L'Aube rouge. par Ven 7 Fév - 20:34
Le salon était méconnaissable. On avait ouvert les fenêtres pour laisser passer l'air et éviter que les odeurs des corps ne stagnent et imprègnent les tapisseries. Il n'y avait plus aucun moldu au manoir. La plupart étaient morts de leurs blessures, moins résistants que l'étaient leurs congénères sorciers, bien qu'on leur avait apporté les soins en priorité. Les autres étaient rentrés chez eux, ou du moins, ce qu'il restait de leur chez-eux quand leur foyer s'était trouvé trop près de la place publique.
Il faisait déjà chaud. L'atmosphère était légèrement plus relâchée qu'aux premières heures des interventions médicales, mais il régnait une ambiance de deuil. Cela alourdissait l'air à la façon de nuages gris d'orage, pesants, pénibles. L'on attendait que le ciel éclate, que les cœurs se déchargent enfin de leur peine et de leur colère. Personne n'était épargné, l'impression était générale. Même les femmes et les elfes qui assistaient en nettoyant le sol à grands renforts d'eau, de savon et de sortilèges, avaient ce regard abattu, douloureux. Peut-être plus encore que les autres, à vrai dire, car aucune activité ne demandant le secours de leur intellect ne permettait de les distraire de leurs pensées noires. Un trio de sorcières brûlait de la sauge en psalmodiant afin de purifier l'air et les cœurs, mais cela n'y changeait absolument rien. Le mal était trop fort.
La mine grise, les yeux flous encerclé de cernes rougeâtres, Aïlin s'avançait dans le salon d'un pas lent, le bras en écharpe. Il avait espéré récupérer la mobilité de son bras à l'aide de quelques potions, mais il fallait se rendre à l'évidence : perdre des nerfs et une partie de biceps ne se réparait pas aussi bien que l'oubli d'une partie de sa moustache. Il n'avait pu, de fait, être aussi utile qu'il l'aurait voulu pour les blessés et le pli sur sa bouche, l'ombre dans ses yeux trahissaient l'humiliation que cela lui faisait ressentir. Il s'était vaillamment défendu. Mieux qu'il ne s'en était cru capable. Et, comme un sorcier juvénile, il s'était misérablement désartibulé pour se rendre quelques centaines de mètres plus loin, un kilomètre tout au plus. Il avait fait perdre un doigt à une vieille femme et si cela était un faible écot pour sa vie sauve, avoir erré la nuit durant, se voyant interdire le moindre sort de soin, la moindre tâche un peu plus majeure que de maintenir une pression sur une plaie le temps que celle-ci soit refermée par un expert, à moins d'administrer une potion de sommeil à une mère de famille hystérique d'avoir perdu son enfant dans la débâcle, était pour lui une punition. Il était alchimiste. L'apprenti d'Henry, certes, mais du haut de ses vingt-quatre ans, il était capable, consciencieux, rigoureux et compétent. On avait beau lui avoir assuré qu'il n'était pas en état de lancer un sort, qu'il avait perdu trop de sang, qu'il risquait de faire plus de dégâts que de bien, Aïlin ne supportait pas de ne pas intervenir. Non par charité, à vrai dire, mais parce qu'être parmi les victimes plutôt que les protecteurs était une position insoutenable.
Aussi avait-il enduré la douleur, la brûlure de la potion, les picotements, les fourmillements, les tiraillements horribles qui avaient investi tout son bras alors que la chair travaillait à se recomposer autour de l'os, cela sans mot dire. Il n'avait pas lancé une seule plainte, se contentant de s'empêcher de se crisper ou de hurler en se concentrant sur sa respiration, en regardant cet enfant à quelques mètres qui avait eu la jambe broyée et des côtes brisées pour être tombé au milieu de la foule. Il ne pleurait pas, hagard, tandis qu'une jeune femme s'occupait de lui avec douceur et tendresse, mais cela n'était pas du courage. Il ne comprenait pas. Son monde avait basculé. Il était choqué, déconnecté du monde réel. C'était là le meilleur moyen de préserver ce qu'il lui restait d'intégrité mentale et Aïlin prenait l'attitude du garçonnet comme une leçon de survie. Il fallait oublier le corps. Car dans son malheur, Bower était chanceux. Il était un sorcier. Un moldu serait mort d'une telle blessure ou serait resté handicapé à vie, s'il avait eu la chance de survivre à l'hémorragie.
Les yeux de l'alchimiste virevoltèrent et se posèrent sur une jeune femme qui se tenait près d'une fillette, s'essuyant les mains de restes de sang à demi-séché sur ses jupes comme s'il avait s'agit d'un simple tablier. Sa si jolie tenue était fichue, ses cheveux tressés de fleurs avant la tombée de la nuit étaient défaits, emmêlés, lâches sur ses épaules. Elle était pâle, elle avait l'air épuisée et surtout, chamboulée. Le regard d'Aïlin s'adoucit et il vint à la rencontre de Cecilia, posant sa main gauche sur son épaule.
« Vous devriez prendre un bon bain chaud et vous laisser aller un peu au sommeil, Miss Peverell.
Pour tout retour, le jeune homme eut le droit à un regard ardent.
— Je ne vois pas comment je pourrais entendre les conseils d'un blessé qui devrait dormir ! Vous me feriez l'effet d'un bain chaud que de bien vouloir aller vous reposer !
— Je ne suis pas plus d'humeur à dormir que vous, Cecilia. J'ai consenti à prendre un anti-douleur, faites moi au moins le plaisir de prendre un petit-déjeuner. »
Voyant son air hésitant et un brin courroucé, le jeune homme redoubla d'effort pour la convaincre. L'air doux, il insista :
« Je mangerai si vous mangez. Et je dormirai si vous dormez. »
Aïlin amorça un mouvement en direction de la salle à manger, sans quitter la jeune femme des yeux. Il eut un petit sourire lorsque Cecilia finit par le suivre avec un petit soupir résigné. Elle avait déjà grandement aidé, il était temps qu'elle s'occupe d'elle. D'ailleurs, Topius, maintenant affairée dans les cuisines, avait supplié l'alchimiste de convaincre sa maîtresse de venir manger, lorsqu'il l'avait croisée quelques minutes plus tôt.
Malgré le besoin, la faim peinait à venir, repoussée par un écœurement autant physique que moral. Aïlin piocha plus qu'il ne mangea, handicapé de surcroît par l'écharpe qui maintenait immobile son avant-bras contre sa poitrine. Il accepta, à contrecœur, le sédatif qu'avait posé Topius à côté de son thé, davantage pour épargner du souci à Cecilia que par préoccupation pour sa santé. Lorsqu'ils quittèrent la salle à manger, Aïlin et Cecilia avaient tous deux laissé la moitié de leur assiette.
« Allez dormir maintenant, Aïlin. S'il-vous-plaît…
— Je préfère attendre d'être rentré chez moi pour cela. Ma sœur…
— Vous avez prévenu votre sœur par voie de cheminette, cette nuit. Elle croit que vous allez bien et cela ne sera vrai qu'à condition que vous laissiez votre corps récupérer ! Aïlin…
L'alchimiste poussa un soupir.
— D'accord… D'accord. Je vais me reposer quelques heures. »
Le jeune homme amorça un pas vers le couloir, mais à l'instant même où il allait s'engager vers celui-ci pour trouver le premier étage, un visage familier émergea dans son champ de vision, s'avançant vers lui. Aïlin s'arrêta tandis que Crestian Longbottom venait à sa rencontre, abandonnant Cecilia et sa promesse quelques mètres seulement derrière-lui.
Dernière édition par Aïlin Bower le Dim 8 Juin - 22:15, édité 1 fois
- Héritier rebelle
Que vois-tu…?
Messages : 814Date d'inscription : 21/06/2013
Age : 34
Habitat : Manoir Bower, Connaught
Parchemin Magique
Classe: Jeune Prodige
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): N/A
Re: L'Aube rouge. par Sam 15 Fév - 20:04
-Va donc voir le fils Bower avant de nous rendre tous fous. Tu as cessé d’être efficace il y a de cela plusieurs heures et puisque tu refuses d’aller te reposer comme te le supplie ta mère, pars au moins calmer tes inquiétudes.
L’Auror ne se le fit pas dire deux fois qui attrapa sa cape, sans se préoccuper d’en changer malgré l’état déplorable dans lequel elle se trouvait après une nuit passée à courir dans tous les sens pour délivrer des messages au nom de son père, et quitta les lieux dans l’instant. L’air matinal le revigora instantanément. Le champ de bataille qui se dévoila devant ses yeux servit néanmoins à lui rappeler pourquoi il était si fatigué, si tant est qu’il eût pu l’oublier. Des flashbacks de la nuit précédente lui revinrent à l’esprit. Le Sombral plongeant en piqué vers le sol. Le Feudeymon s’élançant vers le patriarche Peverell. La démonstration impeccable de magie de ce dernier. Le choc brutal du Sombral s’écrasant sur le sol, son cavalier ayant mystérieusement disparu pendant que les regards étaient tournés ailleurs. Les cadavres jonchant le sol, certains carbonisés, d’autre éviscérés, à qui serait le plus robé de son humanité. Les regards vides, figés à jamais dans une expression de terreur pure ou pire encore de douleur indicible. Et soudain, la fatigue qui lui était tombée dessus au moment où il s’attendait le moins.
Il se revoyait encore, s’effondrant au sol, ses jambes refusant de le soutenir une seconde de plus, reprenant tant bien que mal son souffle aux côtés du corps d’une femme étirant sa main vers quelque chose ou quelqu’un qu’elle n’avait à l’évidence jamais atteint. La gravité des évènements lui était alors apparue dans toute sa clarté, entouré qu’il était par les traces des combats qui prenaient tout juste fin, et une pensée, une seule l’avait maintenu éveillé : sa famille. Il ne savait rien d’eux. Réagissant par instinct lorsque les sorts avaient commencé à fuser, il avait mis de côté ses inquiétudes, se préoccupant uniquement de la situation présente mais, désormais que tout semblait terminé, son esprit ne pouvait se défaire de la peur grandissante qui s’était emparée de son cœur. Sans plus y réfléchir, il transplana donc dans l’instant au manoir Longbottom où il trouva Cyriac en train de calmer tant bien que mal leur mère.
Lorsque cette dernière l’avait vu arriver, elle s’était jetée dans ses bras, pleurant toutes les larmes de son corps désormais qu’elle savait son dernier enfant en sécurité. Pendant que leur génitrice se remettait de ses émotions, son cadet lui avait alors expliqué que Crestia était seulement passée récupérer ses ustensiles avant de partir pour Sainte-Mangouste pour aider au traitement des blessés. Quant à Benedict, une fois sa femme en sécurité et laissée aux bons soins de Cyriac et des elfes de maison, il était retourné sur la scène du carnage pour diriger la poursuite des attaquants. Il avait par conséquent décidé d’aller le rejoindre malgré les protestations des plus vocales de sa mère. Il espérait que Cyriac ou un des elfes penserait à prescrire un calmant à leur mère, mais il n’avait pas eu le temps de rester vérifier.
Par précaution, se sentant trop fatigué pour transplaner, il avait quitté le manoir à pied et s'était dirigé vers la grand-place à grandes enjambées. Il avait croisé plusieurs personnes, mais n’y avait prêté aucune attention. Il n'avait pas tardé plus de deux minutes à arriver à destination et avait immédiatement remarqué la silhouette imposante de Benedict aux côtés du patriarche Peverell. Il s'était alors suffisamment approché pour entendre son père recommander à Reginald d’aller prendre du repos et, étonnamment ce dernier avait accepté sans broncher, peut-être plus fatigué qu’il ne le laissait paraître par le sortilège qu’il avait produit peu de temps auparavant. Lord Longbottom avait donc exigé d’un de ses hommes qu’il accompagnât le Président de la Chambre avant de remarquer son héritier.
A partir de là, le reste de la nuit était passé dans un brouillard d’aller et retours. En effet, faisant partie des rares personnes quasi intactes parmi les forces de l’ordre, Crestian s’était proposé pour servir de messager entre le QG provisoire qui s’était installé dans les minutes suivantes dans le hall du manoir Longbottom et les différents Aurors sur le terrain. Sa tâche avait donc consisté à s’évertuer à compiler les rapports des Aurors partis à la poursuite des attaquants, à noter les pertes en vie humaines successives qui lui étaient indiquées ainsi qu’à s’assurer que les dépouilles des défunts étaient convenablement récupérées pour être ensuite rendues à leurs parents respectifs. Sa tâche la plus ingrate avait d’ailleurs sans nul doute été celle de monter un groupe d’identification des cadavres qui allait devoir passer les jours qui venaient à découvrir les identités des différents tués de manière à pouvoir rendre leurs dépouilles à qui de droit. Et bien entendu, étant donné que les Aurors les plus expérimentés allaient être demandés ailleurs, il avait dû y inclure les recrues les plus récentes, lui-même y compris.
Soupirant à l’idée des quelques jours qui l’attendait, il refusa cependant de se laisser abattre. Il avait eu une chance absolument incroyable, comme si la bonne étoile qui l’avait déjà amené jusqu’à la victoire lors du tournoi de duels – cette compétition désormais si lointaine – avait poursuivi diligemment son travail de protection durant les combats suivants de la soirée, bien plus dangereux que les premiers. Néanmoins, il ne pouvait pas en dire autant de ses collègues et, en particulier, une rumeur qu’il avait entendue au cours de la nuit l’inquiétait au plus haut point. Aïlin se serait désartibulé en cherchant à transplaner loin du danger avec les moldus qu’IL avait initialement voulu protéger. Il se sentait par conséquent des plus coupables. Il était celui qui aurait dû les mettre à l’abri et non l’héritier Bower. Il était donc celui qui aurait dû être blessé en tentant un transplanage d’escorte d’urgence. C’est pourquoi il accéléra inconsciemment le pas, pressé d’arriver au manoir Peverell et de prendre des nouvelles de son ancien adversaire.
Quelques minutes plus tard, il se trouvait ainsi à la porte du domaine Peverell et en franchit les portes sans que personne ne l’arrête. Il se fit d’ailleurs la remarque qu’il aurait peut-être été judicieux de poster un ou deux Aurors à l’entrée du manoir pour assurer la sécurité des habitants au vu des évènements de la veille mais il fallait croire que les ressources du Département étaient bien limitées. Sans compter qu’il était trop tard pour proposer l’idée à Benedict. La plupart des Aurors avaient leurs ordres et il n’était pas ici en sa qualité d’Auror mais simplement en celle de connaissance inquiète. Il pénétra donc les lieux, n’osant arrêter personne, tout le monde ayant l’air des plus affairés malgré l’heure avancée ou plutôt matinale, cherchant donc l’ancien Serdaigle par lui-même. Il avait ainsi parcouru deux salles remplies à ras-bord de blessés et de Guérisseurs lorsqu’il aperçut enfin la silhouette affinée de l’Irlandais. Il se dirigea donc droit vers lui, esquissant un geste d’appel lorsqu’il croisa son regard.
-Aï.. Bower !
Il s’était repris à temps, ne sachant si l’apprenti alchimiste aurait apprécié une familiarité qu’ils ne possédaient pas avant leur soirée pour le point éprouvante. Il remarqua ensuite l’état de son bras et constata que les rumeurs ne mentaient pas, l’héritier Bower avait souffert d’une désartibulation avancée. Considérant néanmoins mal placé de le lui rappeler, il se contenta de dire ce qu’il ne cessait de remâcher depuis la découverte de son état, le regard rempli de regrets amers :
-Je suis désolé de t’avoir abandonné dans cette situation. Si nous avions transplané à deux, ça ne serait probablement pas arrivé.
Cette phrase était idiote et il le savait pertinemment. Au vu de la situation, l’ordre que lui avait intimé Aïlin avait été le bon, la preuve il avait arrêté le maniaque au Sombral, néanmoins malheureusement cela n’enlevait rien à sa culpabilité dévorante.
Auror
Que vois-tu…?
Messages : 732Date d'inscription : 08/07/2013
Age : 33
Habitat : Appartement à Londres
Parchemin Magique
Classe: Sorcier Spécialiste
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): Métamorphose
Re: L'Aube rouge. par Dim 23 Fév - 4:37
On y était, d'ailleurs. Les premières paroles de l'auror, chargées de culpabilité, auraient certainement un effet dévastateur pour l'orgueil et les nerfs (du moins, ceux qu'il lui restaient!) de l'alchimiste, si celui-ci n'était pas aussi épuisé et chamboulé par le contrecoup, tant physique que moral, de l'attaque. Aussi se contenta-t-il, là, d'en rire. Un rire faible et court, nerveux.
« Bonjour, Longbottom. Allons, je n'étais pas une jouvencelle en détresse. Chacun a fait ce qu'il avait à faire, selon sa propre conscience. »
Son regard, un peu aigre, dériva vers son épaule, prenant avec une certaine hauteur la blessure, comme si cela permettait de la diminuer.
« Il vaut mieux ça qu'un maléfice, n'est-ce pas ? Puis, tant qu'un membre n'est pas perdu, il se répare. Je ne peux pas me plaindre lorsque je songe à la moldue que j'ai malencontreusement désartibulée avec moi… »
La femme avait en effet perdu rien de moins qu'un doigt et s'était ainsi trouvée être la moins chanceuse de leur petite escorte. Cela prouvait au moins une chose. Il y avait ceux qui étaient faits pour être sur le terrain et réagir sans perdre le contrôle de leur magie dans les moments les plus intenses, et il y avait les autres.
Le sang-froid dont avait fait preuve Aïlin avait peut-être été bénéfique. Il avait au moins permis à Crestian de faire ce pourquoi il avait été formé, plutôt que de protéger passivement. Aussi trouva-t-il juste d'ajouter :
« Vous n'avez pas à vous sentir responsable de ne point m'avoir prêté assistance. Transplaner à deux aurait été plus dangereux encore et il fallait mettre ce mage noir hors d'état de nuire. Qui sait ce qu'il serait advenu de Godric's Hollow et même du manoir Peverell s'il n'y avait pas eu de riposte. »
Aïlin n'osait pas l'imaginer. Certains parlaient d'attaque éclair de la part de leurs agresseurs, de coup d'éclat pour semer le chaos. L'alchimiste, lui, ne saurait se prononcer. Tout était passé très vite et très lentement à la fois. Le moment où il avait perdu la main de Cecilia au milieu de la foule avait pu durer une éternité comme un instant. Le fait est que ce moment lui avait semblé durer plus que tout le reste encore. Réprimant un frisson rien qu'à la pensée de ce qui aurait pu advenir, le jeune homme jeta un regard par-dessus son épaule. Cecilia n'était plus là. Sûrement avait-elle préféré abandonner la partie. Une petite voix dans sa tête, celle qui se souciait de tout comme de rien, espéra qu'elle était bien partie se reposer quelques heures, à l'abri des dernières agitations régnant encore au manoir, sous les draps, dans son lit.
Quant à la question de la sécurité du foyer Longbottom, elle ne se posait pas pour l'instant, et bien que par égard, il aurait pu inclure celui-là comme menacé, Aïlin préférait demeurer plutôt réaliste que poli. Comme l'attestait le parchemin trouvé planté sur la porte du Chaudron Baveur, les Longbottom n'étaient pas considérés comme des traîtres à leur sang, certainement grâce à leur légendaire neutralité, apparemment liée à la fonction d'auror. Un paradoxe relatif, quand on imaginait que les Longbottom chassaient exactement ceux qui étaient venus combattre cette nuit. Cependant, il y avait une logique évidente. Les radicaux considéraient le sang des Longbottom comme « pur », comme ils aimaient si bien le dire. Puis, avoir en alliée une famille ayant une place imposante au siège des Défenses contre les Forces du Mal était un atout non-négligeable. Un jour ou l'autre, ils seraient approchés. Peut-être serait-ce alors le moment où leurs ennemis dévoileraient leur véritable visage.
« La nuit a dû être courte pour vous aussi. Comment le gérez-vous ? » demanda Aïlin, avec un intérêt non-feint.
S'il avait remarqué employer une distance dans sa façon de répondre à Crestian quand celui-ci s'était montré plus chaleureux — plus par réflexe que par réelle intention — le « vous » concernait cette fois l'entièreté de sa famille. Les Longbottom jeunes et moins jeunes avaient dû passer une nuit intense, tout comme les Peverell. Aucun habitant de Godric's Hollow n'avait été épargné.
- Héritier rebelle
Que vois-tu…?
Messages : 814Date d'inscription : 21/06/2013
Age : 34
Habitat : Manoir Bower, Connaught
Parchemin Magique
Classe: Jeune Prodige
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): N/A
Re: L'Aube rouge. par Sam 1 Mar - 19:00
Il se morigéna donc mentalement tandis qu’Aïlin se moquait gentiment de lui, cherchant sans doute par-là à minimiser son état, non pas que Crestian pût lui en vouloir. Il savait ce que signifiait avoir un ego blessé et il trouvait déjà l’héritier Bower bien courageux de faire face avec un demi-sourire aux lèvres, pour aussi moqueur fût-il. Surtout que faire repousser de la chair n’était une expérience en rien agréable. Il se souvenait encore avec une totale clarté de l’explosion du chaudron de Meredith en sixième année qui avait emporté un bon de son oreille avec elle. La douleur de la reconstruction avait été à la limite de l’insoutenable et seul un sort d’anesthésie lui avait permis de passer la nuit en paix. Il accepta donc avec gratitude la perche que l’Irlandais lui tendit lorsque ce dernier s’enquit du sort de ses proches, cherchant ainsi à laisser sa bourde de côté.
-Effectivement. Bien que je ne l’ai personnellement pas vue passer à force de servir de hibou entre les différents Aurors sur le terrain et le QG improvisé au manoir. Père, quant à lui, n’a pas semblé particulièrement affecté par le manque de sommeil, je le soupçonne de n’en être pas à sa première nuit blanche.
Le plus irritant pour l’aîné Longbottom étant qu’il ne pouvait même pas mettre cette capacité paternelle sur le compte de l’adrénaline puisqu’une fois enfermé dans le hall du manoir Lonbottom, Benedict avait repris son calme légendaire, gérant la situation comme une urgence de plus et non comme la catastrophe que tout le monde semblait vivre. Comme quoi le quinquagénaire n’avait pas volé son poste au Siège de la Défense contre les Forces du Mal. Un poste que son héritier se voyait mal être capable de remplir avec la même aisance lorsque son tour viendrait. Si tant est-ce qu’il venait réellement à lui échoir un jour. Pour l’instant ses exploits auprès du Département étaient en effet loin d’être particulièrement brillants. Non pas que cela semblât perturber Benedict soi-dit en passant.
-Quant à Crestia je ne l’ai pas revue depuis hier. La connaissant, elle restera sûrement à Sainte-Mangouste jusqu’à ce que le dernier patient soit traité, voire plus longtemps. Il semble parfois qu’elle y soit plus à l’aise que dans son propre appartement. Enfin, Mère et Cyriac sont tous les deux couchés, du moins nous l’ont-ils fait croire.
Il soupçonnait en effet son cadet d’avoir plutôt passer la nuit à communiquer avec ses amis, une fois leur mère mise au lit. C’était ce que lui-même aurait fait s’il avait eu son âge.
-Et votre famille, avez-vous eu des nouvelles d’eux ?
A vrai dire, il doutait que quoi que ce fut soit arrivé aux Bower, il savait Devin trop malin pour ne pas transplaner immédiatement, mais mieux valait s'en assurer. Il avait déjà reconnu un ou deux visages plus ou moins familiers parmi les cadavres qu’il avait croisés durant la nuit et il ne désirait nullement être celui qui serait chargé d’en informer les proches. En parlant de proches, il s’interrogea un instant sur le bien-être des autres personnes qu’il avait côtoyées au fil de la soirée – Bucks, Passiflore, Elya – mais ne sachant si Aïlin aurait de leurs nouvelles préféra ne rien demander, notant dans un coin de son esprit de s’en préoccuper une fois sa discussion avec l’ancien Serdaigle terminé. Le cas des deux filles l’inquiétait d’ailleurs plus, sachant Bucks parfaitement capable de prendre soin de lui. Ce n’était pas qu’il doutât des capacités d’Elya et Passiflore en soi mais, s’il connaissait désormais la profession officieuse de l’héritière Black, il doutait que sa présence eût été bienvenue au milieu du chaos très certainement provoqué par des gens proches de sa famille. Quant à la Guérisseuse, il reconnaissait que c’était tout bonnement son affection pour elle qui causait son inquiétude. Affection dont il faudrait qu’il se préoccupe un jour fut-dit en passant, heureusement ou malheureusement pour lui il n’aurait su dire ce jour n’était pas encore arrivé.
[Hj : C’est loin d’être mon œuvre majeure mais j’espère que ça te permettra tout de même de poursuivre ]
Auror
Que vois-tu…?
Messages : 732Date d'inscription : 08/07/2013
Age : 33
Habitat : Appartement à Londres
Parchemin Magique
Classe: Sorcier Spécialiste
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): Métamorphose
Re: L'Aube rouge. par Sam 8 Mar - 1:31
Tandis que Crestian répondait à sa question, Aïlin se mit à sa hauteur et entama une marche lente, cela sans autre but que d'éviter de s'enraciner dans le couloir et risquer de gêner, ou de voir des oreilles se tendre vers eux. De plus, il se sentait s'engourdir, et rester sur place ne lui ferait guère de bien. Sans qu'il n'y fit attention, ses pas le menait vers le hall du manoir. Il prenait la direction des jardins.
La façon dont l'héritier Longbottom parla de son paternel n'étonna guère Aïlin Bower. Cet homme avait, pour ce que le fils de Devin en savait et, du reste, ce qu'il en imaginait, tout de l'homme droit, travailleur, déterminé et implacable. Sa neutralité légendaire lui faisait se représenter non pas un homme juste, en revanche, mais une personnalité pourvue d'une certaine froideur d'âme. Aux yeux de l'alchimiste, cet homme-là avait cet aspect trop droit, un sens de l'honneur trop développé pour ne pas être aussi objectif qu'il le paraissait, mais n'être qu'un homme qui faisait seulement son devoir, n'impliquant dans la façon dont il accomplissait celui-ci nulle autre valeur que son honneur. La neutralité avait quelque chose d'aveugle. C'était en cela que les Longbottom était une famille envers laquelle Bower demeurait circonspect. Ils avaient ce côté « trop honnête », aussi, qui mettait le Serdaigle mal à l'aise, car la famille de son père était, elle, à l'extrême opposé de cela. Les gens honnêtes étaient souvent tout aussi prompts au jugement, vis-à-vis de ceux qui l'étaient moins. Et Bower était un nom considéré comme dangereux, des hommes aux motivations nébuleuses, duquel même leurs alliés avaient tendance à se méfier. Certainement parce que même au sein des porteurs de ce nom, de profondes dissensions fissuraient l'équilibre familial, n'était-ce qu'entre les générations. Les Bower jouaient pour eux-mêmes. Mais, quelque part, les Longbottom aussi. C'était-là ce qui les rassemblait.
Parlant des Bower, Longbottom lui demanda, tout naturellement, des nouvelles des siens. Machinalement, Aïlin haussa les épaules, mais arrêta son geste à peine fut-il amorcé pour grimacer de douleur. Il s'arrêta une seconde, sans rien perdre de la dignité avec laquelle il s'avançait. Ce fut le moment que choisi Reginald Peverell pour croiser les deux jeunes hommes.
« Ah ! Bonjour Croustade, Aiglefin. salua-t-il de sa voix vive, qui ne trahissait absolument pas qu'il avait passé une nuit blanche. Et bien ? Sacrée blessure, hein ? »
Le vieil homme manqua de poser une main compatissante sur l'épaule d'Aïlin avant de se rappeler qu'il ne s'agissait pas de la meilleure façon de compatir à la douleur que de la raviver. En coup de vent bariolé des couleurs chatoyantes de sa robe de sorcier, il reprit sa route et disparut aussi prestement qu'il était passé devant eux. Un sourire un brin admiratif s'était juché sur les lèvres d'Aïlin, qui reprit son chemin en tentant d'oublier l'éclair de souffrance — et sans avoir noté la façon dont le mage l'avait prénommé. Intérieurement, il se morigénait tout de même d'avoir eu un réflexe aussi bête. Quand il revint à la question de Crestian, cependant, il avait perdu tout sourire.
« À vrai dire, non, je n'en ai pas eu. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je ne m'inquiète pas. S'il s'était produit un drame, je l'aurai déjà su. Père a dû transplaner avec ma sœur et Bronach aux premiers éclats. Il a trop de sang-froid pour mal agir, fusse-t-il dans la pire des situations. »
Rien ne passa sur le visage d'Aïlin tout le temps qu'il parla de sa famille. Ni l'ombre d'une inquiétude, ni un éclat de chaleur dans ses yeux, encore moins l'ersatz d'une mimique un tant soit peu chaleureuse. Il s'était attendu à voir son père venir de bon matin le trouver mais, manifestement, il ne s'était pas donné cette peine après avoir appris qu'il était toujours en vie. Aïlin n'avait pas précisé son état, bien trop fier pour passer pour geignard auprès du maître de maison. Une chose que le patriarche n'aurait guère appréciée non plus, et Aïlin doutait qu'il se serait, pour autant, inquiété pour lui tant que sa vie n'était pas clairement en danger.
« Je vous ai vu, plus tôt ce soir-là, en compagnie d'Elya Black, si je ne m'abuse. Vous serez sûrement rassuré de savoir qu'elle et sa sœur ont pu fuir. La première était sévèrement blessée, je crois, mais rien qui n'ait pu être arrangé. »
Bower ne savait s'il était bien intelligent d'avoir l'initiative de parler d'Elya, mais le temps n'était pas, en ce moment, aux fomentations. Malgré leur différence d'âge, Aïlin et la fille Black avaient été des camarades de Maison. Bower avait été son préfet également et, sans être son ami, il s'était bien entendu avec la jeune femme jusqu'à ce qu'il quitte Poudlard. Poudlard. Un huit-clos dans lequel les fréquentations que l'on se faisait, presque complètement à l'écart des liens déjà tissés par leurs parents, au-dehors, influait sur l'avenir des enfants, lorsqu'une fois devenus adultes, ils sortaient du château.
Le cas d'Elya était de toute façon assez particulier pour qu'il le cite, profitant qu'il était assuré d'une entente au moins pacifique entre Crestian et la potioniste.
« Je ne comprends pas cette femme. Elle n'avait rien à faire ici. Personne n'est dupe des amitiés de cette harpie de Cathleen. »
Il suffisait de voir comment elle avait traité son propre fils, disparu de la circulation après avoir « souillé » le nom des Black. Qu'allait-il advenir d'Elya, si son escapade retombait aux oreilles de sa grand-mère ? Une once de souci barra le front de l'alchimiste.
- Héritier rebelle
Que vois-tu…?
Messages : 814Date d'inscription : 21/06/2013
Age : 34
Habitat : Manoir Bower, Connaught
Parchemin Magique
Classe: Jeune Prodige
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): N/A
Re: L'Aube rouge. par Sam 15 Mar - 11:52
L’incompréhension qui se dessina sur les traits de l’aîné des Longbottom fut bien vite remplacée par une moue amusée lorsqu’il réalisa que « Croustade » et « Aiglefin » faisaient très certainement référence à son prénom et celui d’Aïlin. Etrangement, il trouvait qu’à défaut d’aller à leurs propriétaires respectifs les deux extravagants surnoms collaient parfaitement à l’image qu’il se faisait du patriarche Peverell. Un homme pour le moins insolite, capable du plus grand sérieux mais également des comportements les plus enfantins, à la limite de l’anormal. Il croyait ainsi se souvenir que peu de temps après la naissance de Cyriac, à la soirée qui présentait le cadet de la famille à la bonne société sorcière, Reginald avait jeté un regard au bébé et reconnaissant les traits de Benedict s’était contenté de dire avec un sourire malicieux : « En voilà un dont la paternité ne sera certainement pas remise en question ». A l’époque, il n’avait pas compris la gêne qui avait parcouru l’assemblée avant que sa mère ne laisse échapper un petit rire devant le culot du Président de la Chambre. En y repensant, c’était probablement une des rares fois où il avait vu son père réellement mal à l’aise. Il fut néanmoins tiré de ses souvenirs lorsque la voix de son compagnon résonna de nouveau à ses oreilles.
Il écouta donc les nouvelles – ou plutôt l’absence de ces dernières – concernant la famille Bower sans laisser rien transparaître de ce qu’il en pensait. Il avait fréquenté bien trop de familles où le nom comptait plus que les sentiments pour se surprendre de la feinte ou réelle apathie d’Aïlin vis-à-vis de ses proches. L’alchimiste avait droit à son jardin secret, sa relation avec les siens n’incombait nullement à Crestian. Surtout qu’il était de notoriété publique que le cœur de Devin Bower ne débordait pas d’amour parental. C’était dans ce genre de moments qu’il remerciait Circée et Merlin pour ses parents. Benedict avait beau être posé, à la limite du distant, il ne cachait jamais ses affections et encore moins sa fierté envers ses trois enfants. Quant à Brianna, son ascendance Greengrass avait vite fait de s’atténuer au contact de la famille de son mari et encore plus lorsque ses jumeaux étaient nés. L’épouse discrète et silencieuse s’était transformée en mère inquiète et aimante, compensant le manque d’amour qu’elle avait ressenti en grandissant comme quatrième fille d’un couple qui n’avait d’yeux que pour leur fils - le miracle final après quatre essais infructueux - en s’assurant que ses enfants ne manquaient de rien. Ni les aînés, ni le cadet, surprise arrivée lorsqu’on ne l’attendait plus.
Son attention fut cependant de nouveau détournée lorsqu’il eut la surprise d’entendre Aïlin lui donner des nouvelles de la santé des sœurs Black. Il ne s’était pas attendu à ce que qui que ce soit se soucie de leur sort, encore moins le fils d’un des opposants les plus farouches aux Black. Pourtant, en y réfléchissant un instant, Aïlin et Elya avaient tous deux été des Serdaigles, il était par conséquent raisonnable de penser qu’ils se connaissaient suffisamment pour se préoccuper de leurs santés respectives. Un sourire rassuré se fit donc jour sur ses lèvres. Il se sentait plus léger en sachant que l’intrépide héritière de Cathleen Black s’en était sortie en un seul morceau. Son sourire se transforma néanmoins bien vite un froncement de sourcils lorsqu’Aïlin reprit la parole. Son incompréhension – aurait-il été jusqu’à l’appeler inquiétude ? – faisait sens. L’héritière d’une des familles les plus ouvertement anti-Moldus de Grande-Bretagne n’aurait jamais dû se montrer à une réunion prônant le rassemblement entre les deux mondes. Malgré tout, il avait pu constater lors de sa rencontre surprise avec Elya dans la Forêt Interdite que la jeune femme avait des projets plus grands que celui de devenir l’ombre souriante d’un Janus Gaunt. Ce qui n’enlevait strictement rien à la vérité dans les paroles d’Aïlin, l’apprentie espionne avait pris trop de risques, les blessures qu’elle semblait avoir récoltées étaient une preuve suffisante.
-S’il faut être totalement honnête avec vous, commença-t-il sur le ton de la semi-confidence, j’élargirais votre phrase à la gente féminine dans sa totalité. Leur besoin de responsabilités m’a toujours laissé pour le moins perplexe. Je crois qu’elles ne réalisent pas pleinement ce que cela signifie.
En effet, la plupart des femmes qu’il avait eu l’occasion de fréquenter étaient passées par une période de volonté farouche d’indépendance, désirant les mêmes libertés que leurs confrères masculins, sans réaliser que vivre avec le fardeau d’un nom sur les épaules était tout le contraire de libérateur. Qu’il pensât à Crestia et aux barrières infranchissables qu’elle avait construites autour de sa personne pour empêcher qui que ce fut de s’approcher trop près, à Elya et sa profession officieuse ou encore aux risques qu’il savait que Passiflore prenait en se baladant seule dans les rues de Londres à la recherche de patients, tout ce qu’il obtenait était un mal de tête carabiné en cherchant à donner un sens à leurs actions. Car s’il comprenait aisément le dégoût et/ou la peur qu’une jeune femme pouvait avoir à l’idée d’être mariée sans son consentement à un homme souvent plus âgé qu’elle ou tout au moins sans aucun intérêt pour sa personne autre que son nom ou sa fortune - lui-même voyait d’un très mauvais œil le principe des mariages arrangés, surtout qu’il était parfaitement accepté que l’homme se console dans les bras d’un ou plusieurs maîtresses mais la femme était accusée d’adultère au moindre faux pas – le désir quasi viscéral de certaines femmes d’agir comme des hommes était au-delà de sa compréhension. Il était désormais accepté que les femmes travaillent, seuls les postes à risque leur étaient officiellement fermés, mais était-ce une si mauvaise chose ? Ne pouvaient-elles accepter que l’on prenne leurs handicaps physiques en compte ? Quoique, lorsqu’il repensait à l’adresse qu’Elya avait démontrée dans la Forêt Interdite, ses certitudes sur le « sexe faible » étaient en partie remises en cause. Il poursuivit donc d’un air plus sérieux.
-Les amitiés de Lady Black ne sont certes un secret pour personne, mais il me semble pourtant qu’il en va différemment pour celles de sa petite-fille. Je ne la fréquentais pas à l’époque de Poudlard, différence d’âge et de maison oblige, mais je crois ne pas me tromper en disant qu’elle n’a jamais affiché ouvertement de soutien au camp de sa famille. Or, pour autant qu’elle soit l’héritière des Black, elle n’en reste pas moins une demoiselle fraîchement diplômée ou presque et je me demande si elle a pleinement conscience du changement que cela suppose. Il est après tout des plus simples d’oublier les subtilités des alliances politiques et matrimoniales entre les murs du château. Même si je vous accorde qu’il me paraît difficile d’oublier les préceptes de Cathleen Black lorsque l’on vit sous son toit.
Comme quoi, on en revenait au problème initial : les femmes étaient un mystère irrésoluble.
Auror
Que vois-tu…?
Messages : 732Date d'inscription : 08/07/2013
Age : 33
Habitat : Appartement à Londres
Parchemin Magique
Classe: Sorcier Spécialiste
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): Métamorphose
Re: L'Aube rouge. par Ven 21 Mar - 12:04
Il était vrai qu'Aïlin n'était non plus du genre à apprécier les séances de lèche-bottisme auprès des rombières roucoulant autour des jeunes hommes assez charmants pour leur prêter attention. Néanmoins, on apprenait bien des choses, à commencer par la façon dont aimaient agir les femmes, et de se rendre compte des différences entre générations, de la façon dont elles abordaient la vie en fonction de leur âge. Fin analyste, il aimait observer le comportement humain, afin de le prévoir et de s'en accommoder, ou encore de le tourner à son avantage. En cela, il était bien le fils de son père. La femme était différente de l'homme, leur mode de pensée venaient parfois à s'opposer. Mais elles n'étaient pas un mystère irrésoluble, seulement une énigme intéressante.
« Oh ça, je ne vous détromperai pas. Elles n'en ont pas la moindre conscience. » murmura-t-il en retour, pouffant à demi, quoi qu'avec un peu d'aigreur.
Non comptant d'être réaliste, la remarque de Crestian Longbottom lui rappelait les frasques et les instabilités émotionnelles de sa sœur. Si seulement celle-ci pouvait comprendre ce qu'il tentait, en vain, de lui expliquer depuis qu'elle était sortie de Poudlard, la vie de l'héritier serait déjà plus apaisée.
Heureusement, l'auror reprit bien vite la parole, empêchant Aïlin de s'attarder plus avant sur le cas de sa sœur. Si l'alchimiste était capable de voir clair en beaucoup de personnes, la jeune femme la plus proche de lui était souvent un mystère à ses yeux, agaçante exception confirmant la règle.
Quant à Elya, son comportement laissait Bower perplexe. Si la potion qu'il avait pris ne commençait pas à faire son effet, il aurait certainement ressenti pleinement la pointe de colère qui s'était mollement élevée en pensant à la bêtise de son acte. C'était pourtant stupide de s'énerver, elle faisait ses choix, et si elle voulait être responsable et autonome, elle devait apprendre par elle-même que l'on était loin de s'approprier la liberté rêvée en agissant n'importe comment. Puis, ce n'était pas son rôle. S'inquiéter pour elle n'était pas la meilleure idée qui soit, Aïlin en avait conscience. Malgré tout, il ne pouvait s'empêcher de ressentir du souci à l'idée qu'il puisse arriver du mal à la jeune femme.
« J'en doute aussi, très sincèrement. Vous et moi connaissons trop bien la pression imposée par l'héritage culturel et familial pour imaginer aux petites-filles Black une vie sereine à lire et à broder dans le coquet salon de leur grand-mère. Elya n'est peut-être qu'une femme, mais elle est éduquée par une autre femme qui a su faire sa place là où beaucoup de ses consœurs ont échoué. De plus, elle est l'aînée. J'ignore ce qu'elle cherchait mais elle a joué à un jeu dangereux. » commenta finalement l'alchimiste alors qu'ils approchaient des grandes portes menant aux jardins.
Sans montrer le léger agacement que cela suscitait en lui, il laissa Crestian se charger d'ouvrir la porte avant de s'engager à la suite de son interlocuteur. Le soleil tout juste sorti de son antre lui frappa la rétine, l'éblouissant une seconde. Lorsque la vue lui revint, une myriade d'or coulait sur les fleurs et les plantes qui émergeaient de la terre en désordre ordonné. Sans s'en rendre compte, Aïlin eut un sourire. Au loin, les grandes serres de Cecilia brillaient du même éclat, reflétant les rayons du soleil avec presque autant d'intensité. La journée promettait d'être chaude, mais une légère lourdeur annonçait le retour prochain de l'orage.
« Je ne crois plus que l'on puisse réchapper à de sombres jours. Ils ont déjà commencé. Aussi triste cela est-il, je ne suis pas sûr qu'une femme comme Elya puisse avoir le caprice de choisir réellement son camp. Tout comme vous et moi. »
- Héritier rebelle
Que vois-tu…?
Messages : 814Date d'inscription : 21/06/2013
Age : 34
Habitat : Manoir Bower, Connaught
Parchemin Magique
Classe: Jeune Prodige
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): N/A
Re: L'Aube rouge. par Mar 25 Mar - 11:40
Qui plus est, à la différence des Gaunt dont l’influence semblait parfois à l’œil mal informé reposer plus sur la crainte de leurs concitoyens que sur un pouvoir réel, la fortune des Black et leur inscription dans tous les lieux de pouvoir du pays en faisaient une force impossible à ignorer. C’était ainsi ce qui rendait leurs positions radicales si dangereuses et Crestian avait toujours plus craint les ravages que la famille Black pouvait provoquer que ceux de leurs cousins Gaunt. En effet, si Lord et Lady Gaunt avaient de quoi donner des frissons dans le dos à l’homme le plus endurci, ils ne cachaient rien de leurs intentions, ce qui en faisait des personnes faciles à observer. Les Black, quant à eux, se mouvaient dans des nuances de gris qui rendaient leur classification bien plus ardue, malgré un dégoût des Moldus non dissimulé. Crestian se demandait d’ailleurs parfois si son père n’avait pas intégré Elya au rang de ses espions plus pour posséder une oreille chez les Black que pour n’importe lequel de ses autres talents.
-Je ne crois plus que l'on puisse réchapper à de sombres jours. Ils ont déjà commencé. Aussi triste cela est-il, je ne suis pas sûr qu'une femme comme Elya puisse avoir le caprice de choisir réellement son camp. Tout comme vous et moi.
Hochant gravement la tête face à la vérité contenue dans les propos bien sombres de son compagnon, le jeune Auror prit la direction d’un des bancs installés dans le jardin du manoir. Il ne savait pas quel était l’état de fatigue d’Aïlin, mais lui accueillerait avec grand plaisir une pause. La fatigue accumulée suite à la journée de duels de la veille, le combat de la soirée précédente et la nuit passée à se déplacer d’un endroit à l’autre du village l’avait littéralement vidé de ses forces. Or si, précédemment, l’inquiétude pour ses connaissances avait pris le pas sur le besoin de repos, désormais qu’Aïlin avait apaisé ses principales peurs, la fatigue physique – et pour peu qu’il acceptât de le reconnaître émotionnelle – refaisait de nouveau surface. Il prit donc ses aises, appréciant la très légère chaleur que les premiers rayons du soleil apportaient lorsqu’ils touchaient sa peau, avant de reprendre la parole pour donner une continuation aux remarques soulevées par l’Irlandais.
-Je suis également de votre avis. Pour autant que certains désirent encore se voiler la face, l’attaque d’hier soir a sûrement brisé pour longtemps les fragiles fondations sur lesquelles la confiance entre notre société et celle des Moldus reposaient. La méfiance qui avait déjà tant progressé ne va faire que se renforcer dans les jours qui viennent, chacun cherchant un coupable. Pour le meilleur ou le pour le pire, le statu quo est désormais rompu.
Et, étrangement, il en était presque satisfait, rassuré. Car, à partir de cet instant, les intentions allaient s’éclaircir, chacun choisissant ostensiblement son camp, ce qui rendrait la tâche de déterminer les menaces pour la société ô combien plus aisée. Il se rendait compte que son raisonnement était loin d’être acceptable selon les normes de la société et pourtant l’angoisse qui le prenait parfois à l’idée de ne pas savoir s’il avait correctement jugé une personne avait en partie diminué durant la nuit lorsqu’il avait été des plus clairs de savoir qui était un ennemi et qui était un allié. Il se doutait bien que tout ne serait pas pour autant blanc et noir à partir de là, mais il osait espérer que son travail et celui de ses collègues s’en révélerait tout de même facilité.
-Concernant la marge de manœuvre de Miss Black, je ne serais cependant pas peut-être pas si catégorique que vous. Car s’il est évident à quiconque qu’échapper à la prise ferme de son nom sur sa vie lui sera impossible, je pense ne rien vous apprendre en vous rappelant que les moyens d’agir discrètement d’une femme sont parfois plus importants que ceux d’un homme. La façon dont bon nombre parmi entre nous les sous-estiment leur permettant bien souvent de s’immiscer dans les interstices mal protégés.
Il en avait un exemple brillant à la maison en la personne de Crestia, qui avait réussi à travailler aux côté du professeur Abbot là où tous ses camarades masculins avaient échoué car elle avait su tirer profit de la discrétion que l’on attendait toujours d’une fille de bonne famille pour se rapprocher du vieil homme sans qu’il ne s’en rende pleinement compte.
-Il n’en reste pas moins que j’en doute pour autant que l’on offre cette chance à Miss Black sachant qu’elle est entourée de femmes parmi les plus dangereuses de notre société.
Lady Gaunt, sa future belle-mère si l’on en croyait les rumeurs, pour n’en nommer qu’une.
Auror
Que vois-tu…?
Messages : 732Date d'inscription : 08/07/2013
Age : 33
Habitat : Appartement à Londres
Parchemin Magique
Classe: Sorcier Spécialiste
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): Métamorphose
Re: L'Aube rouge. par Mar 20 Mai - 20:33
Tandis que Crestian reprenait la parole, Bower s'étira discrètement, cambrant le dos pour le délasser. Il écoutait, néanmoins, le constat de l'auror. Il avait parfaitement raison, tout cela relevait de l'évidence, et c'était tout simplement ce qu'avaient espéré ceux qui avaient fomenté l'attaque de Godric's Hollow. Les prochains mois seraient sûrement les plus mouvementés de leur époque car, maintenant, beaucoup de jeux allaient se dévoiler. Aïlin ne doutait pas, cependant, que d'autres réservaient encore leurs cartes pour plus tard. Sa pensée, une courte seconde, s'envola vers son père.
« Concernant la marge de manœuvre de Miss Black, je ne serais cependant pas peut-être pas si catégorique que vous. Car s’il est évident à quiconque qu’échapper à la prise ferme de son nom sur sa vie lui sera impossible, je pense ne rien vous apprendre en vous rappelant que les moyens d’agir discrètement d’une femme sont parfois plus importants que ceux d’un homme. La façon dont bon nombre parmi entre nous les sous-estiment leur permettant bien souvent de s’immiscer dans les interstices mal protégés.
Un sourire rehaussa les lèvres d'Aïlin. Celui-ci laissa son interlocuteur continuer, observant avec intérêt Crestian tandis qu'il parlait d'Elya et des femmes qui se chargeaient de son éducation.
— Elya Black est née pour prendre la relève. Sera-t-elle aussi dangereuse que ses aînées, ou le sera-t-elle pour elles ? C'est la question que je me pose. Quelque chose me dit que, le moment venu, cette femme nous surprendra.
C'était, pour Aïlin, déjà le cas. Ses choix, ses actes, ce qu'elle cachait derrière sa froideur étaient autant de sources de surprise pour l'alchimiste. Car, s'il avait obtenu de bénéficier de ses travaux, c'était bien parce qu'elle était différente de sa grand-mère ainsi que de sa tante. Restait pour lui à savoir si sa venue à la fête de la Concorde avait un dessein, ou s'il s'agissait d'une terrible erreur de parcours. Elya demeurait jeune et, sous ses airs, plus impulsive que beaucoup de ses comparses de Serdaigle. Peut-être pas autant que lui, cependant.
— Parlant des Black, si vous me permettez d'être tout à fait direct, la présence d'Elya parmi les convives doit probablement disculper l'éminente Cathleen de tremper dans cette sombre affaire ? Son amitié avec Lady Gaunt pourrait pourtant la présumer coupable, non ? Je m'aventure peut-être vers des sujets indiscrets, mais j'avoue que la mention de mon nom parmi la liste des traîtres à leur sang, placardée sur le Chemin de Traverse… sans me contrarier outre mesure, éveille ma curiosité, quant aux probables… disons, progrès que vous auriez pu faire. Car il me semble évident que ces évènements soient liés.
Son regard, interrogateur, se posa sur Crestian. Sûrement était-il trop curieux, mais sa curiosité était justifiée. Il aurait dû avoir peur pour lui, mais il craignait davantage pour sa sœur, bien plus vulnérable qu'il l'était. Bien sûr, celle-ci se trouvait, la plupart du temps, bien en sécurité derrière les murs du manoir, mais si une action de grande envergure venait à être lancée contre les « impurs » et les « traîtres », Aïlin se demandait si les protections de leur demeure suffiraient à refouler la haine hors de leurs terres.
— Quant à cette histoire d'aristocrates s'éveillant au beau milieu de nul part, pris d'amnésie, je ne vois pas Sire Peverell s'abaisser à de tels jeux. C'est un homme bien trop occupé. Sans vous offenser, j'ose espérer que les partisans de la guerre n'aient pas autant de coups d'avance sur vous qu'ils semblent en avoir… »
Sentant poindre un bâillement, Aïlin se redressa lentement, ménageant son épaule, puis passa sa main le long de son visage. Réfléchir dans un tel état de fatigue n'était peut-être pas très indiqué, mais la présence de Crestian était plus stimulante qu'il ne l'avait présagé. Il y avait bien plus de choses qu'il aurait aimé apprendre de lui qu'il ne l'avait soupçonné lorsque l'homme l'avait intercepté. D'ailleurs, ce n'était pas sans une once de malice qu'il formulait ses questions, de sorte à ce que l'héritier Longbottom se voit obligé d'y répondre, au moins en partie. Il se plaçait volontairement sur le ton de la confidence, espérant, ainsi, en apprendre plus que ce que pouvait savoir le sorcier lambda. La moindre information en plus pouvait jouer en sa faveur, à présent, et de la capacité de prévision des hommes Bower dépendaient désormais leur survie. Devin avait commis un impair en reniant les valeurs de son père pour épouser une née-moldue. Aujourd'hui, Aïlin en payait les conséquences. …Ou bénéficiait, pour d'autres aspects, de celles-ci, puisqu'il se doutait que son mariage s'était vu si souvent remis au lendemain grâce à ses ascendances.
- Héritier rebelle
Que vois-tu…?
Messages : 814Date d'inscription : 21/06/2013
Age : 34
Habitat : Manoir Bower, Connaught
Parchemin Magique
Classe: Jeune Prodige
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): N/A
Re: L'Aube rouge. par Mer 28 Mai - 15:27
L’image d’une silhouette au chignon malmené, assise sur une chaise au beau milieu de la Forêt Interdite, le regard aussi altier que le lui permettait la situation s’imposa à lui. Il n’avait pas eu l’occasion de repenser outre-mesure à sa rencontre inattendue avec Elya la semaine précédente mais, à la lumière des évènements de la veille, sa présence à la soirée prenait une toute autre dimension. Encore trop peu habitué aux imbroglios politiques auxquels il lui faudrait un jour faire face s’il venait à remplacer son père au Siège de la Défense, il ne s’était pas réellement surpris de la venue de l’héritière à une célébration en faveur d’un rapprochement avec le monde moldu. A posteriori, il vivait sa naïveté comme une humiliation cuisante. Mais ce qui le préoccupait encore plus que son manque de clairvoyance était qu’il ne savait si Elya s’était présentée pour prévenir Benedict du désastre à venir - auquel cas elle arrivait un peu tard et prenait par là un risque inconsidéré - ou si son agenda était tout autre.
Un instant, l’envie le prit de quitter les lieux sur le champ pour aller questionner son géniteur mais - sans compter le manque de bonnes manières dont il aurait fait preuve - il savait qu’il s’agirait là d’une quête vaine. Benedict ne dévoilait jamais rien à personne sans avoir prudemment réfléchi aux conséquences de ses actes. Parfois, l’Auror se demandait même s’il y avait une seule personne en ce monde en qui son père eut pleine confiance. Et l’incertitude quant à la réponse était sincèrement perturbante.
-Parlant des Black, si vous me permettez d'être tout à fait direct, la présence d'Elya parmi les convives doit probablement disculper l'éminente Cathleen de tremper dans cette sombre affaire ?
Surpris au beau milieu de ses pensées, Crestian sut néanmoins n’en laisser rien paraître, des années passées à déconnecter de la réalité lors de dîners mondains interminables servant sa cause présente. Il se laissa cependant quelques instants avant de répondre, conscient cette fois-ci que tout ce qu’il dirait à Aïlin aurait des conséquences - bonnes ou mauvaises, seul le temps le dirait. En effet, s’il avait une certaine confiance en l’héritier Bower, il n’en savait pas moins que les hommes de sa trempe – ceux qui survivaient grâce à leur intellect avant tout – n’étaient jamais aussi transparents qu’ils le laissaient paraître. Chacune de leurs actions était savamment calculée et il était d’une facilité déconcertante de se laisser entraîner dans leurs filets.
Ainsi, s’il voulait bien croire à l’inquiétude d’Aïlin pour ses proches, il ne doutait néanmoins pas qu’il y avait bien plus derrière cette curiosité apparente. Il se promit donc d’en dire suffisamment pour rassurer en partie son cadet sans rompre pour autant la règle implicite du Département qui voulait que les détails d’une affaire en cours ne devaient jamais être divulgués. Car il n’avait nul besoin d’avoir la perspicacité de sa jumelle pour reconnaître sans honte qu’Aïlin était plus intelligent que lui et que, s’il voulait le manipuler, il n’était pas impossible du tout qu’il y arrivât. Son instinct le rassurait néanmoins sur les intentions majeures de l’Alchimiste et suivre son instinct lui avait toujours réussi jusque-là.
-Pour disculper Lady Black, encore faudrait-il pouvoir assurer qu’elle eut été au courant de la présence de ses petites filles à la fête. Or, étant donné qu’il me semble aussi probable d’obtenir un témoignage fiable de sa part que de voir un vampire se promener de jour, tant que nous n’en saurons pas plus, Cathleen Black fait partie des suspects.
Sans compter que rien n’indiquait non plus que la matriarche Black fût adverse à l’idée de blesser les siens pour arriver à ses objectifs. Le déshéritement de son propre fils l’avait amplement démontré. Cette pensée néanmoins semblait un peu trop dangereuse pour être partagée avec quiconque. L’utilité de sa prudence lui fut d’ailleurs démontrée lorsque la voix d’Aïlin se fit légèrement provocatrice, amenant une sensation désagréable chez Crestian qui se révéla bien heureux de ne pas en avoir révélé plus que de mesure. Car si son ego professionnel fut légèrement froissé par la remarque de l’Alchimiste, il se retint à temps de se laisser trop aller dans sa réponse. En premier lieu car le déclenchement des hostilités signifiait qu’il allait désormais faire extrêmement attention pour savoir qui était digne de confiance et qui ne l’était pas – or il ne connaissait pas assez le jeune Bower pour avoir une opinion sur la question pour autant que ce dernier soit d’agréable compagnie. Et, en second lieu, bien plus dérangeant, car les inquiétudes d’Aïlin n’étaient pas sans fondement.
En effet, la nuit précédente, son rôle de messager lui avait permis de capter des conversations ici ou là entre Aurors plus expérimentés et l’impression qui en ressortait était un malaise ambiant. Personne ne savait bien comment réagir, chacun craignant une guerre ouverte et les dommages collatéraux qu’elle impliquerait tout en sachant que la situation actuelle n’était plus tenable. Non sans fierté, il avait aussi pu constater que la confiance de ces hommes en son père était très forte. Ils ne le suivraient pas aveuglement – ce n’était pas ainsi qu’ils avaient été formés mais pour, au contraire, penser par eux-mêmes – mais cela ne supprimait en rien l’estime qu’ils avaient pour le patriarche Longbottom et son expérience.
-Il est toujours difficile de savoir ce que pense Père. Ses stratégies sont terriblement complexes et seule Crestia accepte désormais de l’affronter aux échecs. Ainsi, je ne saurais vous dire combien de coups d’avance ou de retard il possède sur les assaillants d’hier soir, je peux cependant vous dire qu’ayant passé la nuit en sa compagnie, il ne m’a nullement paru dépassé par les évènements. Au contraire, je dirais même qu’il était dans son élément.
Cela ne signifiait pas qu’il possédât la solution miracle mais Crestian considérait connaître suffisamment son géniteur pour savoir lorsqu’il était perturbé. Or, la nuit précédente, son expression était certes fermée – rien de surprenant au vu du nombre de morts à déplorer – mais la lueur d’inquiétude qu’il avait appris à déceler dans son regard en cas de crise imminente n’était encore qu’une très légère étincelle.
-Enfin, quant à l’implication de Sir Peverell dans un quelconque enlèvement, je suis de votre avis. L’idée même est absurde. Si quelqu’un a le courage – ou la stupidité tout dépend du point de vue – de venir déposer plainte concernant ces rumeurs, une enquête sera ouverte mais je dois avouer que j’espère que ce ne sera pas le cas. Le Département est déjà bien assez occupé comme cela.
Se laissant aller à la soudaine fatigue, il rajouta dans un élan de confidence qu’il craignait de regretter plus tard mais dont il savait aussi avoir besoin maintenant.
-Rien que l’identification des morts risque de nous prendre des semaines…
Auror
Que vois-tu…?
Messages : 732Date d'inscription : 08/07/2013
Age : 33
Habitat : Appartement à Londres
Parchemin Magique
Classe: Sorcier Spécialiste
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): Métamorphose
Re: L'Aube rouge. par Mer 4 Juin - 12:16
Aïlin était néanmoins satisfait de savoir que Cathleen n'était pas à l'abri de tout soupçon. L'aversion qu'il éprouvait pour cette femme n'était pas feinte. C'était, d'ailleurs, une intolérance excessive, personnelle. Les principes qu'elle clamait étaient autant d'insultes qu'elle lui adressait personnellement, à ses yeux.
Bower ne supportait pas la sensation de diminution, d'humiliation qu'entraînait en lui le privilège que s'auto-octroyaient les familles dépourvues d'ascendances moldues. Il portait un nom aussi vieux et aussi noble que ces sorciers là, avait bien plus en commun avec eux qu'avec n'importe quel type de famille. Son éducation, son aristocratie, son érudition et son sens de l'honneur auraient dû faire de lui une personne respectable, incontestablement. Et pourtant, deux grands-parents moldus suffisaient à jeter le discrédit sur sa personne, dans des milieux comme ceux fréquentés par les Black. Oh, il n'aurait, pour rien au monde, désiré fréquenter les sorciers que fréquentait Cathleen Black. Mais se savoir souillé de naissance, impardonnable et indigne de certaines femmes dont le lignage n'avait rien de plus que le sien, était autant de choses qui, bien qu'il se l'avouait difficilement, le blessaient. Cela depuis qu'il avait lu, tout jeune encore, l'insulte méprisante passer dans les yeux de son propre grand-père. Pour lui, les moldus devaient rester chez eux, car en Irlande plus que n'importe où, ils représentaient un danger pour les sorciers.
Une désapprobation trop affichée, qui l'avait certainement tué. Aussi jeune avait-il été, Aïlin se souvenait nettement de la violente altercation ayant éclatée entre son père et lui, lorsque Eamon avait découvert sa naissance. Quelques temps plus tard, son grand-père et son épouse décédaient dans un accident. Depuis ce jour, un doute sordide torturait l'esprit d'Aïlin.
En écho à ses pensées, Crestian parla de son propre père. L'ombre d'un sourire passa sur le visage de Bower, en même temps qu'une âcre rancœur.
« Voilà des points communs avec mon père. Sûrement faudrait-il leur proposer une partie l'un contre l'autre, un jour. » ironisa-t-il.
Combien de fois avait-il été pris de court par le jeu d'abord fermé puis soudainement déployé de Devin, voyant sa propre défense dévastée en quelques coups calculés dès les premiers instants de jeu ? Combien de fois Aïlin avait été si humilié, si froissé dans son égo par le regard condescendant, la lueur exagérément mesquine des yeux gris du lord, qu'il avait éprouvé le désir sauvage de renverser l'échiquier pour fermer aussi fort que possible ses doigts autour de sa gorge ? Il avait imaginé, plus d'une fois, sa colère et son antipathie continuellement retenues éclater soudain dans une vague de haine sulfureuse, mortelle.
Éludant le sentiment qui venait lorsque ses pensées bifurquaient vers son géniteur, Aïlin reporta son attention sur Crestian alors que celui-ci reprenait la conversation. L'alchimiste eut un sourire lorsqu'il entendit Longbottom confirmer ce que lui-même pensait. Dommage, cependant, qu'aucune recherche plus avancée n'ait été opérée. C'était-là, d'ailleurs, une erreur aux yeux d'Aïlin. Mais sûrement le siège de la Défense Contre les Forces du Mal avait d'autres méthodes pour se renseigner sur ce genre de choses que de solliciter la participation des aurors. Ce n'était, après tout, pas vraiment leur domaine.
Son regard s'adoucit ou, du moins, devint plus révérencieux lorsque Crestian parla des morts, frais de cette nuit. Pour rien au monde Aïlin aurait voulu être à la place des aurors et des employés de la Chambre du Conseil, chargés de gérer la situation de crise et les cadavres. Compter, trier moldus et sorciers, identifier et inhumer tous ces corps seraient des tâches ardues et dangereuses. Il fallait faire vite pour éviter de voir la mort se répandre et contaminer les terres alentours. Les moldus étaient mortellement sensibles aux effets de corps pourrissants et une vague subite d'épidémie pouvait survenir. Une potion suffisait à un sorcier pour se prémunir d'un début de maladie, quand par malchance celui-ci se voyait touché par ce mal principalement moldu. En revanche, les potions n'avaient pas tant d'efficacité sur les individus sans pouvoirs magiques…
« Si cela peut vous réconforter, c'est une chance que cela se soit produit ici, à Godric's Hollow. Je suis certain que mon maître et Sir Reginald feront leur possible pour vous faciliter la tâche, ne serait-ce que pour endiguer les risques que la proximité de corps exposés à l'air feront encourir à la population. »
L'alchimiste marqua une brève pause, interpelé par une silhouette traversant le jardin, quelques mètres devant eux. Une silhouette qui en maintenait une autre, fermement tenue par l'épaule, comme s'il redoutait de la voir s'échapper et de perdre le contrôle qu'il exerçait sur elle. Son ventre se crispa. La haute et majestueuse silhouette était passé trop loin devant eux pour l'apercevoir, mais il savait cependant que cette discussion touchait à sa fin.
« C'est fou, n'est-ce pas, comme notre duel semble provenir d'une autre époque, alors qu'il a eu lieu quelques heures plus tôt, seulement. Je n'ai pas eu l'occasion de venir à votre rencontre pour vous adresser mes félicitations, et cela n'a plus aucune importance. Elles n'auraient, d'ailleurs, pas été pensées : Je suis trop mauvais perdant pour cela ! Cependant, je peux vous confesser sincèrement ma fierté d'avoir combattu à vos côtés. Le monde a urgemment besoin d'hommes comme vous et, d'une certaine façon, je suis rassuré que vous m'ayez vaincu, l'épée au poing. La routine fait que nous oublions, jusqu'à ce que l'incident survienne, à quel point nous devons compter sur votre protection. »
Tandis qu'il parlait, Aïlin s'était relevé avec précaution et faisait maintenant face à Crestian. N'osant solliciter le haut de son corps, l'héritier Bower inclina le menton en guise de révérence courtoise.
« Pardonnez-moi, Messire Longbottom. Il est temps que j'adresse de mes nouvelles à ma famille. J'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir et discuter à nouveau, cette fois dans des circonstances moins funestes. »
- Héritier rebelle
Que vois-tu…?
Messages : 814Date d'inscription : 21/06/2013
Age : 34
Habitat : Manoir Bower, Connaught
Parchemin Magique
Classe: Jeune Prodige
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): N/A
Re: L'Aube rouge. par Ven 6 Juin - 12:47
Les paroles de l’héritier Bower eurent néanmoins l’effet de remonter quelque peu le moral de son aîné. Il avait raison, l’aide que fourniraient sans doute aucun les Peverell allait à tous les coups se révéler précieuse. Car, comme l’avait si bien souligné Aïlin, le risque d’épidémie risquait d’être leur plus grave ennemi. Les moldus se révélaient toujours si fragiles face aux ravages de la nature ! Il savait par ailleurs que Benedict avait déjà contacté Hercules Abbot, le maître de Crestia, tant pour faire face à l’afflux continu de blessés que pour lui demander la permission d’user de certaines de ses potions les plus rares dont les effets sur le corps humain, même dépourvu de vie, pourraient faciliter le travail d’identification des corps. Crestia avait par exemple déjà évoqué au détour d’une conversation – à laquelle très sincèrement son frère n’avait pas compris grand-chose – que le vieil homme consacrait actuellement son temps à la création d’une potion capable de ralentir la décomposition d’un cadavre de manière à pouvoir établir correctement des autopsies sur plusieurs corps à la suite dans le cas de morts simultanées. Il était loin d’avoir terminé mais Crestian aurait mis sa baguette à couper que la débâcle de la veille allait permettre au professeur de tester ses prototypes. Certains cadavres étaient en effet déjà si détériorés dans leur humanité qu’un risque de plus ne changerait plus grand-chose.
-Un petit avantage dans une mer d’inconvénients, mais au point où nous en sommes, je me contenterais de la moindre miette que la Providence voudra bien nous envoyer, acquiesça-t-il donc gravement avant d’éprouver une bouffée de fierté quelque peu mal placée à l’écoute des compliments francs de l’Irlandais.
Il était désormais si rare de voir le travail du Département apprécié à sa juste valeur qu’il ne put retenir un sourire heureux de prendre place sur ses traits. Les gens, dans une inconstance bien propre de l’être humain, se plaignaient en effet toujours du manque d’efficacité des Aurors, mal préparés, sous équipés et ayant – selon eux – toujours un train de retard sur les dangers affectant la société mais, de l’autre côté, la moindre augmentation des effectifs supposant une hausse conséquente du budget de la Chambre et donc des impôts leur donnait de l’urticaire. Non, il fallait que le Siège de la Défense fasse des miracles avec les moyens minimaux. Et, surtout, qu’il ne leur vienne pas à l’idée de se plaindre de leur situation ! Ainsi, si, habituellement, Crestian savait passer outre la stupidité ambiante, se voir reconnu de temps à autres, qui plus est par quelqu’un dont il avait découvert toute la valeur durant la soirée de la veille signifiait beaucoup pour lui. Il aurait par conséquent voulu le faire savoir à son compagnon mais, son incapacité à exprimer ses sentiments fit de nouveau son apparition et il dut se contenter d’un retour d’ascenseur sincèrement pensé.
-Votre intervention s’est également révélée décisive. Pour un civil non entraîné à faire face à des situations de danger, je dois avouer que votre sens pratique m’a impressionné. Bon nombre se seraient complètement décomposés s’ils avaient été à votre place.
Non pas qu’il supposât qu’Aïlin s’était senti dans son élément face au carnage mais, il avait néanmoins été agréablement surpris par la rapidité d’action de l’Alchimiste. Instinct de survie, intelligence supérieure ou pure chance, quoiqu’il en fût son aide avait été plus que bienvenue. Même si le prix qu’il avait eu à payer avait été élevé. Rien de profondément handicapant mais cela n’impliquait pas pour autant que Crestian enviait sa situation. Loin de là. Il comprit donc parfaitement lorsqu’Aïlin prit congé de lui pour aller rassurer ses proches. Lui rendant son salut, il l’assura de sa propre volonté de poursuivre leur échange à une date ultérieure puis prit de nouveau la direction du Manoir. Il était désormais temps d’arrêter de se mentir à lui-même sur son état de fatigue et de s’adonner au sommeil réparateur dont ses parents lui avaient tant vanté les mérites. Demain apporterait son lot de nouveaux soucis bien assez tôt. D’ici là, il avait rendez-vous avec ses draps.
The end
Auror
Que vois-tu…?
Messages : 732Date d'inscription : 08/07/2013
Age : 33
Habitat : Appartement à Londres
Parchemin Magique
Classe: Sorcier Spécialiste
Branche: Haute-Magie
Spécialité(s): Métamorphose
|
|