sans un regard en arrière. S’approprier Elya comme si elle était sa petite sœur, fautive d’une de ses étourderies, l’amusait autant que les regards des hommes sur la Serdaigle l’avaient énervé. Ce fut seulement lorsque la porte de la chambre fut fermée dans leur dos qu’Aïlin se détacha de cet air digne et sévère pour regarder Elya, plus doux, plus joueur. Un sourire, discret mais bien présent, flottait sur ses lèvres.
« Je crois que ça va me plaire… » murmura-t-il, le dos collé à la porte.
Se redressant, Bower se défit de sa cape lourde de pluie et la sécha d’un coup de baguette, avant d’en faire de même pour le reste de ses vêtements ainsi que ses cheveux. Passant avec négligence une main dans ceux-ci pour les ramener en arrière, il s’avança dans la pièce, sans prêter attention à la décoration rustique. Cette chambre au parquet terni par les décennies, grinçant au moindre de ses pas, aux murs dont l’enduit posé à la va-vite formait d’étranges vagues en couvrant la pierre, Aïlin avait l'impression de la connaître. Elle était très semblable à celle qu'il avait occupé pendant un temps, lors de son premier séjour sur l'île de Skye. Seules les épaisses poutres de pin de la charpente, auxquelles étaient suspendus les lustres sculptés aux effigies d’animaux symboliques, conféraient un vrai cachet à la chambre, ainsi qu'un peu de chaleur. Il ne manquait qu’un feu dans la cheminée noircie par les centaines de bûches consumées. Mais, avant qu’Aïlin n’ait le temps de s’approcher de l’âtre, on frappa à la porte, et l’assistant de l’aubergiste apparut avec leurs bagages. Suivant l’ordre d’Aïlin, il déposa la ridiculement grande valise d’Elya dans une pièce concomitante, tandis qu’une serveuse profitait du libre accès à la chambre pour apporter leur déjeuner. Un incendio plus tard, les deux voyageurs se trouvèrent de nouveau seuls, avec la chaleur naissante d'un feu et tout le confort dont ils avaient besoin.
Aïlin, qui s’était tourné vers la fenêtre pour y observer la foule chamarrée battant le pavé avec autant d’entrain que la pluie, se détourna du spectacle pour en observer un autre, bien plus surréaliste, malgré son apparente banalité.
Être là, avec Elya, avait quelque chose d’onirique. Ni lui, ni elle n’étaient dans leur élément. En terrain neutre, dans l’intimité d’une chambre rougeoyant sous l’éclat des diverses flammes, le portrait qu’il observait là d’Elya était si différent de ce qu’il avait vu auparavant qu’il en demeura silencieux plusieurs secondes. Et, ce calme feutré lui rappela ces soirs pluvieux dans la haute tour battue par les vents, dans laquelle la salle commune des Serdaigle s’élevait au-dessus des vieilles pierres. Un sourire nostalgique glissa sur les lèvres du jeune homme, sans qu’il ne s’en rende compte.
« J’espère que le temps se montrera plus clément très rapidement. Il y a tant de choses que j’aimerais vous montrer ici, Elya. Mais, puisqu’il nous faut attendre, mangeons d’abord. »
L’alchimiste tira la chaise de la jeune femme avant d’aller s’installer à son tour, face à elle sur la petite table ronde. Puis, tandis qu’il découvrait avec envie la soupe chaude et les mets fumants qu’on leur avait préparé, il ajouta, d’une voix négligente, comme s’il pensait à deux choses, diamétralement opposées, à la fois :
« Au fait, puisque vous êtes ma sœur, il faut changer la couleur de vos yeux. Et vous devez comprendre le gaélique, au moins le mien, puisqu’il s’agit de notre langue natale. Si vous n’avez pas pensé à emporter avec vous une potion polyglotte, j’en ai quelques-unes dans mes bagages. Dites, avez-vous déjà goûté de la panse de brebis ? »
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Re: Fuite vers l'Écosse par Lun 28 Sep - 7:31
Aussi, après une pensée pour elle, la potionniste se laissa faire sans rechigner, au moins jusqu'à ce que la porte de la chambre ne se referme sur eux. Là alors, sous le regard moqueur d'Aïlin, une moue boudeuse s'afficha sur son visage alors qu'elle lui retournait un regard vexé.
« Parlez pour vous. Ça ne doit pas être plaisant tous les jours d'être votre sœur. » rétorqua-t-elle l'air revêche. Elle ne lui fit pourtant pas plus de sermon, et se détourna de lui lorsqu'il se débarrassa de sa cape pour en faire de même bien plus loin dans la pièce, et défaire son chignon trempé par la même occasion.
Ses cheveux, une fois lâchés, gouttaient à grosses gouttes sur le sol de la chambre. Lui tombant en cascade ondulé dans son dos, elle les sécha méticuleusement à l'aide de sa baguette avant de faire de même avec tous ses vêtements. Une fois sèche, elle passa une main dans ses cheveux, comme pour profiter une dernière fois de leur liberté, avant de les attacher en un chignon légèrement moins stricte qu'elle ne l'aurait souhaité d'un sort.
Après avoir lissé sa robe de quelques mouvements des mains, Elya se retourna pour faire face à Aïlin. Sans qu'elle ne se l'explique, le voir ainsi décoiffé par la pluie provoqua un léger bond dans son estomac. Elle s'immobilisa, incapable de penser, comme pétrifiée dans le mouvement qu'elle exécutait une seconde plus tôt. Il avait quelque chose d'enchanteur dans sa façon de bouger, dans son regard, dans ses gestes. Et le désordre dans ses cheveux lui donnait un air étrangement séducteur qui laissa la jeune Black muette l'espace d'un instant. Ce n'est que lorsqu'on frappa à la porte, une poignée de secondes plus tard, que la potionniste reprit consistance. Et elle ne fut que trop heureuse de pouvoir poser les yeux ailleurs que sur l'Irlandais lorsque les deux employés entrèrent dans la chambre, apportant valises et plats chauds.
Quand le calme reprit possession de la pièce, Elya s'approcha de la table sur laquelle était posé leur repas, non loin de l'âtre dans lequel brûlait à présent un grand feu. Elle attendit là poliment qu'Aïlin soit prêt, lui lançant un sourire chaleureux lorsqu'il se tourna vers elle. L'hiver était là, s'installant progressivement sur le Royaume-Uni, et ici, tout au nord de l'Île, nul doute que la chaleur n'était pas prête de revenir. Tout au plus pouvaient-ils espérer que la pluie cesse, peut-être pour laisser place à la neige. S'asseyant sur la chaise qu'Aïlin lui proposait, elle s'installa confortablement, heureuse de se retrouver au chaud et au sec, mais surtout au calme.
La soupe sentait extraordinairement bon, malgré l'aspect quelque peu rebutant de l'auberge, et l'anglaise se rendit compte qu'elle avait faim. Aussi, lorsqu'Aïlin se fut installer en face d'elle, elle déplia sa serviette pour la poser sur ses genoux et se saisit de sa cuillère sans plus attendre. Lentement, elle remua sa soupe, mais avant de pouvoir y goûter, Aïlin, éternel perfectionniste, prit la parole. Changer la couleur de ses yeux ne devrait pas être bien compliqué, quant au gaélique, Elya avouait n'avoir que de très faibles connaissances dans cette langue. Quinze années de cours de langues particuliers pour finalement devoir user d'une potion polyglotte pour comprendre un dialecte issu de sa langue natale... C'en était risible. Approuvant lentement de la tête, la potionniste ne dit mot, prête à attaquer sa soupe. Mais la question que l'Irlandais lui posa lui coupa l'appétit. Méfiante, Elya reposa sa cuillère, et jeta un regard suspicieux à l'héritier.
« Non, jamais... Et j'avoue ne pas en ressentir l'envie. - Elle marqua un temps de pause, baissant un instant les yeux avant de les relever vers Aïlin - Et ce n'est pas parce que je me fais passer pour votre petite sœur que vous m'y obligerez. N'y pensez même pas. » Un franc sourire apparu sur les lèvres d'Elya, précédant un rire léger, et enfin, elle put attaquer sa soupe.
Le repas lui fit le plus grand bien, et fut un moment agréable à passer en compagnie d'Aïlin. A la fin de celui-ci, alors qu'elle s'était laissé aller un peu plus à son aise sur son siège, un silence léger s'installa entre eux, durant lequel Elya l'observa, souriante. Mais au fur et à mesure de ses pensées, son regard se perdit dans la pièce, et son sourire disparut lentement.
« Vous avez réussi, Aïlin. Vous m'avez amené ici, à quelques kilomètres à peine de Drew. Plus que quelques heures et nous serons face à lui. Je crois que je ne réaliserais pas avant d'y être vraiment. Alors ... Vivement demain. sourit-elle sans relever les yeux. Il était inutile de préciser qu'elle était terrorisée. Aïlin le savait, car elle s'était déjà confié auprès de lui, plus tôt dans la journée, et le faire à nouveau la fit rougir. Aussi, elle reprit vite la parole avant qu'Aïlin ne se sente obligé de la rassurer. - Mais avant, profitons de ce jour. Regardez, il ne pleut plus. Peut-être pourrions-nous sortir ? Vous avez dit que vous vouliez me montrer quelque chose ? »
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Re: Fuite vers l'Écosse par Dim 18 Oct - 20:34
Bientôt, ces pensées furent oubliées. Installées à table, les deux Serdaigle s’apprêtèrent à déguster un repas chaud, bien mérité. Leurs émotions avaient été intenses depuis leur réveil, chacun pour des raisons plus ou moins différentes. Ce qu’ils faisaient n’étaient pas exempt de risques, bien au contraire. Ils avaient besoin, tous deux, d’accuser le coup, pour mieux faire face à la suite de leur projet.
La soupe fumante à l’odeur plus qu’alléchante était aussi prometteuse que le reste de leur repas. C’était exactement ce qu’il leur fallait. Mais, c’était sans compter la question à priori innocente d’Aïlin à l’attention d’Elya. Il tâcha de ne pas sourire, s’ancrant un air sérieux sur le visage, tandis que la jeune Black reposait sa cuiller sans cacher son dégoût. Ah, ces anglaises ! Des goûts déplorables en matière de cuisine et, pourtant, incapables de ne pas se sentir offensées à la seule mention d’un plat pourtant plus savoureux qu’elles voulaient bien le soupçonner.
« Si vous voulez entrer dans votre rôle, il vous faut pourtant savoir que ma sœur ne rechignerait pas devant un tel met. Mais, rassurez-vous, c’est bien meilleur que l’infâme gelée informe que vous appelez « dessert ». »
Partageant l’hilarité d’Elya, Aïlin lui adressa une œillade complice, avant d’imiter son ancienne camarade de Maison. L’atmosphère s’était largement allégée. En un instant, ils furent bien loin des tensions qu’ils avaient laissées derrière-eux, la chaleur du repas écossais se communiquant à leur corps et leur conversation.
Elya l’observait avec un sourire et l’alchimiste, après un instant de contemplation, le lui rendit. À cet instant, elle avait perdu ce masque froid et hautain qu’elle lui avait si bien opposé lors de leurs premières retrouvailles. Ses joues avaient légèrement rosies, réchauffées par le feu de cheminée et la bonne chère. Elle semblait plus jeune qu’elle ne le paraissait habituellement. Presque plus accessible, aussi. S’attardant dans ses beaux yeux bleus, Aïlin y chercha toutes les nuances, tous les reflets qui rendaient le regard de Miss Black unique. Il y avait quelque chose, dans ce regard. Quelque chose d’intense, de la chaleur derrière la glace, de la vie derrière le bouclier d’indifférence. Des secrets, innombrables. Chatoyants autant que le reflet des lueurs du jour sur sa cornée. Quelle pitié qu’elle fut une Black, pensa Aïlin. Cette femme était ce qui s’approchait certainement de la perfection. Elle avait de l’esprit comme elle avait du caractère. Un visage fin, délicat, harmonieux, que cette distance méfiante qu’elle opposait au reste du monde rendait d’autant plus fascinant. Elle avait l’air intouchable, inaccessible, hors de portée. Et pourtant, il l’avait attirée jusqu’ici. Il avait assez bien conquis sa confiance pour qu’elle se laisse emmener loin des siens, envers et contre tout, malgré la menace de leur famille respective, et du danger qu’Aïlin lui-même pouvait représenter pour elle. Oui, réalisa soudain Aïlin, tandis qu’il perdait l’attention d’Elya sur lui. Elle lui faisait confiance. En était-il digne ?
La voix d’Elya tira l’alchimiste de ses pensées. Non sans gêne, il se rendit compte des idées qui avaient discrètement germé dans son esprit, tandis qu’il contemplait la beauté. Elle n’était pas pour lui, quoi qu’il fasse. Il avait beau avoir toutes les qualités pour prétendre à la main d’une femme de sa stature, la mixité de ses origines brisait tout espoir de la posséder. Le simple fait de se laisser aller à ce désir était une faiblesse qu’il ferait mieux de détruire une bonne fois pour toute. Elya était trop dangereuse pour lui. Déjà, il la tenait en trop haute estime. Reconnaître son désir pour elle était une chose, mais envisager d’autres sentiments, d’autres espoirs que de lui voler, par jeu, peut-être par arrogance, assez de vertu pour s’emparer de ses lèvres de son plein gré, était inconcevable.
Machinalement, Aïlin se redressa et termina le verre de vin qu’il s’était servi tout en navigant dans les méandres de ses pensées. Trop absorbé, il avait à peine noté l’angoisse qui était revenue en Elya, et n’eut guère le temps de s’y attarder davantage. La potionniste lui offrit plutôt une merveilleuse opportunité de laisser leurs pensées respectives derrière-eux. Un sourire s’ancra sur les lèvres de Bower, alors qui se débarrassait de sa serviette pour la reposer sur la table.
« En fait, il y en aurait tellement, et nous avons, finalement, si peu de temps. Les écossais sont des rustres braillards pour beaucoup, mais il leur faut reconnaître deux choses : le sens de la camaraderie et des terres à couper le souffle par leur beauté. Il y a un endroit en particulier, unique autant par son histoire que par son apparence. Il faudra marcher un peu pour s’y rendre, cependant je vous promets que vous ne serez pas déçue. »
Quand Elya lui signifia son accord, Aïlin se leva et, non sans un empressement qu’il était rare de lui trouver, vint poser la cape d’Elya sur les épaules de la jeune femme, avant de s’habiller lui-même. Mais, avant de sortir enfin de l’auberge, il acheva de maquiller les traits qui distinguaient Elya de sa sœur.
Ils avaient marché un moment avant de trouver la maison de cet écossais dont Aïlin avait entendu parler, réputé pour être le meilleur intermédiaire pour se rendre là où l’alchimiste comptait amener Elya. L’homme se faisait de l’or supplémentaire en conduisant en chariot les sorciers désireux de s’aventurer aux pieds des Black Cuillins, réputées pour leur féérie et leur diversité magique. C’était un vieil homme petit et tout fripé, mais dont le regard vibrait de bienveillance et de chaleur. Il avait sourit avec une admiration dévote en découvrant la belle lady à sa porte, et ce fut à peine si Aïlin eut le droit à un regard, même lorsqu'il eut sorti sa bourse pleine de gallions sonnants et trébuchants. Pour peu, le vieil écossais serait resté avec eux une fois parvenus à destination, désireux de faire découvrir à « la Dame » les recoins les plus secrets et les plus splendides de « la demeure des fées ». Mais, non sans une impressionnante démonstration de patience pincée, Aïlin parvint à se débarrasser du vieillard, qui leur laissa un portoloin pour revenir à leur point de départ.
Bientôt, ils furent seuls entre forêt et montagnes.
« Il nous reste à marcher encore un peu. Nous y sommes presque, et je réalise que c’est le temps idéal pour venir ici. » déclara Aïlin en tendant la main à sa compagne, un sourire aux lèvres. Puis, lorsqu’elle s’en saisit, il la guida jusqu’à leur point d’arrivée, veillant à ses pas autant qu’aux siens sur les chemins escarpés.
Enfin, ils y furent. « Les baignades des fées ». Ils se trouvaient devant une étendue d’eau peu profonde, remuée par une douce cascade qui coulait paisiblement dans les eaux colorées par leur fond chatoyant. Une légère brume flottait au-dessus de la surface, le ciel encore nuageux permettait d’observer l’eau à sa guise sans se trouver ébloui.
« La pluie vient de rééquilibrer le niveau des eaux. Nous arrivons au moment parfait. Nous sommes sur le domaine des fées. La rumeur veut qu’elles viennent ici se baigner et se reposer. Peut-être auront nous la chance d’en trouver, mais cette étendue d’eau n’est pas la seule aux alentours. Il y en a plusieurs, séparées par quelques miles. »
Une chose était certaine. C’était un coin paradisiaque pour un alchimiste et une aspirante maîtresse des potions, désireux de découvrir quelques ingrédients rares.
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