Pensine d'Alceste par Ven 3 Jan - 18:56
« Tiens toi tranquille, tu me rends nerveuse ! Ah ! Et cesse de gigoter dans mon cou, tu me chatouilles... On va finir par te voir... !
— Si tu me laissais sortir hors de ma cache, nous serions toutes deux mieux !
— Personne ne doit te voir, Mërae. Tu as voulu venir, tu es là, mais ne te montres pas, à moins que tu saches te transformer en crapaud. »
Le Serpent siffla son mécontentement en retournant se lover sans les plis de la robe de sa jeune compagne. Celle-ci attendait, les mains liées devant le ventre, ses grands yeux gris fixés sur le tabouret où défilaient des dizaines et des dizaines de têtes blondes, toutes de son âge ou à peine plus jeunes. Un garçon à côté d'elle avait tourné la tête vers elle, l'air suspicieux.
« Qu'était-ce que cela ?
— Rien, je me parlais à moi-même.
— Tu as une drôle de façon de parler, j'ai eu l'impression que tu sifflais.
— J'ai inventé un langage secret afin que les imbéciles de votre genre ne comprennent pas un mot de ce que je raconte. C'est une façon d'avoir la paix, mais manifestement, c'est raté. »
Le garçon fronça le nez, vexé par la répartie glacé du petit brin de femme qui se tenait à côté de lui.
« Alceste Lestrange ! »
L'enfant eut un sursaut nerveux et releva le nez alors que son cœur s'emballait dans sa poitrine. Elle n'aurait pas imaginé que ce rituel, par lequel tout sorcier passait, l'aurait tant angoissée. Elle mieux que la plupart de tous les enfants présents dans la Grande Salle méritait l'attention du Choixpeau, pourtant, elle appréhendait le jugement de celui-ci. Il serait irrévocable et elle devrait s'y plier, prenant comme vérité absolue ce que lui chuchoterait l'artefact enchanté dans l'intimité de son esprit. Pendant une seconde, Alceste eut la sensation que son pied ne se lèverait jamais du sol, mais sa jambe finit par lui obéir et elle marcha d'un pas raide, mesuré, jusqu'au tabouret où elle devrait s'assoir. L'œil sévère du directeur-adjoint suivit sa progression. Le sorcier posa le Choixpeau sur son crâne lorsqu'elle fut installée et aussitôt, la voix éraillée de l'étrange chapeau résonna dans sa tête. Elle se crispa instinctivement.
« Ah ! Une nouvelle Lestrange ! Je vois, je vois... Tu as toutes les qualités que recherche ton illustre ancêtre, Salazar Serpentard ! Tu es jeune, mais tu vois grand, déjà, n'est-ce pas ? Tu deviendras une grande sorcière, tant que tu restes sur les traces de Serpentard ! »
Une foule de jeunes gens attablés applaudirent allègrement et Alceste se rendit compte que le nom de Salazar n'avait pas seulement été prononcé dans sa tête. Un sourire fier rehaussa ses joues pâles et elle sauta du tabouret pour retrouver le sol, abandonnant derrière elle le Choixpeau pour rejoindre la table de sa Maison. Elle était déçue, cependant. Elle aurait pensé que le Choixpeau se serait davantage attardé sur son cas, et elle regrettait de ne l'avoir entendu parler davantage de sa personnalité. Qui mieux que ce chapeau magique aurait pu lui révéler les secrets de son âme, deviner, à travers les méandres de son esprits, ses secrets ? S'était-il, finalement, seulement contenté de l'envoyer à Serpentard comme il l'avait fait pour tous ses ancêtres ? Une pointe de dépit marquait son visage, qu'un élève plus âgé remarqua. Son regard dur et sévère l'observa un moment, puis il se pencha vers elle.
« Tu es déçue ? demanda-t-il sur le ton du reproche.
Alceste tourna les yeux vers son aîné et rougit sous son regard. Son visage, peu harmonieux, avait pourtant quelque chose de royal, de supérieur et elle se sentit petite à côté de lui. Cependant, ce fut avec hauteur qu'elle répondit :
— Non, rien ne peut me rendre plus fière que de suivre le chemin de mes pères, et des pères de mes pères. Aucun Lestrange digne de ce nom n'irait dans une autre Maison que celle de Salazar. ...Je pensais seulement que le Choixpeau me parlerait davantage.
— Qu'y aurait-il à dire d'un petit bout de sorcière comme toi ? Tu es une Lestrange, mais cela ne fait pas quelqu'un de toi. »
Les yeux d'Alceste s'arrondirent de surprise. Personne n'avait jamais osé lui parler sur ce ton et elle en était si choquée qu'elle n'eut pas la présence d'esprit d'en éprouver de la colère. Elle demeura seulement stupéfaite, à le regarder sans mot dire. Alceste en était tout bonnement incapable. Le jeune homme eut un rapide rictus puis se détourna, sans plus s'occuper d'elle. Ses paroles demeuraient encore gravées dans ses pensées, tournant et tournant encore, quand le banquet de bienvenue fut servi.
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Re: Pensine d'Alceste par Jeu 16 Jan - 7:21
« Mërae… ! Mërae ! Viens s'il-te-plaît, je n'ai pas le droit d'être ici… Pourquoi tu ne reviens pas ? Je croyais que nous étions amis, comment peux-tu trahir cela ? …Mërae !
— Shhh, silence sorcière. J'entends quelqu'un. Il m'appelle.
— C'est moi qui t'appelle ! Reviens maintenant ! »
Alceste s'immobilisa, cherchant le serpent sur le sol, en vain. Il faisait sombre dans les couloirs désertés de l'aile droite et le maigre lumos que diffusait sa baguette magique ne lui permettait pas de voir à plus de cinq pas devant elle.
« Mërae… » murmura-t-elle d'une voix plus suppliante. Puis, voyant qu'elle n'obtenait aucune réponse, elle tapa du pied, furieuse de voir son serpent lui fausser compagnie et lui désobéir sans vergogne. Jamais cela n'était arrivé avant ce soir. Il semblait que l'école ne chamboulait pas seulement les habitudes de la jeune Lestrange, mais aussi l'état d'esprit de sa – jusqu'alors – plus fidèle compagne. Son père le lui avait pourtant suffisamment dit : il était si aisé d'être fidèle lorsqu'aucune opportunité ne remettait en cause cette fidélité et les avantages qu'il y avait à l'être.
Eh bien, si sa première et unique amie trahissait sa confiance, elle s'en trouverait une autre. À présent qu'elle était à Poudlard, les occasions ne manqueraient plus. Peut-être, même, s'offrirait-elle la sympathie d'une sorcière plutôt que d'un reptile ? Elle n'était pas sûre d'y trouver la même loyauté, quand bien même la loyauté d'un serpent était très relative. La preuve en était.
La jeune fille s’emmitoufla dans sa cape noire et fit demi-tour. Le couvre-feu était déjà dépassé d'une bonne heure et elle craignait les mauvaises rencontres. Elle n'avait pourtant pas fait cinq mètres qu'elle l'entendit à son tour.
Ce n'était d'abord qu'un long sifflement inintelligible, semblant retentir pour capter l'ouïe de tous les reptiles alentour. Puis ce furent des phrases et des ordres, lancés d'une voix rauque et tranchante, dont la sonorité fit trembler Alceste. Des injonctions dépourvues du moindre mot intelligible, et qui pourtant avaient une signification très nette ; celle-ci vibrait dans son âme. Le cœur battant, elle se figea tandis que l'ombre repoussée par sa baguette bougeait soudain, puis se déformait en quatre longs filaments noirs. Ceux-ci ondulèrent sur le sol pierreux, sans craindre le halo blanc libéré par l'arme de l'enfant, passant sur ses pieds avec une indifférence totale. Les serpents étaient comme hypnotisés par cette voix impérieuse, impériale. Ils ne pouvaient contrevenir à l'appel. Alceste non plus. Alors, d'un pas lent, le souffle court, elle se dirigea elle aussi vers la voix.
« Nox. »
Des sorciers approchaient. La jeune Lestrange se précipita dans une alcôve et s'accroupit derrière une statue. En quelques instants, les pas vinrent battre le sol devant l'effigie et elle n'osa plus même respirer, immobile. L'envie de savoir qui s'acheminait ainsi dans les couloir à cette heure avancée était irrésistible cependant. Elle ne put s'en empêcher et tourna la tête, tapie, agenouillée pour ne pas se faire remarquer des quatre serpents qui suivaient l'homme et ses deux acolytes.
Son regard s'arrondit de surprise et d'outrage, lorsqu'elle reconnu Mërae, quelques mètres derrière les quatre autres. Elle n'osa pas l'appeler, ni faire un mouvement. Elle ne voulait pas que le fils Gaunt l'entende. Que lui ferait-il, s'il la voyait là, à l'espionner ? L'apprenti sorcière n'avait pas envie de le savoir. Cependant, elle ne comptait pas laisser Mërae changer d'allégeance. Qu'avait cet Arnald de plus qu'elle, après tout ? Pourquoi méritait-il mieux l'attention qu'elle ? Elle aussi parlait aux serpents. Elle savait d'ailleurs ce que cela signifiait, on le répétait bien assez dans toutes les nobles familles au sang véritablement pur. Les filles qui naissaient fourchelang étaient mariées aux cousins Gaunt, et il n'y avait aucune exception à la règle. C'était la raison pour laquelle elle restait figée, les observant bifurquer à un embranchement de couloir sans oser utiliser la langue des Serpents.
Les pas s'éloignèrent. Le souffle court, le cœur battant, Alceste sortit de sa cachette et se précipita, à pas feutrés, n'osant touchant le sol des talons, dans la direction où elle avait vu disparaître la queue de Mërae.
Les sifflements avaient repris de plus belle, permettant à la jeune fille de ralentir le pas et garder ses distances. Guidée par les murmures mélodieux des reptiles, elle s'avançait dans l'obscurité, la baguette tendue, prête aussi bien à se défendre qu'à se cacher si la situation l'exigeait.
« Il est là, Maître. Nous l'avons trouvé.
— Nott, Carrow, suivez mes serpents et ramenez-le moi ici. »
Des torches éclairaient maintenant le couloir et, bientôt, la jeune Lestrange devina la haute silhouette d'Arnald lui tournant le dos. Son cœur rata un battement et elle se terra aussitôt derrière le mur qu'elle venait de dépasser. Ainsi recroquevillée, elle passa lentement la tête par-delà le mur.
Elle ne devait pas se trouver là, elle le sentait. Il allait se produire quelque chose et elle avait le sentiment qu'il valait mieux qu'elle ne sache pas quoi. Pourtant, elle ne pouvait pas se résigner à changer d'idée. Elle voulait récupérer Mërae et, à présent, la curiosité venait s'ajouter à son désir. Ses grands yeux gris se levèrent une nouvelle fois en direction de la nuque de l'héritier Gaunt. Il était grand, ses épaules carrées, imposantes. Elle savait sa nuque épaisse, son cou aussi musculeux que le reste de son corps, sous le voile de ses longs cheveux noirs. Même de dos, Arnald impressionnait. Alceste frissonna, serrant une pierre du mur entre ses doigts fins d'enfant. La curiosité était un vilain défaut. Elle allait le regretter.
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Re: Pensine d'Alceste par Jeu 16 Jan - 8:16
« Mërae… » commença Alceste, très bas, pour ne pas se faire entendre d'Arnald. Hélas, il se retourna si soudainement qu'un sursaut secoua le corps de la jeune fille, tandis qu'elle rabattait la tête à l'intérieur de sa cachette.
« Qui a parlé ? Montre-toi ! »
Alceste entendit le pas d'Arnald Gaunt retentir dans le couloir. Elle les sentait s'approcher avec horreur, le cœur douloureux de battre aussi fort.
« C'est moi, Monseigneur Gaunt. Je vous ai entendu.
— Mërae, est-ce ton nom ?
— Oui, Messire.
— Tu es une jolie vipère… Veux-tu aider un fils de Salazar, Serpent ?
— Ce serait un honneur.
— Veille à ce que personne n'approche ce couloir. Préviens-moi si qui que ce soit approche. Nul ne doit savoir ce qu'il va se passer ici ce soir. Va, et fais bien ton travail. »
De longues secondes s'écoulèrent, interminables, jusqu'à ce qu'Alceste devine Mërae venir à sa rencontre. Le regard aveugle du serpent se tourna vers elle et sa langue fourcha dans sa direction, alors que la jeune fille n'osait plus même respirer, tremblant des pieds à la tête. Mais, lorsque son amie passa devant elle dans un parfait silence, ses poumons se relâchèrent avec soulagement. Si elle n'avait pas craint d'être découverte, la jeune Lestrange aurait ri : sa meilleure amie ne l'avait pas trahie.
La jeune sorcière n'eut pas l'occasion de s'attarder plus longtemps sur son soulagement. L'instant d'après, des pas précipités, des sifflements excités et le frottement d'une masse que l'on traîne sur le sol pavé encombrèrent son ouïe, brisant outrageusement le silence profond qui s'était installé. Puis ce furent des bruits de respiration, ponctué d'un rire rauque et satisfait. Avec mille précautions, Alceste tourna la tête, observant d'abord du coin de l'œil.
Nott et Carrow traînait un garçon jusque Arnald comme l'on aurait traîné un sac de pommes de terre. La tête du jeune sorcier, à peine soutenu entre les deux Serpentard, dodelinait sur sa poitrine et il se rebellait vaguement. Du sang coulait de sa tempe et il aurait fallut être sot pour ne pas deviner qu'il avait subi un sortilège de massue en plein sur le crâne. Un bruit de tissu lourd et de choc rude accompagna la chute du garçon, lorsque les deux acolytes du fils Gaunt jetèrent l'individu à ses pieds.
« Revigor. »
Le jeune homme se redressa brutalement sur ses bras et même d'ici, Lestrange n'eut aucun mal à deviner son angoisse. Avant qu'il n'ait pu se relever, un coup de pied lui atterrit en plein visage et il s'écroula dans un grognement de douleur, face contre terre.
« Maudit fils de bourbe ! Je t'avais dit de t'écraser tel le chien que tu es ! »
Le jeune homme se redressa de nouveau, une lueur fière dans le regard.
« Jamais je ne m'écraserai devant toi, Arnald. Tu règnes peut-être sur Serpentard, mais pas sur Gryffondor. »
Arnald se pencha d'un mouvement rageur, attrapa le Gryffondor par le col de sa robe de sorcier et lui cracha au visage. L'autre n'esquissa pas un mouvement, quand bien même la salive du Serpentard coulait le long de sa joue.
« Tu es fier, hein ? Je vais te la faire perdre, cette fierté, comme tu m'as fait perdre l'insigne de préfet pour l'année prochaine.
— Un crime est un crime, Gaunt. Franchement, tu aurais mérité pire que ça pour ce que tu as fait.
— Quant à toi, il va te passer le goût de la délation, je te le garantis. Crois-moi, tu vas vivre le reste de ta pitoyable existence à ruminer ton insensée et crétine bravade !
— Ah, c'est sûr, à trois contre un… Quoi, Gaunt, tu as peur de te faire battre par un Mutmag ? D'un coup de croc je te croque, maudit serpent ! »
Alceste frissonna lorsqu'elle vit Arnald relâcher le sang-de-bourbe et faire signe aux deux autres de tourner les talons. Dans un silence digne de vassaux, ils obtempérèrent.
« Tu as raison. Nous sommes plus libres sans témoin. Endoloris ! »
Elle ne l'avait même pas vu sortir sa baguette et se recroquevilla dans un mouvement de surprise mêlé de peur, lorsqu'elle vit le sort jaillir de la baguette du Serpentard et heurter le Gryffondor de plein fouet. Bien que celui-ci avait trouvé le temps de sortir sa propre arme, il n'avait pas eu la rapidité de mouvement nécessaire pour parer le sort. Pris d'un énorme spasme, il s'échoua sur le dos et convulsa, la bouche ouverte, les yeux exorbités. Un début de hurlement sortit d'entre ses lèvres, mais Gaunt agita sa baguette une nouvelle fois et plus aucun son n'échappa de la gorge du Rouge et Or.
Dix secondes, trente secondes, une minute. Le doloris ne semblait pas finir et le visage de la victime prenait l'exacte réplique de la couleur de son blason. Carmin et boursoufflé. Ses veines gonflaient, violacées, sur ses tempes. La souffrance devait être atroce, d'autant plus insoutenable qu'il ne pouvait pas l'exprimer, ni même supplier. La jeune fille ne pouvait pas détourner le regard de la scène. Pas même lorsqu'Arnald leva sa baguette, clôturant le maléfice d'un grognement satisfait.
« Finite ! »
Les sons s'échappèrent de nouveau de la bouche du jeune homme qui se traîna jusqu'au mur, gémissant et haletant.
« D'un coup de croc je te détruis, maudit fils de bourbe. …Les autres sont pour le plaisir. »
Un premier éclair jaillit de l'arme d'Arnald, puis les sorts tombèrent les uns après les autres sous le regard hypnotisé, fasciné, d'Alceste Lestrange.
Ce fut seulement quand un silence mortel tomba sur le couloir qu'elle réalisa qu'elle aurait dû fuir depuis longtemps. Alors, tremblante, elle se dressa sur ses jambes tandis que l'héritier de Salazar disparaissait à l'opposé du couloir. Sa silhouette mourut dans l'obscurité. Il laissait derrière lui, pour seule trace de son passage, le corps ravagé du Gryffondor.
Les jambes de la fourchelang flageolaient sous elle tandis qu'elle observait ce simili cadavre qui bougeait encore vaguement. Mais aussi soudainement qu'elles avaient disparu, ses forces lui revinrent, éveillées par la peur d'être surprise devant le corps du garçon. Elle prit la fuite sans un regard en arrière, sans un scrupule.
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Re: Pensine d'Alceste par Jeu 22 Jan - 23:17
Le rai pâle d'un soleil automnal frappait le rideau immaculé du baldaquin. Songeuse, Alceste l'observait s'écouler jusqu'à se trouver arrêté par l'obstacle de tissu, derrière lequel on ne devinait plus rien. Mais la jeune sorcière savait ce qu'il y avait au-delà de ce mur de tissu. Elle savait quel effroyable visage dévasté se trouvait là, car elle se le remémorait parfaitement en souvenir.
Des cernes aussi grises que ses yeux vieillissaient son jeune visage. Elle n'avait presque pas fermé l'œil depuis trois nuits. Les scènes sanglantes auxquelles elle avait assisté la hantait dès qu'elle osait fermer les yeux.
Un pas ferme et décidé, provenant de derrière elle, la fit sursauter. Instinctivement, elle se redressa, cessant de se soutenir de l'épaule au chambranle de la porte. Trop droite pour paraître naturelle, elle fit face à la personne qui venait. Son cœur rata un battement lorsqu'elle découvrit le visage bestial d'Arnald.
Un rictus méprisant barrait sa bouche repoussante. Cette bouche qu'un jour, elle devrait embrasser. Il l'ignorait, lui, mais elle le savait, et ce savoir la glaçait d'effroi.
« Qu'est-ce que tu regardes ? demanda-t-il. Dans sa voix, Alceste découvrit une fureur mal contenue. La peur emballa son cœur mais elle ne put contrôler le regard qu'elle tourna vers le lit occupé.
- Rien, Monseigneur. »
Arnald s'avança, la dépassa. Enfouissant ses mains dans les poches de sa majestueuse robe de sorcier, il s'arrêta sur le pas de la porte et regarda le lit à son tour.
« Il commence à se murmurer des choses, dans la salle commune… Des choses étonnantes, au sujet d'une petite fille de sang-pur qui veillerait un sang-de-bourbe.
- Je ne le veille pas ! se défendit Alceste, d'un ton qui ne trahissait pas la peur qu'elle ressentait à ce moment précis.
- Alors qu'est-ce que tu fais ici, à errer près de l'infirmerie de bon matin, et à t'attarder à ses portes le soir venu ? »
Alceste ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Elle ne savait pas répondre à cette question. Elle ne connaissait pas la réponse.
« C'est bien ce qui me semblait… Sale petite traîtresse. Comment peux-tu trahir ton sang, ton nom et te regarder dans un miroir ?!
- Je ne suis pas une traîtresse ! Je ne le veille pas ! Je me fiche de son sort ! rétorqua-t-elle avec toute la force de sa conviction. Ses yeux, agrandis par l'effroi, fixaient Arnald avec intensité. Celui-ci s'approcha subitement d'elle et elle se recula, instinctivement.
- Alors que fais-tu là ?
- Je l'ai vu. »
La réponse lui était venue avant qu'elle ne réfléchisse. Déjà, elle regrettait. Son cœur battait désormais à tout rompre tandis qu'Arnald la jaugeait d'un air à la fois interrogateur et inquisiteur.
« J'ai vu ce qu'il s'est passé… » murmura-t-elle d'un souffle, sans pouvoir contrôler ses mots.
Des mots qui eurent l'effet de figer net l'imposant sorcier. Il la fixait désormais avec un mélange de surprise et de colère. L'enfant déglutit, sentant soudain le mur froid retenir son nouveau mouvement de recul. Si elle avait le menton affaissé vers sa poitrine, elle n'osait cependant détacher le regard de son opposant.
« Tu n'as rien vu ! Rien, tu m'entends ? »
Étrangement, voir Arnald déstabilisé la rasséréna.
« Vous ne pouvez pas décider de ce que j'ai vu ou non. Le fait est que j'étais là. J'ai tout vu. Et je ne dirai rien à personne, il a mérité par sa seule naissance ce qui lui est arrivé. »
Arnald ne bougea pas d'un pouce. Il l'observa, longuement, ayant l'air d'hésiter entre la fureur et la résignation. Mais un sorcier de cet acabit ne se résignait pas. D'un mouvement brusque, il l'attrapa à la gorge et acheva de la coller contre le mur. Alceste porta ses mains au poignet qui la maintenait prisonnière, dans un glapissement étranglé.
« Et tu fais bien. Je t'interdis de répéter à quiconque ce que tu as vu. Si des rumeurs venaient à courir, je t'en tiendrai responsable et je te jure que ma vengeance sera au-delà de toute menace. »
Une éternité sembla s'écouler. Alceste acquiesça, incapable de répondre de vive voix tant la poigne qui la maintenait en place l'étouffait. Rouge et suffocante, elle ouvrit les lèvres pour tenter de promettre, mais seul un marmonnement étranglé franchit ses lèvres. Finalement, Arnald la lâcha. Un sourire cruel déformait maintenant sa bouche. Cruel et satisfait.
« Ça t'a plu ? »
Devant le silence contrit de la jeune fille, Arnald se redressa en rajustant le col de sa cape.
« Le spectacle qu'il t'a offert. Ça t'a plu, c'est pour ça que tu reviens ici en espérant apercevoir encore son visage. Ton silence te rend complice et tu aimes ça. Tu reviens te délecter de sa souffrance car à ta façon, tu y as participé ? Mais je te l'ai dis, tu n'es rien. Ce n'est pas une complicité accidentelle qui te fera devenir digne de ton nom. Tu n'as rien accompli, ce n'est pas ton œuvre. Je ne veux plus te revoir ici ou tu le paiera. »
Ses vociférations laissèrent Alceste stupéfaite. Éperdue, elle regarda le descendant de Salazar s'en aller d'un pas royal. Quelques mètres plus loin, deux silhouettes l'attendaient. À son signe de la main, elles se détournèrent et lui enchaînèrent le pas lorsque sa voix ferme décréta : « On s'en va. »
Lorsqu'enfin, les trois sorciers disparurent au détour d'un couloir, Alceste laissa les tremblements qu'elle contenait jusqu'alors s'emparer de tout son corps. Encore une fois, les mots d'Arnald se mirent à la hanter, sans qu'elle ne put savoir s'ils étaient vrais ou non. Car à la vérité, elle ignorait parfaitement ce qu'elle ressentait. Elle ne savait pas ce qui la poussait à tenter d'apercevoir le visage du Gryffondor. Elle n'avait même jamais imaginé que cela puisse être pour la raison que venait de lui donner le Serpentard.
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Re: Pensine d'Alceste par Dim 1 Fév - 22:37
La nuit était tombée depuis longtemps mais Alceste était toujours assise dans la salle commune, les genoux rabattus sous son menton alors qu'installée à même la moquette, elle regardait pensivement le feu de cheminée brûler. L'heure était si tardive que plus aucun Serpentard ne rôdait alentour. En tout cas, pas ici.
Pourtant, un chuchotis suivit d'un frottement feutré contre le tapis attira l'attention de l'apprentie sorcière. Sortant de sa torpeur, elle tourna la tête pour découvrir presque aussitôt Meraë venir à elle. Son visage fermé se fendit d'un sourire, aussitôt disparu. Alors que la vipère s'attendait à voir sa maîtresse lui tendre le bras, elle la sentit détourner la tête, pour ne plus la regarder.
« Pourquoi tu m'ignores ? Aurais-je fais quelque chose qui mérite ta colère ?
- Sshhhh », fit Alceste, pour toute réponse. Elle posa un index sur sa bouche, signe qu'elle ne voulait plus rien entendre.
Surprise, la vipère demeura immobile, seule sa langue fourchant à l'adresse de son amie sorcière. Puis, finalement, elle s'approcha pour s'enrouler sur sa cheville.
« Qu'est-ce que c'est que ça, « Sshhhh » ? Tu m'en veux pour la dernière fois, c'est ça ? Je n'avais pas le choix, et je ne t'ai pas trahi, tu le sais non ? »
Alceste ferma les yeux, sentant la nervosité emballer son cœur à mesure que le serpent parlait. Si Arnald passait par là... S'il entendait la vipère lui parler, alors il saurait.
« Tu n'as rien fait, déclara précipitamment la jeune fille. Tu es mon amie et je ne t'en veux pas, mais je ne peux plus te parler et tu ne peux plus me parler. S'il-te-plaît, vas-t-en. »
La vipère fourcha de la langue dans sa direction et Alceste la sentit totalement interdite. Avec un soupir à fendre l'âme, elle détourna la tête pour ne plus regarder le serpent.
« Pourquoi, sorcière ? Pourquoi me rejettes-tu soudain ? Ne sommes-nous pas amies ?
- Si nous sommes amies, alors tu dois m'oublier. Si Arnald m'entend te parler, je l'épouserai, tu comprends ?
- Et tu ne veux pas ? Tu ne veux pas être la maîtresse des serpents ?
- Si ! Non... Je ne sais pas, mais il est bien plus âgé, et... il est... Oh Meraë, j'ai l'impression qu'il pourrait me tuer. Il me fait peur et... et il est moche ! Rien que de penser à... Par Morgane, s'il m'entend... Ça suffit, il ne faut plus que je parle fourchelang, sinon je suis condamnée à… »
Un bruit de pas, étouffé par un tapis, fit bondir Alceste. Paniquée, elle se retourna vivement, tandis que le serpent filait se cacher sous le fauteuil près duquel elles se trouvaient toutes deux. Le cœur battant, Alceste leva les yeux sur la personne qui venait de la surprendre. C'était une jeune fille, aux yeux d'une intense profondeur et aux cheveux de jais.
« Cathleen… »
La jeune Black se pencha vers sa puînée et lui tendit la main, que la fourchelang hésita à prendre.
« Tu es Alceste Lestrange, c'est bien ça ? »
La première année n'osa pas répondre. Et si Cathleen Black l'avait entendue et allait donner son nom à Arnald ? C'était trop tard, de toute façon… Si la jeune Black l'avait entendu et voulait servir Gaunt, il n'était qu'une question d'heures avant que celui-ci apprenne la vérité. Car, lui, connaissait son nom. Et manifestement, Cathleen avait eu assez de perspicacité pour la reconnaître.
Le rire cristallin de Cathleen brisa le silence contrit.
« N'aies pas peur Alceste, je ne vais pas te manger. Je ne vais pas non plus courir pour crier aux quatre coins du château ce que j'ai entendu.
- Je n'ai pas peur. Et qu'est-ce que tu as bien pu entendre ? rétorqua Alceste, un brin agressive. Cathleen, surprise, haussa les sourcils avant d'arborer un sourire en coin, profondément amusé.
« Oh, tu sais, une Lestrange parler le fourchelang ? Soyons franches, posséder ce pouvoir est l'espoir autant que la plus grande crainte des jeunes femmes de notre rang. Mais une chose est sûre, aucune de nous n'aurait envie d'avoir Arnald comme mari. …Tu vas la prendre, cette main que je te tends ? »
Alceste observa Cathleen avec de grands yeux, le souffle coupé. Finalement, elle posa lentement sa main dans celle de son aînée et se releva tandis que celle-ci l'y aidait.
« Comment tu peux savoir que je ne voudrais pas, moi ?
- Ça s'est vu à ton air paniqué. Tu as cru que c'était lui. Hélas, ma chère, tu ne pourras pas échapper à ton destin, à moins de te couper la langue.
- Je ne veux pas échapper à mon destin... Ce serait de la trahison...
- À d'autres, Alceste. Nous voulons toutes échapper à notre destin. Surtout quand notre destin s'appelle Arnald Gaunt. »
Face aux mots raisonnés de son aînée, Alceste céda. Sa main tremblante vint reculer le col de sa cape et elle tendit le cou, montrant les marques bleutées des doigts d'Arnald sur sa peau blanche.
« Voilà ce qu'il m'a fait hier. Il a cru que je trahissais les miens en me souciant de cet imbécile de Gryffondor qui séjourne à l'infirmerie. Il ne m'aime pas, je crois même qu'il me déteste. Que me fera-t-il quand il saura ? Je t'en prie, ne lui dis rien… »
Un soupir échappa à la jeune Black. Elle passa la main dans ses longs cheveux noirs et s'installa, élégante, féminine, dans le fauteuil près de la cheminée. Aussitôt qu'Alceste remarqua la beauté de son interlocutrice, elle se sentit petite, inférieure. Rougissante, elle baissa les yeux.
« Je te l'ai dis, je ne répéterai rien de ce que j'ai entendu. Je crois que tu n'as pas compris, cependant, alors permets moi de t'éclairer. Il ne te déteste pas, il garde un œil sur toi car il s'intéresse à ta personne.
- Pourquoi ?
- Voyons, tout le monde sait que les Lestrange sont les mieux placés pour offrir aux Gaunt ce qu'ils veulent.
- Alors il n'y aura personne d'autre, aucune autre fille plus âgée pour me libérer de ce fardeau ?
- C'est sur cela que tu comptes ? Oh, n'espère surtout pas cela et prépares-toi plutôt à ton avenir. Ton don est rare, trop rare pour qu'il naisse ailleurs que dans ta famille, en-dehors des Gaunt. Cela est arrivé, bien sûr, mais très rarement. »
Alceste acquiesça lentement, l'air sombre. Elle n'avait pas le choix et le savait depuis le début, mais l'entendre était douloureux. La grande Serpentard se leva de son siège et Alceste la suivit du regard, avant de murmurer la question qui lui brûlait les lèvres :
« Pourquoi fais-tu ça pour moi ? »
En retour, un sourire ourla les jolies lèvres de Cathleen :
« Nous sommes Serpentard toutes les deux. Nous sommes de la même famille. Si ne nous aidons pas entre nous, qui nous aidera ? Et puis... ajouta-t-elle en se détournant à demi, sans lâcher Alceste des yeux pour autant : tu es la future lady Gaunt ! »
Avec une petite courbette doublée d'un sourire malicieux, Cathleen prit congé de la plus jeune. Celle-ci la suivit du regard, jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans les escaliers menant aux dortoirs. Bizarrement, elle n'avait pas besoin de plus de preuves pour lui faire confiance. Un sourire se dessina sur son visage et elle se baissa pour récupérer son serpent. Sans échanger un mot, elles montèrent à leur tour jusqu'à leur dortoir, le cœur plus léger d'avoir trouvé une alliée.
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Re: Pensine d'Alceste par Sam 2 Mai - 19:53
Les cloches de Poudlard sonnèrent une mélodie joyeuse pour bien des élèves de Poudlard. Elle signifiait la fin d'une journée éprouvante d'enseignement, pour la plupart en tout cas. Car en cet agréable mois de Mai, elle signifiait, pour les plus âgés, le début des révisions en vue du passage des BUSE. La jeune sorcière n'était pas dans ce cas, mais l'une de ses alliées, sa seule véritable amie, elle, l'était. C'était alors avec un certain ennui que la fourchelang quitta les cachots où elle avait séjourné deux heures, son chaudron retenu à son bras, ses nombreux grimoires entreposés au-dedans. Pour elle, ces quelques heures de libre avant le dîner étaient souvent d'un mortel ennui. Côtoyer ses pairs l'indisposait plus qu'autre chose, elle n'en supportait, pour la plupart, guère la vue. Mërae était, avec Cathleen, sa seule amie, sa seule égale. D'ailleurs, celle-ci fila entre ses jambes à l'instant où le souvenir de ses douces et froides écailles revenaient à l'esprit de la jeune fille.
« Et si nous allions profiter du soleil ? La chaleur me manque, après tout ce temps passé à t'attendre au-dehors. » siffla le serpent.
D'un geste doux, Alceste se baissa aussitôt et tendit sa main vers Mërae, qui s'enroula à son poignet avant de se laisser déposer dans le chaudron où elle demeura cachée, jusqu'à ce qu'elles se trouvent un coin de soleil au-dehors.
Le parc était presque désert, malgré le climat ayant décidé de se montrer clément. Confortablement adossée contre le tronc d'un arbre, Alceste sortit un manuel de potions de son chaudron tandis que Mërae filait trouver le coin le plus chaud de leur nid. Ses écailles brillaient au soleil tandis que la pâleur diaphane d'Alceste irradiait sous les reflets de l'astre. Toutes deux profitaient du peu de temps qu'elles pouvaient passer ensemble, en toute discrétion. C'était devenu un rituel. Un rituel que la jeune sorcière chérissait plus que tout.
Ce jour-là ne fut pas pourtant l'un de ces jours paisibles. Bientôt, de violents éclats de voix perturbèrent les deux compères, leur faisant dresser la tête dans un même mouvement.
Des silhouettes apparurent quelques mètres plus loin, aux abords du lac. Alceste le reconnut immédiatement. Son cœur fit un saut dans sa poitrine tandis que tout son corps se raidissait. Figée, elle ne laissa se mouvoir que ses yeux et ceux-là dérivèrent sur la seconde silhouette, moins impressionnante et méconnue de la sorcière. Un impur, certainement. Alceste soupira de dédain en se replongeant dans son livre.
Un hurlement. Alceste ne releva pas les yeux, mais la voix malicieuse de son serpent la tira de sa lecture.
« Ton promis est en train de faire une bêtise…
- Je n'en ai que faire, chuchota Alceste en retour.
- Mais s'il le tue, c'est toute votre famille qui en paiera le tribut. »
Alceste ferma sèchement son livre, la colère montant maintenant jusqu'à sa poitrine, pour l'en gonfler entièrement. À présent, Arnald était accroupi au bord du lac, maintenant l'autre sorcier la tête sous l'eau, à ce qu'elle en devinait. Un tremblement s'empara de tout le corps de la jeune fille et elle se leva.
« Ça suffit. Arnald, lâchez-le ! »
L'invective eut l'avantage de surprendre le sorcier. Il s'était manifestement crû seul, mais voilà qu'une petite sorcière, digne, excessivement fière, le toisait comme s'il n'était qu'un de ces méprisables subalternes au sang dépourvu de noblesse. La fureur passa en éclair dans son regard, mais Alceste s'interdit de reculer. Elle n'avait pas le droit de le craindre. Elle n'en avait plus le droit, désormais. Elle lui cachait son don, mais elle ne pouvait se cacher la vérité. Un jour, elle ne pourrait plus fuir son destin, bien qu'elle espérait encore y faire face le plus tard possible.
La victime d'Arnald émergea la tête de l'eau en suffocant. Profitant de l'interlude, il rampa, cherchant à s'éloigner des deux sang-pur.
« Comment oses-tu me défier ?
- Qu'auriez-vous répondu si un autre que moi vous avait surpris ? Vous mettez votre avenir en danger. Avec lui, celui de toute notre famille. Vous n'en avez pas le droit.
- Sale petite vermine traître à ton sang, je vais t'apprendre à protéger la bourbe sous de faux prétextes ! »
La colère alliée à l'angoisse qui pulsait dans le corps frêle de la jeune fille explosa, injectant ses yeux gris de sang. Plus vive qu'elle ne s'en serait cru capable, elle pointa sa baguette sur Arnald au moment où il se levait, proche de lui bondir dessus.
« Je vous interdis de me parler de cette façon ! » siffla-t-elle.
Arnald se figea dans son geste. Son regard, profond, fixateur, aussi noir que son cœur, la jaugea comme s'il la découvrait pour la première fois. Pourquoi les mots qu'elle avait prononcés avaient-ils eut tant d'effet sur l'homme ? Son visage perdit le peu de couleurs qu'il possédait lorsque le rire rauque du sorcier percuta ses tympans.
« Voilà donc le cœur du mystère, et par-là même le visage de ma promise… Un visage bien trop fier, pour ces traits de poupée. »
Le poing serré d'Arnald se détendit, sa main s'ouvrit, allant offrir sa paume glaciale à la joue tiède de la jeune fille. Alceste ne respira plus, son intellect se noya dans l'effroi comme le garçon à leurs côtés avait manqué de le faire dans les eaux noires du lac. Mais alors que l'ancienne proie d'Arnald s'enfuyait, l'intellect revint à Alceste. Ils avaient parlé fourchelang. Elle ne s'en était pas même rendu compte.
« Ce sont de bien belles paroles pour une sorcière qui a caché au principal concerné un destin commun. »
Un court silence passa, pendant lequel Alceste s'empêcha de déglutir.
« Je ne vous l'ai pas caché, la preuve étant que je vous parle fourchelang en ce moment même. Je voulais être sûre que vous me méritiez, mais finalement, je constate que ce n'est pas le cas. Vous ne réfléchissez pas à vos actes. »
Se retirant sèchement de l'emprise d'Arnald Gaunt, la jeune sorcière lui tourna le dos et planta là le Sang-Pur, ne s'arrêtant dans sa fuite camouflée que pour récupérer son chaudron et Mërae. Puis, lorsque cela fut fait, elle accéléra le pas tout en conservant autant que possible sa dignité. Mais pourtant, son cœur battait douloureusement, et elle sentait ses yeux humides. Ses lèvres étaient serrées, tandis qu'elle craignait plus que tout qu'Arnald parte à sa poursuite. Pis encore, qu'il la punisse pour l'audace dont elle venait de faire preuve. Mais il ne vint pas, et la jeune Lestrange put s'enfermer dans son dortoir, où elle s'effondra sur son lit, se laissant, enfin, aller aux larmes.
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Re: Pensine d'Alceste par Sam 4 Fév - 16:02
Cet été 1642 fut aussi épouvantable pour Alceste que ses dernières semaines à l’école de Sorcellerie. Elle ne put se réjouir longtemps de ses retrouvailles avec son petit frère Lugus. L’ambiance au domaine Lestrange avait radicalement changé. Il y avait, dans les yeux de son cadet, une admiration empreinte de fierté qu’elle ne retrouva pas dans le regard de ses parents.
Le soir-même de son retour, Hemera Lestrange était venue interrompre ses jeux avec son petit frère pour l’emmener jusqu’à la bibliothèque familiale. Là, Hemera avait défilé dans les rayonnages, retirant de leur étage livre après livre. Alceste reconnut l’un d’eux entre mille. Il s’agissait de l’historique complet de leur généalogie.
« Sais-tu combien il y a eu de fourchelangs chez les Lestrange, sur ces dix dernières générations ? demanda la matriarche sans se retourner.
— Oui, mère.
— Et tu sais, n’est-ce pas, combien il y en a eu chez les Selwyn ?
— Aucun.
— Précisément. »
Hemera se retourna, un livre entre les mains. Elle adressa un regard sévère à sa fille, avant de reprendre la parole :
« Tu me mets dans une situation très délicate, Alceste. Shauna pense que j’ai caché ton don au reste de la famille. Elle ne m’a jamais fait confiance et je suis persuadée que si elle le pouvait, elle te refuserait pour bru.
— Mais je suis une Lestrange !
— Une demi Lestrange, corrigea Hemera. Tu es aussi une Selwyn aux yeux de Shauna, et elle ne porte pas ce nom dans son cœur depuis que ton père l’a préféré à celui des Beurk.
— Je ne comprends pas, sa sœur a trouvé un bon parti chez les Carrow.
— Pas autant que s’il avait s’agit d’un Lestrange. Shauna n’a aucune idée de ce qu’est le sentiment amoureux. Elle est intimement persuadée que j’ai manipulé la famille Lestrange, que je suis une espionne des Selwyn et qu’un philtre d’amour empoisonne l’esprit de ton père. Elle te voit déjà comme une ennemie. Pourquoi ne m’as-tu rien dit de ton don ? Ne me fais pas croire que tu l’as découvert seulement à Poudlard, Lady Gaunt m’a rapporté ce que tu as eu la bêtise de dire à son fils. »
Alceste baissa les yeux. Elle se sentait pâlir sous le regard inquisiteur de sa mère, qui maintenant approchait.
« Regarde-moi quand je te parle, Alceste. »
Comme elle ne relevait pas les yeux, Hemera attrapa le menton de l’enfant et la força à redresser la tête.
« Pourquoi m’as-tu caché ton don ?
— …Je ne sais pas, murmura Alceste après un moment de silence.
— Si tu me l’avais dit, on aurait pu agir autrement. J’aurais pu te protéger. Ton père aurait préparé Shauna à digérer la nouvelle, mais là, je ne peux plus rien faire pour toi. Tu t’es exposée toute seule à cette harpie en laissant ta famille à l’écart de tes secrets. Combien de fois te l’ai-je pourtant dit ? La famille est ce qui compte le plus au monde. Il n’y a qu’en elle que tu peux avoir confiance.
— Si la famille compte tellement, pourquoi les Selwyn n’ont-ils jamais mis les pieds ici ? »
Hemera s’empourpra, puis envoya une telle gifle à sa fille que celle-ci perdit l’équilibre. Elle se rattrapa maladroitement à la table sur laquelle étaient posés les livres et, saisie par la douleur, resta prostrée, la joue en feu.
« Tu pars demain chez les Gaunt. Shauna veut s’occuper personnellement de ton éducation. En attendant, tu as de la lecture. Je te conseille de réviser ton histoire et celle de leur famille si tu ne veux pas que cette femme passe de tyran à ennemie mortelle. »
Hemera passa à côté de sa fille sans plus la regarder. Lorsque la porte de la bibliothèque claqua derrière elle, la boule qui crispait les entrailles d’Alceste explosa, et elle éclata en sanglots. Elle pleura, ce soir-là, comme elle n’avait jamais pleuré de sa vie.
Les bougies avaient toutes fondu sur la table quand la porte de la bibliothèque grinça. Se redressant, Alceste tourna la tête pour voir apparaître sa mère sur le pas de la porte. Au premier regard, la jeune fille sut que la fureur de la veille l’avait quitté. Elle affichait un visage à la fois surpris et désolé en découvrant sa fille à l’endroit où elle l’avait laissée, une pile de livres à sa droite et un dernier ouvert devant elle. Des cernes alourdissaient ses yeux rougis et ses cheveux étaient tout emmêlés d’avoir tant passé sa main dedans.
Hemera s’approcha et, d’un geste las, ferma Fils et Filles de Serpentard, l’ouvrage qui retraçait assidûment la généalogie du plus illustre ancêtre de la jeune fille.
« Pardonne-moi, je t’ai punie trop durement. J’aurais dû profiter de cette soirée pour te parler des choses de la vie et de l’amour plutôt que de passer sur toi ma frustration de voir Shauna me voler ma fille si tôt. Hélas, une soirée n’aurait pas suffi, et il est trop tard maintenant.
— Je sais l’essentiel, n’est-ce pas important ? J’ai retenu les coutumes pré-nuptiales, le pacte de sang et le reste. Lady Gaunt n’aura rien à me reprocher.
— Sauf le fait d’être une enfant et non une femme, répondit sa mère en retenant un soupir. Alceste, tu ne sais rien de ce que cela signifie. Tu ne sais rien de l’essentiel…
— Quoi ? L’amour ? C’est sans importance, cela ne me concernera pas moi…
— L’amour nous concerne tous un jour ou l’autre, Alcy. Il faudrait avoir un cœur bien glacé pour ne jamais céder à ses douceurs.
— Moi, je n’y cèderai jamais, rétorqua Alceste avec hauteur.
— Tu es bien trop jeune pour faire pareille promesse. Je te souhaite, d’ailleurs, d’aimer Arnald comme j’aime ton père. Cela faciliterait beaucoup tes devoirs d’épouse. »
L’apprentie sorcière baissa les yeux. Arnald, son époux. C’était inéluctable, et pourtant, elle avait l’impression d’être plongée dans un drôle de rêve duquel elle allait finir par se réveiller. Comment pourrait-elle réussir à l’aimer ? Ils n’avaient en commun que leur sang, et c’était bien là le seul point qu’ils partageaient.
« Je tâcherai de l’aimer ainsi. » conclut la jeune fille, avant de se lever de sa chaise sans regarder sa mère.
Sous l’œil circonspect de cette dernière, elle fit une légère révérence et prit congé d’elle, pour se préparer à être reçue chez les Gaunt.
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